9 mai 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/00046
Arrêt n°23/00286
09 Mai 2023
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N° RG 21/00046 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FM66
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH
10 Décembre 2020
19/00267
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
neuf mai deux mille vingt trois
APPELANTE :
S.A.R.L. MISS COOKIES EXPANSION prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie DOEBLE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Alexis TUPINIER, avocat plaidant au barreau de DIJON
INTIMÉE :
Mme [Z] [S]
[Adresse 1]
Représentée par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [Z] [S] a été embauchée à compter du 3 novembre 2018 en qualité d’employée polyvalente par la société Miss Cookies Expansion en exécution d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, puis selon avenant de renouvellement en date du 1er décembre 2018 à temps complet.
La relation contractuelle s’est poursuivie à durée indéterminée à temps plein à partir du 4 janvier 2019.
A compter du 4 février 2019 Mme [S] a été nommée assistante responsable.
Par lettre recommandée en date du 24 mai 2019 Mme [Z] [S] a été convoquée à un entretien préalable à éventuelle rétrogradation fixé au 31 mai 2019, qui a été reporté au 3 juin 2019.
Mme [Z] [S] a été licenciée pour faute par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2019, et les relations contractuelles ont pris fin à l’expiration du préavis de huit jours, soit le 22 juin 2019. La société Miss Cookies Expansion comptait alors cinq salariés.
Par requête en date du 14 août 2019 Mme [Z] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach en réclamant paiement des sommes de 2 431 ,83 € brut au titre du rappel d’indemnité de préavis, 243,18 € brut au titre du rappel de congés payés sur préavis,
1 777,13 € net de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, 10 700 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire, 13 387,71 € à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance de la protection de la femme enceinte, et 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 10 décembre 2020 le conseil de prud’hommes de Forbach a statué comme suit :
»Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la Sarl Miss Cookies Expansion à verser à Mme [Z] [S] :
– 2 431 ,83 brut au titre de rappel d’indemnité de préavis,
– 243,18 € brut au titre des congés payés sur préavis,
– 1 777,13 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure,
– 3 000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-13 387,71 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la protection de la femme enceinte ;
– 1 150 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Fixe le salaire mensuel à 1 777,13 euros brut,
Déboute la demanderesse de sa demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire ;
Déboute la défenderesse de sa demande reconventionnelle ;
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit pour les condamnations ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-28 du code du travail, à savoir l’indemnité de préavis et congés payés y afférents ;
Condamne la Sarl Miss Cookies Expansion aux entiers frais et dépens ».
La Sarl Miss Cookies Expansion a, par déclaration électronique en date du 7 janvier 2021 interjeté appel de ce jugement.
La SARL Miss Cookies Expansion a déposé des dernières conclusions d’appelante n° 2 le 5 septembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de statuer comme suit :
»Déclarer l’appel de la Sarl Miss Cookies Expansion recevable et bien fondé ;
Infirmer le jugement en date du 10 décembre 2020 rendu par le conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il :
– condamne la SARL Miss Cookies Expansion à verser à Mme [Z] [S] :
– 2 431,83 € brut au titre de rappel d’indemnité de préavis,
– 243,18 € brut au titre des congés payés sur préavis,
– 1 777,13 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure,
– 3 000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 13 387,71 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la protection de la femme enceinte ;
– 1 150 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Fixe le salaire mensuel à 1 777,13 euros brut ;
– Condamne la Sarl Miss Cookies Expansion aux entiers frais et dépens.
Confirmer le jugement en date du 10 décembre 2020 rendu par le conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a débouté Mme [Z] [S] de sa demande au titre d’une rupture vexatoire ;
En conséquence,
Débouter Mme [Z] [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner Mme [Z] [S] à payer à la Sarl Miss Cookies Expansion la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [Z] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel. ».
