Bijouterie : 9 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01699

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Bijouterie : 9 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/01699

9 mars 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG
22/01699

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/01699 –

N° Portalis DBVH-V-B7G-IOAO

MPF – NR

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

09 mai 2022

RG :22/00131

[N]

[N]

[N]

[N]

[S]

[S]

C/

[E]

Grosse délivrée

le 09/03/2023

à Me Emmanuelle VAJOU

à Me André PLANTEVIN

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 09 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Avignon en date du 09 Mai 2022, N°22/00131

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTS :

Monsieur [J] [N]

né le 03 Mars 1992 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Monsieur [L] [N]

né le 14 Février 1996 à [Localité 7] (84)

[Adresse 5]

[Localité 7]

Monsieur [O] [N]

né le 28 Août 2000 à [Localité 7] (84)

[Adresse 5]

[Localité 7]

Mademoiselle [B] [N]

Mineur représentée par ses parents, représentants légaux en exercice, Monsieur [F] [N] né le 13.05.1968 et Madame [Y] [C], son épouse domiciliés

née le 30 Juillet 2005 à [Localité 7] (84)

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [I] [S]

née le 14 Février 1992 à [Localité 7] (84)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Madame [P] [S]

née le 14 Mars 1996 à [Localité 7] (84)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentés par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentés par Me Nicolas OLSZAK de la SELAS OLSZAK ET LEVY, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE :

Madame [A] [E]

née le 30 Août 1978 à [Localité 7] (84)

[Localité 3]

USA

Représentée par Me André PLANTEVIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 09 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

[V] [N] est décédé à [Localité 7] le 2 juillet 2020 laissant pour lui succéder ses enfants [F] et [G], lesquels ont renoncé à la succession. La dévolution successorale s’est opérée au profit des petits enfants d'[V] [N]:

– [J] [N], [L] [N], [O] [N] et [B] [N] par représentation de leur père [F] [N],

– [I] [S] et [P] [S] par représentation de leur mère, [G] [N].

Le 1er février 2020, Maître [D] [R], notaire à [Localité 8] a établi un acte de notoriété établissant une possession d’état entre [A] [E] et [V] [N].

Par acte du 8 juillet 2021, [A] [E] a assigné les consort [N]-[S] devant le président du tribunal de judiciaire d’Avignon selon la procédure accélérée au fond aux fins de désignation d’un administrateur ayant pour mission d’effectuer l’ensemble des actes d’administration de la succession d'[V] [N] et d’établir un inventaire des biens mobiliers et immobiliers existant au moment du décès ainsi que des donations, directes et indirectes qu'[V] [N] a faites à ses enfants.

Par jugement contradictoire du 9 mai 2022, le tribunal judiciaire d’Avignon, selon la procédure accélérée au fond, a :

– désigné Maître [X] [M], administrateur judiciaire de la Serlarl AJ [M] et Associés -[Adresse 1], aux fins d’effectuer l’ensemble des actes d’administration de la succession d'[V] [N], décédé à [Localité 7] le 2 juillet 2020 et d’établir un inventaire des biens immobiliers existant au moment du décès et des donations, directes ou indirectes que [V] [N] a fait à ses enfants ;

– dit que la mission du mandataire cessera dès l’accord entre les héritiers sur les modalités du partage de la succession ;

– dit que les frais et honoraires de l’administrateur seront pris en charge à proportion égale par chacun des héritiers ;

– débouté les consorts [N] de leurs demandes et la requérante pour le surplus ;

– condamné M. [J] [N], M. [L] [N], M. [O] [N], Mlle [B] [N], représentée par ses représentants légaux Mme [Y] [C] et M. [F] [N], Mme [I] [S] et Mme [P] [S] aux dépens.

Le tribunal a débouté les défendeurs de leur demande de nullité de l’acte de notoriété au motif que les éléments versés aux débats ne permettaient pas de démontrer que les conditions de la possession d’état, telles que prévues à l’article 311-2 du code civil, n’étaient pas réunies.

Par déclaration du 16 mai 2022, les consorts [N]-[S] ont interjeté appel de cette décision.

Par avis de fixation à bref délai du 24 juin 2022, la procédure a été clôturée le 31 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 8 novembre 2022.

Par arrêt du 19 janvier 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 9 février 2023 pour communication de la procédure au ministère public conformément à l’article 425 du code de procédure civile.

