Bijouterie : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03349

·

·

Bijouterie : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03349

9 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
19/03349

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

N° 2023/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/03349 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD3O6

S.C.P. BTSG²

C/

[S] [B]

Association L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 8]

Copie exécutoire délivrée

le :

09 FEVRIER 2023

à :

Me Florence MASSA, avocat au barreau de GRASSE

Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 13 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00778.

APPELANTE

S.C.P. BTSG² prise en la personne de Me [W] [N], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société REMINISCENCE HOLDING (venant aux droits des sociétés dissoutes la SA REMINISCENCE DIFFUSION INTERNATIONALE et la société REMINISCENCE MANAGEMENT CO), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Florence MASSA, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

Madame [S] [B], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Frédéric GODARD-AUGUSTE, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Clarisse MAROT, avocat au barreau de BORDEAUX

Association L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 8], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La SA Reminiscence Management Co, exerçant sous l’enseigne Equateur Celeste, était spécialisée dans la vente de bijoux fantaisie et de parfums (la société A).

Mme [B] (la salariée) a été engagée par la société A par contrat à durée déterminée du 3avril au 30 septembre 2013 au motif d’un surcroît d’activité, en qualité de Responsable de Style Bijoux et Accessoires, niveau VI, échelon 2, statut cadre, moyennant une rémunération brute mensuelle forfaitaire de 4 600 euros dans le cadre d’un forfait en jours.

Par avenant du 19 septembre 2013 la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, aux fonctions de responsable de collection, position cadre, niveau VI, échelon 2 moyennant une rémunération brute mensuelle forfaitaire de 5 500 euros outre une part variable sur objectifs, dans le cadre d’un forfait en jours.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, cadeaux et activités s’y rattachant.

Par lettre du 11 juillet 2014 la société lui a proposé dans le cadre d’une réorganisation du groupe pour motif économique, un transfert de son contrat de travail à la SA Réminiscence Diffusion Internationale (la société B) en ces termes :

‘Comme vous le savez, une procédure de licenciement collectif est actuellement en cours au sein du groupe.

La situation financière du groupe et des sociétés Reminiscence Diffusion Internationale SAS et Reminiscence Management CO SA s’est fortement dégradée en 2013 :

‘ groupe Reminiscence consolidé:-1.945 K€ au 31/12/2013 vs. -159 KC au 31/12/2012

‘ Reminiscence Diffusion Internationale SAS: -671 K€ au 31/12/2013 vs 446 K€ au

31/12/2012

‘ Reminiscence Management CO SA: – 530 K€ au 31/12/2013 vs 387 au 31/12/2012 1

Les causes de cette situation économique sont multiples:

1. Diminution du chiffre d’affaires entre 2013 et 2012 de -1149 k€ et de la marge commerciale de – 1 540 kC en raison de :

o Pour l’activité Parfum, principalement:

‘ Diminution du marché sélectif français de -2% ;

‘ Baisse des commandes des distributeurs Parfum, sur stockées suite à la tendance  négative du marché;

‘ Les principaux clients (Séphora et Nocibé), qui représentent plus d’un tiers du chiffre d’affaires Parfum, ont imposé une hausse du taux de leurs remises commerciales de fin d’année ainsi que des investissements marketing;

‘ Départ de l’équipe Export Parfum sur le dernier trimestre 2013 sans relais avec la nouvelle équipe qui a eu pour conséquence une désorganisation du service et une baisse des commandes des coffrets de Noël;

‘ Pour pallier à cette baisse de chiffre d’affaires, nécessité d’effectuer des opérations

de déstockage qui ont permis d’écouler une partie des stocks mals à une marge moindre;

o Pour l’activité Bijoux (Fantaisie et Argent), principalement:

‘ Saison 2013 en boutique très calme par rapport à l’année précédente avec peu de passage notamment à cause de la crise économique et des mauvaises conditions météorologiques. Les boutiques représentent 52% du chiffre d’affaires Bijoux;

‘ Fermeture des boutiques déficitaires [Localité 3] et [Localité 6] sans report immédiat de la clientèle vers [Localité 5] et [Localité 4];

‘ Pour pailler à cette baisse de chiffre d’affaires, obligation d’effectuer des opérations

de déstockage qui ont permis d’écouler une partie des stocks mals à une marge moindre

2. Dysfonctionnement de la filiale Thaïlandaise aboutissant à une perte de -1482 k€:

o mauvaise organisation de la chaîne de production et des temps de production;

o non adaptation de la masse salariale à la baisse significative d’activité:

‘ diminution du chiffre d’affaires de -634 k€ (-24%)

‘ non adaptation de la masse salariale n’a diminué que de -9 k€ (-1%).

‘ Pour rappel, un abandon de créances avait été réalisé en 2012 (970 k€) afin de

soutenir la filiale qui constitue la principale source d’approvisionnement du groupe et

de satisfaire aux demandes de notre banque

3. Hausse des charges financières et exceptionnelles liées à l’opération de rachat des actions de 2012 (intérêts d’emprunt et amortissements des écarts d’acquisition) et remboursement d’une partie du découvert de l’usine pour répondre aux exigences de la Bank of Thaïlande.

4. Hausse des pertes latentes de change (Bath Thaïlandais).

Compte tenu des difficultés économiques évoquées nous devons réduire nos coûts de structure afin de pérenniser nos activités.

Les chiffres énoncés précédemment mettent en évidence qu’en l’état actuel, le Groupe Reminiscence est à la fois incapable de réaliser des profits et de s’autofinancer:

1. Concernant RMCO, le chiffre d’affaires, exclusivement composé de management fees et de redevance de marque (jusqu »en septembre 2012) de Reminiscence Management CO SA, a subi une baisse importante en 2011 et 2012. La baisse de la masse salariale n’a pu compenser. En effet, la masse salariale représentait, en 2012, 114% du chiffre d’affaires net.

RMCO-SA

2011

2012

2013

B2014 v1

CA net

3 412 728

2 176 712

3 239 740

2 911 001

Résultat net

2017 140

386 980

(518 947)

(170 077)

Masse salariale

2 511 208

2 481 742

2 643 612

2 791 381

% Masse salariale /CA

74%

114%

82%

95%

2. Concernant RDI, le chiffre d’affaires de Reminiscensce Diffusion Internationale ne cesse de diminuer depuis 2011 puisque nous sommes passés de 19 859 045 € en 2011 contre 17 076 055 € en 2013. Le budget est à 19 326 240 € pour l’année 2014. La masse salariale a augmenté de 433 344 € en 4 ans, soit près de 31 %.

RDI -SAS

2011

2012

2013

B2014 v1

CA net

19 859 045

19 644 602

17 076 055

19 326 240

Résultat net

566 427

446 101

(689 339)

(323 407)

Masse salariale

1 390 383

1 877 945

1 577 632

1 823 727

% Masse salariale /CA

7%

10%

9%

9%

3. De plus, les chiffres d’affaires réalisés par les délégués commerciaux France notamment sur l’activité bijoux ne sont pas satisfaisants (-7%). Il en est de même sur l’Export Bijoux avec une baisse de -21% entre 2013 et 2012. La raison est la perte de nombreux clients existants (-25%) non compensée par le nombre d’ouvertures.

Malgré des efforts financiers significatifs, le Groupe éprouve encore des difficultés.

Les perspectives pour l’année 2014 sont inquiétantes.

En effet, par rapport à fin mars 2013, le groupe enregistre une dégradation supplémentaire de son chiffre d’affaires de-3% (-171 k€) et affiche une perte de -771 k€ à la fin du 1er trimestre 2014.

Les principales causes sont :

– une baisse significative du chiffre d’affaires Fantaisie de -22% (-490 k€) liée à une diminution des commandes de la collection été 2014 par les multimarques françaises, des ventes en boutiques du groupe qui ont chuté (clientèle plus regardante sur les prix et un style différent), retard de livraison des collections 2014 par l’usine;

– une hausse de la masse salariale de l’usine (heures supplémentaires et intérimaires pour palier aux retards de livraison).

Par rapport au budget à fin mars 2014, le groupe est aussi en retard sur le chiffre d’affaires de -9% (-503 k€), non seulement pour les raisons citées ci-dessus mais aussi à cause de retard d’ouvertures de comptes Parfum à l’Export.

La perte de l’usine est toujours aussi importante et pénalise d’autant le groupe. Elle s’élève à -214 k€ à fin mars 2014 ce qui justifie les actions en cours visant à sa fermeture en septembre prochain.

Dans ce contexte, la Direction est contrainte de revoir son organisation afin de pérenniser l’activité des deux sociétés et notamment une structuration distincte des activités Bijoux et Parfum.

Au niveau du secteur du Parfum, il est envisagé de :

‘ renforcer l’animation et la formation au sein des enseignes clientes ;

‘ consolider les relations avec les clients parfumeurs Indépendants;

Au niveau du secteur des Bijoux, la direction des sociétés envisage de:

‘ mettre en place une stratégie de distribution dans les multimarques beaucoup plus sélective ayant pour but de réduire le nombre de points de vente en ayant des clients plus impliqués, générant un chiffre d’affaires plus important;

‘ être présent dans des concepts-stores;

‘ avec une supervision de la sélection par un responsable France pour le Groupe.

Compte tenu des difficultés évoquées, la réorganisation des services suivants est envisagée :

‘ wholesale;

‘ marketing;

‘ logistique;

‘ qualité;

‘ informatique;

‘ organisation et méthodes;

‘ production;

‘ achat;

‘ bureau de style.

L’activité du Bureau de style étant effectuée pour le compte de RDI il conviendra de transférer celle-ci de Reminiscence Management Co vers RDI.