La société Miss Cookies Expansion conteste en premier lieu les prétentions de Mme [S] au titre du préavis, soit une indemnité de préavis de 5 semaines en application des dispositions de l’article L. 1234-16 du code du travail. La société appelante considère que ces dispositions ne s’appliquent pas à Mme [S], en faisant valoir qu’elle n’a jamais été chargée de manière permanente de la direction ou de la surveillance d’une activité. Elle précise que c’est Mme [D] [C] qui assumait la direction de la boutique en sa qualité de responsable, et que les tâches effectives de Mme [S] consistaient en la vente des produits de l’enseigne.
Sur le licenciement, la société appelante se prévaut des observations suivantes :
– sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur, elle considère que Mme [S] ne démontre pas l’effectivité d’une sanction prise par l’employeur à l’issue de l’entretien du 3 juin 2019. Elle ajoute qu’à supposer qu’une sanction disciplinaire ait été effectivement prise, la lettre de licenciement mentionne un abandon de poste qui caractérise de nouveaux faits.
– sur le cumul des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec ceux pour nullité d’un licenciement : elle considère qu’il ne saurait s’opérer conformément à l’article L1235-3 du code du travail.
– sur la nullité du licenciement au regard de ce que l’employeur a eu connaissance de l’état de grossesse : elle met en doute les témoignages de Mme [B] et M. [F] produits par Mme [S]. Elle retient que la salariée ne démontre pas la connaissance effective de son état de grossesse par l’employeur, et se prévaut du témoignage de Mme [C], responsable du magasin.
– sur les griefs, la société appelante se rapporte au témoignage de M. [U] [R], responsable de boutique du point de vente Cleor, bijouterie située en face du point de vente Miss Cookies dans le centre commercial B’EST.
Mme [Z] [S] a déposé des conclusions en réplique et d’appel incident datées du 29 avril 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de statuer comme suit :
»Débouter l’employeur de l’intégralité de ses fins et prétentions
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Forbach le 11/12/2020 en ce qu’il a condamné la SARL Miss Cookies Expansion à verser à Mme [S] les sommes suivantes:
2 431,83 € brut au titre du rappel d’indemnité de préavis
243,18 € brut au titre du rappel de CP sur préavis
1 777,13 € nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement
13 387,71 € à titre de dommages-intérêts pour méconnaissance de la protection de la femme enceinte
1 150 € au titre de l’article 700 du CPC de première instance
L’infirmer sur le surplus,
Et, statuant à nouveau,
Condamner la SARL Miss Cookies Expansion à verser à Mme [S] les sommes suivantes:
10 700 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, en réparation des préjudices professionnels, financiers et moraux subis
5 000 € net à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire
Condamner la Sarl Miss Cookies Expansion à verser à Mme [S] une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du CPC à hauteur de cour
Condamner l’appelante en tous les frais et dépens, d’instance et d’appel. »
Sur le préavis que l’employeur a fixé à 8 jours, Mme [S] se prévaut des dispositions de l’article L 1234-16 du code du travail.
Sur le caractère abusif du licenciement pour épuisement de son pouvoir disciplinaire par l’employeur, Mme [S] indique que l’employeur l’a sanctionnée le 11 juin 2019 par une rétrogradation pour les mêmes faits que ceux repris dans la lettre de licenciement, et qu’à moins de prouver qu’elle a commis de nouvelles fautes entre le 11 et le 14 juin 2019, le licenciement est abusif. Elle précise également qu’elle était en arrêt maladie du 29 mai 2019 au 23 juin 2019.
Elle répond ainsi à l’argument de l’employeur qui soutient que « l’abandon de poste » constituerait un nouveau motif, et soutient qu’entre le 11 et le 14 juin 2019 elle était toujours en arrêt maladie, de sorte qu’aucun abandon de poste ne peut lui être reproché. Elle soutient toutefois que s’agissant du soir en question, elle a quitté son poste à 20 h 45 et n’a pas abandonné son poste
Sur la nullité du licenciement, Mme [S] indique qu’elle a annoncé sa grossesse à un mois au lieu de trois mois car elle voulait être honnête. Elle explique qu’elle a fourni une attestation pour justifier à son employeur des raisons pour lesquelles elle devait sortir du point de vente pour aller vomir aux toilettes, et pour pouvoir prétendre à l’aménagement de son poste pour limiter ses douleurs au dos et au ventre. Elle ajoute que si aucune attestation n’a été faite auparavant, c’est en raison du risque de fausse couche, ce qui explique que l’attestation n’ait été réalisée que le 9 juillet 2019.
