3 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/19947
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ORDONNANCE DU 03 JANVIER 2023
(n° /2023 , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/19947 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYET
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2022 Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2019065570
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Liselotte FENOUIL, greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée le 30 novembre 2022 à la requête de :
DEMANDEUR
Monsieur [O] [F],
Né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 8] (ALGERIE),
De nationalité française,
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Alexandre DE PLATER de la SELASU PDPAVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0395,
à
DÉFENDEURS
S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître Charles-Axel CHUINE, en qualité de liquidateur judiciaire de la société UNION EUROPEENNE DE L’OR, désignée par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2017,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric DUBERNET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479,
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 4]
[Localité 7]
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 12 Décembre 2022 :
ORDONNANCE rendue par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, assistée de Madame Liselotte FENOUIL, greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SASU Union européenne de l’or, exploitant un fonds de commerce de bijouterie et de vente d’or, avait pour associé unique et dirigeant la société de droit suisse Fermet Gmbh, cette dernière ayant pour dirigeant M.[O] [F].
Sur déclaration de cessation des paiements et par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Union européenne de l’or, désigné la SELAFA MJA, en la personne de Maître Chuine, ès qualités de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 6 janvier 2016.
Sur assignation du liquidateur judiciaire en responsabilité pour insuffisance d’actif dirigée contre la société Fermet Gmbh, personne morale dirigeante, et contre M.[F], personne physique dirigeant de la personne morale dirigeante, invoquant l’absence de tenue d’une comptabilité régulière, le retard dans la déclaration de cessation des paiements et le défaut de déclaration de TVA et de taxe forfaitaire sur les métaux précieux ayant conduit à un redressement fiscal, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 18 octobre 2022 assorti de l’exécution provisoire, a condamné solidairement la société Fermet Gmbh et M.[F] à payer au liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 38.782 euros, ainsi que 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
M.[F] a relevé appel de cette décision le 26 octobre 2022 et par acte du 30 novembre 2022 a fait assigner la SELAFA MJA, en la personne de Maître Chuine, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Union européenne de l’or pour voir arrêter l’exécution provisoire attachée au jugement dont appel et condamner le liquidateur judiciaire, ès qualités, au paiement d’une indemnité procédurale de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La SELAFA MJA, en la personne de Maître Chuine, ès qualités, s’oppose à l’arrêt de l’exécution provisoire et sollicite le rejet de la demande de M.[F] et sa condamnation à lui payer 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 9 décembre 2022, le ministère public invite le délégataire du premier président à ne pas faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Vu l’article R 661-1 du code de commerce.
SUR CE,
Il résulte de l’article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d’appel permettent de suspendre l’exécution provisoire attachée au jugement ouvrant la liquidation judiciaire.
Pour condamner M.[F], dirigeant de droit de la personne morale dirigeant la société Union Européenne de l’or, à contribuer à l’insuffisance d’actif à hauteur de 38.782 euros, le tribunal a uniquement retenu comme faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif l’inobservation des obligations sociales et fiscales.
Au soutien de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, M.[F] fait valoir que le montant de l’insuffisance d’actif n’est pas certain, qu’il n’a commis aucune des fautes de gestion invoquées par le liquidateur, que la société Fermet ayant été radiée la condamnation repose en pratique uniquement sur lui alors qu’il ne dispose pas de revenus.
Le liquidateur judiciaire expose que l’insuffisance d’actif s’élève à 234.225 euros, que non seulement la faute de gestion retenue par le tribunal est caractérisée, mais qu’il entend faire juger par la cour, dans le cadre de son appel incident, que les deux autres fautes de gestion visées dans son assignation le sont également et ont contribué à l’insuffisance d’actif.
Au stade du référé, il convient uniquement d’apprécier si M.[F] dispose de moyen sérieux lui permettant de critiquer devant la cour d’appel le jugement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner la contestation de M.[F] portant sur les fautes de gestion qui n’ont pas été retenues par le tribunal pour le condamner au paiement de 38.782 euros, ni le bien fondé de l’appel incident, ces questions relevant du débat devant la cour d’appel.
M.[F] considère que le montant de l’insuffisance d’actif invoqué par le liquidateur n’est pas certain compte tenu des erreurs affectant tant le passif que l’actif.
Toutefois, la contestation du montant de l’insuffisance d’actif n’exclut pas qu’une contribution puisse être prononcée, la condamnation susceptible d’être prononcée ne devant simplement pas excéder le montant de l’insuffisance d’actif qui est certain.
Selon les explications du liquidateur, le passif définitivement admis s’élève à 258.552 euros et l’actif recouvré à 24.327 euros, soit une insuffisance d’actif de 234.225 euros.
La liste des créances définitivement admises signée par le juge-commissaire le 31 juillet 2018 fait état d’une admission définitive à titre échu du passif privilégié de 245.016,73 euros. Le PRS Parisien 2 a déclaré à titre échu une créance de 156.215 euros au titre de la TVA et taxes assimilées dues entre janvier 2014 et septembre 2015 et la CVAE 2015.
S’agissant de l’actif, M.[F] n’établit pas que le liquidateur aurait recouvré d’autres actifs que le prix de cession des stocks (3.780 euros), le montant du CICE ( 5.574 euros) et 15.000 euros sur le compte CARPA.
Dès lors, l’insuffisance d’actif apparaît à tout le moins certaine à hauteur de la condamnation de 38.782 euros prononcée.
S’agissant de la faute de gestion tirée du manquement aux obligations fiscales et sociales, il est établi que la société Union européenne de l’or a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période de septembre 2011 à décembre 2014, que ce contrôle a été suivi d’une proposition de rectification en date du 31 mars 2017. Au vu des observations formulées par l’ancien dirigeant, l’administration fiscale a partiellement fait droit à la réclamation le 29 janvier 2021. Après dégrévements, il a toutefois été laissé à la charge de la société un redressement de 16.026 euros au titre de la TVA, et de 139.450 euros au titre de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux (TFMP), l’administration ayant notamment relevé que la société n’avait déclaré aucun chiffre d’affaires au titre de la TVA de janvier 2014 au 30 septembre 2015, alors que contrairement à ce qu’elle soutenait les opérations réalisées ne relevaient pas d’une exonération et d’autre part, que la société avait réalisé sur la période considérée des opérations relevant de la TFMP, qui ne pouvaient pas bénéficier du régime de la plus-value dès lors que l’option pour ce régime n’avait pas été exercée suivant les modalités de l’article 150 UA du code général des impôts.
Le 27 août 2021, la DGFIP a rejeté la réclamation contentieuse introduite le 18 mars 2021 par M.[F] et il n’est fait état d’aucun recours devant la juridiction administrative. Les manquements du dirigeant à ses obligations fiscales n’apparaissent donc pas sérieusement contestables. Il reviendra à la cour d’apprécier si l’existence invoquée par M.[F] d’un débat juridique sur le régime fiscal applicable, suffit à retirer à ces manquements leur gravité, étant relevé que la commission des infractions fiscales avait été saisie le 2 mai 2018 de griefs susceptibles de motiver le dépôt d’une plainte, en ce que l’administration avait considéré que la société s’était volontairement, partiellement ou totalement selon les mois considérés en 2014 et 2015, soustraite à l’établissement et au paiement de la TFMP.
Enfin, M.[F] conteste l’appréciation de la proportionnalité de la sanction au regard de son absence de revenus. Il ne communique toutefois aucun élément justifiant de sa situation financière et patrimoniale actuelle, de sorte qu’à défaut de tout élément d’appréciation, le sérieux de ce moyen n’est pas établi.
En conséquence, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement dont appel sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
Déboutons M.[F] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 18 octobre 2022,
Déboutons M.[F] de sa demande d’indemnité procédurale,
Condamnons M.[F] à payer à la SELAFA MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Union européenne de l’or, une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M.[F] aux dépens du référé,
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT