30 juin 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-20.579
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10368 F
Pourvoi n° H 20-20.579
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021
1°/ Mme [X] [A], épouse [M],
2°/ M. [R] [M],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° H 20-20.579 contre l’arrêt rendu le 8 juillet 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Steff, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Nil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations écrites de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [M], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Steff, après débats en l’audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à M. et Mme [M] du désistement de leur pourvoi en ce qu’il dirigé contre la société Nil ;
2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [M] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [M] et les condamne à payer à la société Steff la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [M]
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevable comme non prescrite l’action en justice de M. et Mme [M], puis, statuant à nouveau et y ajoutant, d’avoir débouté M. et Mme [M] de leur demande de résiliation judiciaire du bail et de leur demande de dommages-intérêts subséquente,
Aux motifs que le bail initial dont est titulaire la société Steff comporte, au titre des charges et conditions, une interdiction de toute cession de droit au bail, toute sous-location sans le consentement exprès et écrit du bailleur, sauf toutefois dans le cas de cession du bail à son successeur dans le commerce ; qu’aucune clause de ce bail n’interdit en revanche la location-gérance ; que la cour rappelle que l’article L. 144-1 du code de commerce définit la location-gérance comme un contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce en concède la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls ; qu’elle se distingue de la sous-location qui ne transfère que la jouissance des locaux alors qu’elle n’est qu’un accessoire du contrat de location-gérance ; qu’il est constant que la société Steff a, aux termes d’un acte du 31 décembre 1998, acquis de la société JR le fonds de commerce de prêt-à-porter exploité par cette dernière au [Adresse 4] et y a exercé dès l’année 1999 une activité sous l’enseigne « sans complexe » avant de conclure successivement trois contrats de location-gérance portant sur son fonds, à savoir : – un premier contrat, le 28 février 2010 avec Mme [Q] [U], précédemment salariée de la société Steff, portant sur un fonds de commerce de prêt-à-porter détail de vêtements femmes et enfants, le fonds comprenant l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, l’achalandage y attachés, le droit au bail, le mobilier et matériel commercial servant à son exploitation décrits dans un inventaire annexé, – un deuxième contrat le 1er juillet 2011 avec la société Nil portant sur un fonds de commerce de prêt à porter détail de vêtements femmes et enfants, le contrat prévoyant que le fonds comprend l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, l’achalandage y attachés, le droit au bail, le mobilier et le matériel commercial décrit dans un inventaire annexé sans pour autant que cet inventaire ne soit produit, – un troisième contrat le 1er septembre 2016 avec la société Hella Mariage portant sur un fonds de commerce de détail de vêtements confectionnés ou tissés en tissus, en peaux, en fourrure et synthétique, accessoires et lingerie femmes et enfants, bijouterie fantaisie, le fonds comprenant l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, l’achalandage t attachés, le mobilier commercial, le matériel servant à son exploitation décrits dans un inventaire non produit aux débats, le droit au bail ; qu’il ressort de l’historique des inscriptions modificatives de la société Steff produit aux débats par M. et Mme [M] que son établissement secondaire du [Adresse 4] est devenu l’établissement principal au 18 août 2009, date de dépôt au tribunal de commerce des statuts modifiés de la société Steff en suite de l’assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2009 ayant fixé le siège social à cette adresse aux lieu et place du [Adresse 4] et qu’à la date du 18 août 2009, le code APE du siège qui correspondait depuis le 5 janvier 2000 à une activité de « commerce de détail d’habillement » (524C) a été modifié pour faire référence à une activité de « commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté » (code 4775Z), étant précisé que l’extrait Kbis de 2003 dont les parties font état dans leurs conclusions n’est pas produit ; que cette mention de l’établissement du [Adresse 4] en tant qu’établissement principal a eu pour corollaire celle de sa suppression en tant qu’établissement secondaire mais contrairement à l’analyse qui en a été faite par le premier juge, elle n’induit pas la disparition de la clientèle attachée au fonds exploité à l’adresse du [Adresse 4] ; qu’en outre, la modification du code APE du siège résultant de l’inscription modificative du 18 août 2009 ne saurait constituer la preuve d’un changement d’activité alors que le certificat d’inscription au Répertoire des entreprises et des établissements établi le 17 août 2009 en suite de l’évènement survenu le 30 juin 2009, à savoir la modification des statuts de la société Steff, vise une activité de commerce de détail d’habillement en magasin spécialisé dans l’établissement du [Adresse 4] ; qu’à cet égard, la cour rappelle que le seul code APE n’a pas de valeur probante et que les modifications mentionnées ne suffisent pas à rapporter la preuve d’un changement d’activité ; qu’il n’est dès lors pas établi un changement d’activité préalablement à la mise en location-gérance du fonds, de nature à établir la disparition de la clientèle attachée au fonds, alléguée par M. et Mme [M] ; que s’agissant de l’absence alléguée de continuité de l’activité exploitée depuis la mise en location-gérance, le contrat conclu avec Mme [U] comporte en annexe la liste du matériel repris tels que des mannequins, portants, présentoir, caisse enregistreuse, machines à coudre, fer à repasser ; que si une telle liste n’est pas annexée aux deux autres contrats de location-gérance, la reprise du matériel est néanmoins prévue ; que les contrats de location-gérance conclus tant avec Mme [U] qu’avec la société Nil visent une activité de commerce de prêt-à-porter détail de vêtements Femmes en enfants tandis que le troisième contrat mentionne qu’il porte sur un fonds de commerce de vêtements confectionnés ou tissés en tissus, en peaux, en fourrures et synthétique, accessoires et lingerie Femmes en enfants, bijouterie fantaisie ; qu’il ne peut être invoqué de ce chef un changement dans la nature du fonds, ces activités relevant du même secteur et ciblant la même clientèle ; que le grand livre des fournisseurs de la société Steff et des locataires-gérants successifs met d’ailleurs en évidence des fournisseurs communs entre celle-ci et les locataires-gérants successifs et s’il n’est pas discuté que les sociétés Nil et Hella Mariage disposent de plusieurs établissements, l’attestation du fournisseur Lin vise les périodes des locations-gérances consenties à ces dernières avant la reprise du fonds par la société Steff en juin 2017 de sorte qu’il ne peut y avoir de confusion avec les autres établissements exploités par les locataires-gérants ; qu’il n’est par ailleurs pas contesté que l’enseigne « sans complexe » a été utilisée par les locataires-gérants successifs et s’il ressort également de la production d’un extrait Kbis de la société Nil du 28 novembre 2016, postérieur à la résiliation du contrat de location-gérance la concernant, qu’elle exploite dans le local voisin du [Adresse 4] une activité de prêt-à-porter sous cette même enseigne « sans complexe », en vertu d’un contrat de location-gérance qui lui a été consenti par la société Alice, les attestations produites aux débats par la société Steff et établies notamment par Mmes [Z] et [P] relatent qu’en 2018, soit après la résiliation du contrat de location-gérance consenti à la société Hella Mariage, la boutique « sans complexe » du [Adresse 4] procédait toujours et depuis 2000 à la vente de prêt-à-porter femme grande taille ; qu’il ne résulte dès lors pas de ces éléments que le fonds n’existait plus lorsque la société Steff a conclu les contrats en cause ou qu’il y ait eu une absence de continuité de l’activité pendant la durée des contrats en cause de sorte que M. et Mme [M] ne peuvent se prévaloir de sous-locations déguisées ; que la demande de résiliation du bail reposant sur ce fondement sera en conséquence rejetée et par voie de conséquence la demande de dommages-intérêts formée par les bailleurs en découlant, et le jugement entrepris infirmé,
1° Alors en premier lieu que sauf stipulation contraire ou accord du bailleur, toute sous-location partielle ou totale est interdite ; que contourne la clause du bail interdisant la sous-location, le preneur qui conclut un contrat de location-gérance en l’absence de clientèle attachée au fonds, une telle convention ayant alors pour objet non pas l’exploitation d’un fonds mais seulement la mise à disposition de locaux ; qu’en énonçant qu’au regard de l’historique des inscriptions modificatives de la société Steff il n’est pas établi un changement d’activité préalablement à la mise en location-gérance du fonds de nature à établir la disparition de la clientèle attachée au fonds alléguée par M. et Mme [M] sans rechercher si la société Steff exploitait encore, de manière effective, à la date de la conclusion de la première convention de location-gérance conclue le 28 février 2010 avec Mme [U], un fonds de commerce de « prêt à porter détail de vêtements Femmes en Enfants » et justifiait d’une clientèle à ce titre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-31 du code de commerce, ensemble l’article 1134, devenu 1103, du code civil,