Mme [S] se prévaut des témoignages de Mme [B] et M. [F] qui attestent avoir été présents lorsqu’elle a annoncé sa grossesse à son employeur.
Elle précise que Mme [B] atteste avoir été présente lors de la rétrogradation du 11 juin 2019.
Mme [S] ajoute que dans son courrier du 4 juillet 2019, soit dans les 15 jours de la rupture, elle a rappelé à son employeur qu’elle était enceinte, et se prévaut de ce que le licenciement est annulé lorsque l’employeur a eu connaissance de l’état de grossesse de la salariée, même encore dans les 15 jours suivant le licenciement.
Mme [S] fait état d’échanges de messages téléphoniques entre elle-même et Mme [C] le 31 mai 2019 qui révèlent que l’employeur avait connaissance de sa grossesse au moment du licenciement.
Sur le caractère abusif du licenciement, Mme [S] observe que les faits ne sont ni datés, ni circonstanciés, qu’ils sont donc insuffisants pour justifier un licenciement, et que les motifs y figurant sont erronés.
Sur les montants réclamés, Mme [S] sollicite :
– des dommages-intérêts pour non-respect de la procédure car elle n’a jamais été convoquée à un entretien préalable avant son licenciement.
– des dommages-intérêts pour licenciement nul car le licenciement a été prononcé à l’égard d’une salariée enceinte, et les barèmes ne s’appliquent donc pas. Elle réclame des dommages-intérêts à hauteur de 6 mois de salaires.
– des dommages-intérêts pour rupture vexatoire car le comportement fautif de l’employeur peut entraîner un préjudice distinct de celui résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– des dommages-intérêts pour méconnaissance de la protection de la femme enceinte, au regard de ce que le contrat a été rompu le 22 juin 2019, et que l’employeur a méconnu 226 jours de protection. Elle réclame une indemnisation de (1 777,13 / 30 j x 226) 13 387,71 €.
L’ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été prononcée le 7 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Mme [Z] [S] a été embauchée à temps partiel (cinq heures par semaine le samedi après-midi) par la société Miss Cookies Expansion en qualité d’employée polyvalente niveau I échelon 1 au sein du centre commercial B’Est à [Localité 4], en exécution d’un contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 novembre 2018 jusqu’au 30 décembre 2018 en raison d’un surcroît d’activité. La convention collective applicable est celle de la restauration rapide.
Le temps de travail de Mme [S] a été porté à temps plein selon avenant en date du 1er décembre 2018.
Les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 4 janvier 2019, avec une embauche de Mme [S] au même niveau de qualification et une rémunération mensuelle brute de 1 521,22 euros.
Selon avenant en date du 4 février 2019 Mme [S] a occupé à compter de la même date un poste d’assistante responsable, statut employé niveau II échelon 2, avec une rémunération mensuelle brute de 1 621,22 euros ainsi qu’une rémunération variable sous forme d’une prime sur objectif selon le montant du chiffre d’affaires mensuel de l’établissement.
Sur le licenciement
Par un courrier en date du 24 mai 2019, la société Miss Cookies Expansion a convoqué Mme [Z] [S] à un entretien fixé au vendredi 31 mai 2019, aux fins de rétrogradation au poste d’employé polyvalent, en faisant état de manquements de la salariée à ses obligations contractuelles qui lui avaient déjà valu d’être destinataire d’une mise en garde le 25 avril 2019.
