4 novembre 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
20/00761
04/11/2022
ARRÊT N° 2022/468
N° RG 20/00761 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NPR6
SB/KS
Décision déférée du 07 Mars 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 17/01729)
JL RIGAIL
SECTION INDUSTRIE
S.A.S.U. BIJOUTERIE ANGIIE
C/
[B] [L]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 04/11/2022
à
Me Gautier DE MALAFOSSE
Me Elodie ZIEBA
CCC
le 04/11/2022
à
Me Gautier DE MALAFOSSE
Me Elodie ZIEBA
Pôle Emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.S.U. BIJOUTERIE ANGIIE
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Gautier DE MALAFOSSE de la SARL MALAFOSSE – VEDEL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur [B] [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Elodie ZIEBA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUME, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, président, et par C. DELVER, greffier de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [B] [L] a été embauché à compter du 2 novembre 2016 et pour une durée de 6 mois en raison d’un accroissement temporaire d’activité par la SASU Bijouterie Angiie en qualité de bijoutier suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel.
La relation de travail s’est poursuivie, sur le même poste, selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 3 mai 2017.
Le 29 juin 2017, M. [L] a porté plainte au commissariat de [Localité 4] pour dénoncer les faits de harcèlement de son employeur.
À compter du 29 juin 2017, M. [L] a été placé en arrêt de travail et ce jusqu’au 15 juillet 2017, arrêt prolongé jusqu’au 31 août 2017.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 29 août 2017, M. [L] a pris acte de la rupture du contrat de travail en invoquant divers manquements de l’employeur.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 9 septembre 2017, la société, contestant formellement l’imputabilité de la rupture, a pris acte de la démission de M. [L].
M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 3 octobre 2017 pour demander la requalification de la prestation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, demander la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Industrie, par jugement
du 7 mars 2019, a :
– ordonné la requalification du contrat de travail du 2 novembre 2016 en un contrat à durée indéterminée à temps complet,
– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-retenu comme salaire mensuel à temps complet la somme de 1 868,78 euros,
-condamné la SASU Bijouterie Angiie à régler à Monsieur [L] [B] les sommes suivantes :
*5 096, 48 euros au titre de rappel de salaire,
*509,65 euros au titre des congés payés y afférents,
*1 868,78 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,
*186,88 euros au titre des congés payés y afférent,
*1 868 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
*500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-débouté Monsieur [L] [B] de ses plus amples demandes,
-rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 5 096,48 euros, 509,65 euros, 1 868,78 euros, 186,88 euros et 1 868 euros) produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, et qu’elles sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire, la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élevant à 1 868,78 euros,
-rappelé que les créances indemnitaires (soit la somme de 500 euros) produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
-débouté la SASU Bijouterie Angiie concernant la demande reconventionnelle au titre du préavis,
-ordonné à la SASU Bijouterie Angiie, prise en la personne de son représentant ès qualités, de délivrer à Monsieur [L] [B] les documents sociaux rectifiés à compter de la date du 2 novembre 2016 (bulletins de salaires, certificat de travail et attestation pôle emploi) dûment conformes à la présente décision,
-dit n’y avoir lieu à astreinte,
-condamné la SASU Bijouterie Angiie, prise en la personne de son représentant ès qualités, à verser à Monsieur [L] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté la SASU Bijouterie Angiie de sa demande basée sur le fondement au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SASU Bijouterie Angiie, prise en la personne de son représentant ès qualités, aux dépens,
-dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire et application des dispositions de l’article 10 du décret 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.
***
Par déclaration du 15 avril 2019, la société a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme régulières qui ne sont pas contestées.
Par ordonnance du 5 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a :
-ordonné la radiation de l’affaire ouverte sous le n°19/01770 par l’appel formé par la Sasu Bijouterie Angiie contre le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 mars 2019,
-condamné la Sasu Bijouterie Angiie aux dépens de l’incident,
-condamné la Sasu Bijouterie Angiie à payer à M. [B] [L] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La réinscription de l’affaire a été demandée en janvier 2020.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 octobre 2021, la SASU Bijouterie Angiie demande à la cour de :
-réformer la décision dont appel en ce qu’elle a :
*requalifié le contrat de M. [L] conclu le 2 novembre 2016 en contrat à durée indéterminée à temps complet,
*dit que la prise d’acte en date du 29 août 2017 est intervenue en raison de manquements graves de la société et produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
*condamné la société au paiement des sommes suivantes :
5 096,48 euros au titre de rappel de salaire
509,65 euros au titre des congés payés afférents
1 868,78 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis
186,88 euros au titre des congés payés afférents
1 868 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
500 euros au titre de l’indemnité de licenciement
300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
*débouté la société de ses demandes
-statuant à nouveau,
-condamner M. [L] au paiement de la somme de 1 494,80 euros au titre du préavis non exécuté,
-débouter M. [L] de l’ensemble de ses prétentions
-condamner M. [L] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 5 septembre 2019 M. [B] [L] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ses dispositions ayant
. requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et condamné l’employeur au paiement de 1868 euros à titre d’indemnité de requalification
. dit que la prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur au paiement de 1 868,78 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 186,88 euros de congés payés afférents
– l’infirmer sur le surplus
– condamner la SASU Bijouterie Angiie à lui payer 11 212 euros d’indemnité pour travail dissimulé
– requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 26 juillet 2016 et non du 2 novembre 2016
– condamner la SAU Bijouterie Angiie à lui payer 11 212 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner l’employeur à lui remettre les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, certificat de travail rectifié un reçu pour solde de tout compte) sous astreinte de 50 euros par jour de retard
– condamner l’employeur au paiement de la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles et 1 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel en sus des entiers dépens.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 26 août 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Sur la demande en requalification en contrat à durée indéterminée
L’article L1242-12 du code du travail édicte que ‘le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.’
L’article L.1242-1 du même code dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Selon l’article L.1242-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, seulement dans des cas limitativement énumérés, notamment le remplacement d’un salarié, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise , des emplois à caractère saisonnier.
Au cas d’espèce le motif de recours au contrat à durée déterminée mentionné dans le contrat conclu par les parties le 2 novembre 2016 est l’accroissement d’activité.
Le contrat a été conclu à compter du 2 novembre 2016 jusqu’au 2 mai 2017, période au cours de laquelle l’entreprise a connu une augmentation significative de son chiffre d’affaires pendant les fêtes de fin d’année, ainsi qu’en février (Saint Valentin) et en mai (fête des mères) ainsi que cela ressort de l’extrait du grand-livre produit aux débats sur l’année 2016-2017 . Il en résulte ainsi que le chiffre d’affaires d’environ 4000 euros réalisé en septembre et octobre 2016 a été multiplié par 3,5 en décembre 2016 , par 3 en février 2017 et plus de 2 en mai (pièce 15).
Le motif du recours au contrat à durée déterminée est donc justifié et le jugement déféré sera réformé en ce qu’il a ordonné la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2016.
Le salarié argue d’un commencement de la relation de travail salariée à compter du mois de juillet 2016, avant même la signature du contrat de travail. L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention ni de l’existence de bulletins de paye, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail.
C’est à M.[L] qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail
dès juillet 2016 d’en rapporter la preuve.
La cour constate qu’il ne fournit aucun élément de nature à établir le versement à son profit d’une rémunération par la société Bijouterie Angii à compter du mois de juillet 2016, ni d’un lien de subordination.A cet égard, les deux courriels adressés par l’appelant à un tiers les 15 et 16 septembre 2016 sont sans portée particulière sur le litige. Quant à la proposition d’emploi émanant de la société intimée, que M.[L] produit aux débats, elle n’est pas datée et il ne peut être exclu qu’elle ait été publiée après son départ de l’entreprise. Enfin le témoignage de Mme [Y] émane de la compagne M.[L], et ne présente pas des garanties d’impartialité suffisantes, ce qui affecte sa force probante.
La cour constate qu’une confusion certaine a présidé à l’établissement des relations contractuelles entre les parties, illustrée notamment par l’établissement successif de deux promesses d’embauche, tout d’abord le 6 septembre 2016 à effet au 6 septembre jusqu’au 3 mars 2017, puis le 24 septembre 2016 à compter du 1er octobre sur laquelle une mention portée par un agent immobilier permet de comprendre que ce document a été produit au soutien d’une demande de location par M.[L] et sa compagne, sans que les autres éléments produits n’établissent en tout état de cause le caractère effectif d’une activité salariée à compter de juillet 2016 ainsi que le soutient l’appelant. De même , doit être considérée comme dépourvue de force probante le témoignage de Mme [T] qui indique avoir vu M.[L] travailler dans le magasin en août 2016, affirmation contraire aux indications résultant des éléments précités ainsi qu’aux propres déclarations du salarié dans un courriel adressé à son employeur le 3 août 2017 dans lequel il rappelle qu’il est salarié de la bijouterie depuis novembre 2016.Au surplus l’employeur justifie d’un différend l’ayant opposé à Mme [T] et ayant motivé un dépôt de plainte le 12 octobre 2017 à l’encontre de cette cliente.
Quant à l’article de presse publié le 17 juillet 2016 , s’il est bien relatif à l’activité du commerce de bijouterie exploitée par la société Angii, il ne mentionne à aucun moment le nom de M.[L] et la date de son recrutement , évoquant seulement la présence d’un ‘associé’.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir reconnaître l’existence d’une relation de travail salariée à compter de juillet 2016.
En revanche, à défaut de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le jugement sera infirmé en ses dispositions ayant alloué à la salariée une indemnité de requalification de 1868 euros.
2-Sur la demande en requalification du contrat à temps partiel en temps complet
Selon l’article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L.3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123.22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Selon l’article L3123-27 , dans sa rédaction applicable au litige, à défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-19, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’articleL3121-44.
En vertu de l’article L3123-7 une durée de travail inférieure à celle prévue au premier alinéa du présent article peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même premier alinéa. Cette demande est écrite et motivée.
En l’espèce le contrat à durée déterminée conclu le 2 novembre 2016 mentionne un emploi à temps partiel de 86,67 heures par mois à raison de 20 heures par semaine, soit une durée inférieure au minimum hebdomadaire de 24 heures prévu par la loi. S’il vise expressément une demande du salarié en ces termes : ‘M.[L] a exprimé le souhait de ne pas travailler à hauteur de 24 heures par semaine’, ce contrat n’est accompagné d’aucune demande écrite du salarié, de sorte qu’il ne peut être retenu que le non respect de la durée minimale de travail est justifié par une demande du salarié répondant aux exigences de forme légales précitées . Par suite le salarié est fondé à solliciter le paiement d’un complément de salaire dû sur la base de 24heures hebdomadaires sur la période du 2 novembre 2016 au 2 mai 2017 après examen ci-après de sa demande en rappel de salaire pour heures complémentaires.
Quant au second contrat à durée indéterminée conclu le 2 mai 2017, il prévoit une durée du travail à temps partiel de 121,33 heures par mois, réparties à raison
de 28 heures par semaine sur 4 semaines. Ce contrat respecte donc la durée minimum légale d’un contrat à temps partiel.
Selon l’article L3123-6 le contrat de travail à temps partiel doit indiquer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois . Il doit également mentionner les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.
Au cas d’espèce le contrat de travail mentionne le temps de travail mensuel et la répartition du temps de travail entre les semaines du mois. Il est donc conforme aux prescriptions légales, de sorte que la demande du salarié tendant à reconnaître l’existence présumée d’un contrat de travail à temps plein pour défaut de répartition de la durée du travail est injustifiée.
Il appartient dès lors au salarié de démontrer qu’il devait travailler chaque jour selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance, ce qui lui imposait de rester en permanence à disposition de l’employeur.
Sur ce point aucun des éléments produits aux débats par le salarié ne révèle des variations dans les horaires de travail de nature à établir qu’il était dans l’ignorance de ses horaires et qu’il était dans l’obligation de rester à la disposition de son employeur.
En conséquence la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein sera rejetée, par confirmation du jugement déféré.
3-Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1 , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs
acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont
déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
La demande que forme M.[L] au titre d’heures supplémentaires accomplies entre le 26 et le 29 juillet 2016 ainsi qu’entre le 2 août et le 27 octobre 2016 ne peut prospérer à défaut de relation de travail salariée retenue par la cour sur cette période.
Sur la période du 2 novembre 2016 au 2 mai 2017 le salarié a été rémunéré sur la base d’un horaire hebdomadaire de 20 heures alors qu’il devait être rémunéré sur la base d’une durée minimale de 24heures.
Sur la période de novembre 2016 à juin 2017 M.[L] soutient avoir effectué le temps de travail mensuel suivant:
– 128 heures en novembre
– 181,30 heures en décembre
– 138 heures en janvier
– 128 heures en février
– 136 heures en avril
– 145 heures en mai
– 105,30 heures en juin.
Il produit à l’appui de sa demande :
-le témoignage de sa compagne Mme [Y] qui indique que M.[L] a toujours effectué plus de 20 heures hebdomadaires , notamment de novembre 2016 à mai 2017, et que les heures excédant 20h par semaine lui étaient payées en liquide,
– un extrait d’un calendrier portant mention d’un nombre d’heures effectuées quotidiennement entre juillet 2016 et juin 2017, variant entre 4 et 9h par jour ,
– un courriel non daté dont le destinataire n’apparaît pas sur le document produit, émanant de Mme [N] qui se présente comme salariée de la société Angii et déclare envisager de saisir le conseil de prud’hommes pour harcèlement moral, atteinte à la vie privée et heures dissimulées.
Ces éléments précis permettent à l’employeur de répondre utilement.
L’employeur qui conteste la pertinence des éléments produits par le salarié ne justifie pas des horaires de travail effectifs de celui-ci. Il conteste par ailleurs la valeur probante du témoignage de la compagne du salarié.
Il est rappelé que la seule exécution d’heures complémentaires au -delà de la limite du dixième autorisé par l’article L3123-28 du code du travail n’entraîne pas la requalification du contrat en temps complet.
La cour a la conviction, après analyse de l’ensemble des éléments produits de part et d’autre, que le salarié a accompli des heures complémentaires que lui imposait le volume de ses tâches, mais dans une mesure bien moindre que celle invoquée au regard de l’imprécision des éléments relatifs aux début et fin de journée de travail; ainsi, il sera retenu que le salarié a accompli des heures complémentaires n’excédant pas la durée légale de travail lui ouvrant droit à un rappel de salaire évalué à 2 750,20 euros outre l’indemnité de congés payés correspondante de 275 euros.
4-Sur le travail dissimulé
En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
L’affirmation de M.[L] selon laquelle des heures de travail ont été payées en espèces par l’employeur n’est pas étayée par des éléments extérieurs probants, le témoignage de sa compagne Mme [Y] ne présentant pas de garantie d’impartialité suffisante à raison des liens affectifs qui l’unissent au salarié.
La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires par M.[L] et que le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées ne permet pas de caractériser l’intention frauduleuse nécessaire à l’établissement du travail dissimulé. M.[L] sera débouté de sa demande en ce sens, par confirmation du jugement déféré.
5-Sur la prise d’acte de rupture
La prise d’acte désigne tout acte par lequel le salarié notifie à l’employeur qu’il met fin au contrat de travail ou qu’il cesse le travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, quelle que soit la dénomination utilisée dans cet acte: démission, prise d’acte, résiliation, départ de l’entreprise, cessation du travail.
Il revient à celui qui invoque la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur de rapporter la preuve de faits suffisamment graves qu’il reproche son employeur et il appartient au juge d’examiner les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient soit d’une démission dans le cas contraire.
En l’espèce, M.[L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par un courrier recommandé du 29 août 2017 dans lequel il dénonce :
– un harcèlement moral,
-l’accomplissement d’heures supplémentaires impayées,
-le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité par une absence de visite d’embauche et visite de reprise,
– sa surveillance sur son poste de travail au moyen d’un dispositif de vidéo
surveillance .
Il sollicite la requalification de la prise d’acte en licenciement nul et l’indemnisation des préjudices subis.
5-1 Sur l’atteinte à la vie privée
S’ils sont légitimes pour assurer la sécurité des biens et des personnes, les outils de vidéosurveillance ne peuvent pas conduire à placer les employés sous surveillance constante et permanente.
En application de l’article 13 du RGPD (règlement général sur la protection des données) l’employeur doit, avant d’installer un dispositif de vidéosurveillance, informer individuellement chaque salarié, notamment sur l’objectif de la vidéosurveillance, la durée de conservation des images, les destinataires des informations, le droit d’accès aux enregistrements.
Si des caméras peuvent être disposées dans certaines parties d’un lieu de travail à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols ou d’agressions, elles ne peuvent avoir pour finalité ou pour conséquence la surveillance des salariés, sans raison valable.
Il n’est pas contesté qu’une caméra a été installée dans l’atelier où travaillait M. [L], lieu non ouvert au public, ainsi qu’une seconde dans le magasin ouvert au public. Le salarié expose, sans être démenti sur ce point, que l’employeur assure la vente de bijoux fantaisie ; aucun élément ne venant objectiver la présence d’un stock de valeur au sein de l’atelier.
Si un panneau présent sur la porte d’entrée du magasin signalait la vidéosurveillance équipant la bijouterie, il n’est pas justifié d’une information individuelle du salarié répondant aux exigences précitées du RGPD et des articles L1222-4 du code du travail et L1222-4 du code du travail.
Il résulte par ailleurs des éléments mentionnés dans le jugement déféré que l’employeur a produit en première instance 6 photographies datées du 28 juin 2017, extraites de la vidéosurveillance et enregistrées sur un téléphone portable. Elles sont directement centrées sur le poste de travail de M.[L] au sein de l’atelier non ouvert au public et montrent le plus souvent le salarié tenant en main son téléphone portable. Ces photos visionnées parl’employeur à 6 reprises ont été extraites le 20 octobre 2017 et produites dans la procédure de première instance , il s’en déduit qu’elles ont été conservées pendant une durée excessive de 4 mois et disproportionnée par rapport au but recherché. Elles attestent pour le moins d’une surveillance du salarié sur son poste de travail portant atteinte à sa vie privée. La plainte déposée par le salariée le 29 juin 2017, soit le lendemain des photos précédemment évoquées atteste du sentiment de malaise suscité par cette surveillance (‘Elle est sur mon dos sans arrêt, elle me surveille au moyen d’une caméra'(…). ‘Elle en est même arrivée à vouloir me confisquer mon téléphone pendant mon travail.’)
La cour retient que les manquements établis de l’employeur tenant à l’absence de paiement des heures complémentaires accomplies par le salariée et l’atteinte délibérée au droit à la vie privée du salarié présentent un caractère de gravité tel qu’ils faisaient obstacle à la poursuite des relations contractuelles, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres manquements invoqués.
Il sera donc fait droit à la demande du salarié tendant à voir juger que la prise d’acte de rupture du 29 août 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sera donc alloué au salarié l’indemnité compensatrice de préavis de 1576,97 euros outre l’indemnité de congés payés correspondante de 157,70 euros.
En application de l’article L1235-5 du code du travail , sans sa rédaction applicable au litige telle qu’elle résulte de la loi du 8 août 2016, et tenant compte de l’ancienneté de 10 mois du salarié âgé de 26 ans lors de la rupture, il sera alloué à M.[L] la somme de 9 400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à une liberté fondamentale .
Sur les demandes annexes
La société Bijouterie Angiie , partie principalement perdante , supportera les entiers dépens d’appel.
M.[L] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La société Bijouterie Angiie sera donc tenue de lui payer la somme complémentaire de 1 500 € euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.
Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
La société Bijouterie Angiie, partie perdante, est déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles et dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , contradictoirement, en dernier ressort
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant jugé que la prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé, ainsi qu’en celles relatives aux frais et dépens de première instance
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Dit n’y avoir lieu à requalification du contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet
Condamne la société Bijouterie Angiie à payer à M.[L] :
– 2 750,20 euros à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires
– 275 euros d’indemnité de congés payés correspondante
– 1576,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 157,70 euros d’indemnité compensatrice de congés payés correspondante
– 9 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties
Condamne la société Bijouterie Angiie aux entiers dépens d’appel
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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