Bon de visite : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04902

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Bon de visite : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04902
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04902 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUPG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2020 -Juge des contentieux de la protection de Paris – RG n° 19/007045

APPELANTE

Madame [M] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Pedro CROS RAMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1647

INTIMEE

E.P.I.C. [Localité 5] HABITAT OPH Agissant poursuites et diligences de ses dirigeants domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD – WEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0128 substituée à l’audience par Me Lorraine LE GUISQUET, même cabinet, même toque

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

François LEPLAT, président de chambre

Anne-Laure MEANO, président assesseur

Aurore DOCQUINCOURT, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 30 août 2018, [Localité 5]-Habitat OPH a donné à bail à Mme [M] [R], un logement désigné au contrat comme étant de type T4, n°193657, d’une surface de 69,02 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2].

Par acte d’huissier du 8 mars 2019, [Localité 5]-Habitat a assigné Mme [M] [R] devant le tribunal d’instance de Paris en résiliation judiciaire du bail, à raison de son comportement fautif consistant à refuser de réintégrer l’appartement pour lequel le bail a été initialement conclu, expulsion et condamnation à payer une indemnité d’occupation.

Par jugement contradictoire entrepris du 14 janvier 2020 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :

Dit que Mme [M] [R] occupe indûment l’appartement de type T5, n°193656, d’une surface de 94,73 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] ;

Prononce la ‘résolution’ judiciaire du bail du 30 août 2018, conclu entre Paris-Habitat et Mme [M] [R], pour le logement de type T4, n° 193657, d’une surface de 69,02 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] ;

Ordonne l’expulsion de Mme [M] [R], au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier, comme celle de tous occupants de son chef, des lieux effectivement occupés situés au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l’article L412 -1 du code des procédures civiles d’exécution ;

Dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L433 – 1 et suivants du même code ;

Fixe l’indemnité d’occupation mensuelle due par Mme [M] [R], à compter de la résiliation, à 1.030,79 euros (indexation annuelle incluse) et la condamne à payer à [Localité 5]-Habitat cette indemnité jusqu’au départ effectif des lieux de tout bien de toute personne de son chef et la remise des clés ;

Condamne Mme [M] [R] à payer 12.368,28 euros à [Localité 5]-Habitat, en réparation du préjudice subi du fait de l’occupation indue d’un appartement de type T5 ;

Déboute Mme [M] [R] de ses demandes ;

Condamne Mme [M] [R] à payer 1.000 euros à [Localité 5]-Habitat, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Condamne Mme [M] [R] aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 8 mars 2020 par Mme [M] [R] ;

Vu les dernières écritures remises au greffe le 17 août 2022 par lesquelles Mme [M] [R], appelante, demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu le 14 janvier 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il :

-Dit que Mme [M] [R] occupe indûment l’appartement de type T5, n°193656, d’une surface de 94,73 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] ;

-Prononce la résolution judiciaire du bail du 30 août 2018, conclu entre [Localité 5]-Habitat et Mme [M] [R], pour le logement de type T4, n°193657, d’une surface de 69,02 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] ;

-Ordonne l’expulsion de Mme [M] [R], avec l’aide de la force publique et d’un serrurier, et celle de tous occupants de son chef, des lieux sis au 5ème étage, escalier 11, [Adresse 2], deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

-Dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants du même code ;

-Fixe l’indemnité d’occupation mensuelle due par Mme [M] [R] à compter de la résiliation à 1 030,79 C (indexation annuelle incluse) et la condamne à payer à [Localité 5]-Habitat OPH cette indemnité, jusqu’au départ effectif des lieux de tout bien et de toute personne de son chef et remise des clés ;

-Condamne Mme [M] [R] à payer 12 368,28 C à [Localité 5]-Habitat en réparation du préjudice subi du fait de l’occupation indue d’un appartement de type T5 ;

-Déboute Madame [M] [R] de ses demandes ;

-Condamne Mme [M] [R] à payer 1 000 euros à [Localité 5]-Habitat en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Ordonne l’exécution provisoire ;

-Condamne Mme [M] [R] aux dépens ;

Et, statuant à nouveau :

Juger qu’un contrat de bail de droit privé s’est valablement formé entre Mme [M] [R] et [Localité 5]-Habitat OPH dès le 30 août 2018 du fait de l’accord sur la chose visitée (appartement T5 au 5ème étage, escalier 11, du [Adresse 2]) et sur le prix, de ses visites préalables et de la remise des clefs par [Localité 5]-Habitat OPH ;

Juger l’erreur de [Localité 5]-Habitat OPH inexcusable ;

Ecarter tout prétendu dol indûment imputé à Mme [M] [R] par [Localité 5]-Habitat OPH ;

Juger quoi qu’il en soit que Mme [M] [R] et [Localité 5]-Habitat OPH ont exécuté le contrat formé le 30 août 2018 et, partant, ratifié et confirmé celui-ci ;

Enjoindre à [Localité 5]-Habitat OPH de régulariser par écrit un bail conforme à l’accord intervenu avec Mme [M] [R] le 30 août 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, qui courra pendant 3 mois ;

Juger qu’à défaut de régularisation dans les conditions précitées, l’arrêt à intervenir tiendra lieu et vaudra bail, aux conditions spécifiées dans celui-ci ;

Enjoindre à [Localité 5]-Habitat OPH d’intervenir auprès de la CAF pour faire rétablir les droits de Mme [M] [R] à l’allocation logement, rétroactivement à partir du mois d’avril 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

A titre subsidiaire :

Annuler le contrat écrit du 31 août 2018 portant sur l’appartement T4 du fait de l’erreur provoquée par [Localité 5]-Habitat OPH et aux torts exclusifs de cette dernière ;

Juger que [Localité 5]-Habitat OPH ne peut s’en prendre qu’à elle-même et ne peut réclamer une quelconque somme à ce titre à Mme [M] [R] ;

Condamner [Localité 5]-Habitat OPH à restituer à Mme [M] [R] les loyers et charges perçus au titre de l’appartement T4 inoccupé, outre les taxes, intérêts au taux légal en sus ;

Ordonner à due concurrence la compensation entre les sommes correspondantes et toute indemnité d’occupation mise à la charge de Mme [M] [R] concernant l’appartement T5 ;

Condamner [Localité 5]-Habitat OPH à verser à Mme [M] [R] 20 000 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

Concéder à Mme [M] [R] les plus larges délais pour quitter l’appartement T5 ;

En toute hypothèse :

Condamner [Localité 5]-Habitat OPH à verser à Mme [M] [R] 15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice de jouissance ;

Condamner [Localité 5]-Habitat OPH à verser à Mme [M] [R] 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures remises au greffe le 15 juin 2022 au terme desquelles [Localité 5]-Habitat OPH, intimé, demande à la cour de :

Débouter Mme [M] [R] de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

Les dire non fondées ;

A titre principal,

Confirmer le Jugement entrepris en ce qu’il a dit que Mme [M] [R] occupe indûment l’appartement de type T5, n°193656, d’une surface de 94,73 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résolution judiciaire du bail du 30 août 2018, conclu entre [Localité 5]-Habitat et Mme [M] [R], pour le logement de type T4, n°193657, d’une surface de 69,02 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que Mme [M] [R] commet une faute dolosive lors de l’exécution du contrat de bail du 30 août 2018, conclu entre [Localité 5]-Habitat et Mme [M] [R], pour le logement de type T4, n°193657, d’une surface de 69,02 m², situé au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2] et que ce dernier doit être résilié ;

En tout état de cause :