Par courrier en date du 14 juin 2019 Mme [Z] [S] a été licenciée dans les termes suivants :
« Par courrier en date du 24 mai 2019, je vous ai convoquée à un entretien préalable le vendredi 31 mai 2019. Vous n’avez pas assisté à ce rendez-vous ; d’un commun accord, nous avons reporté ce rendez-vous au lundi 03 juin 2019 à 14h30.
Lors de ce rendez-vous, vous étiez présente ainsi que [D] [C] et ma présence étant souhaitée par vous-même, j’ai également été présent.
Lors de ce rendez-vous, nous avons exposé les faits et nous avons été d’accord sur les manquements que vous avez à l’égard de la société qui vous emploie compte tenu du poste que vous occupez.
Aussi, j’ai récolté vos explications. J’ai pris la décision de vous rétrograder au poste d’employé polyvalent. Ce changement consiste à une diminution de vos qualifications. Je vous ai notifié cette rétrogradation par courrier en date du 11 juin 2019. Le jour-même vous m’avez demandé par téléphone ma décision. Je vous ai explicité ma décision. A vous entendre, vous avez refusé ma décision. Le soir-même vous avez quitté votre poste plus tôt.
Je suis donc au regret de vous licencier.
Je vous licencie pour les faits suivants :
– Vous prenez des pauses intempestives durant les plages horaires pour lesquelles vous êtes planifiées ;
– Vous passer des commandes fournisseurs qui ne correspondent pas aux besoins de l’établissement ;
– Vous ne suivez plus les procédures de l’enseigne notamment lorsque votre responsable est absente ;
– Vous ne mettez pas suffisamment en vente les produits, notamment les cookies ;
– Votre comportement a changé depuis votre arrivée dans l’entreprise, vous faites preuve d’un manque évident de motivation ;
– Le directeur du centre commercial m’a appris que vous garez votre véhicule sur des places réservées au PMR et que vous lui répondez en faisant preuve d’insolence ;
Par ailleurs, des commerçants du centre, qui sont des clients réguliers, se sont plaints auprès de moi verbalement à votre sujet.
Tous les faits qui vous sont reprochés et qui sont délibérés de votre part nuisent gravement à l’image de l’entreprise, à l’ambiance au sein de l’équipe et ont un impact évident sur la baisse de Chiffre d’Affaires.
Votre comportement, malgré nos mises en garde, est fortement préjudiciable au bon fonctionnement de l’établissement. Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Compte tenu de votre ancienneté, vous bénéficiez d’un préavis de 8 jours.
Ce préavis débutera à la date de la première présentation de la présente lettre à votre domicile’ ».
La cour observe que si la violation du statut protecteur de la maternité ‘ qui dès lors qu’elle est établie rend le licenciement nul sans qu’il soit besoin d’en examiner le bien-fondé – est soutenue par Mme [S] au titre de la nullité de son licenciement, les parties évoquent toutefois en premier lieu le bien fondé du licenciement de la salariée au regard de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire
Mme [S] soutient que l’employeur l’a sanctionnée le 11 juin 2019 sous forme d’une rétrogradation pour les mêmes faits que ceux visés dans le courrier de licenciement. Elle fait valoir qu’elle n’a commis aucun nouveau manquement entre le 11 juin, date du prononcé de cette sanction et le 14 juin 2019, et se prévaut tant de ce qu’elle a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 29 mai 2019 jusqu’au 23 juin 2019 que de ce qu’elle n’a pas commis d’abandon de poste le 11juin 2019.
Si la société Miss Cookies Expansion conteste dans ses écritures « l’effectivité d’une éventuelle sanction qui aurait été prise par l’employeur à l’issue de l’entretien du 3 juin 2019 » et affirme que « l’employeur n’avait fait qu’envisager une éventuelle sanction au terme de son courrier en date du 24 mai 2019 » (sic), ces allégations sont d’autant moins convaincantes que le courrier de licenciement – dont le contenu est repris ci-avant – vise expressément l’usage de son pouvoir disciplinaire par l’employeur sous forme d’une rétrogradation prononcée par un écrit du 11 juin 2019 (non produit par les parties).
La cour observe que la procédure disciplinaire a été initiée par un courrier de convocation à entretien en date du 24 mai 2019 (annexe n° 5 de l’intimée) qui informe Mme [S] de la sanction envisagée sous forme d’une éventuelle rétrogradation, en rappelant que la salariée a été destinataire d’une précédente mise en garde le 25 avril 2019 en raison de ses manquements « aux poste et statut qui vous incombent ».
Ce courrier de convocation du 24 mai 2019 indique que cette première sanction sous forme de mise en garde a fait suite à des reproches de retard, de pauses intempestives, et de non-respect des directives relatives aux commandes, et qu’elle a eu pour seul effet de faire cesser les retards de la salariée, mais que les autres manquements ont perduré. Il y est également mentionné au titre des manquements de la salariée qu’en l’absence de sa supérieure hiérarchique ‘ Mme [C] responsable du magasin – Mme [S] ne met pas en vente suffisamment de produits, notamment des cookies.
Il ressort du contenu du courrier de licenciement que l’entretien préalable qui était initialement fixé au 31 mai 2019 a été reporté au 3 juin 2019 et tenu par M. [L] dirigeant de la société et Mme [C], supérieure hiérarchique directe de Mme [S], cette dernière étant venue seule.
La société conteste l’épuisement de son pouvoir disciplinaire en affirmant qu’« à supposer qu’une éventuelle sanction disciplinaire aurait été effectivement prise »’ « l’abandon de poste commis par Mme [S] caractérise là de nouveaux faits ».
Il ressort des données figurant sur les bulletins de paie de Mme [S] que la salariée a été placée en arrêt maladie du 29 mai 2019 au 6 juin 2019, puis du 12 juin au 22 juin 2019, date de la fin du délai de préavis de huit jours.
Si ces informations ne confirment que partiellement les éléments dont se prévaut la salariée quant à la période de suspension de son contrat de travail, puisque la salariée a tenu son poste de travail du 7 au 11 juin 2019, il ressort des termes d’un échange de courriers entre les parties à l’occasion de la contestation écrite par Mme [S] de son licenciement qu’alors que la salariée relatait le 4 juillet 2019 « lors de l’entretien préalable’il n’a jamais été question d’un licenciement, vous n’avez pu selon moi, établir le caractère réel et sérieux de la faute. Ceux qui sont pour moi la cause de l’annonce de ma grossesse » (sic – annexe n°7 de l’intimée), l’employeur répondait dans un écrit daté du 11 juillet 2019 « Cette décision (de licenciement) a été rendue indispensable suite à notre entretien du lundi 03 juin 2019 durant lequel nous avons évoqué tous vos manquements et le fait de vous rétrograder de votre poste d’assistante responsable voire de vous licencier si votre comportement ne changeait pas. Compte tenu de votre attitude j’ai été dans l’obligation de prendre la décision de vous licencier. » (annexe n° 8 de l’intimée).
De surcroît, le grief dont se prévaut la société Miss Cookies Expansion au soutien de nouveaux faits survenus après le prononcé de la rétrogradation, soit l’abandon de son poste par Mme [S] le 11 juin 2019, n’est établi par aucune de ses six pièces (dont quatre sont relatives à des procédures disciplinaires concernant une autre salariée Mme [B]).
En conséquence la cour retient que l’employeur a, en prononçant une rétrogradation le 11 juin 2019, épuisé son pouvoir disciplinaire.
Sur la nullité du licenciement
En vertu des articles L. 1225-4 et suivants du code du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée enceinte, sauf à pouvoir justifier d’une faute grave ou de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la grossesse. Lorsque l’employeur prononce le licenciement sans avoir connaissance de l’état de grossesse, la salariée peut obtenir l’annulation de la rupture du contrat en justifiant de sa situation par l’envoi d’un certificat médical dans un délai de 15 jours.