Pour rappel, il a déjà été procédé à une réorganisation et une nouvelle répartition des services au sein de chaque entité du Groupe:

‘ Reminiscence Holding détiendra les titres et les marques et réalisera son chiffre d’affaires par une facturation des redevances;

‘ Reminiscence Management CO détiendra les titres des filiales à l’étranger et regroupera les fonctions de management ainsi que les postes ayant vocation à intervenir sur l’ensemble du groupe et les postes transversaux. Cette société réalisera son chiffre d’affaires par une facturation de management fees aux autres sociétés du Groupe;

‘ Reminiscence Diffusion Internationale sera en charge de la création, de la production et de la distribution des bijoux et des parfums;

‘ Reminiscence Boutiques assurera la commercialisation des produits fournis par RDI.

Vous occupez actuellement le poste de Responsable de collection au sein du Bureau de Style dont le transfert vers la Société RDI est envisagée.

Nous vous proposons donc de poursuivre votre contrat de travail au sein de la Société RDI avec les aménagements suivants qui constituent une modification de votre contrat de travail :

Titre: Responsable de collection

Statut: Cadre

Coefficient: 6 Echelon 2

Durée du travail: Forfait annuel 214 jours

Salaire (base et variable): 5 500€ bruts/mois sur 12 mois + prime annuelle sur objectifs pouvant atteindre 7 500€ brute.

Lieu de travail: Bureau de style

Conformément aux dispositions de l’article L.1222-6 du Code du travail, nous vous informons que vous disposez d’un délai d’un (1) mois à compter de la réception de la présente lettre pour nous faire savoir si vous refusez la modification de votre contrat de travail.

A défaut de réponse dans ce délai, vous serez réputée avoir accepté la modification proposée. En revanche, si vous deviez refuser expressément par écrit cette proposition dans le délai qui vous est imparti, la société serait contrainte de mettre en ‘uvre une procédure de licenciement pour motif économique’.

La salariée n’a signé la convention de rupture d’un commun accord du 31 juillet 2014 qui lui a été soumise par la société A ni le contrat à durée indéterminée du 1er août 2014 proposé par la société B.

Les parties s’opposent sur le transfert du contrat de travail de la salariée.

La société B a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique, fixé le 14 décembre 2015 où lui était remise une proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre du 5 janvier 2016 la société B lui a notifié, en cas de refus des propositions de reclassement et du contrat de sécurisation professionnelle, son licenciement pour motif économique en ces termes :

‘ Notre Société exerce une activité de vente en gros de bijoux fantaisie et argent ainsi que de parfums pour la marque Réminiscence.

Au sein du groupe Réminiscence, notre société est la seule à exercer une telle activité.

Au cours des derniers exercices, notre société a subi d’importantes pertes. Ainsi, au titre de

l’exercice clos le 31 Décembre 2014, le déficit s’élevait à la somme de – 45.592,34 euros.

Les pertes de la société se sont fortement aggravées au cours de l’année 2015 qui se révèle catastrophique avec un déficit de -2.978.470 euros au 31 Décembre 2015.

Le chiffre d’affaires généré par la société s’est également fortement dégradé. Ainsi. sur une période comparable, à savoir du 1er janvier 2014 au 31 Octobre 2014 et du 1er Janvier 2015 au 31 Octobre 2015, le chiffre d’affaires est passé de 16.083.504 euros à 14.403.936 euros,

enregistrant donc une baisse de 1.679.568 euros.

Les résultats de la société RDI sont malheureusement à l’image de la situation pour le moins

alarmante du groupe.

GROUPE REMINISCENCE COMPTES CONSOUDES

Atterrissage prévu au 2014 2013

31 Décembre 2015

Chiffres d’affaires 19.491 Keuros 21.536 Keuros 23.012Keuros

Résultats – 1.130Keuros -1.676Keuros -1.958Keuros

Les prévisions pour le 31 Décembre 2015 laissent en effet entrevoir un chiffre d’affaires de

19.532Keuros, soit une baisse de 9% par rapport à 2014, avec un recul de 2.045Keuros.

La baisse de résultat s’explique principalement par la baisse du chiffre d’affaires des bijoux

fantaisie et argent pour un montant de 1.640Keuros entre 2014 et 2015.

Cette tendance n’a cessé malheureusement de s’accentuer:

*pour les bijoux fantaisie

– Chiffre d’affaires 2013 : 7. 195.000euros

– Chiffre d’affaires 2014 : 6.056.000 euros

– Chiffre d’affaires 2015: 4.931.000 euros (projection fin d’année)

‘ pour les bijoux argent

– Chiffre d’affaires 2013 : 1.768.000 euros

– Chiffre d’affaires 2014 : 1.791.000 euros

– Chiffre d’affaires 2015 : 1.276.000 euros (projection fin d’année)

De plus, les perspectives ne permettent pas d’envisager une amélioration de la situation dans

la mesure où la société se trouve dans un marché concurrentiel extrêmement mature.

Compte tenu de notre situation et des prévisions, nous n’avons plus d’autres choix, afin de permettre la continuité d’exploitation et de ne pas compromettre la survie de l’activité bijoux

que d’envisager une réorganisation de notre bureau de style, lequel se traduirait par une suppression de poste.

