7 novembre 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
20/00095
07 NOVEMBRE 2023
Arrêt n°
SN/SB/NS
Dossier N° RG 20/00095 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FLGL
S.A.R.L. [F] [B]
/
Association UNEDIC AGS CGEA [Localité 4], [G] [K]
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 12 décembre 2019, enregistrée sous le n° 19/00040
Arrêt rendu ce SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et de Mme Séverine BOUDRY greffier lors du prononcé
ENTRE :
S.A.R.L. [F] [B]
Centre Commercial INTERMARCHE
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Estelle MAYET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
Mme [G] [K]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean ROUX suppléant Me Christophe GALAND de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Association UNEDIC AGS CGEA [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparante, ni représentée
SELARL MJ MARTIN ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL [F] BERGERON
[Adresse 1]
[Localité 5]
non comparante, ni représentée
INTIMEES
Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mme NOIR Conseiller en son rapport à l’audience publique du 03 JUILLET 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu
compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, le 24 OCTOBRE 2023, par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 07 NOVEMBRE 2023 conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La société [F] [B] était une société d’horlogerie et de bijouterie située à [Adresse 10].
Elle appliquait la convention nationale de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.
Madame [G] [K] a été embauchée par la SARL [F] [B] suivant contrat à durée indéterminée à compter du 15 novembre 2002 en qualité d’ouvrière qualifiée OJ3.
Au dernier état de la relation de travail, Mme [G] [K] occupait le poste de responsable de fabrication – niveau 3- échelon 4, pour un salaire mensuel de 2 042 euros bruts.
Madame [K] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 avril 2018, renouvelé à plusieurs reprises.
Elle a réclamé à son employeur son bulletin de salaire de mars 2018 et le paiement de son salaire du 1er au 9 avril 2018 ainsi que les compléments de salaires pendant son arrêt maladie.
Le 31 juillet 2018, Mme [G] [K] a saisi la formation de référé du conseil des prud’hommes de Clermont-Ferrand pour obtenir la condamnation de la société [F] [B] à lui remettre sous astreinte de 300 euros par jour de retard ses bulletins de salaires des mois de mars, avril, mai 2018, le paiement de son salaire du 1er au 9 avril 2018 à hauteur de 525,95 euros, le paiement de ses compléments de salaire du 10 avril au 25 juin 2018, la remise de ses bulletins de salaire du mois d’avril ainsi que le paiement de la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du paiement du salaire du complément de salaire.
La société [F] [B] s’est acquittée de ces obligations le 22 août 2018 et le 11 septembre 2018, avant que la section des référés ne statue.
Par courrier recommandé avec accusée réception du 20 décembre 2018 de son conseil, Mme [G] [K] a pris acte de la rupture du contrat de travail dans les termes suivants : ‘(…)
Madame [K] est actuellement en arrêt de travail pour maladie depuis le 10 avril 2018.Or elle vient d’apprendre que depuis le 12 novembre 2018, les locaux situés [Adresse 8] ont été repris par leur propriétaire et que, de ce fait, elle n’a donc plus de lieu de travail.
Vous n’avez pas jugé utile de l’aviser de cet élément. En conséquence, Madame [K] qui a déjà dû saisir le conseil des prud’hommes en référé à la suite des difficultés rencontrées pour se faire payer son salaire et son complément de salaire est contrainte de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, à compte vos torts, compte tenu de vos nombreux manquements. (…)’.
Mme [K] a ultérieurement saisi le conseil des prud’hommes de [Localité 5] le 31 janvier 2019 pour obtenir la requalification de la prise d’acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le paiement de diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaire.
Par jugement du 12 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand a :
– dit et jugé que la prise d`acte de la rupture du contrat de travail de Madame [K] le 22 décembre 2018 est intervenue aux torts de l`employeur et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamné la société [F] [B] prise en la personne de son représentant légal à payer et porter à Madame [K] les sommes de :
* 10 368,00 euros à titre d`indemnité de licenciement,
* 4609,20 euros bruts à titre d`indemnité compensatrice de préavis, outre 460,92 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 6 603,00 euros bruts à titre de solde des congés payés,
* 31 113,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* l 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Madame [K] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– débouté Madame [K] de sa demande à titre d`heures supplémentaires et de congés payés sur heures supplémentaires ;
– ordonné à la société [F] [B] de remettre à Madame [K] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de 15ème jour suivant la notification du présent jugement et dans la limite de six mois, des documents comptables permettant de calculer la prime
d`intéressement prévue par l’article 4 du contrat de travail pour les années 2016 à 2018 inclus, le conseil se réservant le droit de liquider 1’astreinte ;
– condamné la société [F] [B] aux entiers dépens.
La société [F] [B] a interjeté appel de ce jugement le 15 janvier 2020.
Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal de commerce de Clermont Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société [F] [B], la Selarl MJ Martin étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par arrêt du 9 mai 2022, la cour a révoqué l’ordonnance de clôture du 9 mai 2022 et renvoyé l’affaire à la mise en état aux fins d’assignation en intervention forcée par la partie la plus diligente des organes de la procédure collective et de l’Unédic, délégation AGS.
Par acte d’huissier du 15 juin 2022, Mme [G] [K] a assigné en intervention forcée devant la cour l’AGS CGEA d'[Localité 4] et lui a signifié ses dernières conclusions et pièces du 28 avril 2022 ainsi que les dernières conclusions et pièces de la société [F] [B] du 8 avril 2022.
Par acte d’huissier du 22 juin 2022, Mme [G] [K] a assigné en intervention forcée devant la cour la Selarl MJ Martin, pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société [F] [B], et lui a signifié ses dernières conclusions et pièces du 28 avril 2022 ainsi que les dernières conclusions et pièces de la société [F] [B] du 8 avril 2022.
Par courrier reçu au greffe le 29 juin 2022, l’AGS CGEA d'[Localité 4] a indiqué ne pas constituer d’avocat et a signalé que la société [F] [B] avait fait l’objet d’un plan de redressement en date du 14 avril 2022 ;
Par note en délibéré sollicitée par la cour, la société [F] [B] a produit le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand en date du 14 avril 2022 ordonnant la continuation d’activité de la société [F] [B], arrêtant le plan de redressement organisant la continuation de l’entreprise et l’apurement du passif selon le projet déposé, chargeant M. [F] [B] de l’exécution de ce plan, nommant la Selarl MJ Martin en qualité de commissaire à l’exécution du plan et maintenant la Selarl MJ Martin en qualité de mandataire judiciaire jusqu’à l’approbation par le juge commissaire de son compte rendu de fin de mission.
Vu les conclusions de la société [F] [B] notifiées le 8 avril 2022 ;
Vu les conclusions de Mme [G] [K] notifiées le 28 avril 2022 ;
Vu la clôture prononcée le 3 juillet 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la société [F] [B] demande à la cour de :
– Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Prud’hommes de Clermont-Ferrand le 12 décembre 2019 en ce qu’il a considéré que la prise d’acte de rupture du contrat de travail était intervenue aux torts de l’employeur et qu’elle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ne ce qu’il a condamné la SARL [F] [B] à verser à Mme [K] 10 368 euros à titre d’indemnités de licenciement, 4 609,20 euros d’indemnité compensatrice de préavis,460,92 euros pour les congés payés afférents, 6 603 euros au titre du solde des congés payés, 31 113 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens ainsi qu’à remettre sous astreinte les documents comptables pour le calcul de la prime d’intéressement sur les 3 dernières années ;
– Constater que la prise d’acte de rupture du contrat de travail faite par Mme [G] [K] le 22 décembre 2018 à l’égard de son employeur la SARL [F] [B] doit s’analyser en une démission,
– En conséquence, débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Donner acte à la SARL [F] [B] de ce qu’elle a fourni les documents comptables permettant de vérifier qu’aucune prime d’intéressement n’était due à Mme [K] pour les années 2016 à 2018;
– Débouter Mme [K] de son appel incident,
– Condamner Madame [G] [K] à supporter tous les dépens.
Dans ses dernières conclusions, Mme [G] [K] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Constaté que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Madame [K] le 22 décembre 2018 est intervenue aux torts de l’employeur et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Condamné en conséquence la SARL [F] [B], prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [G] [K] les sommes de :
* 10 368,00 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
* 4 609,20 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 460,92 euros brut au titre des congés payés afférents ;
* 31 112,00 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
* 1000,00 sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamné la SARL [F] [B] à remettre à Madame [K] sous astreinte de 50 euros par jour de retard les documents comptables permettant de calculer la prime d’intéressement, ainsi qu’aux entiers dépens.
– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [K] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral
– Statuant à nouveau, condamner la SARL [F] [B] au versement des sommes suivantes :
* 7041 euros brut au titre du solde de congés payés acquis (80,5 jours) ;
* 15 381,36 euros brut en paiement d’heures supplémentaires, outre 1 538,13 euros brut
au titre des congés payés afférents ;
* 10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
En tout état de cause,
– Condamner la SARL [F] [B] à remettre à Madame [K] sous astreinte de 50 euros par jour de retard les ses bulletins de salaires rectifiés conformément à la présente décision, ainsi que ses documents de fin de contrat
– Condamner la SARL [F] [B] à payer et porter à Madame [K] la somme de 2 000 euros au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile en cause d’appel
– Condamner la SARL [F] [B] en tous les dépens.
La Selarl MJ Martin, ès qualités et l’AGS CGEA d'[Localité 4] n’ont pas constitué d’avocat ;
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle :
– qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures
– les demandes de ‘constater’ ou de ‘dire et juger’ lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, ne saisissent la cour d’aucune prétention, la cour ne pouvant alors que confirmer le jugement.
Sur la demande de paiement du solde de 80,5 jours de congés payés :
Eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il accompli à cette fin les diligences qui lui incombe légalement.
Sauf dispositions contraires, la même règle de preuve s’applique aux congés d’origine légale ou conventionnelle, s’ajoutant aux quatre semaines garanties par le droit de l’Union.
En l’espèce, Mme [G] [K] fait valoir qu’étant seule au magasin et l’employeur refusant de fermer la boutique durant 5 semaines par an, elle était dans l’impossibilité de prendre l’intégralité de ses congés annuels si bien qu’à la fin du mois de février 2018, elle cumulait 75,50 jours de congés payés non pris.
La société [F] [B] répond que :
– la salariée prenait ses congés pendant les 3 à 4 semaines de fermeture de la boutique de [Localité 5] au mois d’août et pendant la semaine de fermeture pour Noël
– ayant toute confiance en sa salariée, elle l’a chargée d’appeler le comptable pour indiquer le nombre de congés qu’elle prenait
– la mention du reliquat de congés sur son bulletin de paie s’explique par le fait que Mme [K] a déclaré au comptable un solde de congés payés qu’elle avait en réalité déjà pris.
Le bulletin de paie de Mme [G] [K] du mois de février 2018 fait état d’un solde de 75,50 jours répartis ainsi : (Année N-1 : 72 jours acquis, 19 jours pris, solde 53 jours. Année N : 22,50 jours acquis). En tenant compte des 5 jours de congés payés acquis sur la période du 1er mars au 30 avril 2018, le montant de ce solde de congés s’élève à 80,50 jours, dont il n’est pas contesté qu’il représente la somme totale de 7 041 euros.
Aucun des éléments versés aux débats ne permet d’établir que la société [F] [B] a pris les mesures propres à assurer à Mme [G] [K] la possibilité d’exercer effectivement son droit à congés au titre de l’année N-1 et il n’est pas justifié de ce que la salariée a fourni au comptable de la société de faux renseignements sur le nombre de jours de congés qu’elle a effectivement pris.