Aux termes des articles L. 1225-70 et L. 1225-71 du même code, toute rupture prononcée en violation de ces règles est nulle et la salariée peut alors prétendre à sa réintégration avec paiement des salaires pour la période comprise entre son éviction et sa réintégration ou, si elle ne la sollicite pas, à une indemnité réparant le caractère illicite de la rupture d’au moins six mois, outre une indemnité correspondant au montant de la rémunération qui aurait dû être versée pendant la période couverte par la nullité.
Les formes prescrites par l’article L. 1225-5 du travail ne constituent en aucun cas une formalité substantielle, et la salariée enceinte peut prouver que l’employeur a, par un moyen quelconque, eu connaissance de son état.
En l’espèce, Mme [S] soutient que l’employeur était informé de son état de grossesse lorsqu’il a prononcé son licenciement.
A l’appui de cette connaissance par l’employeur de sa grossesse, Mme [S] se prévaut des témoignages :
– de Mme [B], salariée qui travaillait avec elle et qui relate « avoir été avec [Z] [S] le 23/05/2019 lorsqu’elle a appelé l’employeur pour lui annoncer sa grossesse », et « avoir été avec [Z] [S] le 11 juin 2019 lors de l’appel téléphonique de notre employeur où il lui annonça qu’il avait pris la décision de la repasser en agent polyvalente car je cite »suite à ta grossesse tu seras en arrêt dans 2 mois alors [D] devra quand même gérer les deux postes » » (ses annexes n° 9 et 10) ;
– de M. [F], son conjoint, qui indique « avoir assisté à l’appel entre Mme [S] et M. [L] [R] concernant son début de grossesse et un éventuel aménagement de poste suite à ses nausées » (son annexe n° 9).
Mme [S] se prévaut également d’échanges de messages téléphoniques entre elle-même et sa responsable Mme [D] [C] le vendredi 31 mai 2019 (prévu initialement comme date de l’entretien préalable), lors desquels l’appelante a informé sa supérieure hiérarchique de la prolongation de son arrêt de travail par son médecin auquel elle avait expliqué que « [R] (M. [L]) ne veut pas que je m’assoie il (le médecin) m’a dit que c’est n’importe quoi que je risque de perdre le bébé alors il m’a mis en arrêt pour l’instant jusqu’au 2′ »’ « il faut voir avec [R] s’il peut mettre à un poste adapté pour que je puisse revenir ou pas ». Mme [D] a répondu à ce message « Si tu veux lui demander il est au B’Est » puis a réagi à la remarque de Mme [S] qui lui demandait en sa qualité de responsable d’assumer cette démarche auprès de M. [L], « c’est aussi le tien (travail) de tenir ton patron au courant aussi. Moi je suis encore à [Localité 5] j’en parle avec lui tout à l’heure » (annexe n° 17 de Mme [S]).
Mme [S] produit enfin, outre un certificat médical en date du 25 juillet 2019 attestant de sa grossesse avec un terme théorique fixé au 3 février 2020 (son annexe n° 16), un courrier de son employeur M. [R] [L] (son annexe n° 8) en date du 11 juillet 2019 qui mentionne : «’Je tiens toutefois à réfuter vos assertions écrites que vous formulez dans votre lettre reçue le 8 juin (en réalité juillet) 2019 notamment que votre présumée grossesse m’a conduit à vous licencier. J’ai appris bien plus tard que vous étiez enceinte, ce fait n’étant toutefois pas avéré par une déclaration d’un médecin ; vous faisiez déjà l’objet d’une procédure disciplinaire. ».
La société Miss Cookies Coffee conteste la valeur probante des témoignages produits par Mme [S] en faisant état de la partialité de M. [F] qui est le conjoint de l’appelante, ainsi que des sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de Mme [B] (ses pièces n° 2, 3, 4 et 5).
La société Miss Cookies Coffee considère que la seule personne qui aurait pu connaître l’état de grossesse de Mme [S] est Mme [D] [C], responsable du point de vente situé dans le centre commercial B’Est, et que les messages téléphoniques échangés entre Mesdames [S] et [C] démontrent que l’employeur n’avait effectivement pas connaissance de l’état de grossesse.
Le seul élément produit par la société appelante au soutien de ses allégations est le témoignage de sa responsable de point de vente, Mme [C], qui n’est toutefois nullement contradictoire avec les données dont fait état Mme [S], puisque la responsable du magasin ne fait qu’attester « qu’au moment du licenciement de Mme [S] [Z], l’entreprise Miss Cookies Coffee n’avait réceptionné aucun document, attestation ni même de déclaration concernant la grossesse de celle-ci ».
La cour observe que si l’attestation du conjoint de Mme [S] peut être suspectée de partialité, aucun élément objectif ne permet de mettre en doute la sincérité des témoignages de Mme [B], dont le passé disciplinaire au sein de l’entreprise importe peu.
La cour observe également que les échanges de messages téléphoniques entre Mme [S] et sa responsable Mme [C] le 31 mai 2019 au cours de l’arrêt maladie de la salariée, alors que celle-ci était convoquée le même jour à un entretien préalable à éventuelle rétrogradation qui a finalement été organisé le 3 juin 2019 par M. [R] [L] et par Mme [C], révèlent que, contrairement à ce l’interprétation qui en est faite par la société appelante, Mme [S] avait d’ores et déjà informé son employeur de son début de grossesse avant cet entretien, puisque ces échanges évoquent justement le problème d’une adaptation du poste de la salariée à son état de santé.
Enfin la cour retient que dans son courrier du 11 juillet 2019 l’employeur indique lui-même qu’il a appris l’état de grossesse de la salariée alors qu’elle faisait « déjà l’objet d’une procédure disciplinaire », dont il convient de rappeler qu’elle a été initiée par un courrier de l’employeur en date du 24 mai 2019. Si cette affirmation écrite signifie que l’employeur conteste avoir initié une procédure disciplinaire en raison de l’état de grossesse de Mme [S], il reconnait à tout le moins qu’il en a été informé alors que la procédure disciplinaire était en cours, à laquelle il n’a cependant pas renoncé.
En conséquence, au vu de ces données et en application des textes susvisés, la cour retient que le licenciement de Mme [S] est nul.
Le jugement déféré, qui a dit que le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse, sera infirmé en ce sens.
Sur les conséquences indemnitaires du licenciement nul de Mme [S]
Mme [S] ne demande pas sa réintégration, et elle a droit de première part aux indemnités de rupture, de seconde part à des dommages et intérêts pour licenciement nul au moins équivalents aux six derniers mois de salaires, et de troisième part à un montant égal aux salaires qui auraient été perçus par elle pendant la période couverte par la nullité.
Sur l’indemnité de préavis
Mme [S] sollicite un rappel d’indemnité de préavis correspondant à cinq semaines.
En vertu des dispositions de l’article L. 1234-6 du code du travail « Ont droit à un préavis de six semaines :
1° Les professeurs et personnes employées chez des particuliers ;
2° Les commis commerciaux mentionnés à l’article L. 1226-24 ;
3° Les salariés dont la rémunération est fixe et qui sont chargés de manière permanente de la direction ou la surveillance d’une activité ou d’une partie de celle-ci, ou ceux à qui sont confiés des services techniques nécessitant une certaine qualification. ».
L’article L. 1226-24 du code du travail stipule qu’« Est un commis commercial le salarié qui, employé par un commerçant au sens de l’article L. 121-1 du code de commerce, occupe des fonctions commerciales au service de la clientèle. ».
En l’espèce, si la société Miss Cookies Expansion conteste le statut de commis commercial à Mme [S] en limitant ses fonctions à la vente de produits, la salariée exerçait, en sa qualité d’assistante responsable, des fonctions commerciales qui ne se limitaient pas à la vente de produits, mais étaient exercées au service de la clientèle, et pour un employeur commerçant. Elle peut donc prétendre au statut de commis commercial au sens de l’article L. 1226-24 du code du travail.
