Bijouterie : 6 juillet 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/02373

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Bijouterie : 6 juillet 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/02373

6 juillet 2022
Cour d’appel de Lyon
RG
19/02373

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/02373 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MJIL

Société GAY FRERES

C/

[F]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 28 Mars 2019

RG : 17/01668

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 JUILLET 2022

APPELANTE :

Société GAY FRERES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Jean-baptiste TRAN-MINH de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉ :

[S] [F]

né le 22 Septembre 1960 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Floriane DI SALVO, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juillet 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Gay Frères exploite une entreprise spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d’articles de bijouterie et de joaillerie et applique à ce titre les dispositions de la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie du 5 juin 1970.

M. [F] a été embauché par la société Golliat et Didier, filiale de la société Gay Frères, le 18 avril 1988.

A la suite d’une procédure de licenciement pour motif économique engagée par la société Golliat et Didier, la société Gay Frères appartenant au groupe Gay France Holding a fait une proposition de reclassement à M. [F] qui l’a acceptée le 6 mars 2012.

La société Gay Frères a en conséquence engagé M. [F], suivant un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 7 mars 2012, en qualité de responsable développement, statut cadre.

Le contrat de travail prévoit une convention de forfait annuel en jours et une rémunération forfaitaire brute mensuelle de 3 484 euros.

Le 21 avril 2015, la société Gay Frères a initié contre M. [F] une procédure de licenciement pour motif disciplinaire en lui reprochant de développer une activité personnelle sur son temps de travail en utilisant les machines et le matériel consommable appartenant à la société.

M. [F] a été placé en arrêt de travail du 25 avril 2015 au 19 juillet 2015 et a repris le travail le 20 juillet 2015.

A l’issue d’un deuxième arrêt de travail du 11 septembre 2015 au 18 février 2016, M. [F] a repris son travail le 19 février 2016.

Enfin, M. [F] a été placé en arrêt de travail du 14 avril 2016 au 16 novembre 2016.

Le 11 mai 2015, la société Gay Frères a sollicité l’autorisation de licencier M. [F], délégué du personnel, pour motif disciplinaire. Par décision du 26 juin 2015, l’inspection du travail a refusé l’autorisation de licencier M. [F].

Par décision du 26 janvier 2016, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé cette décision.

Le 21 décembre 2015, la société Gay Frères a saisi une nouvelle fois l’inspection du travail d’une demande d’autorisation de licencier M. [F], pour motif économique cette fois.

Par décision du 22 janvier 2016 ( et non 2015), l’inspection du travail a refusé l’autorisation de licencier M. [F], considérant que les éléments apportés par l’employeur pour établir le motif économique n’étaient pas probants.

Par décision du 13 septembre 2016, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation et du dialogue social a annulé la décision de l’inspecteur du travail en date du 22 janvier 2016 et a autorisé le licenciement de M. [F].

Le 14 avril 2016, M. [F] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour ‘syndrome post-traumatique’ accompagnée d’un certificat médical initial du même jour du docteur [L] faisant état d’un ‘syndrome psychotraumatique- angoisse à la prise de poste, vécu de dévalorisation, ruminations mentales, complications dépressives et phobiques

Au terme d’une visite médicale de reprise du 22 juin 2016, le médecin du travail a délivré un avis d’inaptitude en une seule visite, ainsi libellé :

« ‘ Du fait de son état de santé, Monsieur [F] [S] est déclaré inapte de façon définitive au travail au sein de l’entreprise GAY FRERES. Je n’ai pas de changement ou d’aménagement de poste à proposer. L’inaptitude est prononcée en une seule consultation pour danger grave et imminent.

La poursuite de son activité serait gravement préjudiciable à sa santé’ ».

L’arrêt de travail de M. [F] a en conséquence été prolongé jusqu’au 17 novembre 2016.

Le 2 septembre 2016, la société Gay Frères a informé les délégués du personnel d’une proposition de reclassement sur un poste de bijoutier et a sollicité leur avis.

Le médecin du travail ayant indiqué que le poste de bijoutier proposé ne répondait pas à ses préconisations, la société Gay Frères a informé M. [F] de l’impossibilité de son reclassement par courrier recommandée avec accusé de réception du 6 septembre 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 septembre 2016, la société Gay Frères a convoqué M. [F] le 16 septembre 2016 en vue d’un entretien préalable à son licenciement.

Le 26 septembre 2016, la société Gay Frères a informé et consulté la délégation unique du personnel quant au projet de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [F].

Par courrier du 28 septembre 2016, la CPAM du Rhône a informé la société Gay Frères qu’elle ne pouvait reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [F] et a transmis le dossier au CRRMP.

Aux termes d’une décision du 18 octobre 2016, l’inspection du travail a autorisé le licenciement de M. [F].

Par courrier recommandé en date du 27 octobre 2016, la société Gay Frères a notifié à M. [F] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

A la date de son licenciement, M. [F] occupait le poste de responsable de la cellule de conception assistée par ordinateur ( CAO) et du prototypage et exerçait ses fonctions au sein de l’établissement de la société Gay Frères situé à [Localité 5].

Le 1er juin 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence la société Gay Frères à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement abusif, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, outre un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire.

Par jugement rendu le 28 mars 2019, le conseil de prud’hommes a :

– jugé que l’inaptitude de M. [F] a une origine professionnelle,

– condamné la Société Gay Frères à verser à M. [F] le reliquat de 26 816 euros nets correspondant à l’indemnité spéciale de licenciement ainsi qu’une somme de 6 968 euros

bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– condamné la Société Gay Frères à verser à M. [F] les sommes suivantes:

– 53 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte d’emploi,

– 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 2 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 696,80 euros bruts et 69,68 euros bruts pour congés payés afférents au titre de rappel de salaire concernant l’augmentation générale dont il a été privé,

– 3 769 euros bruts au titre du 13ème mois,

– débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire pour le mois d’octobre 2016,

– condamné la Société Gay Frères à verser à M. [F] la somme de 4 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– condamné la Société Gay Frères à verser à M. [F] la somme de 1 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

– fixé le salaire mensuel moyen de Madame à 3 484 euros bruts (sic)

– condamné la Société Gay Frères aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée ‘ ».

La cour est saisie de l’appel interjeté le 4 avril 2019 par la société Gay Frères.

Par jugement du 22 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a dit que la maladie présentée le 14 avril 2016 par M. [F] doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle par la CPAM du Rhône.

Par conclusions régulièrement communiquées, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Gay Frères demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire pour le mois d’octobre 2016

JUGEANT A NOUVEAU,

– juger que l’inaptitude de M. [F] n’a pas une origine professionnelle et n’a pas été

la conséquence d’une faute de la société Gay Frères ;

– juger que M. [F] ne démontre pas avoir subi d’agissements de harcèlement moral, que la société Gay Frères a manqué à une obligation de sécurité et que cette dernière a commis une faute dans l’exécution de son contrat de travail ;

En conséquence,

– débouter M. [F] de l’intégralité de ses demandes, à savoir :

o 26 816,00 euros nets au titre d’une indemnité spéciale de licenciement

o 6 968,00 euros bruts au titre d’une indemnité d’un montant égal à celui de l’indemnité

compensatrice légale de préavis

o 63 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre d’un préjudice pour perte d’emploi

o 21 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre d’un préjudice pour non-respect de

l’obligation de sécurité

o 28 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre d’un préjudice pour harcèlement

moral

o 696,80 euros bruts de rappel de salaire au titre d’une augmentation générale salariale, outre une

somme de 69,68 euros bruts au titre d’une indemnité de congés payés afférents

o 3 769,00 euros bruts de rappel de salaire au titre d’une prime de 13ème mois

o 1 036,63 euros bruts à titre de rappel de salaire pour le mois d’octobre, outre une somme de 103,66 euros bruts au titre d’une indemnité de congés payés afférents

o 21 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

o 3 000,00 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

– juger que M.[F] ne justifie pas de l’étendue des préjudices qu’il prétend avoir subi ;

En conséquence ;

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE,

– fixer à six mois de salaire le montant des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués à M. [F], soit 20 904 euros.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

– condamner M. [F] à lui payer une somme de 3 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Par conclusions régulièrement communiquées, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [F] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a limité le montant des dommages-intérêts et en conséquence condamner la société Gay Frères à lui payer les sommes suivantes:

* 63 000 euros nets au titre de la perte d’emploi

* 21 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité

* 28 000 euros au titre du harcèlement moral

* 21 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire pour le mois d’octobre 2016 et en conséquence condamner la société Gay Frères à lui verser la somme de 1 036,63 euros bruts pour le mois d’octobre outre une somme de 103, 66 euros bruts au titre de l’indemnité de congés payés afférents

– juger que les condamnations indemnitaires au titre de la perte d’emploi, du manquement à l’obligation de sécurité, du harcèlement moral et de l’exécution déloyale du contrat de travail, de même que l’indemnité allouée par les premiers juges sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile porteront intérêts calculés au taux légal à compter du 28 mars 2019 pour les montant alloués par les premiers juges et à compter du l’arrêt à intervenir pour les montants supplémentaires alloués

– condamner la société Gay Frères au versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.

MOTIFS

La société Gay Frères rappelle, à titre liminaire, que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [F] a été autorisé au terme d’une décision de l’inspection du travail du 18 octobre 2016, et que M. [F] n’ a formulé aucune remarque quant à la licéité de son licenciement au cours de l’enquête contradictoire menée par l’inspection du travail.

Cependant si le salarié ne peut plus, dans ces conditions, remettre en cause le caractère réel et sérieux de son licenciement devant le conseil de prud’hommes, il peut saisir cette juridiction des fautes qu’il impute à l’employeur pendant l’exécution du contrat de travail et il peut contester devant le juge judiciaire son licenciement pour inaptitude en invoquant des faits de harcèlement moral dés lors qu’il appartient au seul juge judiciaire de rechercher la cause de cette inaptitude.

En l’espèce, M. [F] soulève en premier lieu, l’origine professionnelle de son inaptitude dont dépend le versement des indemnités spéciales de rupture (I), et en second lieu les manquements de l’employeur à l’origine de son inaptitude (II).

I- sur l’origine professionnelle de l’inaptitude :

L’article L. 1226-10 du Code du Travail dispose que :

« ‘Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le Médecin du Travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions

écrites du Médecin du Travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au

besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagements du temps de travail. ‘ ».

L’article L. 1226-12 du Code du Travail ajoute :

« ‘Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité

de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10 du Code du Travail, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. ‘ ».

Enfin, l’article L. 1226-14 du même Code précise :

« ‘(‘) La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article

L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant

égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi

qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus

favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9. ‘».

M. [F] soutient en l’espèce que :

– l’origine professionnelle de son inaptitude a été reconnue par le médecin du travail en une seule visite de reprise le 22 juin 2016 dans des termes univoques, la case ‘ maladie professionnelle’ étant cochée par le praticien;

– la société Gay Frères n’a jamais contesté l’avis médical du 22 juin 2016 par la voie du recours administratif

– les avis médicaux établis par les médecins traitants et spécialistes dont le certificat médical initial font le constat de la dégradation de son état de santé, en lien avec sa situation professionnelle, et ce à compter du mois d’avril 2015, soit concomitamment à l’engagement d’une procédure de licenciement pour faute grave à son encontre ;

– chaque retour dans l’entreprise a été suivi d’une nouvelle dégradation de l’état de santé et d’un arrêt de travail ;

– la société Gay Frères a pris l’initiative de réunir les délégués du personnel le 2 septembre 2016 afin de les consulter sur les possibilités de reclassement, alors qu’à cette date la consultation des délégués du personnel n’était requise que lorsque l’inaptitude était d’origine professionnelle ;

– l’inspection du travail a considéré dans sa décision du 18 octobre 2016 qu’il convenait d’appliquer les dispositions protectrices des victimes de maladie professionnelle, même en l’absence de décision de prise en charge de la CPAM ;

– la société Gay Frères avait connaissance de l’origine professionnelle de la maladie au moment du licenciement notifiée le 27 octobre 2016 ;

– le tribunal judiciaire de Lyon a définitivement reconnu le caractère professionnel de sa maladie, ensuite du second avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles lequel a reconnu un lien direct et essentiel entre sa pathologie et ses conditions de travail.

La société Gay Frères fait valoir :

– que la prise en charge au titre de la législation professionnelle ne peut résulter des seules allégations du salarié ;

– que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été autorisé par la Direccte au terme d’une décision du 18 octobre 2016 laquelle n’a pas considéré que le licenciement querellé avait une origine professionnelle ;

– qu’il ne ressort pas de l’avis d’inaptitude délivré par le médecin du travail le 22 juin 2016 que l’état d’inaptitude ait pu avoir un lien avec son activité professionnelle ;

– qu’elle a consulté la délégation unique du personnel uniquement à titre conservatoire et qu’elle n’a jamais considéré l’inaptitude de M. [F] comme ayant une origine professionnelle ;

– les certificats sont établis sur la seule base des propos de l’intéressé, parfois même postérieurement à la rupture de son contrat de travail, de sorte qu’ils sont dépourvus de valeur probante et ne peuvent suffire à démontrer que l’inaptitude de M. [F] aurait une origine professionnelle ;

– qu’en qualité de délégué du personnel, M. [F] a conseillé Madame [W] lors de sa procédure de licenciement pour inaptitude liée à une maladie professionnelle aux mois de mars et d’avril 2016, de sorte que M. [F] n’ignore rien des conséquences financières attachées à la reconnaissance d’une inaptitude pour origine professionnelle.

****

En l’espèce, dans l’avis d’inaptitude du 22 juin 2016, ainsi libellé :

‘ Inapte en une seule visite pour danger immédiat

Du fait de son état de santé Monsieur [F] [S] est déclaré inapte de façon définitive au travail au sein de l’entreprise Gay Frères. Je n’ai pas de changement ou d’aménagement de poste à proposer. L’inaptitude est prononcée en une seule consultation pour danger grave et imminent. La poursuite de son activité serait gravement préjudiciable à sa santé.’ le médecin du travail a expressément coché ‘ la maladie professionnelle’ et ‘le danger immédiat’ dans l’entreprise, soit des éléments en faveur de l’existence d’un lien de causalité entre l’inaptitude et l’activité professionnelle.

Par ailleurs le docteur [L] a rempli le formulaire correspondant à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle pour l’arrêt de travail du 14 avril 2016 et à cette même date, M. [F] a fait une déclaration de maladie professionnelle auprès de la CPAM.

La société Gay Frères se prévaut de l’absence de reconnaissance par la Direccte de l’origine professionnelle du licenciement, mais ce moyen est inopérant dés lors que l’inspecteur du travail ne se prononce que sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, en l’espèce l’inaptitude, et non sur les causes de cette inaptitude.

En outre, la décision de la Direccte du 18 octobre 2016 indique qu’il a été rappelé à l’employeur que l’application des dispositions protectrices de victimes de maladie professionnelle n’était pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM du lien de causalité entre la situation de travail et l’inaptitude du salarié et que ‘pour le calcul de l’indemnité de congés payés, il faudra considérer comme périodes de travail effectif les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail a été suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ( article L. 3141-5 du code du travail.)’

Enfin, nonobstant le fait que l’application de l’article L. 1226-14 du code du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du caractère professionnel de la maladie ou de l’accident et qu’il appartient au juge du fond de rechercher l’existence du lien de causalité entre l’exercice professionnel et la maladie en raison du principe de l’autonomie du droit du travail et du droit de la sécurité sociale, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Montpellier a, dans sa séance du 3 décembre 2020, retenu un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par M. [F] et ses conditions de travail après examen du dossier médico administratif du salarié révélant l’existence de contraintes psycho-organisationnelles suffisantes selon les critères de GOLLAC : insécurité au travail, exigence émotionnelle, intensité du travail, relations difficiles avec la hiérarchie, réorganisation de l’entreprise.

Or, lesdites contraintes psycho-organisationnelles ne pouvaient être ignorées par la société Gay Frères dés lors que :

– le premier arrêt de travail est immédiatement consécutif à la procédure de licenciement pour faute grave engagée contre M. [F] le 21 avril 2015,

– le premier retour au travail, à la date du 20 juillet 2015 a donné lieu à des échanges particulièrement conflictuels avec l’employeur au cours desquels M. [F] a dénoncé à plusieurs reprises l’absence de directives et de travail, la suppression de sa messagerie et de son accès à Internet, un changement de bureau et un déménagement de ses affaires notamment,

– à l’issue du premier retour dans l’entreprise, M. [F] a à nouveau été placé en arrêt maladie au bout de quelques jours,

– le médecin du travail atteste avoir reçu M. [F] en consultation le 28 avril 2016 à la demande d’un médecin spécialiste, puis le 22 juin 2016, à la demande du salarié et avoir constaté lors de ces deux consultations qu’il présentait des symptômes de stress, d’anxiété, de trouble du sommeil qui nécessitaient un traitement médicamenteux, caractérisant une ‘altération très importante et durable de son état de santé en lien avec la profonde dégradation de la situation de travail.’

– le médecin du travail a écrit à l’employeur le 13 juillet 2016, attirant son attention sur le fait que M. [F] était apte à une activité de bureau (…), ‘sous réserve que ces activités se déroulent sans pression et sans contrainte psychologique’, ce qui constituait une mise en garde univoque sur la dégradation des conditions de travail et leur impact sur la santé du salarié.

Il résulte par conséquent, tant des éléments médicaux sus-visés, que des échanges avec l’employeur et avec la Direccte, que la société Gay Frères, qui ne remet nullement en cause l’absence d’antécédents médicaux de nature psychologique du salarié au cours d’une relation contractuelle de prés de trente années, ne pouvait ignorer l’origine professionnelle de la maladie de M. [F].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que l’inaptitude de M. [F] avait une origine professionnelle et en ce qu’il a condamné la société Gay Frères à payer au salarié, conformément aux dispositions de l’article L 1226-14 du code du travail, la somme de 28 816 euros à titre de reliquat d’indemnité spéciale de licenciement, ainsi que la somme de 6 968 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, montants que la société Gay Frères n’a pas critiqués, même à titre subsidiaire.

II- sur les manquements de l’employeur :

L’article L. 1154-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 énonce que: ‘Lorsque survient un litige relatif à l’application des article L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

M. [F] invoque plusieurs manquements de l’employeur, et soutient que pris dans leur ensemble, ils caractérisent une situation de harcèlement moral. Il invoque ainsi :

– un manquement à l’obligation de fournir le travail convenu contractuellement lors de la conclusion du contrat de travail,

– le défaut d’organisation de la visite médicale de reprise,

– son exclusion du bénéfice de l’augmentation générale des salaires

– le défaut de reprise du paiement intégral de son salaire alors qu’à l’issue d’un délai de un mois à compter de la visite médicale de reprise du 22 juin 2016, il n’était ni reclassé, ni licencié et ce en contradiction avec les dispositions des articles L. 1226-4 et L 1226-11 du code du travail.

M. [F] soutient qu’au retour de son arrêt de travail, le 20 juillet 2015, il a fait l’objet ‘d’une mise au placard’ caractérisée par :

– l’absence d’organisation de visite médicale de reprise

– un changement de bureau désormais partagé avec un autre salarié

– la suppression de sa messagerie, de son accès à Internet et de tout accès à la messagerie du service CAO

– la nécessité de solliciter désormais l’autorisation du responsable informatique pour chaque connexion internet, contrairement à ses collègues de travail

– son remplacement par Mme [V] comme seule interlocutrice du service CAO lequel a finalement été transféré au siège social de l’entreprise à [Localité 4],

– l’absence d’information relative à la nouvelle version du logiciel CAO (Matrix 8) acquise pendant son absence

L’absence de fourniture de travail résulte des éléments apportés tant par le salarié que par la société Gay Frères.

Ainsi la société Gay Frères expose qu’elle n’a en aucune manière cherché à stigmatiser M. [F] mais s’est trouvée confrontée à l’impossibilité de lui confier des missions en raison de l’absence de nouvelles commandes, du défaut de développement CAO de son principal client et de façon plus générale, en raison d’une charge de travail de ce service en nette baisse; qu’elle a toutefois proposé des solutions à M. [F] qui les a déclinées; que M. [F] n’était pas le seul salarié visé par la procédure de licenciement économique engagée à partir de la consultation des délégués du personnel des 3, 21 et 29 septembre 2015, que M. [I] et Mme [A] étaient également concernés.

L’employeur souligne donc que M. [F] a regagné son poste au cours d’une période de baisse d’activité et produit plusieurs attestations réfutant toute mise l’écart: celles de M. [Y], responsable administratif ordonnancement, de Mme [X], polisseuse, déléguée du personne et déléguée au comité d’entreprise et de M. [Z], chef d’atelier.

Quant au salarié, il produit le courriel qu’il a adressé 26 août 2015, à Mme [V] dans les termes suivants :

‘ Depuis ma reprise à mon poste de travail le 20 juillet 2015, je ne vous ai aperçue furtivement qu’à de très rares occasions (…)

Je vous demande, pour la bonne marche du service CAO et pour notre travail en commun, de bien vouloir me faire un compte rendu détaillé de l’activité CAO, durant mes trois mois d’absence (…)

Compte tenu que je n’ai plus aucun outil personnel CAO, ni outils appartenant au service CAO, ni de documentation technique dans mon bureau et armoire dans l’ancien espace CAO, je me permettrai d’aller dans votre bureau où je pourrai les utiliser ou vous les emprunter.

Par rapport à vos écrits et à la restructuration du service CAO, j’aimerai connaître la définition de votre nouveau poste, et savoir si je suis toujours votre responsable, dans le cas contraire, je vous prie de bien vouloir me nommer votre responsable (…)

Quelques jours plus tard, par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 septembre 2015, M. [F] interpellait à nouveau son employeur sur l’absence de travail, de directives, d’outils de travail, de connexion internet et sur le transfert de ses attributions à Mme [V], interpellation à laquelle la société Gay Frères faisait une réponse similaire à la première.

Il apparaît par conséquent qu’à son premier retour de congés maladie, le 20 juillet 2015, M. [F] a découvert que son service avait été restructuré, qu’il devait partager un bureau avec un commercial, ainsi que la ligne téléphonique unique affectée à ce bureau, que Mme [V] avait été positionnée en interim ou en relais sur ses dossiers, que cette dernière détenait désormais le téléphone portable attribué au service ainsi que l’ensemble des documents de travail du service CAO. Or, la société Gay Frères ne justifie, dans le même temps, d’aucune directive donnée à M. [F] compte tenu de cette configuration et de la nécessaire articulation entre Mme [V] et lui-même, ni d’aucune justification à cette organisation autre que la baisse d’activité.

S’agissant de la modification de l’emplacement des dossiers du service CAO et des dossiers des délégués du personnel ainsi que de l’accès aux lignes téléphoniques fixe et portable, ou encore de la restriction de l’accès à Internet, il s’agit de faits constants dés lors que la société Gay Frères expose que ces modifications s’inscrivent :

– dans le contexte de réorganisation du service CAO consécutive à la procédure de licenciement pour motif économique à l’encontre des collaborateurs de ce service,

– dans le cadre de l’interim assuré par Mme [V], les dossiers du service CAO étant transférés dans son bureau,

– en réponse, s’agissant de la restriction de l’accès à Internet, à l’exécution déloyale par M. [F] de ses obligations contractuelles par l’utilisation des moyens mis à sa disposition à des fins personnelles, et ce quand bien même le licenciement pour faute grave n’aurait pas été notifié à l’intéressé .

En ce qui concerne les visites médicales de reprise, force est de constater que :

– le retour d’arrêt maladie du 20 juillet 2015 n’a pas donné lieu à une visite médicale de reprise, laquelle, programmée le 22 septembre 2015, n’a finalement pas eu lieu ;

– le retour d’arrêt maladie du 19 février 2016 n’a pas donné lieu à une visite médicale, la société Gay Frères justifiant d’une convocation devant le service de médecine du travail le 28 avril 2016 ;

– la visite de reprise du 22 juin 2016, qui a donné lieu à l’avis d’inaptitude, est mentionnée par le médecin du travail comme ayant été réalisée à la demande du salarié.

Enfin, il est constant que la société Gay Frères a informé l’ensemble du personnel, par note de service du 24 mars 2016 d’une revalorisation générale des salaires à compter du mois de mars 2016 et qu’elle a exclu M. [F] de cette augmentation, invoquant une augmentation non systématique et contestant le principe d’une augmentation générale.

****

Il résulte des débats qu’à la reprise du travail le 20 juillet 2015, la société Gay Frères a opposé à M. [F] une situation nouvelle en raison d’une baisse d’activité du service ne permettant pas de lui confier des missions nouvelles, une réorganisation des bureaux et des outils de travail avec notamment le partage de la ligne téléphonique et des dossiers avec Mme [V], ainsi qu’un changement des conditions d’accès à Internet désormais soumises pour lui à autorisation. Ces éléments sont objectivés par les courriers échangés entre M. [F] et la société Gay Frères entre le 20 juillet 2015 et le 14 septembre 2015, ainsi que par les échanges de courriels entre Mme [V] et M. [F], à la fin du mois d’août 2015.

Il en résulte une modification substantielle du contrat de travail et une absence de perspectives pour le salarié à son retour de congés maladie, et ce plus d’une année avant que la société Gay Frères n’obtienne une autorisation de licenciement pour motif économique.

En effet, la société Gay Frères indiquait de façon expresse à M. [F], dans son courrier du 14 septembre 2015 :

‘(…) Vous vous plaignez de ne plus avoir aucun travail. Mais vous ne pouvez ignorer le problème de la sous-activité de votre service, qui a été maintes fois évoquée avec vous.

Cette situation va de plus s’accentuer puisque Gay Frères se voit contrainte d’abandonner la conception, fabrication et commercialisation de ses produits auprès de la grande distribution et des détaillants. Vous connaissez la procédure en cours de licenciements économiques qui en découle. (…)’

Il apparaît en outre que M. [F] a toujours repris le travail sans visite de reprise à l’exception de celle qu’il a lui-même sollicité le 22 juin 2016, en dépit de la longueur et de la succession des arrêts de travail prescrits au salarié et qu’il n’a pas bénéficié d’une revalorisation salariale présentée comme générale .

Enfin, M. [F] produit des éléments médicaux illustrant de façon univoque la dégradation de son état de santé à compter de l’annonce d’un licenciement pour faute grave qui ne sera finalement pas autorisé par l’inspection du travail, et de retours de congés maladie à l’occasion desquels M. [F] déplore de façon récurrente l’absence de travail fourni et de toute directive.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’agissements répétés de la société Gay Frères ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de M. [F] laquelle a porté atteinte à sa santé mentale et compromis son avenir professionnel, éléments caractérisant le harcèlement moral qu’il appartient en conséquence à la société Gay Frères de combattre en démontrant que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En ce qui concerne le défaut de fourniture de travail, la société Gay Frères soutient qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de confier des missions à M. [F] en l’absence de nouvelles commandes. Elle souligne en outre que M. [F] n’est resté que quatre jours en poste, avant de bénéficier de ses congés d’été dès le vendredi 24 juillet 2015 et que plus généralement, sur une période courant du 25 avril 2015 au 27 octobre 2016, il n’a été présent dans les effectifs que 39 jours.

La société Gay Frères ne saurait cependant invoquer la cause économique qui a présidé à la mise en oeuvre de la procédure pour licenciement économique à l’encontre de M. [F], dés lors que la Direccte a, par décision du 22 janvier 2016, refusé l’autorisation de licencier M. [F], considérant que les éléments apportés par l’employeur pour établir le motif économique n’étaient pas probants, soit parce qu’ils ne permettaient pas d’apprécier les difficultés économiques alléguées à la date de la demande, soit parce qu’ils ne permettaient pas d’apprécier la menace de la compétitivité dans le cadre du groupe.

En outre, les absences du salarié ne constituent pas une justification pertinente de l’absence de fourniture de travail et ce d’autant moins que cette revendication du salarié a été exprimée dés le premier jour de la reprise du travail, c’est à dire à une date où l’employeur ne pouvait en aucun cas préjuger d’un nouvel arrêt de travail.

En ce qui concerne la réorganisation du service CAO et l’interim de Mme [V] pendant l’absence de M. [F] du 25 avril 2015 au 19 juillet 2015, il résulte des pièces versées au débat que si le déménagement du bureau de M. [F], la récupération de ses archives de délégué du personnel par Mme [X], déléguée suppléante, le transfert de ses dossiers à Mme [V] pour assurer l’interim, l’attribution du téléphone portable du service CAO à Mme [V] peuvent être justifiés par une restructuration du service en l’absence de M. [F], cette justification ne pouvait être maintenue au retour du salarié qui sollicitait légitimement sa réintégration sur son poste et qui n’avait pas consenti à une modification de son contrat de travail.

Il apparaît ainsi que M. [F] a été placé devant le fait accompli et que son retour n’a été précédé, ni suivi d’aucune réflexion sur l’articulation entre les attributions de Mme [V] et lui-même, la société Gay Frères se contentant d’invoquer le contexte économique qui ne lui permettait plus de lui confier de nouveaux projets, tout en maintenant sur son poste, Mme [V], avec laquelle il devait par ailleurs partager la ligne téléphonique du service .

La situation perdurait et s’aggravait dés lors que le 11 mars 2016, la société Gay Frères exigeait la présence du salarié sur son lieu de travail même en l’absence de tout travail. En effet Mme [J], responsable du personnel, écrivait à M. [F] qu’en l’état de la suppression de son poste de responsable CAO et du refus de l’inspection du travail d’autoriser son licenciement pour motif économique, il devait être présent au sein de l’entreprise alors même que la société Gay Frères n’avait plus de travail de CAO à lui confier

Mme [J] ajoutait :

‘(…) Nous sommes tenus dans l’obligation de vous réintégrer au sein de l’entreprise à votre poste de travail et non à votre domicile, ou en cas d’impossibilité absolue à un poste équivalent. Nous n’avons pas de poste équivalent, mais nous vous proposons à nouveau un poste en bijouterie où vos compétences de Maître Artisan en bijouterie joaillerie pourraient être utiles aux autres salariés.

Si malgré cela, vous refusez de réintégrer l’entreprise en restant à votre domicile, nous nous verrons contraints de ne pas vous verser de rémunération.

Nous vous demandons donc d’être présent dés le lundi 14 mars 2016 à votre poste de travail (…)’.

Enfin, le docteur [M], médecin du travail, indiquait dans une correspondance du 13 juillet 2016 à la société Gay Frères que suite à sa visite de l’établissement lyonnais, il avait constaté que : ‘ (…) L’établissement de [Localité 5] se consacre dorénavant uniquement à la fabrication ( atelier de bijouterie, montage, assemblage, polissage, sertissage) et que les fonctions de dessin et de création avec notamment la CAO et l’imprimerie 3D ont été transférées sur [Localité 4] ou sont sous-traitées.

De fait le poste qu’occupait Monsieur [F] n’existe plus. Monsieur [F] est apte à une activité de type bureau, travail sur informatique, travail sur documents, activité manuelle légère sous réserve que ces activités se déroulent sans pression et sans contrainte psychologique. ‘

Concernant la restriction de l’accès de M. [F] à internet, la société Gay Frères invoque l’aveu du salarié dans le cadre de la procédure de licenciement pour faute grave pour laquelle elle n’a pas obtenu l’autorisation de licenciement de la Direccte.

La société Gay Frères soutient en effet que M. [F] aurait reconnu avoir utilisé les équipements de travail de l’entreprise ainsi que les consommables de l’entreprise tels que la cire ou la résine, sur son temps de travail, pour créer ou reproduire des modèles de bijoux en 3D ainsi que des prototypes en cire ou en résine en dehors de toute commande émanant de Gay Frères, ce qui justifierait une utilisation limitée et contrôlée de l’accès à Internet.

La société Gay Frères soutient en conséquence qu’il appartenait à M. [F] de solliciter auprès des service informatiques, l’autorisation préalable d’accéder aux sites professionnels souhaités et que faute d’avoir accompli cette démarche d’autorisation, le salarié ne peut soutenir qu’un refus lui aurait été opposé.

Si l’aveu a été retenu par la Direccte dans sa décision du 26 juin 2015, l’inspecteur du travail a cependant considéré d’une part que M. [F] niait avoir agi pour son compte personnel ou pour d’autres entreprises, d’autre part que l’employeur n’apportait pas d’éléments permettant de l’établir, de sorte qu’il existait un doute sur le fait que ces prototypes aient été vendus et/ou fondus pour le compte personnel de M. [F] et que la faute, telle qu’elle était énoncée dans la demande d’autorisation de licenciement, n’était pas établie.

Dans ces conditions, la société Gay Frères qui n’apporte aucun élément contraire, ne peut justifier la restriction de l’accès à Internet de M. [F], par l’existence d’une faute dont la matérialité n’a pas été établie et ce nonobstant la faculté pour l’intéressé d’obtenir des autorisations particulières au cas par cas, dés lors que ce procédé déroge à la pratique habituelle.

Enfin, en ce qui concerne l’augmentation de salaire, la note de service du 24 mars 2016 dont se prévaut M. [F] énonce:

« ‘La Direction a le plaisir de vous annoncer que les salaires seront revalorisés à compter du mois de mars 2016, aux conditions suivantes :

‘2% d’augmentation générale sauf pour les personnes qui :

-Ont moins de 6 mois d’ancienneté,

-Ont été augmentées en janvier ou février 2016.

‘Chaque responsable disposera d’une enveloppe globale de 2% qu’il pourra répartir entre

les salariés en fonction de leurs compétences et savoir être, tout en respectant la cohérence de la grille salariale. L’augmentation de 2% n’est donc pas systématique.

‘La revalorisation s’appliquera avec effet rétroactif au mois de janvier 2016′ ».

La société Gay Frères soutient que M. [F] n’a pas bénéficié de cette augmentation individuelle, à l’instar de deux autres salariés, puisque elle s’est trouvée dans l’impossibilité de lui donner des missions en raison des difficultés économiques rencontrées.

Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, le motif économique invoqué pour justifier l’absence de missions confiées à M. [F] est inopérant. Il l’est également pour expliquer que M. [F], qui remplissait largement les conditions d’ancienneté (plus de six mois d’ancienneté), et dont la compétence n’ a jamais été remise en cause au cours de la relation contractuelle, n’ait pas bénéficié des 2% d’augmentation générale annoncée par la société Gay Frères à ses salariés.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, à savoir la suppression de fait du poste de travail de M. [F] à la suite de deux tentatives de licenciement avortées, le défaut d’organisation de visites médicales de reprise en dépit d’une altération durable de l’état de santé du salarié illustrée par la succession d’arrêts de travail longs, l’exclusion du salarié d’une revalorisation salariale présentée comme générale, que la situation de harcèlement moral est caractérisée. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

III- Sur l’indemnisation des préjudices :

Considérant que son inaptitude résulte nécessairement des manquements de l’employeur, M. [F] demande réparation de la perte d’emploi, du manquement à l’obligation de sécurité et du harcèlement moral.

La société Gay Frères rappelle d’une part qu’il n’existe pas de préjudice nécessaire et qu’il appartient au salarié d’en rapporter la preuve; d’autre part que le cumul entre les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’autres dommages et intérêts n’est possible que lorsque ces derniers dommages-intérêts visent à réparer un préjudice distinct qui n’est pas réparé par l’attribution d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Gay Frères soutient à titre principal que les demandes de M. [F] ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant, et demande, à titre subsidiaire de réduire le montant des dommages-intérêts alloués à M. [F] à six mois de salaires en application des dispositions de l’ancien article L. 1235-3 du code du travail, soit en l’espèce la somme de 20 904 euros.

1°) la perte d’emploi :

En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail, M. [F] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, dont il n’est pas contesté qu’il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [F] âgé de 56 ans lors de la rupture, de son ancienneté de vingt-huit années et six mois, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 63 000 euros, sur la base d’un salaire mensuel brut de 3 484 euros.

En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 53 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte d’emploi doit être infirmé en ce sens.

2°) le manquement à l’obligation de sécurité :

L’absence de visite médicale de reprise au terme d’arrêts de travail de plusieurs mois en l’état d’une dégradation de l’état de santé du salarié que l’employeur n’ignorait pas, caractérise un manquement à l’obligation de sécurité qui a causé à M. [F] un préjudice lequel sera réparé par la somme de 1 000 euros.

Le jugement déféré qui a condamné la société Gay Frères à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros à ce titre sera infirmé en ce sens et M. [F] sera débouté de sa demande pour le surplus.

3°) le harcèlement moral :

Au terme des débats, une situation de harcèlement moral a été objectivée à l’encontre de M. [F] qui est en conséquence fondé à demander réparation au titre du préjudice moral qui en est résulté.

La société Gay Frères sera condamnée à payer à M. [F], à ce titre la somme de 10 000 euros. Le jugement déféré qui a alloué au salarié la somme de 2 000 euros sera donc infirmé en ce sens et M. [F] sera débouté de sa demande pour le surplus.

IV- Sur l’exécution déloyale du contrat de travail concernant les salaires :

M. [F] soutient que la société Gay Frères a manqué à l’exécution loyale du contrat de travail en :

– ne reprenant pas le versement de son salaire intégral en terme du délai de un mois suivant la visite médicale de reprise ;

– ne régularisant que plusieurs mois après et seulement en partie, les salaires dus ;

– s’abstenant de verser les primes de 13ème mois, l’intégralité du salaire du mois d’octobre ;

– le privant de l’augmentation générale des salaires accordée aux salariés de l’entreprise.

M. [F] demande en conséquence :

* la somme de 1 036,63 euros à titre de reliquat de salaire pour le mois d’octobre 2016, outre la somme de 103, 66 euros de congés payés afférents.

La société Gay Frères fait valoir qu’elle a régularisé la part de salaire restant due le 10 février 2017.

* la somme de 3 769 euros au titre de rappel de 13ème mois.

La société Gay Frères s’oppose à cette demande en soutenant que la prime de treizième mois est calculée au prorata temporis de la présence du salarié dans les effectifs de la société, de sorte que la demande du salariée n’est pas fondée compte tenu de ses absences.

* la somme de 696,80 euros bruts au titre du rappel de salaire correspondant à l’augmentation de 2% outre la somme de 69, 68 euros de congés payés afférents

* la somme de 21 000 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices tant professionnels que moraux résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail.

La société Gay Frères conclut au rejet de cette demande aux motifs que M. [F] a été rempli de ses droits et que la demande est, en tout état de cause, manifestement excessive et non justifiée dans son quantum.

****

Il a été jugé ci-dessus que la société Gay Frères ne justifiait pas de conditions objectives étrangères à toute situation de harcèlement pour expliquer que M. [F] ait été exclu de la revalorisation salariale de 2% annoncée à l’ensemble des salariés par la note de service du 24 mars 2016, de sorte que M. [F] est fondé à solliciter un rappel de salaire, dont le montant n’est pas critiqué, même à titre subsidiaire par la société Gay Frères, qui sera en conséquence condamnée à payer à M. [F] la somme de 696,80 euros outre 69,68 euros de congés payés afférents à ce titre.

