31 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/11928
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 31 MAI 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11928 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH73
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS (loyers commerciaux) – RG n° 18/00070
APPELANTE
S.N.C. LY N SAY immatriculée au RCS de Paris n°528 309 800, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Mélanie BRAUGE-BOYER, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour le cabinet [A] ET BESSE, et substituant Me [Y] [A] – toque: K83
INTIMES
Monsieur [T] [R],
né le 12 mai 1978 à PARIS (75012), de nationalité française et
demeurant [Adresse 5].
Monsieur [B] [K],
né le 1er novembre 1964 à PARIS (75012), de nationalité
française et demeurant [Adresse 1].
Madame [D] [V],
née le 21 septembre 1971 à BAGNOLET (93), de nationalité française et demeurant [Adresse 3]
Représentés par Me Christophe PEREIRE de la SELARL CPNC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230
Assistés de Me Sophie MORTREUX, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SELARL CPNC Avocats, et substituant Me Christophe PEREIRE, toque : C1230
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur [M] [N],
né le 20 mars 1983 à WENZHOU ‘ ZHEJIANG (Chine), de nationalité française, demeurant à [Adresse 9]
Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assisté de Me Mélanie BRAUGE-BOYER, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour le cabinet [A] ET BESSE, et substituant Me [Y] [A] – toque: K83
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Douglas BERTHE, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire
M. [E] [O] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie RECOULES, Présidente
Mme Marie GIROUSSE, Conseillère
M. Douglas BERTHE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente, et par Mme Laurène BLANCO, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 17 septembre 2005, M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V] – ci – après les consorts [R] – ont donné à bail en renouvellement à M. [W] [J], aux droits duquel se trouve la société LY N Say, des locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2005 pour l’exercice d’une activité de tabac-presse-PMU-Loto.
Par acte extrajudiciaire du 4 février 2015, la société LY N Say a demandé le renouvellement du bail aux consorts [R].
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 janvier 2017, les consorts [R] ont notifié à la société LY N Say un mémoire en demande, sollicitant la fixation du prix du bail renouvelé au 1er janvier 2015 à la somme annuelle de 46.000 euros, soit 66 m² x 700 euros/M²P.
Par assignation du 28 décembre 2017, les consorts [R] ont attrait la société LY N Say devant le tribunal de grande instance de Paris en fixation du prix du bail renouvelé le 1er avril 2015 à la somme annuelle de 46.000 euros, se prévalant de la modification notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré ainsi que de la modification de la destination des lieux justifiant le déplafonnement du loyer.
Par jugement mixte du 19 mars 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a notamment :
– constaté, par l’effet de la demande de renouvellement délivré le 04 février 2015 par la société LY N Say et le silence des consorts [R] dans les trois mois qui ont suivi, le principe du renouvellement du bail concernant les locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] à compter du 1er avril 2015 ;
– ordonné une expertise et désigné en qualité d’expert Mme [G] [C] avec pour mission notamment de procéder à l’examen des faits qu’allèguent les parties et notamment en ce qui concerne la modification des facteurs locaux de commercialité, de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date de renouvellement en application des dispositions des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce ;
– fixé le loyer provisionnel pour la durée de l’instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– réservé les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’expert a déposé son rapport le 26 novembre 2019.
Par jugement du 25 juin 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris a :
– dit y avoir lieu à déplafonnement du loyer ;
– fixé à la somme annuelle de 33.000 euros en principal, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2015 entre M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V], d’une part, et la société LY N Say, d’autre part, portant sur les locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] ;
– dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 28 décembre 2017 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;
– dit n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;
– dit n’y avoir lieu à appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné le partage des dépenses par moitié, y compris les frais d’expertise ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 11 août 2020, la société LY N Say a interjeté appel partiel du jugement.
Par acte du 14 septembre 2020, la société LY N Say a cédé son fonds de commerce à M. [M] [N], lequel est intervenu volontairement à l’instance, par conclusions déposées le 06 avril 2021.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 23 janvier 2023, par lesquelles la société LY N Say et M. [M] [N], appelants, demandent à la Cour de :
– recevoir Monsieur [M] [N] en son intervention volontaire et l’y déclarer bien-fondé ;
– réformer le jugement en date du 25 juin 2020 en ce qu’il a :
– dit y avoir lieu au déplafonnement du loyer ;
– fixé à la somme annuelle de 33.000 euros en principal, le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2015 entre M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V], d’une part, et la société LY N Say, d’autre part, portant sur les locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] ;
– dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement
acquitté et le loyer finalement dû à compter du 28 décembre 2017 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;
– ordonné le partage des dépenses par moitié, y compris les frais d’expertise ;
– rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
Statuant à nouveau :
– juger que le loyer du bail en renouvellement au 1er avril 2015 doit être fixé à son loyer plafonné en l’absence de motif de déplafonnement ;
– fixer le loyer au 1er avril 2015 à la somme annuelle en principal de 17.614 euros ;
– condamner Messieurs [R] et [K] et Madame [V] à verser à Monsieur [M] [N] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Messieurs [R] et [K] et Mme [V] aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 17 janvier 2023, par lesquelles MM. [T] [R] et [B] [K], et Mme [D] [V], intimés, demandent à la Cour de :
– recevoir l’indivision [L] [R] en ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement rendu le 25 juin 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
– débouter la société LY N Say de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– débouter Monsieur [M] [N] de ses demandes, fins et conclusions d’intervenant volontaire ;
– condamner solidairement la société LY N Say et Monsieur [M] [N] au paiement d’une
indemnité de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société LY N Say au paiement des dépens de l’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.
Sur les motifs de déplafonnement du loyer,
La société LY N Say et M. [M] [N], appelants, exposent :
sur la modification des facteurs locaux de commercialité, que ni l’ouverture de la station Olympiades, ni la mise en service de la ligne T3a, ni les travaux réalisés devant le local commercial ne peuvent justifier le déplafonnement du loyer, que les lignes de transport litigieuses sont trop éloignées du commerce, que des commerces concurrents sont installés entre les stations litigieuses et le commerce loué, ce qui permet aux voyageurs de se rendre dans les tabacs à proximité des stations, que la station Olympiades se trouve hors de sa zone de chalandise, que la preuve d’une augmentation de la population dans la zone de chalandise n’est pas rapportée, que le commerce Monoprix a ouvert hors la période d’exécution du bail étudiée, ce qui exclut sa prise en compte,
sur la modification de la destination des lieux loués, que l’activité de vente de titres de transport est une activité annexe à la destination contractuelle, laquelle énonce « librairie – papeterie – journaux et publications périodiques mercerie – tabac – tabletterie – jeux nationaux tels que Loto et PMU, utilisation du réseau internet et autres réseaux, à haut débit (produits et services) – articles de cadeaux et d’arts divers – souvenirs bijouterie fantaisie – agence de voyages – l’exploitation tabac jeux nationaux presse devant rester l’activité principale », que l’activité de vente à emporter de boissons découle quant à elle des usages commerciaux, que ces activités sont marginales au vu du chiffre d’affaires ; la modification ne pouvant être en tout état de cause notable.
M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V], intimés, exposent :
sur la modification des facteurs locaux de commercialité, que Monoprix s’est installé à proximité du local en 2015, que la population du 13ème arrondissement a connu une évolution sur la période 2006 à 2015 (+ 3%), que l’ouverture de la station de métro Olympiades et la mise en service de la ligne de tramway T3a en 2007 et 2006 ont entraîné un flux potentiel important de chalands locaux et résidents susceptible de profiter à l’activité du locataire, que des travaux sur la voirie ont impacté directement l’accessibilité et la visibilité du commerce par un élargissement du trottoir de l'[Adresse 4], devant le local commercial, lui apportant une « visibilité renforcée » et « facilitant l’accès pour la clientèle »,
sur la modification de la destination des lieux loués, que le preneur vend des boissons chaudes et froides sur place et à emporter et d’autre part, à la vend de titres de transport RATP avec l’apposition d’une enseigne en façade.