Il sera fait droit aux prétentions de Mme [S], et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il lui alloué la somme de 2 431,83 euros brut à titre de rappel d’indemnité de préavis et la somme de 243,18 euros brut à titre de rappel de congés payés sur préavis.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement nul
En vertu de l’article L. 1235-3-1 alinéa 1 du code du travail, « L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. ».
Mme [S] sollicite un montant correspondant à six mois de salaire sur la base d’un salaire moyen de 1 777,13 euros brut, soit une somme de 10 700 euros. Il sera fait droit à cette demande, et le jugement déféré qui lui a alloué une somme de 3 000 euros sera infirmé en ce sens.
Sur l’indemnité au titre de la période de protection
Mme [S] réclame la rémunération qui aurait dû lui être versée pendant la période de protection, en faisant valoir que celle-ci aurait couru jusqu’au 3 février 2020. Elle retient ainsi le calcul d’une rémunération de 226 jours de protection à compter du 22 juin 2019, date de rupture du contrat, jusqu’au 3 février 2020.
Le chiffrage dont se prévaut Mme [S], qui qualifie sa demande de ‘dommages-intérêts » et ne sollicite pas d’autres montants (congés payés), n’est pas contesté par l’employeur, qui revendique de façon inopérante l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a alloué à Mme [S] une somme de 13 387,71 euros pour violation du statut protégé de femme enceinte.
Sur l’indemnité pour non-respect de la procédure
Mme [S] soutient qu’elle n’a pas été convoquée à un entretien préalable à licenciement, et réclame une indemnité à ce titre.
L’article L. 1235-2 du code du travail prévoit que lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure de licenciement, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire lorsque le licenciement est prononcé pour une cause réelle et sérieuse.
Il s’en déduit que cette indemnité pour irrégularité de procédure ne se cumule pas avec celle allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ni avec celle allouée au titre du licenciement nul.
Cette prétention de Mme [S] sera rejetée, et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire
Dans ses écritures, Mme [S] soutient, à l’appui de cette prétention, qu’elle a « été privée, du jour au lendemain, d’un travail qu’elle chérissait et dans lequel elle était appréciée, d’autant plus qu’elle avait eu d’importantes promotions, en l’espace de 3 mois seulement », et qu’elle a été licenciée parce qu’elle était enceinte.
Si les circonstances de la rupture peuvent occasionner au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, Mme [S] ne fait état d’aucune circonstance particulière justifiant la réalité d’une rupture vexatoire, et ne démontre aucun préjudice autre que celui résultant de son licenciement et du non-respect de son statut de femme enceinte.
Cette prétention sera également rejetée à hauteur de cour.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [S], et dans ses dispositions relatives aux dépens.
Il est contraire à l’équité de laisser à la charge de Mme [Z] [S] les frais irrépétibles qu’elle a exposés à hauteur de cour ; il convient de lui allouer la somme de 2 000 € à ce titre.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la SAS Miss Cookies Expansion qui succombe la charge de ses frais irrépétibles ; sa demande présentée à ce titre sera rejetée.
La SAS Miss Cookies Expansion sera condamnée aux dépens d’appel.
P A R C E S M O T I F S
La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Forbach dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sauf en ce qu’il a fait droit aux prétentions de Mme [Z] [S] pour non-respect de procédure, et sauf en ce qu’il a alloué à Mme [Z] [S] une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés, et y ajoutant :
Déclare nul le licenciement de Mme [Z] [S] pour non-respect du statut protecteur de la femme enceinte ;
Condamne la SAS Miss Cookies Expansion à payer à Mme [Z] [S] la somme de 10 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Rejette les prétentions de Mme [Z] [S] pour non-respect de procédure ;
Condamne la SAS Miss Cookies Expansion à payer à Mme [Z] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Rejette les autres prétentions des parties, notamment la demande de la SAS Miss Cookies Expansion au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Miss Cookies Expansion aux dépens d’appel.
Le Greffier, La Présidente,