Bio : 28 avril 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/11632

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Bio : 28 avril 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/11632
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/161

N° RG 21/11632 –

N° Portalis DBVB-V-B7F-BH43J

S.A.R.L. TERRES ET TRADITIONS

C/

[D] [U]

Etablissement Public L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE ( INPI)

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me Sébastien BADIE

SARL TERRES ET TRADITIONS

M. [U]

INPI

PROCUREUR GENERAL

Décision déférée à la Cour :

Décision de Monsieur le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle en date du 02 Juillet 2021, enregistrée sous le n° OPP20-2873.

DEMANDERESSE

S.A.R.L. TERRES ET TRADITIONS, représentée par son gérant Monsieur [N] [W], en sa qualité de dirigeant, dont le siège social est sis Le Moulin – 04330 SAINT-LIONS

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DEFENDEURS

Monsieur [D] [U]

demeurant La Tour du Puy – 05300 RIBIERS

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Sabine LIPOVETSKY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI) pris en la personne de son Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège, sis 15 rue des Minimes – CS 50001 – 92677 COURBEVOIE

représenté par Mme [Y] [L], en vertu d’un pouvoir général

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL, Cour d’Appel – Rue Peyresc – 13100 AIX-EN-PROVENCE

représenté par M. Pierre-Jean GAURY, Avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 Mars 2022 en audience publique.

Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Ministère Public : M. Pierre-Jean GAURY, Avocat général, lequel a été entendu en ses observations orales.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [U] a déposé auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle la marque complexe OVI le 20 décembre 2012, marque enregistrée sous le numéro 3971328, notamment en classes 1 pour désigner des engrais pour la terre.

Le 18 août 2020, monsieur [U] a formé opposition auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle à l’enregistrement du signe verbal OVIBIO déposé le 5 juin 2020 par la société TERRES ET TRADITIONS en classe 1 pour désigner les produits ‘fumier ; fertilisants ; préparations fertilisantes’.

Suivant décision en date du 2 juillet 2021, monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle a reconnu justifiée l’opposition et a en conséquence rejeté la demande d’enregistrement de la marque OVIBIO.

La société TERRES ET TRADITIONS a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 29 juillet 2021.

A l’appui de son recours, par conclusions déposées par voie électronique le 26 octobre 2021, la société TERRES ET TRADITIONS rappelle qu’un contentieux l’oppose par ailleurs à monsieur [U] du fait d’un dépôt antérieur par elle du signe OVIBIO. Elle soulève l’irrecevabilité de l’opposition pour défaut d’usage sérieux de la marque antérieure OVI, les pièces produites par monsieur [U] ne démontrant pas un usage sérieux de ce signe durant une période de cinq ans, notamment en raison de l’absence d’inscription au registre des marques du contrat de licence qui aurait été concédé à la société OVINAL DÉVELOPPEMENT et de la nature même des documents produits pour établir l’exploitation de la marque ainsi que l’absence de date certaine.

La société TERRES ET TRADITIONS ne conteste pas la similitude entre les produits désignés, mais affirme que la comparaison globale entre les signes exclut tout risque de confusion. Il se réfère en particulier à l’aspect figuratif des signes, notamment en ce qui concerne la police, la taille des lettres et leur alignement. Il relève d’importantes différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes tenant en particulier à la présence de la finale BIO, qui ne peut être analysée comme l’a fait monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle comme une séquence, mais doit être rattachée à l’ensemble du signe. Sur l’analyse conceptuelle du signe OVIBIO, elle conteste là encore que la finale BIO puisse être détachée et considérée comme se référant à la qualité biologique des produits désignés. Selon elle, le risque de confusion serait ainsi écarté, rappel étant fait en outre que les deux signes ont coexisté pendant plusieurs années. Elle se réfère enfin au public pertinent concerné, mis en présence pendant une longue période avec les deux signes. La société TERRES ET TRADITIONS demande en conséquence à la cour d’annuler la décision de monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle, de juger que l’opposition est infondée et que la marque OVIBIO peut être en conséquence enregistrée, monsieur [U] étant condamné à lui verser une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U], par conclusions déposées par voie électronique le 28 janvier 2022, soutient en premier lieu que le contrat de licence concédé à la société OVINALP DÉVELOPPEMENT a été inscrit auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle puis publié au BOPI 2021-13 et qu’en toute hypothèse seule doit être prise en compte l’exploitation effective avec l’accord du titulaire conformément aux dispositions de l’article L 714-5° du Code de la propriété intellectuelle. Il affirme que les bons de commande et factures présentées constituent bien la preuve d’un usage sérieux de la marque OVI, soit seule, soit avec l’adjonction de suffixes destinés à caractériser le produit commercialisé, adjonction n’altérant pas le caractère distinctif de la marque.

Monsieur [U] soutient que la similitude des produits est avérée et reprend l’analyse des signes telle qu’établie par monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle pour retenir un risque de confusion. Il souligne le caractère distinctif du terme OVI, contrairement au terme BIO, et relève que dans une autre décision, l’Institut National de la Propriété Industrielle a aussi retenu ce caractère distinctif dans le cadre d’une autre opposition formée à l’encontre du signe OVI4G. Selon lui, la coexistence des deux signes serait sans conséquence sur l’appréciation du risque de confusion. Enfin, monsieur [U] insiste sur le caractère déceptif que revêtirait la marque OVIBIO, insistant sur l’interdiction faite de l’utilisation du terme BIO dès lors que les produits proposés ne sont pas issus d’une production biologique.

Monsieur [U] demande en conséquence à la cour de confirmer la décision d’opposition et sollicite l’octroi d’une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle a déposé le 1er février 2022 des observations aux termes duquel il soutient que les pièces fournies par l’opposant pour établir l’usage de la marque antérieur sont recevables, l’usage ayant été autorisé tacitement par le titulaire monsieur [U], et pertinents, rappel étant fait qu’un usage du signe sous une forme modifiée est reconnu comme établi dès lors que son caractère distinctif, en l’espèce le signe OVI, n’est pas altéré.

Sur la comparaison des signes, monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle relève une similitude visuelle et phonétique entre les deux signes, ceux ci utilisant comme attaque le terme OVI, parfaitement arbitraire et affirme que le risque de confusion est établi s’agissant de désigner les mêmes produits. Il souligne enfin qu’il ne peut prendre en considération pour apprécier ce risque de confusion des circonstances d’exploitation extérieures à la procédure, soit en l’espèce la coexistence des deux signes.

A l’audience, le ministère public a conclu à la confirmation de la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le défaut d’usage de la marque OVI

L’article L 712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans est rejetée lorsque l’opposant ne peut établir que cette marque antérieure a fait l’objet, pour les produits et services sur lesquels est fondée l’opposition, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt.

En l’espèce, monsieur [U] a produit auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle puis devant la cour des bons de livraison et des factures à en tête de la société OVINALP DÉVELOPPEMENT datées de 2015 à 2020 portant sur des marchandises désignées comme des produits OVI ; le signe OVI seul apparaît sur ces documents en outre sont produits aux débats des fiches techniques établissant l’existence des produits sur le marché sur lesquelles figure le signe OVI accompagné après séparation d’un suffixe désignant l’élément constitutif principal du produit, ajout constituant une légère modification n’altérant nullement le caractère distinctif du terme principal ; monsieur [U] verse par ailleurs aux débats un contrat de licence consenti à la société OVINALP DÉVELOPPEMENT pour l’exploitation du signe OVI ; l’argument tiré par la société TERRES ET TRADITIONS de l’absence de publication de ce contrat au registre des marques apparaît dénué de pertinence pour contester l’usage sérieux du signe, l’article L 714-5 1° du Code de la propriété intellectuelle assimilant expressément à l’usage au sens d’usage sérieux prévu au premier alinéa de l’article l’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; c’est dès lors à bon droit que monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle a écarté le moyen soulevé par la société TERRES ET TRADITIONS en raison de l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure.

Sur la comparaison des signes

Dans le cadre de l’appréciation du risque éventuel de confusion entre les signes, il convient d’observer en premier lieu que les produits désignés dans l’enregistrement de la marque antérieure et dans l’acte de dépôt sont similaires, engrais pour la terre dans le premier cas, fumier, fertilisants et préparations fertilisantes dans le second.

Visuellement, le signe OVI et le signe OVIBIO ne différent que par la présence de la finale BIO, la différence de calligraphie et l’accentuation légère de la lettre O dans la marque antérieure consistant des différences minimes pouvant légitimement échapper à l’attention d’un consommateur d’attention moyenne.

Phonétiquement, là encore, la seule différence entre les deux signes réside dans l’adjonction de la finale BIO dans le signe dont l’enregistrement est sollicité.

Conceptuellement enfin, force est de constater que l’adjonction du terme BIO, fut-il rattaché à la racine OVI, renvoie le public pertinent, l’acheteur d’engrais, à l’usage qui peut être fait du produit dans l’agriculture biologique ; cette adjonction présente en conséquence un faible aspect distinctif et peut être interprétée comme une simple déclinaison du terme parfaitement distinctif d’OVI pour informer le consommateur d’un usage particulier d’une catégorie du produit vendu sous cette marque.

Il n’est pas contesté que la société TERRES ET TRADITIONS a précédemment été titulaire de la marque OVIBIO entre juin 1989 et juin 2019 et qu’en conséquence cette marque a coexisté avec la marque OVI déposée en décembre 2012, soit pendant près de sept années ; cependant, cette coexistence n’est pas de nature à modifier l’appréciation faite dans le cadre d’une opposition à l’enregistrement d’une marque, appréciation qui doit se faire au vu de la marque antérieure telle qu’enregistrée et du signe tel que déposé, sans prendre en considération des éléments liés à l’exploitation ou à l’existence d’une marque déchue ; en outre, d’une part aucun élément ne permet d’affirmer que cette coexistence a été admise par les deux parties, la société TERRES ET TRADITIONS invoquant elle-même dans ses écritures une procédure contentieuse entre les deux parties, et d’autre part qu’elle n’a pas généré de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent de l’époque.

Au vu de la similarité des produits, et de la similitude des signes au regard du seul élément véritablement distinctif et de l’impression globale par eux produits, c’est à bon droit que monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle a considéré qu’il existait un risque de confusion entre ces signes et qu’il a fait droit à l’opposition ; sa décision sera en conséquence confirmée.

Sur les demandes accessoires

La société TERRES ET TRADITIONS succombant en son recours, elle devra verser une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile à monsieur [U].

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

– CONFIRME la décision de monsieur le directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle en date du 2 juillet 2021 dans l’intégralité de ses dispositions,

Ajoutant à la décision déférée,

– CONDAMNE la société TERRES ET TRADITIONS à verser à monsieur [U] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– DIT que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe dans les formes prévues par l’article R 411-42 du Code de la propriété intellectuelle.

– MET les dépens à la charge de la société TERRES ET TRADITIONS.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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