A ce stade de la procédure et après application des dispositions de I’article L1235-5 du code

du travail entre vos différents collègues relevant de votre catégorie, nous sommes contraints

d’envisager une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique et notamment la suppression du poste de Responsable de collection que vous occupez.

Par lettre du 3 Décembre 2015, nous vous avons demandé si nous pouvions vous proposer un

reclassement à l’étranger.

N’ayant reçu aucune réponse de votre part, nous en concluons que vous avez refusé cette proposition.

D’autre part, lors de l’entretien préalable du 14 décembre dernier, nous vous avons proposé les

postes suivants:

*Assistante ADV France

*Responsable de la Boutique de Lyon

*Déléguée commerciale bijoux

*Déléguée commerciale parfum

Dont vous trouverez à nouveau ci-joint les descriptifs de poste exhaustifs.

Vous disposez donc d’un délai supplémentaire de 15 jours calendaires à compter de ce jour, si l’un de ces postes est susceptible de vous intéresser. Pour ce faire, vous trouverez, ci-dessous, un coupon-réponse que nous vous demandons de bien vouloir compléter et nous retourner.

A défaut de réponse dans le délai imparti ou en cas de renvoi d’un coupon vierge, vous serez

considérée comme ayant refusé les postes de reclassement proposés.

Si vous acceptez une proposition de reclassement, au terme de la période d’adaptation, un avenant à votre contrat de travail, définissant vos nouvelles conditions d’emploi, vous sera

alors adressé. La prise de fonction se fera soit immédiatement, soit il la date de disponibilité

du poste.

En cas de refus de la proposition de reclassement et si aucune autre solution de reclassement

interne n’a pu être trouvée, la procédure de licenciement économique sera poursuivie.

Nous vous rappelons que nous vous avons remis, lors de l’entretien préalable, une proposition

de contrat de sécurisation professionnelle (CSP), accompagnée d’une lettre en précisant les modalités. Vous disposez d’un délai de réflexion de vingt et un jours expirant le 27 janvier

2016 pour l’accepter ou la refuser.

Si vous acceptez cette proposition, votre contrat de travail sera réputé rompu d’un commun

accord à la date d’expiration de votre délai de réflexion pour le motif énoncé ci-dessus.

Dans cette hypothèse, la présente notification de votre licenciement deviendra sans objet’.

La salariée a saisi le 18 mai 2016 le conseil de Prud’hommes de Grasse d’une demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de prime variable, dirigées solidairement à l’encontre des deux sociétés, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 février 2019 le conseil de prud’hommes de Grasse a :

– constaté l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame [S] [B];

– condamné solidairement la Société Reminiscence Management Co et la société Réminiscence Diffusion Internationale à payer à Madame [S] [B] les sommes de :

– 33 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 7 500 € au titre de rappel de salaire

– 750 € au titre de congés payés sur rappel de salaire

– débouté Madame [S] [B] de ses autres demandes

– débouté les Société Reminiscence Management Co et la société Réminiscence Diffusion Internationale de leurs demandes reconventionnelles d’article 700 du Code de Procédure Civile.

– condamné solidairement la Société Reminiscence Management Co et la société Réminiscence Diffusion Internationale aux dépens.

Les sociétés A et B ont interjeté appel du jugement par acte du 26 février 2019 énonçant :

‘Objet/ Portée de l’appel: L’appel tend à faire réformer partiellement par la Cour d’Appel la décision entreprise en ce qu’elle a :

« Constaté l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame [S] [B]

Condamné solidairement la société Reminiscence Management Co et la société Réminiscence Diffusion Internationale à payer à Madame [S] [B] les sommes de:

-33000€ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-7500€ au titre de rappel de salaire -750€ au titre de congés payés sur rappel de salaire -1000 € au titre de l’article 700 du CPC -aux intérêts légaux

Condamné solidairement la société Reminiscence Management Co et la société Réminiscence Diffusion Internationale aux dépens’.

La société A est venue aux droits de la société B à la suite de la dissolution de cette dernière le 16 novembre 2020 et de la transmission universelle de son patrimoine.

La société A a été dissoute le 16 novembre 2020.

La société Réminiscence Holding (société C) est venue aux droits de la société A suite à la transmission universelle de patrimoine puis a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Nice du 27 mai 2021, convertie par jugement du 21 juillet 2021 en liquidation judiciaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 octobre 2022 la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [N], es qualité de liquidateur de la SA Reminiscence Holding demande de :

A titre principal :

INFIRMER le Jugement en ce qu’il condamné la Réminiscence Diffusion Internationale et la société Reminiscence Management Co à payer à Madame [B] les sommes suivantes:

33.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle

et sérieuse,

7.500,00 euros au titre de rappel de salaire et 750,00 euros à titre de congés payés

y afférents,

1000,00 euros au titre de l’article 700.

Et statuer à nouveau

DEBOUTER Madame [B] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire :

CONFIRMER le Jugement en ce qu’il a fixé le rappel de prime variable à 7500 euros,

DEBOUTER Madame [B] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse d’un montant de 40 000 euros et réduire l’indemnité réclamée de plus justes proportion

En tout état de cause

CONDAMNER Madame [B] au paiement de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la P BTSG 2 prise en la personne de Maître [W] [N],

CONDAMNER Madame [B] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 octobre 2022 Mme [B] demande de :

CONFIRMER le jugement rendu par la Section encadrement du Conseil de Prud’hommes de Grasse du 13 février 2019

En cela,

JUGER de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

JUGER l’absence de difficultés économiques réelles et sérieuses

JUGER le non-respect des mesures de reclassement

En conséquence,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

A titre d’appel incident,

REFORMER le jugement rendu par la Section encadrement du Conseil de Prud’hommes de Grasse du 13 février 2019

JUGER de l’absence de versement de la prime variable prévu par le contrat de travail

FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la Société Réminiscence Holding venant aux droits de la Société Réminiscence Diffusion Internationale et à la Société Réminiscence Holding venant aux droits de la Société Reminiscence Management Co les sommes suivantes:

– Rappel de salaires: 22.500,00 €

– Congés payés sur rappel de salaires: 2.250,00 €

– Dommages et intérêts: 40.000,00 €

– Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes

– Article 700 du Code de procédure civile: 3.500,00 €

– Les entiers dépens,

ORDONNER à la SCP BTSG la remise du certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes à l’arrêt à intervenir,

DIRE que l’arrêt à intervenir sera opposable aux organes de la procédure en ce compris l’AGS CGEA de [Localité 8].

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er juillet 2022 l’AGS CGEA de [Localité 8] demande de :

CONSTATER l’intervention forcée du concluant et l’y dire bien fondée.

DONNER ACTE au concluant qu’il s’en rapporte à Justice sur le principe d’un droit à paiement de prime variable;

DEBOUTER Madame [B] de sa demande au titre du paiement de la prime variable pour les années 2013 et 2016 et limiter la somme due à titre de rappels de salaire à 15 000 euros brute correspondant aux années 2014 et 2015 ;

DONNER ACTE au concluant qu’il s’en rapporte à Justice sur la rupture des relations contractuelles;

CONSTATER que Madame [B] a une ancienneté de 2 ans et 10 mois;

DEBOUTER Madame [B] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse d’un montant de 40 000 euros et réduire l’indemnité réclamée de plus justes proportions;

En tout état de cause,

DIRE ET JUGER que la somme réclamée au titre de l’article 700 du CPC n’entre pas dans le cadre de la garantie du CGEA;

DIRE ET JUGER qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances.

DIRE ET JUGER que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire et si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles et ce conformément aux dispositions de l’article L 3253-20 du Code du Travail.

DIRE ET JUGER que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L 3253-18, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21 et L.3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail.

STATUER ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2022.

SUR CE

Sur le rappel de part variable de rémunération

Lorsque la rémunération variable dépend d’objectifs dont la fixation relève du pouvoir de direction de l’employeur ou fait l’objet d’un commun accord entre les parties, il appartient à l’employeur de fixer unilatéralement ces objectifs ou d’entamer des négociations avec le salarié en vue de les arrêter d’un commun accord. A défaut de satisfaire à cette obligation en début d’exercice de la période de référence, l’intégralité de la rémunération variable est due au salarié.

Entre dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés, la part variable de rémunération dès lors qu’elle est assise sur les résultats produits par le travail personnel du salarié, nécessairement affectés pendant la période de congés. En revanche lorsque la rémunération variable annuelle n’est pas affectée par la prise de congés payés, elle n’entre pas dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés.

En l’espèce la salariée sollicite la somme de 22 500 euros à titre de rappel de part variable sur objectifs d’avril 2013 à avril 2016 ainsi que celle de 2250 euros pour les congés payés afférents, se décomposant comme suit : 5 625 euros pour l’année 2013 (au prorata pour 9 mois), 7500 euros pour chacune des années 2014 et 2015, 1875 euros pour l’année 2016 (au prorata de 3 mois).

A l’appui la salariée fait valoir qu’aucun objectif n’a été annuellement défini durant la relation contractuelle et que l’employeur n’a pas versé la rémunération variable sur objectifs prévue au contrat de travail.

Elle produit :

– le contrat à durée déterminée du 3 avril 2013 et l’avenant du 19 septembre 2013 à effet du 1er octobre 2013;

– un échange de mails avec Mme [V], responsable ressources humaines de la société B des 18 et 23 février 2016 par lesquels la salariée réclamait ‘une prime contractuelle qui ne m’a jamais été payée. Elle a démarré le 1er octobre 2013 à mon contrat…. cela fait un total de 18 750 euros de primes annuelles dues du 1er octobre 2013 jusqu’à la fin de mon contrat’ ‘En ce qui concerne les primes dues depuis octobre 2013, qu’en penses-tu que cela sera régularisé’ Etant donné que les primes annuelles sont prisent en compte dans le calcul du chômage, il faudra qu’elles apparaissent en tant que prime annuelle sur mon solde de tout compte’ et Mme [V] répondait : ‘Je vois avec [P] pour les primes. Ne t’inquiète pas, sur le bulletin sera bien précisé primes annuelles, les périodes et je veillerai à ce que l’attestation Pôle Emploi soit correcte à ce niveau’;

– l’attestation de [J], responsable de développement d’avril 2012 à mai 2015 qui indique ‘je confirme qu’il était d’usage chez Reminiscence de verser les primes complément de salaire au contrat de la plupart des cadres, qu’au départ définitif des employés. Nous avions beau demander chaque année nos évaluations sur nos objectifs (jamais fixés dans mon cas) nous n’avions pas de retour de la direction. Pourtant j’ai bien reçu l’intégralité de mes primes soit 13 705 € lors de mon départ en mai 2015 de même que ma supérieure Mme [Y] partie quelques mois avant moi’, assorti du solde de tout compte de ce salarié faisant apparaître le versement d’une somme de 13 705 euros sous le libellé ‘prime annuelle’;

– des bulletins de paie du 1re janvier 2014;

– en pièces 7 à 14 des mails de partenaires et clients faisant retour de leur satisfaction des collections que la salariée a proposé.

Le liquidateur conclut au rejet de la demande en faisant valoir que :

– dès lors que le contrat à durée déterminée ne prévoyait pas de rémunération variable, il ne peut donner lieu à rappel de salaire;

– en dépit du principe d’une rémunération variable convenue au contrat à durée indéterminée par la fixation d’objectifs à compter de 2014, au regard des résultats catastrophiques depuis 2013 établissant que ‘les réalisations de Mme (la salariée) ont été en deçà de toutes les faibles espérances’ de la société, aucun rappel n’est dû;

– aucun rappel n’est dû au titre de l’année 2016, la salariée ayant été licenciée le 5 janvier et ayant été dispensée de l’exécution de son préavis.

L’AGS indique s’en rapporter sur le paiement des primes 2014 et 2015 pour un montant un montant de 15 000 euros mais conteste la demande pour le surplus en faisant valoir qu’aucune rémunération variable n’a été contractuellement convenue avant l’avenant du 19 septembre 2013 mais ce à partir de l’année 2014 et qu’aucune rémunération variable n’est due pour l’année 2016 avec un licenciement dès le 6 janvier et un préavis non effectué.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève d’abord que la rémunération prévue au contrat à durée déterminée initial était exclusivement composée d’un salaire fixe.

Par suite la cour dit que la salariée, qui n’invoque pas une origine autre que contractuelle susceptible de fonder un droit à prime, n’est pas fondée comme elle le fait à invoquer un contrat à durée déterminée ‘considéré par la société comme une période d’essai durant laquelle (la salariée) a travaillé sur des projets qu’elle a continué de mener en contrat à durée indéterminée’ pour affirmer que la société était néanmoins redevable d’une rémunération variable sur cette période.

En revanche la cour relève que l’avenant du 30 septembre 2013 à effet du 1er octobre par lequel la salariée a été engagée par contrat à durée indéterminée stipule que la structure de rémunération est composée d’une rémunération brute mensuelle de 5 500 euros et que :

‘A cette rémunération de base s’ajoutera une part variable sur objectifs pouvant atteindre 7500 euros sur une année pleine. Il est expressément convenu que les parties se rapprocheront avant la fin de l’année 2013 pour définir ensemble les objectifs 2014. Ceux-ci feront l’objet d’un document annexe signé entre les parties’.

Il s’ensuit que l’employeur, qui s’était engagé à verser une rémunération variable sur la base d’objectifs définis d’un commun accord entre les parties, dès la souscription du contrat et renégociés annuellement, était tenu d’organiser des négociations pour la détermination des objectifs déclenchant la rémunération variable.

Or force est de constater que le liquidateur ne produit aucun élément de nature à prouver que l’employeur a annuellement ouvert des négociations en vue de déterminer les objectifs dont dépendait la rémunération variable de la salariée.

Dans ces conditions la société ne pouvait se soustraire au paiement de l’intégralité de la part variable contractuellement convenue à compter du 1er octobre 2013 jusqu’à la rupture à l’expiration du préavis, quand bien même la salariée en a été dispensée, dès lors que le fait générateur de la créance est l’absence de fixation d’un commun accord avec la salariée des objectifs annuels.

Par ailleurs dès lors qu’il n’est pas contesté que les stipulations contractuelles visaient une rémunération variable assise sur les résultats produits par le travail personnel de la salariée, celle-ci est en droit d’en réclamer les congés payés afférents.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré sur le quantum alloué, la cour fixe la créance détenue par la salariée à l’encontre de la société C à la somme de 18 750 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable, celle de 1875 euros pour les congés payés afférents, et en ordonne la fixation au passif de la liquidation judiciaire de cette société.

Sur le licenciement

En application de l’article L.1232-6 du code du travail, la décision de licencier relève de la seule décision de l’employeur.

Le licenciement d’un salarié notifié par une société qui n’en est pas l’employeur est donc privé de cause réelle et sérieuse.