Par avis du 23 janvier 2023 communiqué aux parties par Rpva le 24 janvier 2023, le ministère public a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, les consorts [N]-[S], appelants, demandent à la cour d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de:

– annuler l’acte de notoriété établi le 1er décembre 2020 par Maître [D] [R],

– ordonner la mention du dispositif de l’arrêt d’annulation à intervenir dans les registres de l’état civil et en marge de l’acte de naissance de [A] [E],

– la déclarer irrecevable en toutes ses demandes pour défaut d’intérêt et de qualité à agir,

Subsidiairement,

– rejeter au fond la demande de désignation d’un mandataire successoral,

Très subsidiairement,

– limiter la mission du mandataire à l’accomplissement d’actes d’administrations,

– limiter la durée de la mission du mandataire à la durée d’un an,

En tout état de cause,

– rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires de Mme [E], outre appel incident,

– la condamner à leur payer conjointement la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants font valoir que l’acte de notoriété est intervenu au-delà du délai prévu à l’article 317 du code civil et qu’en l’absence de réunion des conditions nécessaires à la reconnaissance de la possession d’état fixées par l’article 311-1 et 311-2 du code civil, il doit être annulé. Ils soutiennent que les éléments produits par l’intimée ne sont pas de nature à établir l’existence d’une possession d’état au sens des articles précités. La nullité de l’acte de notoriété mettant fin au lien de filiation entre leur grand-père et [A] [E], cette dernière est irrecevable en ses demandes comme étant dépourvue d’intérêt et de qualité à agir aux fins de désignation d’un mandataire successoral ainsi que le prévoient les articles 813-1 du code civil et 122 du code civil.

A titre subsidiaire, ils considèrent que [A] [E] ne démontre pas que la situation successorale justifie la désignation d’un mandataire successoral et qu’en toute hypothèse, il conviendra d’exclure de la mission du mandataire le dressage de l’inventaire comprenant les donations réalisées par [V] [N] puisque la qualification de donations ne peut être retenue que par les juges du fond. Par ailleurs, le caractère provisoire de la mission du mandataire successoral telle que défini à l’article 813-1 et suivants du code civil justifie qu’en cas dedésignation du mandataire, sa mission soit limitée à la durée d’un an.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 août 2022, [A] [E], intimée, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner les consorts [N]-[S] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée estiment que les appelants échouent à rapporter la preuve de la nullité de l’acte de notoriété et de l’absence de possession d’état d’enfant naturel, les conditions prévues aux articles 311-1 et 311-2 du code civil n’étant pas cumulatives et l’acte de notoriété étant intervenu dans le délai de 5 ans suivant le décès tel que prévu à l’article 317 du code civil.

MOTIFS :

L’article 317 du code civil, classé dans la section 3 intitulée: «  de l’étalissement de la filation par la possession d’état », dispose:

«  ‘.l’enfant peut demander que lui soit délivré un acte de notoriétéqui fera foi de la possession d’état jusqu’à preuve contraire. …La délivrance d’un acte de notoriété ne peut être demandée que dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu ».

Par acte reçu le 1er décembre 2020, Maître [D] [R], notaire à [Localité 8], a constaté que [A] [E] avait la possession d’état d’enfant naturel d'[V] [N].

Les appelants soulèvent la nullité de l’acte de notoriété au motif qu’il aurait été établi plus de cinq ans après la cessation de la possession d’état alléguée par [A] [E], laquelle n’aurait fourni au notaire que des photographies anciennes et des témoignages portant sur une période antérieure à 2008. Ils considèrent que la demande tendant à l’établissement de sa filiation était prescrite en application de l’article 317 du code civil à la date à laquelle le notaire a établi l’acte de notoriété.

L’intimée considère à l’inverse que le point de départ du délai de prescription quinquennale était le 2 juillet 2020, date du décès d'[V] [N].

L’article 317 alinéa 3 du code civil a été modifié à deux reprises, par l’ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005 et par la loi 2011-331 du 28 mars 2011. Au point de départ fixé en 2005 à la date de la cessation de la possession d’état, la loi du 28 mars 2011 a ajouté un autre point de départ du délai de prescription, la date du décès du prétendu parent.

La circulaire du 30 juin 2006, prise pour l’application de l’ordonnance du 4 juillet 2005, a rappelé l’objectif poursuivi par le législateur pour fixer le point de départ du délai de prescription à la date de la cessation de possession d’état: « La délivrance d’un acte de notoriété pouvait, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, être sollicitée sans aucun délai, avec tous les risques inhérents liés au dépérissement et à la fragilité des preuves et témoignages. Cet état du droit pouvait entraîner la remise en cause de successions déjà liquidées….. Désormais, la demande devra être présentée dans le délai prévu à l’article 317 alinéa 3, soit cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état. »

Le rapport de présentation au Sénat de la loi du 28 mars 2011, en page 46, dans le paragraphe intitulé: «  4.Sécuriser les actions en justice relatives à la filiation », explique le fondement de l’amendement relatif à l’ajout d’un autre point de départ des délais pendant lesquels la possession d’état d’un enfant peut être constatée ou contestée: «  Dans la mesure où la possession d’état peut se poursuivre après le décès du parent prétendu car l’enfant continue de se comporter et reste considéré comme tel, il convient de préciser que, dans cette hypothèse, le délai court à compter du décès du parent prétendu ».

Ainsi, le délai de prescription court à compter du décès du parent prétendu à condition que la possession d’état de l’enfant ait perduré jusqu’à cette date. Si la possession d’état d’enfant a pris fin du vivant du parent prétendu, le délai de prescription commence à courir à la date de sa cessation.

Les appelants rapportent la preuve que la possession d’état de [A] [E] a pris fin bien avant le décès d'[V] [N]. Ils relèvent à juste titre que les attestations annexées à l’acte de notoriété indiquent que durant la période de la conception de [A] [E], née le 30 août 1978, [V] [N] a eu une liaison avec sa mère, [K] [E], qu’ils vivaient ensemble avant et après la naissance de [A], qu'[V] [N] s’était rendu à la clinique après l’accouchement, qu’après leur séparation l’enfant continuait à l’appeler «  papa », qu’il avait, à l’instar de ce qu’il avait fait pour ses enfants légitimes, financé la formation en bijouterie de [A] et l’avait présenté, dans une plaquette publicitaire diffusée en 1995, comme sa fille et comme la tante de ses petits-enfants. Les appelants font observer aussi que les photographies annexées à l’acte de notoriété sont anciennes et remontent à la naissance de [A] en 1978. Ils en concluent que la demande de délivrance d’acte de notoriété du 1er décembre 2020 était prescrite, [A] [E] n’ayant pas été en mesure de justifier que sa possession d’état avait perduré au-delà du 1er décembre 2015.

La seule attestation rédigée par [T] [U], selon laquelle le 2 juillet 2020 l’épouse de [F] [N], fils d'[V] [N], lui a téléphoné pour lui demander le numéro de téléphone de [A] [E] «  pour lui annoncer la mort de son père [V] [N] » ne peut à elle seule démontrer que la possession d’état a perduré jusqu’au décès du père prétendu. Cette attestation démontre au contraire que les liens entre le proche entourage d'[V] [N] et [A] [E], laquelle vit aux Etats-Unis depuis de nombreuses années, étaient très distendus, les propres enfants du défunt ayant dû en appeler à un tiers pour joindre l’intimée.

Il y a donc lieu d’annuler l’acte de notoriété établi le 1er février 2020 par Maître [D] [R], notaire à [Localité 8], constatant la possession d’état d’enfant naturel de [A] [E] à l’égard d'[V] [N] et d’ordonner la mention du dispositif du présent arrêt en marge de l’acte de naissance de [A] [E], née le 30 août 1978 à [Localité 7] ( 84).

La filiation de [A] [E] à l’égard d'[V] [N] n’étant pas établie, sa demande tendant à la désignation d’un administrateur afin d’effectuer les actes d’administration de la succession d'[V] [N] et d’établir un inventaire de l’actif successoral seront rejetées faute pour elle de justifier de sa qualité d’héritière.

Il est équitable de condamner [A] [E] à payer aux consorts [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

Annule l’acte de notoriété établi le 1er février 2020 par Maître [D] [R], notaire à [Localité 8], constatant la possession d’état d’enfant naturel de [A] [E] à l’égard d'[V] [N],

Ordonne la mention du dispositif du présent arrêt en marge de l’acte de naissance de [A] [E], née le 30 août 1978 à [Localité 7] (84),

Déboute [A] [E] de ses demandes,

La condamne à payer aux consorts [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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