S’agissant des congés payés de l’année N, il est manifeste que la salariée n’a pu les prendre en raison de son arrêt de travail à compter du 10 avril 2018 mais l’employeur reconnaît les devoir en page 8 de ses conclusions .
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société [F] [B] à payer à Mme [G] [K] la somme de 7 041 euros en paiement du solde de 80,50 jours de congés payés.
Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires :
La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l’article à l’article L.3121-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et à l’article L 3121-27 du code du travail dans sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, Mme [G] [K] fait valoir dans ses conclusions :
– qu’elle travaillait seule sur le site de [Localité 5] : de 9h30 à 13h00 et de 14h00 à 19h00, soit 8h30 par jours 5 jours par semaine, ce qui représente un total d’heures travaillées chaque semaine de 42h30, correspondant à 7,5 heures supplémentaires
– que l’employeur ne lui payait que 35 heures de travail chaque semaine.
La société [F] [B] répond :
– que Mme [G] [K] n’apporte pas un commencement de preuve des heures supplémentaires qu’elle allègue
– qu’elle n’était pas seule en permanence dans la boutique.
Les éléments produits par Mme [G] [K] dans ses conclusions s’avèrent suffisamment précis pour permettre à la société [F] [B] d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail.
Or, l’employeur ne produit pas ses éléments.
Par application des principes susvisés, l’existence d’heures supplémentaires impayées est donc établie.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, en tenant compte de l’ensemble des éléments d’appréciation, la cour considère que toutes les heures supplémentaires effectuées par Mme [G] [K] pour la période considérée n’ont pas été intégralement réglées par l’employeur et que la salariée a effectué 248,40 heures supplémentaires qui n’ont pas été comptabilisées ni payées par la société [F] [B].
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société [F] [B] à payer à Mme [G] [K] la somme de 4 718 euros de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, outre 471,80 euros de congés payés afférents.
Sur la prise acte de rupture du contrat de travail :
La prise d’acte de rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate de la relation contractuelle qui ne peut plus ensuite être rétractée.
Il appartient dans ce cadre au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
Ces faits sont ceux dont le salarié a eu connaissance avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, ils doivent donc être antérieurs ou contemporains à la démission.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu’en cas de manquement de l’employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner tous les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Le juge ne peut se référer uniquement à l’ancienneté des manquements et doit apprécier leur réalité et leur gravité et dire s’ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La rupture par prise d’acte produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d’une démission.
Au soutien de sa demande tendant à voir requalifier la prise d’acte de rupture du 20 décembre 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [G] [K] invoque les faits suivants :
– le non-paiement de ses salaires du 1er au 9 avril 2018, le non-paiement du complément de salaire pendant son arrêt de travail pour maladie de avril à juillet 2018, soit pendant 4 mois et le défaut de remise de ses bulletins de salaire des mois de mars 2018 à juillet 2018, qui ont nécessité une saisine de la formation de référé du conseil des prud’hommes pour que l’employeur s’acquitte de ses obligations le 22 août 2018 (en ce qui concerne le paiement de ses salaires et compléments de salaires) et le 11 septembre 2018 (en ce qui concerne la transmission de ses bulletins de salaires)
– le non-respect de ses congés annuels, à l’origine de la dégradation de son état de santé
– le défaut de paiement de ses heures supplémentaires
– l’annonce tardive par l’employeur – peu avant la fin de son dernier arrêt de travail – de ce que le magasin de [Localité 5] était fermé depuis le 12 novembre 2018.
Il résulte des motifs ci-dessus que la société [F] [B] n’a pas payé à Mme [G] [K] les heures supplémentaires effectuées et qu’il ne l’a pas mise en mesure de prendre 80,5 jours de congés payés acquis au 3 avril 2018.
Il est constant que Mme [G] [K] a reçu son salaire d’avril et ses compléments de salaires de mai, juin et juillet le 22 août 2018 et ses bulletins de salaires de mars, avril, mai, juin, juillet et août 2018 le 11 septembre 2018, soit après la saisine de la formation de référé du conseil des prud’hommes de Clermont Ferrand intervenue pour le 31 juillet 2018.
En revanche, les SMS échangés entre les parties à ce sujet ne permettent pas d’établir que la société [F] [B] s’était acquittée de ses obligations avant la saisine du conseil des prud’hommes.
Enfin, s’agissant de l’annonce tardive de la fermeture du magasin de [Localité 5], il ressort d’un échange de SMS produit par la société [F] [B] que Mme [G] [K] en a été informée le 28 juillet 2018 et non pas au mois de décembre 2018 comme mentionné dans la lettre de prise d’acte. Ce fait n’est donc pas matériellement établi.
La cour relève avec l’employeur qu’à la date de prise d’acte, ce dernier s’était acquitté depuis plusieurs semaines de ses obligations en matière de paiement des salaires du 1er au 9 avril 2018, des compléments de salaires entre le 10 avril et le mois de juillet 2018 et de transmission des bulletins de paie des mois d’avril à août 2018.
Aucun élément ne permet d’établir que l’absence de prise de l’intégralité des congés payés est à l’origine du placement en arrêt de travail pour maladie de Mme [K], la cour relevant sur ce point que cet arrêt était motivé, selon la salariée elle-même dans ses SMS adressés à l’employeur, par une ‘gastro aiguë’.
Le défaut de paiement des heures supplémentaires effectuées pour un montant total de 4 718 euros ne revêt pas une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Il en va de même du fait que la société [F] [B] n’a pas mis Mme [G] [K] en mesure de prendre 53 jours de congés payés comptabilisés dans la fiche de paie du mois de février 2018 au titre de l’année N-1 dans la mesure où il résulte de cette pièce que Mme [K] a pu prendre 19 jours de congés payés au titre de l’année N-1 et que le solde de 53 jours non pris s’étale manifestement sur plusieurs années.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, dit que la prise d’acte de rupture s’analyse en une démission et rejette les demandes présentées au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ainsi que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :
Au soutien de cette demande de dommages et intérêts distincte, Mme [G] [K] fait valoir qu’ ‘au-delà du préjudice découlant de la rupture de son contrat de travail, [elle a] subi un préjudice distinct qui réside dans un rythme de travail non approprié (s’agissant de l’impossibilité de prendre ses congés payés) et en partie non rémunéré (s’agissant des heures supplémentaires)’.
Elle sollicite la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Cependant, la salariée ne rapporte pas la preuve du préjudice moral subi, distinct de celui d’ores et déjà réparé.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Sur la remise sous astreinte des documents comptables destinés au calcul de la prime d’intéressement sur les trois dernières années :
La société [F] [B] justifie s’être acquittée de cette obligation par courrier officiel de son conseil en date du 4 février 2020.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de remise sous astreinte des documents comptables permettant de calculer la prime d’intéressement.
Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte :
La société [F] [B] sera également condamnée à remettre à Mme [G] [K] dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt les documents de fin de contrat et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt.
Dans la mesure où il n’y a pas lieu de douter de la bonne exécution de cette condamnation, la demande d’astreinte sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société [F] [B] supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
Par ailleurs, Mme [G] [K] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu’en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société [F] [B] à lui payer la somme de 1000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 800 euros au titre des frais qu’elle a dû exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
– débouté Mme [G] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– condamné la société [F] [B] à payer à Mme [G] [K] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société [F] [B] aux dépens ;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
FIXE au passif de la société [F] [B] à payer à Mme [G] [K] les sommes suivantes :
– 70 41 euros en paiement du solde de 80,50 jours de congés payés ;
– 4 718 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires et 471,80 euros de congés payés afférents ;
DIT que la prise d’acte de rupture du 22 décembre 2018 s’analyse en une démission ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s’il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
CONDAMNE la société [F] [B] à remettre à Mme [G] [K] dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt les documents de fin de contrat et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt ;
CONDAMNE la société [F] [B] à payer à Mme [G] [K] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [F] [B] aux dépens d’appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN