Bijouterie : 5 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/06728

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Bijouterie : 5 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/06728

5 octobre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
22/06728

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 OCTOBRE 2023

N° 2023/377

N° RG 22/06728

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJLX2

[K] [V]

C/

[Y] [O]

Compagnie d’assurance AREAS DOMMAGES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCES MALADIE DES ALPES MARITIMES (CPAM 06)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON

-Me Cindy FRIGERIO

-SCP PETIT-BOULARD-VERGER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 04 Mai 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 18/05745.

APPELANTE

Madame [K] [V]

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et par Me Bertrand D’ORTOLI, avocat au barreau de NICE.

INTIMES

Monsieur [Y] [O]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 5]

représenté et assisté par Me Cindy FRIGERIO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE, et par Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS.

Compagnie d’assurance AREAS DOMMAGES,

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Christophe PETIT de la SCP PETIT-BOULARD-VERGER, avocat au barreau de NICE.

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCES MALADIE DES ALPES MARITIMES (CPAM 06)

Signification le 13/07/2022, à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 17/08/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 3]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Mme [V] expose avoir été blessée le 15/06/2014 à [Localité 8] (Alpes-Maritimes) lors d’un rassemblement de motards en Harley-Davidson. Elle expose qu’étant piéton, elle a été renversée par le démarrage intempestif d’une motocyclette dont le propriétaire, M. [O], aurait actionné la pédale de vitesse, possiblement par jeu. Elle a éprouvé un choc dans le dos et de vives douleurs thoraco-abdominales et a consulté le lendemain.

M. [O] soutient quant à lui que la chute de Mme [V] a eu lieu le 14/06 et non le 15/06. Sa moto à l’arrêt a chuté sur celle d’un dénommé [Z] [D], ce qui a donné lieu à un constat amiable. Après quoi, une motocyclette est arrivée à vive allure’: il s’est écarté d’un bond pour ne pas être heurté et a involontairement provoqué la chute de Mme [V] contre une motocyclette qui n’était pas la sienne.

Par ordonnance du 17/11/2016, le juge des référés de Nice a commis le docteur [C] aux fins d’expertise médicale. Le rapport a été déposé le 10/01/2018.

Par arrêt du 04/12/2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé l’ordonnance précitée ‘ uniquement en ce qu’elle avait alloué à Mme [V] une provision de 1.000,00 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel, et une indemnité de 1.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte d’huissier de justice des 16/11 et 18/11/2018, Mme [V] a saisi le tribunal de grande instance de Nice d’une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre M. [O] et son assureur, la compagnie Areas Dommages, au contradictoire de la caisse primaire d’assurance-maladie des Alpes-Maritimes.

Par jugement réputé contradictoire du 04/05/2022, le tribunal judiciaire de Nice a’:

– dit que M. [O] est entièrement responsable des dommages subis par Mme [V] à [Localité 8] le week-end du 14-15/06/2014,

– dit que cet accident n’est pas un accident de la circulation,

– dit que la compagnie d’assurances Areas Dommages doit relever et garantir M. [O] des condamnations mises à sa charge,

– condamné M. [O] à verser à Mme [V] en réparation du préjudice corporel subi la somme de 5.474,50 € ventilée comme suit’:

‘ déficit fonctionnel temporaire : 274,50 €

‘ souffrances endurées : 2.000,00 €

‘ déficit fonctionnel permanent : 2.200,00 €

‘ souffrances endurées : 1.000,00 €

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné M. [O] à payer à Mme [V] la somme de 800,00 € au titre de l’article 700 du code de. procédure civile,

– condamné M. [O] aux dépens de l’instance,

Pour écarter l’application de la loi du 05/07/1985 au profit de la responsabilité de droit commun fondée sur l’article 1241 du code civil, le premier juge a estimé que la preuve de l’implication de la motocyclette de M. [O] n’était pas rapportée. Il a estimé par ailleurs qu’aucune faute caractérisée de Mme [V] ne justifiait un partage des responsabilités.