Sur la fixation du loyer,
Les appelants exposent que le loyer renouvelé suivant la règle du plafonnement est calculé en fonction de la variation sur la durée du bail écoulé de l’indice ILC, en prenant en compte le dernier indice publié avant la date du renouvellement, soit le 1er avril 2015, que lorsque le renouvellement intervient postérieurement à la date contractuelle d’expiration du bail, autrement dit pendant la période de tacite prolongation, la période de variation indiciaire correspond à la durée écoulée entre la date initiale du bail et celle de son renouvellement effectif, que l’indice d’arrivée est le dernier indice publié à la date d’effet du renouvellement, soit le 4ème trimestre 2014, que le plafonnement étant calculé sur la base du loyer exigible au moment de la prise d’effet du bail, c’est la somme de 15.000 euros qui doit être retenue, que l’indice de base est celui correspondant à la période de variation calculée à partir de l’indice d’arrivée, 10 ans et un trimestre avant le 1er avril 2015, soit le 3ème trimestre 2004 ; que ne disposant des valeurs de l’ILC qu’à compter du 1er trimestre 2015, l’application des indices doit être combinée, aboutissant à la somme de 17.614 euros par an en principal, à compter du 1er avril 2015,
Les intimés exposent qu’il ne faut pas se baser sur un loyer initial de 15.000 euros mais sur un loyer fixe annuel en principal de 18.000 euros HT/HC compte tenu d’une cession du bail intervenue avant le 1er janvier 2007.
Motifs de l’arrêt :
Sur le déplafonnement en raison de l’évolution notable des facteurs locaux de commercialité :
L’article L. 145-33 du code de commerce pose le principe selon lequel le montant du loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative.
L’article L. 145-34 alinéa 1 vient toutefois encadrer la mise en oeuvre de ce principe en disposant qu’à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 (caractéristiques du local considéré ; destination des lieux ; obligations respectives des parties ; facteurs locaux de commercialité), le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques.
S’agissant des facteurs locaux de commercialité visés à l’article L. 145-33, 4°, l’article R. 145-6 du code de commerce précise que ceux-ci dépendent principalement de l’intérêt que représente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire. Il appartient enfin au bailleur qui se prévaut d’une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité, à l’appui d’une demande de déplafonnement du loyer d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire du 26 novembre 2019 que l’évolution des commerces du quartiers est restée stable entre 2005 et 2014 avec toutefois une augmentation de 50% des locaux vacants. L’expert amiable mandaté par les bailleurs, dans son rapport du 26 octobre 2016, ne se prononce pas sur ce point.
L’expert judiciaire constate une « légère » augmentation de la population du quartier délimité par l'[Adresse 4], l'[Adresse 6] et le [Adresse 7] à hauteur de 2% entre 2005 et 2015. L’expert amiable ne se prononce pas sur ce point dans la mesure où il observe l’évolution de la population de l’ensemble du [Localité 2] d’une superficie de 7,15 km² très supérieure à la zone de chalandise du commerce considéré situé à l’extrémité sud de l’arrondissement.
L’expert judiciaire indique que le volume des constructions nouvelles dans un rayon de 500 mètres autour du bien étudié lui apparaît « modéré » et donc sans réel impact sur l’activité exercée dans le local considéré. L’expert amiable ne se prononce pas non plus sur ce point dans la mesure où il observe l’évolution du nombre de logements de l’ensemble du [Localité 2] d’une superficie de 7,15 km² très supérieure à la zone de chalandise du commerce considéré.
L’expert amiable retient que les lieux loués ne bénéficient pas de desserte directe par les transports en commun, tous assez éloignés du commerce. Il est noté la présence toutefois d’une station vélib à proximité mais aucune indication sur l’évolution de son volume de fréquentation ou le fait que sa présence induise une augmentation des chalands n’est produite. L’expert judiciaire relève que la station de métro « Porte de [Localité 8] » la moins distante, soit 350 mètres, a connu une baisse de fréquentation de 1% entre 2007 et 2015. Il met cependant en avant la création de la ligne de tramway T3 ‘ à proximité immédiate de la station de métro « Porte de [Localité 8] » – le 16 décembre 2006 et estime que cette création a nécessairement généré un « afflux de chalands ». L’expert amiable précise que la fréquentation de la station de métro « Porte de [Localité 8] » a très fortement augmenté du fait de la mise en service de la ligne T3 avant de redescendre dès 2007, soit une progression de 497.712 voyageurs. Il relève que la station « maison blanche » à 400 mètres du commerce a perdu quant à elle 596.312 voyageurs. Il en résulte une baisse globale de fréquentation de ces deux stations de 2% sur la période considérée. L’expert judiciaire constate que des bureaux de tabac concurrents se trouvent à proximité immédiate de ces stations et le preneur en justifie également, de sorte qu’il y a lieu de considérer que le flux de chalands existant profite essentiellement à ces commerces proches et non au local considéré. La station « Olympiades », située à 750 mètres du commerce, se trouve trop éloignée de sa zone de chalandise pour être utilement considérée alors même que l’expert judiciaire et le preneur justifient de la présence de commerces de tabac concurrents à proximité également, captant le flux concerné de chalands.