L’article L.1222-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 applicable à compter du 1er juillet 2014, relatif à la procédure de modification du travail pour motif économique, dispose :

‘Lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L.1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

A défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.’

Les formalités d’envoi par lettre recommandée avec avis de réception et de délai de réflexion constituent des formalités substantielles, à défaut desquelles l’employeur ne peut se prévaloir ni d’une acceptation ni d’un refus du salarié.

Toutefois le changement d’employeur qui constitue une novation du contrat de travail ne peut, sauf dispositions législatives contraires, résulter que d’une acceptation expresse du salarié. Il en résulte que la procédure dérogatoire de l’acceptation tacite prévue par l’article L.1222-6 du code du travail ne s’applique pas au cas de changement d’employeur résultant du transfert d’un service.

Ainsi au titre des dispositions législatives contraires, lorsque le transfert du contrat de travail s’opère dans le cadre du transfert d’une entité économique autonome aux conditions de L1224-1 du code du travail, il se réalise de plein droit et s’impose au salarié.

Lorsque ce transfert s’effectue en dehors du champ de l’article L.1224-1 du code du travail, qu’il résulte notamment d’un transfert volontaire entre sociétés, le changement d’employeur ne peut résulter que d’une acceptation expresse du salarié.

En l’espèce au soutien de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée invoque notamment l’absence de qualité d’employeur de la société B, qui ne disposait donc pas du pouvoir de la licencier, du fait d’un transfert illicite de son contrat de travail.

La salariée conteste ainsi la validité du transfert de son contrat de travail à la société B en ce que:

– dès lors qu’il n’est pas discuté que ce transfert ne répondait pas aux conditions de l’article L. 1224-1 du code du travail, il constituait une modification du contrat de travail qui ne pouvait résulter d’une décision unilatérale de l’employeur mais requérait son accord exprès, lequel ne peut découler de la seule poursuite du contrat de travail ;

– la lettre du 11 juillet 2014 se réfère à la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique prévue à l’article L.1222-6 du code du travail. Or non seulement elle n’est pas applicable en cas de changement d’employeur mais elle impose à l’employeur de démontrer la réalité du motif économique, ce qu’il ne fait pas et elle est soumise à un formalisme qui n’a pas été respecté, ce qui prive l’employeur de la possibilité de se prévaloir d’un refus ou d’une acceptation : pas de justification de l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception et non respect du délai d’un mois de réflexion avant toute modification ;

– contrairement au moyen reposant sur une novation du contrat de travail désormais soutenu par le liquidateur pour écarter le délai de réflexion impératif d’un mois, une novation du contrat de travail requiert l’accord exprès du salarié.

Le liquidateur soutient que le contrat de travail de la salariée ayant été régulièrement transféré à la société B en 2014, cette société a valablement procédé à son licenciement en 2016.

Il fait valoir que le transfert de son contrat de travail, justifié par des motifs économiques ayant conduit à une réorganisation du groupe au moyen d’une nouvelle répartition des services au sein de ses entités et s’étant en particulier traduite par le transfert du bureau de style à la société B, s’est opéré par acceptation tacite de la modification proposée, consistant en un transfert du contrat sans modification du poste, par lettre du 11 juillet 2014, ce que confirme l’exécution du contrat pendant deux ans sans la moindre opposition de la salariée.

Il souligne que cette remise en cause du transfert du contrat de travail à la société B est d’autant plus infondée que la salariée elle-même effectuait une confusion dans ses conclusions de première instance, en invoquant un licenciement sans cause réelle et sérieuse notifié par la société A alors que son contrat de travail était toujours rattaché à la société B.

Le liquidateur fait également valoir que ‘dans le cas d’une novation de contrat, c’est à dire de changement d’employeur, les règles de l’article L.1226-1 du code du travail n’ont pas lieu de s’appliquer….. notamment le délai de réflexion d’un mois’ de sorte que seul doit être vérifié l’existence d’un délai raisonnable de réflexion, ce qui est le cas du laps de temps laissé à la salariée entre le 11 juillet et le 1er août 2014.

L’AGS indique s’en rapporter sur l’imputabilité de la rupture.

A l’analyse des pièces du dossier la cour relève que par la lettre ci-dessus retranscrite du 11 juillet 2014, la société A a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique, consistant en un transfert de son contrat de travail à la société B, en se référant expressément à la procédure prévue par l’article L.1222-6 du code du travail.

Il est constant que la salariée n’a non seulement exprimé aucun accord exprès mais n’a pas signé la rupture d’un commun accord avec la société A ni le contrat de travail à durée indéterminée avec la société B et que la relation de travail a néanmoins été reprise à compter du 1er août 2014 avec la société B dont il n’est pas discuté qu’elle l’a intégrée à ses effectifs à cette date comme cela résulte de ses fiches de paie.

Sur le moyen reposant sur le non respect des formalités substantielles de l’article L.1222-6 du code du travail, la cour relève d’une part que le seul fait que la lettre du 11 juillet 2014 mentionne un envoi par lettre recommandée avec avis de réception n’est pas de nature à démontrer l’effectivité de l’accomplissement de cette formalité, en l’absence de tout justificatif fourni par le liquidateur, d’autre part que le transfert est intervenu avant l’expiration du délai d’un mois.

Il s’ensuit que la procédure propre aux modifications du contrat de travail pour motif économique de l’article L.1222-6 du code du travail, à laquelle la société A a recouru n’a pas été respectée, ce qui empêche de se prévaloir d’une acceptation tacite de la salariée.

Mais surtout la proposition de modification portant sur le transfert du contrat de travail à une autre entité juridique du groupe entraînant un changement d’employeur, dont il n’est pas discuté qu’il intervenait dans le cadre du transfert du seul service du bureau de style et non d’une entité économique autonome, ne pouvait résulter que d’une acceptation expresse de la salariée.

Or les éléments du dossier font ressortir que la salariée n’a pas expressément consenti au transfert de son contrat de travail ce dont il résulte que le contrat de travail n’a pas été valablement transféré à la société B.

La circonstance que la salariée a poursuivi l’exécution de sa prestation de travail au service de la société B d’août 2014 à janvier 2016 n’est pas de nature à régulariser le transfert de son contrat de travail.

Ainsi le contrat de travail de la salariée n’ayant pas été valablement transféré à la société B, cette société n’avait pas qualité d’employeur et ne disposait dès lors pas du pouvoir de notifier un licenciement à la salariée.

Dans ces conditions et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens reposant sur la contestation du motif économique, sur le non respect des critères d’ordre et de l’obligation de reclassement, la cour dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société B le 5 janvier 2016.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée qui avait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés, peut prétendre en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire en réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi.

Eu égard à la rémunération mensuelle brute versée à la salariée (6 125 euros après réintégration de la part variable), à son ancienneté dans l’entreprise, à sa capacité à retrouver un emploi, aux pièces et explications fournies sur son préjudice, en ce qu’elle n’a pas retrouvé d’emploi stable assorti d’une rémunération équivalente, mais a créé une société exploitant un restaurant dont elle n’a tiré aucune rémunération, perçu l’allocation de retour à l’emploi puis divisé son salaire par trois de novembre 2018 à janvier 2020 dans le cadre d’un emploi de community manager, il apparaît que le préjudice subi par la salariée du fait de la perte de son emploi doit être fixé à la somme de 37 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré sur le quantum, la cour fixe la créance détenue par la salariée à l’encontre de la société C à la somme de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ordonne l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de cette société.

Sur la délivrance des documents de fin de contrat

En ajoutant au jugement déféré et en faisant droit à la demande de la salariée présentée pour la première fois en appel, la cour ordonne au liquidateur de remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de paie conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois.

Sur les intérêts

En infirmant le jugement déféré, la cour rappelle qu’en application de l’article L.622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective.

Sur la garantie de l’AGS-CGEA de [Localité 8]

La cour dit en ajoutant au jugement déféré que l’AGS-CGEA n’est redevable de sa garantie et ne devra donc faire l’avance des sommes que dans les termes, limites et conditions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail. Cette garantie ne pourra être mise en oeuvre que subsidiairement en l’absence avérée de fonds disponibles au sein de la liquidation de la société et elle ne s’étend pas aux montants alloués au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les disposition accessoires

La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société A et la société B aux dépens de première instance et a alloué à la salariée une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le mandataire liquidateur, partie succombante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

La situation respective des parties justifie de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné solidairement la SA Reminiscence Management Co et la SA Réminiscence Diffusion Internationale à verser à Mme [B] la somme de 7500 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable et celle de 750 euros pour les congés payés afférents,

– condamné solidairement la SA Reminiscence Management Co et la SA Réminiscence Diffusion Internationale à verser à Mme [B] la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dit que les créances produisent intérêts légaux,

– condamné solidairement SA Reminiscence Management Co et la SA Réminiscence Diffusion Internationale aux dépens de première instance et à verser à Mme [B] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Fixe les créances détenues par Mme [B] à l’encontre de la SA Reminiscence Holding aux sommes de :

– 18 750 euros à titre de rappel de salaire sur rémunération variable et de 1875 euros pour les congés payés afférents,

– 37 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne l’inscription de ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la SA Reminiscence Holding,

Dit que les sommes allouées sont exprimées en brut,

Rappelle qu’en application de l’article L.622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective,

Dit n’y avoir à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

Condamne la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA Reminiscence Holding, aux dépens de première instance,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Dit que l’AGS-CGEA de [Localité 8] devra faire l’avance des sommes allouées au profit de Mme [B] dans les termes, limites et conditions prévues par les articles L.3253-8 et suivants du code du travail, étant rappelé que cette garantie ne pourra être mise en oeuvre que subsidiairement en l’absence avérée de fonds disponibles au sein de la SA Réminiscence Holding,

Ordonne à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA Reminiscence Holding de remettre à Mme [B] les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de paie conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel ,

Condamne la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la SA Reminiscence Holding, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x