S’agissant du mois d’octobre 2016, M. [F] soutient qu’il aurait dû percevoir un salaire brut de 3 318 euros correspondant à 20 jours ouvrés du 1er au 28 octobre 2016 et à son salaire fixe mensuel brut de 3 484 euros, alors qu’il n’a perçu que la somme de 2 281,47 euros compte tenu des retenues pratiquées par l’employeur au titre des absences pour maladie, des indemnités de sécurité sociale et de la régularisation sur salaire fin de contrat, telles que ces retenues sont mentionnées sur le bulletin de salaire afférent au mois d’octobre 2016.

La société Gay Frères qui ne conteste pas le calcul d’un reliquat de 1 036,63 euros ( 3 318 – 2 281,47), soutient qu’elle a régularisé le paiement de cette somme le 10 février 2017 et produit un récapitulatif des paiements pour la période maladie du 11 juillet 2016 au 28 octobre 2016, ainsi qu’un bulletin de paie pour février 2017 qui mentionne la somme totale nette de 2 175, 01 au titre des indemnités journalières complémentaires aux IJSS payées par l’employeur pour la période du 22 juillet 2016 au 28 octobre 2016.

Le récapitulatif fait état d’un salaire net reconstitué pour la période du 1er octobre 2016 au 28 octobre 2016 de 2378, 09 euros, inclus dans le calcul des indemnités journalières complémentaires restant dues, de sorte que M. [F] a été rempli de ses droits au titre du mois d’octobre 2016. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de cette demande.

S’agissant du rappel de salaire au titre du treizième mois, le contrat de travail de M. [F] prévoit, en son article IV :

« ‘Monsieur [S] [F] bénéficiera de l’usage de treizième mois instauré chez gay Frères et versé pour 25% au mois de juin sous forme de prime de vacances (période de référence juin N-1/Mai N) et pour 75% au mois de novembre sous forme de prime de fin d’année (période de référence décembre N-1/Novembre N). A titre exceptionnel, la société Gay Frères ne calculera pas de prorata de treizième mois pour 2012 ‘ ». ;

La société Gay Frères soutient qu’il résulte des termes du contrat que la prime de treizième mois est calculée au prorata temporis de la présence du salarié dans les effectifs de la société et que M. [F] ne peut prétendre au bénéfice de l’intégralité de ses primes de 13ème mois compte tenu de ses absences.

Mais, la société Gay Frères ne justifie pas d’un accord prévoyant que la prime de treizième mois est liée au temps de présence du salarié dans l’entreprise ou au temps de travail effectif, et le contrat de travail ne définit pas davantage une règle de versement au prorata temporis de la présence du salarié, de sorte que la société Gay Frères n’est pas fondée à opposer à M [F] ses absences pour maladie pour s’opposer au paiement de l’intégralité de sa prime de treizième mois.

La société Gay Frères qui ne critique pas, même à titre subsidiaire, le calcul détaillé produit par M. [F] pages 57 à 59 de ses conclusions, sera en conséquence condamnée à payer au salarié la somme de 3 769 euros à titre de rappel de prime de 13ième mois pour la période de juin 2014 à octobre 2016. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Enfin, il n’est pas contesté par la société Gay Frères qu’elle a, à plusieurs reprises et malgré les protestations du salarié, déduit à tort, les indemnités journalières de sécurité sociale et de prévoyance du salaire dû à M. [F], ce qui a donné lieu à une régularisation tardive, plusieurs mois après le licenciement, ainsi qu’en attestent les courriels de réclamation de M. [F] et le courrier final de régularisation des indemnités journalières de la société Gay Frères du 9 février 2017.

Les manquements multiples relatifs au paiement des salaires ainsi établis, caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail à l’origine d’un préjudice moral non réparé par les régularisations sus-visées. La société Gay Frères sera par conséquent condamnée à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Le jugement déféré qui a condamné la société Gay Frères à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail sera donc confirmé sur le principe et infirmé sur le montant.

– Sur les demandes accessoires :

L’article 1231-7 di code civil énonce:

‘ En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommages, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance.

Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêts à compter de la décision d’appel. LE juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.’

M. [F] demande que les dommages-intérêts alloués pour perte d’emploi, manquement à l’obligation de sécurité, harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que l’indemnité prononcée par les premiers juges sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile portent intérêts au taux légal à compter du jugement du 28 mars 2019 pour leurs montants alloués par les premiers juges, et à compter du présent arrêt pour les montants supplémentaires alloués.

Compte tenu des sommes allouées en première instance et en appel, la condamnation au titre de la perte d’emploi, portera intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2019 à hauteur de 53 000 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus alloué par la cour, soit 10 000 euros. En ce qui concerne les dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral, la somme de 2000 euros portera intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2019 et le surplus de la condamnation prononcée à compter du présent arrêt.

Les indemnités allouées au titre du manquement à l’obligation de sécurité et de l’exécution déloyale porteront intérêts au taux légal à compter du jugement.

En outre, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société Gay Frères les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [F] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Gay Frères, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré, sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués

STATUANT à nouveau sur ces chefs et y ajoutant

CONDAMNE la société Gay Frères à payer à M. [F] les sommes suivantes :

* 63 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d’emploi, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2019 à hauteur de 53 000 euros et à compter du présent arrêt à hauteur de 10 000 euros :

* 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2019 à hauteur de 2 000 euros et à compter du présent arrêt à hauteur de 8 000 euros :

* 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de santé et de sécurité, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

* 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter du jugement

CONDAMNE la société Gay Frères à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société Gay Frères aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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