Confirmer le Jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’expulsion de Mme [M] [R], au besoin avec l’aide de la force publique et d’un serrurier, comme celle de tous occupants de son chef, des lieux effectivement occupés situés au cinquième étage, escalier 11, [Adresse 2], deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants du même code ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation mensuelle due par Mme [M] [R] à compter de la résiliation du bail à 1 030,79 euros (indexation annuelle incluse) et la condamne à payer à [Localité 5]-Habitat cette indemnité, jusqu’au départ effectif des lieux de tout bien et de toute personne de son chef et remise des clés, la dette s’élevant, au 14 juin 2022, à la somme de 22 672,32 euros, sauf mémoire, somme à laquelle Mme [M] [R] sera condamnée à régler ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [M] [R] à payer à [Localité 5]-Habitat des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’occupation indue d’un appartement de type T5, lesdits dommages-intérêts s’élevant à la somme de 12 368,28 euros, somme actualisée à 46 385,55 euros à la date de rédaction des présentes le préjudice subi perdurant ;

En tout état de cause :

Condamner Mme [M] [R] à payer la somme de 1 500 euros à [Localité 5]-Habitat en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [M] [R] aux dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont déposées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation judiciaire du bail du 30 août 2018

Il est constant que le bail écrit et signé par les parties le 30 août 2018 porte sur un appartement de type T4 de 69,09 m², pour un loyer de 751,63 euros par mois provision pour charges comprises et que Mme [R] a en réalité emménagé dans un appartement situé sur le même pallier mais qui est un T5 de 94,73 m².

Mme [R] ayant refusé de quitter cet appartement pour rejoindre le T4, [Localité 5]-Habitat a demandé la résiliation judiciaire du bail portant sur un appartement qui de fait n’est pas occupé par la locataire ; le premier juge a accueilli cette demande.

En substance, Mme [R] demande l’infirmation du jugement en faisant valoir qu’elle est de bonne foi, que la bailleresse l’a laissée entrer dans les lieux et n’a pas cherché à contester son occupation pendant des mois ; elle demande donc à titre principal la régularisation d’un bail portant sur le T5 sur lequel elle soutient qu’en réalité portait le consentement des parties et, subsidiairement, elle demande l’annulation du bail écrit aux torts exclusif de la bailleresse dont l’erreur est inexcusable.

L’article 1103 du code civil dispose que ‘les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’.

Aux termes de l’article 1104, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; cette disposition est d’ordre public.

L’article 1193 dispose que ‘Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.’

C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, laquelle ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge, après avoir rappelé les dispositions légales précitées, a retenu en substance que :

-le bail du 30 août 2018 vise un appartement de type T4, de 69,09 m², situé au cinquième étage, escalier 11, n°193657, [Adresse 2] pour un loyer de 751,63 euros par mois, provisions pour charges incluses, que le décompte de surface joint au bail et également signé par la locataire est conforme à la surface indiquée dans le bail, que cette description correspond en outre à celle figurant dans le bon de visite du 23 juillet 2018; que le numéro de la porte indiqué au bail est le 759;

-l’appartement effectivement occupé depuis le 31 août 2018 est certes situé sous le numéro de porte 759, mais comporte cinq pièces, à la même adresse et sur le même palier, que sa surface est de 94,73 m² et le loyer prévu par [Localité 5]-Habitat de 1.030,79 euros; que cet appartement n’est pas celui décrit dans le contrat de bail;

-l’accord des parties a ainsi porté sur l’appartement T4 tel que décrit ci-dessus pour un loyer de 751,63 euros par mois, provisions pour charges incluses, peu important ce qui n’est qu’une erreur matérielle de numérotation de la porte palière (759 au lieu de 758) ce point étant un élément non déterminant de la volonté des parties ;

-cette erreur matérielle de numéro de porte a conduit le bailleur a laisser emménager la locataire dans l’appartement qui n’est pas celui objet du contrat ;

– en refusant de réintégrer l’appartement de quatre pièces désignées dans le contrat de bail qu’elle a signé et en préférant rester dans un lieu plus spacieux tout en payant un loyer de 751,63 euros prévu pour le T4, Mme [R] exécute son contrat de mauvaise foi ce qui a pour effet de priver une famille du bénéfice d’un appartement de cinq pièces

Le jugement entrepris conclut que ce manquement grave justifie la résiliation judiciaire du bail du 30 août 2018 et que Mme [R] occupe sans droit ni titre le logement précité de taille T5 et doit être expulsée.

L’appelante soutient cependant que le comportement de la bailleresse lors de la formation du contrat était sans équivoque en faveur de la décision de louer l’appartement T5 à Mme [R] puisqu’elle l’a laissée s’y installer.

Elle fait valoir en outre qu’un bail verbal portant sur l’appartement T5 s’est en tout état de cause substitué au bail écrit du fait de l’accord des parties et car la bailleresse aurait exécuté volontairement le bail verbal allégué et aurait renoncé à se prévaloir du bail écrit.

L’article 1113 du code civil dispose que ‘Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.

Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.’

En l’espèce, la formation du contrat n’est affectée d’aucune équivoque, le bail signé étant parfaitement clair. Il convient de rappeler que l’article 3 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, qui est d’ordre public prévoit non seulement que le contrat de location est établi par écrit, mais qu’en outre il respecte un contrat type défini, précisant notamment la consistance et la surface habitable du logement loué et le loyer, ce qui permet notamment d’établir les éléments essentiels de l’accord des parties.

En tout état de cause, il convient de souligner que si Mme [R] soutient n’avoir visité que l’appartement T5, de sorte qu’elle n’aurait donné son accord que pour celui-ci, cela ne résulte pas des pièces produites, le bon de visite portant sur l’appartement T4, comme cela a déjà été indiqué plus haut.

De plus, il convient de relever, à l’instar du premier juge, qu’il résulte des éléments du dossier que Mme [R] a présenté en juillet 2018 une demande de logement social au motif que son logement actuel, loué auprès de la RIVP, d’une surface de 100 m² et de 5 pièces, était trop grand et trop cher et qu’elle souhaitait un appartement de type T3 pour un loyer maximum provision pour charges comprise de 750 euros ; que le logement litigieux effectivement occupé ne correspond pas à la demande qu’elle avait formée mais bien aux caractéristiques du logement dont elle a obtenu l’attribution et figurant au bail signé.

Pour sa part, la bailleresse a constaté l’erreur sur le logement occupé à l’occasion d’une visite sur les lieux de la gérante du site, le 12 septembre 2018, soit très peu de temps après l’emménagement de la locataire, ainsi qu’il résulte du courrier adressé dès le 4 octobre 2018 à Mme [R], par lettres simple et recommandée avec accusé de réception; ce courrier avise Mme [R] de ce qu’elle doit libérer l’appartement occupé par erreur, ce logement de cinq pièces ayant par ailleurs été attribué à une autre famille. Ce courrier précise en outre que, lors de la visite du 12 septembre, il a bien été indiqué à l’intéressée qu’il y avait une erreur sur le logement à occuper, ce que celle-ci a admis en refusant néanmoins de déménager.

Par la suite ont eu lieu des échanges suivants entre [Localité 5]-Habitat et le conseil de Mme [R] :

– par lettre du 29 octobre 2018, le conseil de Mme [R] indique à [Localité 5]-Habitat que l’intéressée refuse de quitter les lieux, qu’elle considère occuper légalement, précise qu’étant chargée d’une famille nombreuse elle ‘n’aurait jamais envisagé de déménager pour l’appartement dans lequel vous la mettez en demeure d’avoir à emménager : la configuration de ce quatre pièces ne permettant pas le logement des quatre grands enfants vivant encore avec elle’; la cour observe que cette déclaration est contredite tant par la demande de logement social de Mme [R], décrite plus haut, que par les stipulations du bail qu’elle a signé ;

-par lettre du 3 décembre 2018, [Localité 5]-Habitat OPH rappelle au conseil de Mme [R] les termes de la demande d’un logement social de taille T4 formulé par cette dernière (soulignant que deux de ses enfants sont majeurs, étant âgés de 21 et 23 ans), indique que la commission d’attribution des logements lui a proposé le logement litigieux de quatre pièces et qui correspond à sa demande tant en ce qui concerne le nombre de pièces que le montant du loyer; il admet une erreur ‘fort regrettable’ tenant à une interversion des numéros de portes palières par l’entreprise qui avait été chargée de travaux dans cet immeuble, offre de prendre en charge le déménagement de Mme [R] dans le logement objet du bail écrit et rappelle la nécessité de libérer les lieux pour qu’ils puissent être loués à une autre famille.

[Localité 5]-Habitat produit par ailleurs un bon de visite du 26 novembre 2018 prévue dans l’appartement de type T5, occupé par Mme [R], par une famille susceptible d’obtenir l’autorisation de la commission d’attribution des logements et ce ‘à la libération effective des lieux’.

Enfin, la bailleresse a appelé les loyers prévus au contrat de bail précité et non ceux normalement dus pour le T5.

Il résulte de ces éléments que [Localité 5]-Habitat n’a pas ‘ratifié’ ni exécuté volontairement un bail verbal portant sur le logement T5 et s’est au contraire constamment opposé à la poursuite de l’occupation de celui-ci par Mme [R].

Les demandes de l’appelante visant à constater l’existence d’un bail verbal sur l’appartement T5, à enjoindre aux parties de régulariser par écrit un bail conforme à l’accord allégué et à enjoindre [Localité 5]-Habitat OPH ‘d’intervenir auprès de la CAF pour faire rétablir les droits de Mme [M] [R] à l’allocation logement, rétroactivement à partir du mois d’avril 2019″, ne peuvent donc qu’être rejetées.

Subsidiairement, Mme [R] invoque la nullité du contrat de bail du 30 août 2018 en raison de l’erreur inexcusable du bailleur sur le logement devant être occupé par elle et critique le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du bail.

L’article 1178 du code civil dispose:

‘Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.

Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra contractuelle’.

Il résulte cependant de l’ensemble des éléments du dossier et des motifs précédents qu’aucune irrégularité n’affecte les conditions de validité du contrat, qui ne comporte pas d’erreur, a fortiori inexcusable, justifiant d’accueillir cette demande visant à faire constater la nullité du bail.

La demande de Mme [R] en ‘restitution des loyers payés au titre de l’appartement T4 inoccupé’ sera en conséquence également rejetée; à toutes fins utiles la cour ajoute que Mme [R] ne saurait se faire grief d’avoir payé le loyer d’un T4 en occupant un T5 et ce jusqu’au jugement entrepris, qui l’a condamnée ensuite à payer des indemnité d’occupation correspondant au loyer qui auraient été dûs si un bail avait été conclu au titre de l’occupation du T5.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du bail du 30 août 2018 portant sur l’appartement de type T4 n°193657, pour manquement grave de la locataire qui a refusé de l’occuper et dit que Mme [R] occupe sans droit ni titre l’appartement de type T5, n°193656, ordonné son expulsion, statué sur le sort des meubles et condamné Mme [R] au versement d’une indemnité d’occupation à hauteur de 1.030,79 euros mensuels jusqu’à libération effective des lieux.

Sur la demande de dommages-intérêts de [Localité 5]-Habitat

Le premier juge a considéré que Mme [R] avait causé un préjudice à la famille qui n’a pas pu disposer du logement social T5 occupé illégalement, et au bailleur en ce qu’il n’a pas pu percevoir les loyers du logement T5 par la faute de Mme [R] ; il a condamné cette dernière à payer à [Localité 5]-Habitat, à titre de dommages-intérêts, la somme de 12.368,28 euros, sur la base du loyer dû en principe pour le T5 (1030,63 euros x 12 mois).

Mme [R] demande l’infirmation du jugement en faisant valoir qu’elle s’est acquittée régulièrement de ses loyers, sur la base du loyer convenu dans le bail écrit, et que l’indisponibilité du logement T5 résulte en tout état de cause également de l’erreur commise par la bailleresse.

Paris-Habitat demande la confirmation du jugement avec ‘actualisation de la somme due à 46.385,55 euros’.

Mme [R] a causé un préjudice à [Localité 5]-Habitat en persistant à se maintenir dans un appartement qui n’est pas celui objet du bail, ce qu’elle savait pertinemment puisqu’elle occupait un logement de 5 pièces après avoir signé un bail portant sur un logement de 4 pièces et en payant le loyer du T4 ; elle a empêché de ce fait le bailleur de percevoir les loyers correspondants au T5, d’un montant de 1.030,63 euros mensuels, et ce pendant plusieurs mois, jusqu’à fixation de l’ indemnité d’occupation adéquate par le jugement entrepris, confirmé sur ce point ; cette occupation contrevient en outre aux règles d’attribution des logements sociaux.

Toutefois, la bailleresse, qui est un professionnel, est pour partie responsable de son propre préjudice en ce qu’elle a laissé Mme [R] s’installer dans un appartement qui n’était pas celui objet du bail.

Au vu de ces éléments, Mme [R] sera condamnée à payer à [Localité 5]-Habitat la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages-intérêts de Mme [R]

Mme [R] formule deux demandes de dommages-intérêts distinctes.

En premier lieu, elle demande la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la faute de la bailleresse, faisant valoir qu’elle se retrouve actuellement dans un logement dont la valeur locative est supérieure à celle prévue à l’origine et qu’elle va être contrainte à quitter son habitation actuelle avec sa famille, ce qui est une source d’inquiétude et de stress.

Toutefois, il résulte des éléments précités que le préjudice invoqué par Mme [R], à le supposer constitué, lui est imputable puisqu’elle est entrée et s’est maintenue en toute connaissance de cause dans un logement qui ne correspondait visiblement pas au bail qu’elle avait signé, ni aux règles d’attribution des logements sociaux.

En outre elle a refusé de réintégrer le logement visé au bail, alors même que la bailleresse offrait de payer son déménagement.

Elle a ainsi occupé jusqu’au jugement entrepris, soit pendant presque un an et demi, un appartement de cinq pièces pour lequel elle a versé un loyer correspondant à un appartement de quatre pièces.

Elle ne démontre enfin pas avoir fait de démarches auprès du bailleur social pour pouvoir quitter le logement litigieux et bénéficier d’un autre logement ; à cet égard, elle soutient que le logement de quatre pièces qui lui a été proposé par [Localité 5]-Habitat en avril 2022, dans le même quartier et pour un loyer similaire, n’était pas acceptable, et produit des photographies d’un logement dégradé qui ne permettent aucune contextualisation objective et ne sont donc pas probantes, le bailleur indiquant pour sa part que des travaux de rénovation étaient en tout état de cause prévus.

Mme [R] ne démontre donc pas l’existence d’un préjudice causé par le bailleur et qui justifierait la condamnation de celui-ci à lui verser des dommages-intérêts.

Cette demande sera donc rejetée.

En second lieu, Mme [R] invoque, comme devant le premier juge, des troubles de jouissance, tenant notamment à des dégâts des eaux et à des problèmes de chauffage qu’elle aurait subis en permanence dans le logement effectivement occupé ; sa demande de 3.000 euros devant le premier juge est portée devant la cour à la somme de 15.000 euros de dommages- intérêts.

Mme [R] est cependant mal fondée à invoquer le préjudice résultant prétendument du défaut de respect par le bailleur de ses obligations s’agissant d’un logement qu’elle occupe sans titre et en méconnaissance de ses propres obligations contractuelles.

En tout état de cause, c’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, laquelle ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a retenu en substance que la réalité des désordres allégués ou leur imputabilité au bailleur n’étaient pas démontrées.

La cour ajoute que le courrier de [Localité 5]-Habitat du 19 novembre 2019, qui annonce une intervention en réponse au courrier du 10 novembre 2019 par lequel Mme [R] lui avait signalé un dysfonctionnement du chauffage, et l’affiche relative aux opérations de désourisation produits par l’appelante démontrent que le bailleur a rempli son obligation d’entretien.

Le constat amiable de dégâts des eaux du 28 décembre 2020 ne permet pas d’établir, contrairement à ce qu’elle soutient, que la fuite alors constatée perdure.

Par ailleurs, Mme [R] invoque à l’appui de sa demande de dommages-intérêts le fait que [Localité 5]-Habitat lui aurait fait perdre son aide au logement ; mais il résulte du courrier adressé par la caisse d’allocations familiales à Mme [R] le 30 avril 2020 qu’aucune demande d’aide au logement correspondant au logement réellement occupé n’a été transmise et ne peut être traitée et qu’il appartient à l’intéressée de transmettre les décisions de justice rendues dans le cadre de la présente affaire et les justificatifs du logement occupé, permettant d’examiner son droit à ces aides.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de réparation formée au titre du préjudice de jouissance invoqué.

Sur la dette locative invoquée par [Localité 5]-Habitat

S’agissant de l’indemnité d’occupation fixée par le premier juge, ce chef de dispositif étant confirmé par la cour, ainsi qu’il a été décidé plus haut, [Localité 5]-Habitat demande à la cour de condamner Mme [R] à lui payer un arriéré de 22.672,32 euros actualisé au 14 juin 2022.

Il résulte du décompte produit, étant relevé que Mme [R] ne conteste pas la mention des paiements mensuels incomplets apparaissant dans ce document, que le solde précité est établi en prenant en compte la condamnation prononcée par le jugement entrepris à des dommages-intérêts de 12.368,28 euros; cette condamnation est cependant non seulement sans rapport avec la dette de loyers et d’indemnités d’occupation mais en outre elle n’est pas confirmée par le présent arrêt; elle doit donc être retirée du solde de la dette alléguée.

Mme [R] sera donc condamnée à payer à [Localité 5]-Habitat la somme de 10.304 euros au titre de l’arriéré locatif actualisé au 14 juin 2022 (soit 22.672,32 euros – 12.368,28 euros).

Sur la demande de délais d’expulsion

Mme [R] sollicite ‘les plus larges délais pour quitter l’appartement T5″ sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil ; Paris-Habitat demande la confirmation du jugement qui a ordonné l’expulsion dans le délai de deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux prévu par l’article L.412 -1 du code des procédures civiles d’exécution.

L’article 1343-5 précité ne porte pas sur les délais d’expulsion mais sur les délais de paiement, qui ne sont en l’espèce ni demandés ni argumentés dans les conclusions.

Il résulte des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution que le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder des délais de trois mois à trois ans chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, en tenant compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Au vu des éléments du dossier et notamment de ce que Mme [R] n’établit pas quelles démarches elle a faites en vue de son relogement et de ce qu’elle a d’ores et déjà bénéficié des délais de la procédure, sa demande de délai d’expulsion au delà du délai de deux mois prévu à l’article L. 412-1 du code précité, selon lequel si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement de quitter les lieux, sera donc rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné Mme [M] [R] à payer 12.368,28 euros à [Localité 5]-Habitat OPH en réparation du préjudice subi de fait de l’occupation indue d’un appartement de type T5;

Et statuant à nouveau,

Condamne Mme [M] [R] à payer à [Localité 5]-Habitat OPH la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts;

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Et y ajoutant,

Condamne Mme [M] [R] à payer à [Localité 5]-Habitat OPH la somme de 10.304 euros au titre de l’arriéré locatif, arrêtée au 14 juin 2022,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel,

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière Le Président

 


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