2° Alors en deuxième lieu que tout jugement doit être moitié à peine de nullité ; que dans sa décision rendue le 11 janvier 2018 le tribunal de grande instance de Paris avait relevé « qu’il résulte des pièces versées aux débats que : – la société Steff ne produit aucun élément sur la réalité de son exploitation dans les lieux loués dans les mois ayant précédé la première mise en location gérance, justifiant certes s’être acquittée des taxes de voirie mais sans produire de factures ou des courriers adressés à son établissement sis [Adresse 5] postérieurs à l’année 2006, produisant des extraits de son « grand livre fournisseur » mais uniquement pour l’année 2008 sans donner aucun document relatif à l’année 2009, étant au surplus précisé qu’elle disposait d’autres établissements en 2008, – elle a modifié la nature de son activité entre l’achat du fonds en 1998, qui était un commerce de « prêt-à-porter » et la mise en location-gérance, son extrait Kbis du 23 novembre 2003 mentionnant une activité de « nouveautés parfumerie de luxe, mercerie et bonneterie » dans l’établissement situé [Adresse 6], puis le certificat Siren du 17 août 2009 mentionnant « une activité de commerce de détail d’habillement en magasin spécialisé » dans ce même établissement, ce qui montre qu’il n’existait pas en 2009 une clientèle ancienne attachée au fonds, – elle a déclaré au registre du commerce le 18 août 2009 avoir supprimé son établissement secondaire situé [Adresse 6], ce qui induit la disparition de la clientèle à cette date » ; qu’ayant à apprécier une situation identique à celle examinée par les premiers juges, la cour d’appel ne pouvait infirmer la décision qui lui était déférée sans réfuter les motifs du jugement tirés de la disparition de la clientèle attachée au fonds à la date de la conclusion du contrat de location-gérance avec Mme [U], la cour d’appel a privé sa décision de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile,
3° Alors en troisième lieu que sauf stipulation contraire ou accord du bailleur, toute sous-location partielle ou totale est interdite ; que contourne la clause du bail interdisant la sous-location, le preneur qui conclut un contrat de location-gérance en l’absence de clientèle attachée au fonds, une telle convention ayant alors pour objet non pas l’exploitation d’un fonds mais seulement la mise à disposition de locaux ; qu’en s’abstenant de rechercher, bien qu’y ayant été invitée, s’il ne s’induisait pas nécessairement de la conclusion successive de trois contrats de locationgérance entre le 28 février 2010 et le 1er septembre 2016 et de la fixation à la somme de 72.000 euros de la « redevance annuelle fixe » mise à la charge des locataires-gérants, soit 2,5 fois le prix du loyer, sans qu’il puisse être justifié d’élément comptable de nature à établir la valeur correspondante du fonds de commerce indépendamment du droit au bail, qu’il s’agissait non pas de contrats de location-gérance mais de sous-locations déguisées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-31 du code de commerce, ensemble l’article 1134, devenu 1103, du code civil,
4° Alors en quatrième lieu que sauf stipulation contraire ou accord du bailleur, toute sous-location partielle ou totale est interdite ; que contourne la clause du bail interdisant la sous-location, le preneur qui conclut un contrat de location-gérance en l’absence de clientèle attachée au fonds, une telle convention ayant alors pour objet non pas l’exploitation d’un fonds mais seulement la mise à disposition de locaux ; qu’en ne recherchant pas, bien qu’y ayant été invitée, si dans aucun des trois contrats de location-gérance il n’avait été prévu de reprise de personnel alors que la société Steff employait en 2009 un effectif de quatre salariés, pas plus qu’il n’était prévu une reprise de marchandises en stock et si, dans les deux contrats conclus le 1er juillet 2011 puis le 1er septembre 2016 aucune liste de matériel n’avait été annexée, de sorte que la succession dans une période rapprochée de trois locataires-gérants différents ne permettait pas de vérifier qu’un même fonds avait continué d’être exploité dans les locaux loués à M. et Mme [M], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-31 du code de commerce, ensemble l’article 1134, devenu 1103, du code civil,
5° Alors en cinquième lieu que sauf stipulation contraire ou accord du bailleur, toute sous-location partielle ou totale est interdite ; que contourne la clause du bail interdisant la sous-location, le preneur qui conclut un contrat de location-gérance en l’absence de clientèle attachée au fonds, une telle convention ayant alors pour objet non pas l’exploitation d’un fonds mais seulement la mise à disposition de locaux ; qu’en énonçant, pour considérer que le fonds de commerce de la société Steff avait continué d’exister sans rupture d’activité pendant la durée des contrats en cause, qu’il n’était pas contesté que l’enseigne « sans complexe » avait été utilisée par les locataires-gérants successifs et qu’après la résiliation du contrat de location-gérance en 2018 il était attesté que la boutique « sans complexe » procédait toujours à la vente de prêt-à-porter femme grande taille, quand il résultait des constatations des premiers juges, non réfutées par la cour d’appel, tout d’abord que l’enseigne « sans complexe » ne disposait d’aucune notoriété et était aussi utilisée par l’occupant du local voisin sis [Adresse 4], qu’il n’existait aucune ventilation des pièces fournisseur entre les différents commerces alors que la société Nil et la société Hella Mariage disposaient chacune de plusieurs établissements et, enfin, que les attestations produites n’avaient pas trait à la situation du fonds durant l’exécution des trois contrats de location-gérance, de sorte qu’il n’était pas justifié de la continuité de la même activité pendant la durée de celles-ci, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et L. 145-31 du code de commerce, ensemble l’article 1134, devenu 1103, du code civil.