Par déclaration du 09/05/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [V] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Nice en ce qu’il ne lui a alloué que la somme de 5.474,50 € en réparation du préjudice corporel qu’elle a subi.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant notifiées par RPVA le 26/07/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, Mme [V] demande à la cour de’:

– infirmer partiellement le jugement entrepris, du chef de la liquidation de son préjudice corporel,

– condamner solidairement M. [O] et la compagnie d’assurances Areas Dommages au paiement des sommes suivantes’:

‘ dépenses de santé actuelles : 43,44 €

‘ perte de gains professionnels actuels : 337,30 €

‘ dépenses de santé futures : 57.588,00 €

‘ pertes de gains professionnels futurs : 67.661,13 €

‘ incidence professionnelle : 10.000,00 €

‘ déficit fonctionnel temporaire partiel : 10 %, soit la somme de 274,50 €

‘ souffrances endurées 1,5/7’: 2.000,00 €

‘ déficit fonctionnel permanent 2 %’: 2.200,00 €

‘ souffrances endurées permanentes 1/7’: 1.000,00 €

‘ préjudice d’agrément : 10.000,00 €

– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d’assurance-maladie,

– condamner solidairement M. [O] et la compagnie d’assurances Areas Dommages au paiement d’une somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [V] fait valoir les observations suivantes, en particulier’:

– perte de gains professionnels futurs’: avant l’accident, elle avait un CDD à la bijouterie Histoire d’Or et percevait un salaire mensuel de 1.445,38 €. Elle n’a pas pu reprendre son activité dans la bijouterie. Les douleurs thoraco-abdominales consécutives à l’accident ne lui permettant plus de porter les plateaux de bijoux, son CDD n’a pas été reconduit, alors qu’elle envisageait de continuer à travailler jusqu’à l’âge de 65 ans. Sa perte de gains doit être réparée est estimée à la somme de 67.661,13 € (1.445,38 € x 12) x 3,901 années’;

– incidence professionnelle : elle n’a pu poursuivre son CDD du fait de son incapacité à porter les plateaux de bijoux. Il s’ensuit une pénibilité accrue des conditions de travail et une dévalorisation sur le marché du travail. Ce poste peut être évalué à la somme de 10.000,00 €’;

– préjudice d’agrément’: elle pratiquait régulièrement des activités sportives, notamment la course à pied et l’aviron, et a participé à des compétitions sportives durant plus de 20 ans. Quoique le docteur [C] ait conclu que «’le préjudice d’agrément n’est pas imputable », elle n’a pu reprendre les activités sportives auxquelles elle s’adonnait avant l’accident.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimé portant appel incident notifiées par RPVA le 25/10/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, M. [O] demande à la cour de’:

– réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:

‘ dit que M. [O] est entièrement responsable des dommages subis par Mme [V]

‘ condamné M. [O] à verser à Mme [V] la somme de 5.474,50 € en principal,

‘ débouté les parties du surplus de leurs demandes,

‘ condamné M. [O] au paiement de la somme de 800,00 euros au titre de l’article 700 du code de. procédure civile,

‘ condamné M. [O] aux dépens de l’instance,

Et, statuant a nouveau,

‘ À titre principal,

– constater que Mme [V] ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre sa chute du 14/06/2020 et les préjudices subis et constatés à partir du 16/06/2014

– débouter Mme [V] de ses demandes envers M. [O],

À titre subsidiaire,

– constater que M. [O] n’est pas l’unique responsable des dommages causés à Mme [V],

– constater que Mme [V], par son comportement, a contribué à la réalisation de son dommage,

– ordonner un partage de responsabilité entre Mme [V] et M. [O] au titre des dommages subis par Mme [K] [V],

– attribuer à Mme [V] la somme totale et maximale de 2.737,25 € (5.474,50 € / 2) en réparation des préjudices subis,

– débouter Mme [V] du surplus de ses demandes,

– condamner la compagnie d’assurances Areas Dommages à relever et garantir M. [O] de toutes éventuelles condamnations mises à sa charge,

– confirmer en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris, notamment en ce qu’il a :

‘ dit que cet accident n’est pas un accident de la circulation,

‘ dit que la compagnie d’assurances Areas Dommages doit relever et garantir M. [O] des condamnations mises à sa charge,

‘ déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a liquidé les préjudices subis par Mme [V] à la somme totale de 5.474,50 €,

– débouter Mme [V] des demandes indemnitaires suivantes comme étant infondées :

‘ dépenses de santé avant consolidation ;

‘ pertes de gains professionnels avant consolidation ;

‘ dépenses de santé après consolidation ;

‘ pertes de gains professionnels après consolidation ;

‘ incidence professionnelle économique ;

‘ préjudice d’agrément

– débouter Mme [V] du surplus de ses demandes,

‘ En tout état de cause,

– condamner la compagnie d’assurances Areas Dommages à relever et garantir M. [O] de toutes éventuelles condamnations mises à sa charge,

– condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel,

– débouter Mme [V] de toute demande de condamnation de M. [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

M. [O] fait valoir que :

– le premier juge a justement admis que l’accident advenu à Mme [V] n’est pas un accident de la circulation, mais il n’a pas tiré les conséquences de fait et de droit que cette analyse comportait’; il a en effet inversé la charge de la preuve de la faute, qui incombe à la partie qui l’invoque ;

– le récit de Mme [V] est inexact tant en ce qui concerne la date des faits que les circonstances de la collision’;

– les attestations qu’il produit ([B] [P], [W] [N]) sont a priori plus crédibles que l’unique attestation de Mme [V] (M. [R], qui est son compagnon)’;

– le préjudice corporel invoqué par Mme [V] peut être relativisé dans la mesure où elle a été vue le lendemain de l’accident en train de se promener en motocyclette.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions en appel notifiées par RPVA le 08/09/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, la compagnie d’assurances Areas Dommages demande à la cour de’:

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter purement et simplement Mme [V] de ses demandes concernant les dépenses de santé actuelles et futures, la perte de gains professionnels actuels et futurs, l’incidence professionnelle et le préjudice d’agrément,

– débouter Mme [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Mme [V] à lui verser la somme de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

La compagnie d’assurances Areas Dommages fait valoir en particulier les observations suivantes’:

– dépenses de santé actuelles’: Mme [V] n’est pas fondée à demander le remboursement de dépenses restées à sa charge, faute de justifier d’une absence de prise en charge par sa mutuelle alors qu’elle fait état d’un contrat d’assurance SwissLife ;

– perte de gains professionnels actuels’: la demande ne peut prospérer dans la mesure où le salaire de référence invoqué ne résulte pas des bulletins de salaire produits’;

– dépenses de santé futures’: le docteur [C] n’en retient aucune, la demande de capitalisation est sans objet’;

– perte de gains professionnels futurs’: le docteur [C] a déclaré Mme [V] apte à reprendre le travail, et le non-renouvellement de son CDD n’est pas imputable à l’accident’- ce d’autant moins qu’il a été renouvelé une fois après l’accident ;

– incidence professionnelle’: ce poste n’a pas été retenu par le docteur [C]’;

– souffrances endurées après consolidation’: la cour pourra allouer une somme de 1.000,00 €, quoique ce poste ne soit pas prévu par la nomenclature Dintilhac’;

– préjudice d’agrément’: les trophées et médailles dont Mme [V] produit la photo ne prouvent pas qu’il s’agit d’elle.

* * *

Assignée à personne habilitée le 13/07/2022 par acte d’huissier contenant dénonce de l’appel, la caisse primaire d’assurance-maladie du Var agissant pour le compte de la caisse primaire d’assurance-maladie des Alpes-Maritimes n’a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 685,05 €, ventilée comme suit’:

– frais médicaux’: 487,14 €,

– frais pharmaceutiques’: 241,41 €,

– franchises’: – 43,50 €.

* * *

La clôture a été prononcée le 13/06/2023.

Le dossier a été plaidé le 27/06/2023 et mis en délibéré au 05/10/2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue’:

L’arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de M. [O] :

Aux termes de l’article 1383 du code civil dans sa rédaction à l’époque de l’accident, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. La charge de la preuve incombe au plaignant.

La version de M. [O], selon laquelle ce n’est pas sa motocyclette mais lui-même qui a percuté Mme [V] le 14/06/2014 pour éviter une motocyclette conduite par un tiers, est corroborée par les attestations de MM. [F] [A], [B] [P] et [W] [N]. Le constat amiable d’accident automobile établi par MM. [Y] [O] et [Z] [D] confirme par ailleurs que le sinistre concernant leurs motocyclettes respectives a eu lieu le 14/06 et non le 15/06, que les deux engins étaient garés côte à côte, qu’aucun de leurs propriétaires n’y avait pris place, qu’aucun dommage corporel n’en est résulté, et enfin que Mme [V] n’a en rien été concernée par ce dommage matériel.

Ces éléments infirment la version de Mme [V], étayée par le seul témoignage de M. [R], selon laquelle elle aurait été impactée le 15/06/2014 par la motocyclette de M. [O] après qu’il eût donné une impulsion au levier de vitesses.

La cour tient pour acquis’: i) qu’aucun véhicule terrestre à moteur n’a été impliqué le 15/06/2014 dans le dommage corporel invoqué par Mme [V], et ii) que ledit dommage corporel est survenu en réalité la veille, M. [O] s’étant déporté avec vivacité, en qualité de piéton, pour éviter de croiser la trajectoire de la motocyclette d’un tiers non identifié.

Le droit à indemnisation intégrale de Mme [V] se fonde par conséquent sur le droit commun de la responsabilité civile et non sur les dispositions de la loi du 05/07/1985. La responsabilité de M. [O] envers Mme [V] est engagée.

M. [O] fait état d’une faute de Mme [V] en ce que deux des attestants précités ([B] [P] et [W] [N]) l’ont revue sur une motocyclette le jour même puis le lendemain de la collision, ce qui a pu avoir une incidence sur son état physique. Cette circonstance, en la supposant établie, est postérieure au fait générateur de responsabilité et n’a aucune incidence sur un éventuel partage des responsabilités. Mme [V] a donc droit à l’indemnisation intégrale de son préjudice.

Sur l’étendue du préjudice corporel’:

Données médico-légales’:

Le rapport du docteur [C] dont les conclusions ne font l’objet d’aucune critique médicalement justifiée, constitue une base valable d’évaluation des préjudices subis par Mme [V]. Ses conclusions médico-légales sont les suivantes’:

– consolidation’: 15/12/2014,

– arrêt temporaire des activités professionnelles’: du 16/06 au 23/06/2014,

– déficit fonctionnel temporaire 10 % du 15/06/2014 au 15/12/2014,

– souffrances endurées : 1,5/7,

– préjudice esthétique : non,

– déficit fonctionnel permanent’: 2 % (pas d’état antérieur),

– préjudice d’agrément : non,

– perte de gains professionnels futurs : apte à reprendre son poste, mais fin d’un CDD.

Données chronologiques :

Date de naissance’: 28/10/1953

Date du fait générateur : 14/06/2014

Date de la consolidation’: 15/12/2014

Date de la liquidation’: 05/10/2023

Date du départ en retraite’: 28/10/2018

Durée en années de la période avant consolidation : 0,050

Durée en années de la période consolidation / liquidation’: 8,805

Age’lors du fait générateur : 60

Age’lors de la consolidation : 61

Age’lors du départ en retraite : 65

Age’lors de la liquidation : 69

Sur l’indemnisation du préjudice corporel’:

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il n’en résulte pour elle ni perte ni profit.

L’évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime au moment de l’accident (60 ans), de la consolidation (61 ans), de la présente décision (69 ans) et de son activité (salariée d’une bijouterie), afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [V] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)’: 685,05 €

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la caisse primaire d’assurance-maladie des Alpes-Maritimes, soit 685,05 €.

Mme [V] indique avoir réglé de ses deniers au centre hospitalier de [Localité 6] une somme de 43,44 €. La compagnie Areas Dommages fait cependant valoir à juste titre que les pièces médicales de Mme [V] font état d’une mutuelle SwissLife. Mme [V] ne justifiant pas d’une absence de prise en charge par cette mutuelle, le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande.

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)’: 295,89 €

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus. La durée et l’importance, généralement décroissante, de l’indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu’à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

Le docteur [C] retient une période d’arrêt temporaire des activités professionnelles’du 16/06 au 23/06/2014, au titre de laquelle Mme [V] n’a pas perçu d’indemnités journalières.

Au vu de ses bulletins de salaire versés aux débats, Mme [V] percevait lors de l’accident un salaire brut mensuel de 1.445,38 €, soit 1.109,60 € en net. Le montant de la perte de gains professionnels actuels est de 1.109,60 € x 8 / 30 = 295,89 €.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF)’: rejet

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l’installation de prothèses soit à la pose d’appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Mme [V] sollicite une somme de 57.588,00 € à partir d’un montant journalier de 50,00 € pendant quatre ans. Le docteur [C] ne retient pas ce poste de préjudice. En outre, Mme [V] ne justifie pas d’une absence de prise en charge par sa mutuelle SwissLife. Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a écarté ce poste de préjudice.

Perte de gains professionnels futurs (PGPF)’: rejet

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour elle d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Adossé au montant du revenu antérieur à l’accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre’le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu’à la décision fixant l’indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l’âge de la victime.

Mme [V] soutient que ses douleurs thoraciques et dorsales l’empêchaient de porter les plateaux de bijoux dans son magasin Histoire d’Or. Elle conclut à la réparation intégrale de ce poste jusqu’à l’âge de 65 ans sur la base d’un salaire de 1.445,38 €, soit 67.661,13 €.

En réalité, le docteur [C] n’a retenu un déficit fonctionnel permanent que de 2’%, et a déclaré Mme [V] apte à reprendre son travail. Le CDD de Mme [V] ayant déjà été renouvelé une fois après l’accident, son non-renouvellement ultérieur ne lui est imputable. Aucune indemnité ne revient à ce titre à Mme [V].

Incidence professionnelle (IP)’: rejet

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou de l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail. Ont vocation à être inclus dans ce poste de dommage les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par le tiers payeur ou la victime, et de façon générale tous les frais nécessaires à un retour de la victime dans la vie professionnelle, qui seraient imputables au dommage corporel subi.

Le maniement de plateaux de bijoux peut difficilement s’assimiler au port de charges lourdes. Le docteur [C] n’a d’ailleurs pas retenu d’incidence professionnelle. Aucune pénibilité accrue des conditions de travail et aucune dévalorisation professionnelle caractérisée ne sont résultées de l’accident. Le jugement est confirmé en ce qu’il a écarté ce poste.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)’: 274,50 €

Ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.

Souffrances endurées (SE)’: 2.000,00 €

Ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)’: 2.200,00 €

Ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.

Souffrances endurées après consolidation’: 1.000,00 €

Quoique non prévu par la nomenclature Dintilhac, ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.

Préjudice d’agrément (PA)’: rejet

Le préjudice d’agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d’une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l’accident.

Ce poste n’est pas circonscrit à l’impossibilité absolue pour la victime de poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir’; il inclut en effet l’impossibilité de poursuivre ladite activité dans les mêmes conditions qu’avant l’accident. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

Mme [V] indique ne plus pouvoir pratiquer l’aviron et la course à pied. Elle sollicite une somme de 10.000,00 € et produit des trophées et des clichés photographiques non datés, dont rien qu’ils s’appliquent à sa personne. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a écarté ce poste de préjudice, que le docteur [C] ne retient pas.

Récapitulatif de la réparation du préjudice corporel de Mme [K] [V] :

– dépenses de santé actuelles’: rejet

– perte de gains professionnels actuels’: 295,89 €

– dépenses de santé futures’: rejet

– perte de gains professionnels futurs’: rejet

– incidence professionnelle’: rejet

– déficit fonctionnel temporaire’: 274,50 €

– souffrances endurées’: 2.000,00 €

– souffrances endurées après consolidation’: 1.000,00 €

– déficit fonctionnel permanent’: 2.200,00 €

Préjudice corporel global de la victime’: 6.455,44 €

Prestations servies par le tiers payeur’: 685,05 €

Montant d’indemnisation revenant à la victime’: 5.770,39 €

Imputation des provisions versées à la victime’: 0,00 €

Solde restant dû à la victime’: 5.770,39 €

Le préjudice corporel global subi par Mme [V] s’établit ainsi à la somme de 6.455,44 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d’assurance-maladie des Alpes-Maritimes, un montant d’indemnisation revenant à la victime de 5.770,39 €.

Sur les demandes annexes’:

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

M. [O] et la compagnie Areas Dommages sont débiteurs de l’obligation d’indemnisation et succombent partiellement dans leurs prétentions. Ils supporteront in solidum la charge des entiers dépens d’appel et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité justifie de condamner in solidum M. [O] et la compagnie Areas Dommages à payer à Mme [V] une indemnité de 800,00 € au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris,

– hormis au titre de la perte de gains professionnels actuels et

– hormis sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [O] et la compagnie Areas Dommages à payer à Mme [V] la somme de 295,89 € (deux cent quatre vingt quinze euros et quatre vingt neuf cents) au titre de la perte de gains professionnels actuels.

Condamne in solidum M. [O] et la compagnie Areas Dommages à payer à Mme [V] la somme de 800,00 € (huit cents euros) au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel.

Condamne in solidum M. [O] et la compagnie Areas Dommages aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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