Par ailleurs, il n’est pas démontré que l’ouverture d’un MONOPRIX à proximité soit intervenue avant le 1er avril 2015 ni que l’élargissement du trottoir devant la boutique a conduit à un afflux de clients supplémentaires.
En conclusion, les bailleurs n’apportent pas la démonstration d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité justifiant le déplafonnement du loyer.
Sur le déplafonnement en raison de la modification de la destination des lieux :
La vente de titres de transport est nécessairement incluse dans la destination autorisée par le bail du 17 septembre 2005 qui prévoit l’activité d’agences de voyages, soit d’offrir à la clientèle des prestations permettant le déplacement et le transport.
La vente de boissons n’est en revanche pas explicitement prévue au bail. Toutefois, cette activité concerne et vise précisément la même clientèle que celle qui achète des jeux nationaux, de la presse et du tabac et en ce sens s’avère connexe à ces activités. Le preneur par la production de ses comptes de résultat détaillés, justifie toutefois que cette activité ne représente qu’une partie infime de son chiffre d’affaires. Le bailleur ne démontre ainsi pas le caractère notable de la modification de la destination des lieux propre à permettre le déplafonnement du loyer.
Sur le montant du loyer plafonné :
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d’expiration du bail, la variation du loyer est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d’une durée égale à celle qui s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif. Il résulte de l’article 21 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 que les dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce, imposant de ne prendre en considération que l’ILC pour le calcul du loyer renouvelé, s’appliquent aux baux renouvelés à compter du 1er septembre 2014. Par ailleurs, le bail du 17 septembre 2005 prévoit un loyer par paliers mais stipule qu’en cas de cession du bail avant le 1er janvier 2007, le loyer annuel sera fixé directement à 18.000 € à compter de la date de signature.
En l’espèce, le preneur, en la personne de M. [W] [J] a cédé son fonds comprenant le droit au bail le 28 avril 2006 à la SNC les volutes. Dès lors et en conséquence de cette cession, le loyer initial est bien de 18.000 € comme le relève l’expert judiciaire.
Il est constant que le bail a été renouvelé à compter du 1er avril 2015 et qu’une période de 10 ans et 3 mois s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif. À la date de renouvellement le dernier indice ILC connu était de 108,47. À la date initiale du bail, l’indice ILC connu était de 92,15. Le prix du bail renouvelé s’élève donc à la somme de 21.187,85 € annuel HT HC 18.000 € x 108,47/92,15).
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V], qui succombent à hauteur d’appel seront condamnés in solidum au dépens de l’appel avec distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l’article 699 du code de procédure civile et en équité, les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du 25 juin 2020 du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau,
DIT n’y avoir lieu à déplafonnement du loyer ;
FIXE à la somme annuelle de 21.187,85 € en principal le montant du loyer renouvelé à compter du 1er avril 2015 entre M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V], d’une part et la SNC LY N SAY, d’autre part, aux droits de laquelle vient M. [M] [N], portant sur les locaux situés [Adresse 1] et [Adresse 4] ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. [T] [R], M. [B] [K] et Mme [D] [V] aux dépens de l’appel et autorise la SCP GRAPPOTTE BENETREAU à recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance sans recevoir de provision en application de l’article 699 du code de procédure civile.
LAISSE aux parties la charge de leurs frais irrépétibles,
REJETTE les autres demandes.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE