Bijouterie : 29 juin 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/01439

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Bijouterie : 29 juin 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/01439

29 juin 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG
19/01439

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 JUIN 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/01439 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OBKM

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG

APPELANTE :

SAS CAUNARBO

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Madame [J] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Marianne MALBEC de la SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 26 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Mme [J] [G] a été embauchée par la sas Rouet en qualité de vendeuse dans le cadre d’un contrat à durée à déterminée pour la période du 10 décembre 2013 au 31 janvier 2014, lequel a été prolongé jusqu’au 28 février 2014.

Un deuxième contrat à durée déterminée à temps partiel a été conclu entre les parties du 2 au 30 juin 2014. Par avenant du 23 juin 2014, le contrat a été prolongé jusqu’au 30 septembre 2014.

A compter du 1er octobre 2014, Mme [G] a exerçé les fonctions de vendeuse dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

La convention collective nationale du commerce de détail de l’horlogerie bijouterie est applicables aux contrats.

A compter du 29 novembre 2016, la salariée a bénéficié d’arrêts de travail prolongés plusieurs fois jusqu’au 19 août 2017. Elle a ensuite été de nouveau en arrêts de travail pour maladie du 24 août au 13 septembre 2017.

Le 2 février 2017, reprochant divers manquements à la sas Caunarbo, venant aux droits de la sas Rouet, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Narbonne de demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de versement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Le 14 septembre 2017, à l’issue d’une seule visite médicale de reprise, la salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail en ces termes :

« Inapte à tous les postes :

l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. L’étude du poste et des conditions de travail ainsi que les échanges avec l’employeur ont eu lieu le 06/09/2017. »

Après avoir convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 10 octobre 2017, l’employeur l’a licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 octobre 2017.

Devant la juridiction, l’affaire a été radiée le 30 avril 2018 puis réinscrite le 2 mai 2018.

Tout en maintenant sa demande de résiliation judiciaire dans l’instance en cours devant le conseil de prud’hommes, la salariée a contesté à titre subsidiaire son licenciement.

Par jugement du 4 février 2019, le conseil de prud’hommes de Narbonne a :

– dit et jugé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] aux torts de l’employeur,

– requalifié le licenciement de Mme [G] pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la sas Caunarbo à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

* 3.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 529,98 € pour le rappel de salaire sur la base des heures contractuelles d’octobre 2014 à décembre 2016,

* 52,99 € au titre des congés payés afférents,

* 1.500 € de dommages et intérêts pour violation de l’article 50-4 de la convention collective,

* 200 € pour défaut de visite médicale,

* 468,14 € au titre de la prime 2015,

* 46,81 € au titre des congés payés afférents,

* 1.000 € de dommages et intérêts pour atteinte aux droits et libertés individuelles de la salariée,

* 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la sas Caunarbo aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la présente décision.

C’est le jugement dont la sas Caunarbo a régulièrement relevé appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions régulièrement déposées au RPVA le 12 novembre 2019 par lesquelles la sas Caunarbo demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris,

– débouter Mme [G] de l’intégralité de ses prétentions à l’exception des sommes de 529,98 € brut à titre de rappel de salaire d’octobre 2014 à décembre 2016, outre 52,99 € de congés payés afférents et 468,14 € brut à titre de prime annuel, outre 46,81 € brut à titre de congés payés y afférents.

Vu les conclusions notifiées par RPVA le 8 août 2019 par lesquelles Mme [G] demande à la cour de :

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il n’a pas prononcé la résiliation judiciaire, ne l’a pas indemnisée pour violation de ses droits à la mutuelle obligatoire et ne lui a pas alloué le complément d’indemnité légale de licenciement ni l’indemnité compensatrice de préavis,

– réformer le jugement dans le quantum des sommes allouées à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, défaut de visite médicale et atteinte aux droits et libertés individuelles,

– à titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,

– à titre subsidiaire, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– en tout hypothèse, condamner l’employeur à lui verser :

* 6.300 € de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,

* 2.114,16 € d’indemnité compensatrice de préavis,

* 211,41 € de congés payés y afférents,

* 268,15 € de complément d’indemnité légale de licenciement,

* 3.000 € de dommages et intérêts pour atteinte aux droits et libertés individuelles,

* 1.000 € de dommages et intérêts pour non adhésion à la mutuelle obligatoire,

* 1.500 € de dommages et intérêts pour violation de l’article 50-4 de la convention collective,

* 500 € de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale,

* 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 25 avril 2022.

Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

SUR CE

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur le rappel de salaire d’octobre 2014 à décembre 2016 et la prime annuelle de 2015

Dans sa déclaration d’appel, l’employeur a mentionné qu’il contestait les chefs de jugement qui l’avait condamné à payer les sommes de 529,98 € pour le rappel de salaire sur la base des heures contractuelles d’octobre 2014 à décembre 2016, outre 52,99 € au titre des congés payés afférents et 468,14 € au titre de la prime 2015.

Dans ses dernières conclusions, celui-ci ne conteste plus les sommes réclamées et Mme [G] ne formule aucune observation sur ces points.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur l’immixtion de l’employeur dans la vie privée de la salariée

La salariée reproche à l’employeur d’avoir installé des caméras de vidéo-surveillance au sein du magasin sans qu’elle n’en ait été avertie et s’en être servi pour l’épier, violant délibérément toutes les règles du respect de la vie privée des salariés.

L’employeur affirme que la salariée était informée de la présence des caméras.

Les salariés doivent être personnellement avertis de l’installation d’un système de vidéo surveillance des lieux de travail au regard des dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail qui prévoit qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

Il est à cet égard indifférent que le système de vidéo surveillance préexistait à l’installation de l’entreprise dans les locaux : il appartenait à l’employeur d’aviser les salariés de la poursuite de l’exploitation du système de vidéo surveillance.

En l’espèce, la note de service du 28 mai 2015 qui rappelle à l’ensemble de l’équipe l’existence de la vidéo-surveillance, ne justifie pas d’une information personnelle du dispositif à la salariée.

L’employeur prétend avoir formé Mme [G] à l’utilisation du système de vidéo surveillance sans en justifier.

En outre, la salariée relève à juste titre que l’employeur n’a rempli le « questionnaire de conformité d’un système de vidéo-surveillance à l’arrêté du 3 août 2007 portant définition des normes techniques des systèmes de vidéo-surveillance » que le 9 octobre 2017 et n’avoir sollicité une autorisation que le 23 août 2017.

Est ainsi établi à l’encontre de l’employeur un manquement quant à l’information de Mme [G] sur l’utilisation d’un système de vidéo surveillance sur le lieu de travail.

S’il n’est pas démontré que Mme [O], sa collègue, ait eu accès aux images des vidéo-surveillances, aucun élément n’étant produit sur ces points, il ressort néanmoins du courrier du 13 mars 2017 que l’employeur a adressé à la salariée pour lui demander de restituer les documents qu’il l’aurait vu mettre dans son sac le 20 novembre 2016 grâce à ce dispositif, que celui-ci a fait usage des vidéo-surveillances aux fins de capter les allers et venues de la salariée le 20 novembre 2016.

Il en résulte que ce système a été mis en ‘uvre pour surveiller la salariée et recueillir la preuve d’une faute (vol) commise par la salariée et au surplus contestée. Tant le grief que le préjudice sont constitués sur ce point.

Mme [G] fait également valoir qu’elle était ouvertement critiquée par le gérant, [I] [E], et son père, [C] [E], pour ses relations intimes avec M. [B], que le premier n’a pas hésité à rédiger une note pour interdire à son compagnon de pénétrer dans le local commercial et que le second lui a adressé une lettre pour lui reprocher cette relation personnelle.

L’employeur réplique que Mme [G] a été embauchée en qualité de vendeuse après avoir insisté auprès du père du gérant, qu’elle connaissait d’une précédente collaboration, pour obtenir le poste ; que dans le cadre de ce nouvel emploi, elle a fait la connaissance de M. [B], ami de longue date du père du gérant, [C] [E] ; que M. [B] a emprunté une somme de 4.500 € en 2015 à ce dernier, sans le rembourser ce qui a justifié la note de service interdisant l’accès au magasin laquelle était purement professionnelle.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

– le 17 novembre 2016, M. [I] [E], gérant de l’enseigne, a affiché une note de service aux termes de laquelle il expliquait que M. [B] se prévalait de l’amitié de son père [C] [E] et expliquait que celui-ci entrait dans le magasin « en pays conquis ». Il ajoutait qu’une somme de 4.350 € lui avait été prêtée mais qu’elle n’était pas remboursée. Il concluait en ces termes : « Je souhaite que cela cesse et vous demande de tenir à distance monsieur [B] [S]. Il n’est pas autorisé à pénétrer dans les locaux de l’entreprise. En aucun cas vous devrez communiquer à monsieur [B] [S] des renseignements sur notre entreprise ou les personnes qui y travaillent. Des sanctions pourront être prises à l’encontre des personnes qui ne respecteraient pas ces instructions »,

-le 14 décembre 2016, Mme [G] a adressé un courrier à M. [I] [E] pour lui signaler le « comportement inadmissible de son père… qui se permet de faire ingérence » dans sa vie privée en dénigrant notamment la personne qu’elle fréquentait et lui demander d’intervenir compte tenu de son obligation de sécurité.

– le 4 janvier 2017, M. [C] [E] a adressé un courrier à la salariée, par lequel il indiquait être effaré du courrier qu’elle avait adressé à son fils le 14 décembre 2016, rappelait sa longue amitié avec M. [B], qu’il lui était redevable de la somme de 4.240 € sans qu’il puisse obtenir un remboursement ; que son fils au courant de la situation a souhaité qu’il cesse de venir dans l’entreprise « comme s’il était chez lui » et souligne qu’il n’y avait « aucun courroux » de sa part concernant la relation qu’elle entretenait avec l’intéressé.

Ni la note de service ni le courrier du 4 janvier 2017 ne mentionnent des reproches sur la relation qu’entretenait Mme [G] et M. [B].

Les conclusions de l’employeur mettent cependant en évidence que l’éviction de M. [B] était au moins partiellement en lien avec la relation privée qu’il entretenait avec Mme [G]. Celui-ci écrit en effet que « ce dernier [M. [B]] devait se permettre d’entrer à tous bouts de champ dans le magasin de la concluante y retrouver sa concubine alors même qu’il n’avait rien à y faire » et que « c’est dans ce contexte que pour le moins légitimement, la concluante devait établir une note de service interdisant l’accès à l’intéressé de ses locaux ». Néanmoins, dès lors qu’il n’est pas utilement discuté que M. [B] se rendait régulièrement sur le lieu de travail de la salariée pour l’y rencontrer, en sorte que les rencontres d’ordre personnel avaient indéniablement eu lieu dans le cadre ou à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir établi une note pour empêcher M. [B] de pénétrer dans l’entreprise.

En outre, bien que M. [C] [E] se soit permis de lui adresser une lettre alors qu’elle ne l’avait pas sollicité et qu’il n’était pas le gérant de la société, ce courrier, rédigé dans des termes neutres ne caractérisent pas l’immixtion que tente de soutenir la salariée, étant ajouté que les deux protagonistes avaient par ailleurs une relation privilégiée, celle-ci l’ayant sollicité à plusieurs reprises pour son embauche puis par la suite pour des motifs d’ordre personnel. Dans ces conditions, aucune atteinte à sa vie privée ne peut être retenue de ce chef.

Mme [G] évoque enfin que durant son arrêt maladie, l’employeur a écrit à son médecin traitant pour la discréditer, l’employeur répliquant qu’il avait le droit de s’adresser à ce médecin pour contester la réalité d’un certificat médical et organiser une contre visite médicale.

Le 17 mai 2017, M. [I] [E] a adressé un courrier au médecin traitant de la salariée, en adressant une copie au service de contrôle de la caisse primaire d’assurance maladie de Narbonne, à la médecine du travail et l’inspection du travail de Narbonne, à l’ordre des médecins de Montpellier et au conseil de prud’hommes de Narbonne.

Tout employeur a le droit de dénoncer un arrêt de travail qu’il estimerait abusif, étant ajouté que les documents issus du profil Facebook de la salariée apparaissant comme étant accessibles à tout public, ne constituent pas une atteinte à sa vie privée. Par ailleurs, la salariée ne justifie pas du préjudice qui aurait pu résulter de cette dénonciation, le médecin traitant ayant maintenu sa position et celle-ci ayant continué à bénéficier d’arrêts maladie indemnisés. Ce grief n’est pas constitué.

Le seul manquement retenu est l’absence de preuve relatif à l’information de la salariée s’agissant de l’installation d’un système de vidéo-surveillance. Le conseil de prud’hommes a justement évalué le préjudice à la somme de 1.000 €. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le non-respect de l’article 50-4 de la convention collective

Pour solliciter l’infirmation du jugement, la société appelante expose que la salariée lui a remis un document écrit de demande de dérogation d’horaires pour motif personnel ; que cependant, le 20 novembre 2016, la salariée s’est introduite dans les locaux pour y récupérer les documents ; qu’en tout état de cause, alors que celle-ci ne justifie pas de sa situation professionnelle concomitante, le manque à gagner ne dépasse pas la somme de 447,91 € brut outre les congés payés correspondant aux mois de janvier à mars 2017.

La salariée, qui dénonce le procédé illicite de la vidéo-surveillance, réplique que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de la convention collective qui prévoit un temps de travail minimal de 24 heures hebdomadaires.

L’article 50 point 3 alinéa 1 de la convention collective applicable prévoit que « La durée de travail du personnel à temps partiel qui relève, à titre principal, du régime général de la sécurité sociale, ne pourra être inférieure à 24 heures par semaine, soit 104 heures par mois. »

Le point 4 de ce même article dispose que « Cette durée de travail s’applique aux contrats de travail conclus à compter du 1er juillet 2014.

S’agissant des contrats de travail de moins de 24 heures en cours au 1er juillet 2014, ils devront prévoir une durée de travail au moins égale à cette durée au 1er janvier 2016. »

Le point 5.2, concernant la dérogation applicable à la demande du salarié, prévoit que « Eu égard à l’article L. 3123-4-2 du code du travail, une durée de travail inférieure à la durée minimale peut être fixée à la demande, écrite et motivée, du salarié afin de lui permettre de faire face à des contraintes personnelles ou de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à 24 heures. »

En l’espèce, au 1er juillet 2014, Mme [G] était sous contrat à durée déterminée, pour une durée mensuelle de 108,33 heures, lequel a pris fin le 30 septembre 2014 par l’avenant du 23 juin 2014.

Le 1er octobre 2014, les parties ont conclu un nouveau contrat de travail aux termes duquel la salariée devait travailler 86,67 heures mensuelles du 1er octobre au 31 mars puis 108,33 heures mensuelles du 1er avril au 30 septembre.

Alors que ce dernier contrat a été conclu postérieurement au 1er juillet 2014, aucune demande de réduction horaire émanant de la salariée, permettant à l’employeur de déroger aux 104 mensuelles prévues par la convention collective, n’est versée aux débats.

Toutefois, la cour constate qu’en dépit des mentions sur le contrat de travail, la salariée a été rémunérée sur la période d’octobre 2014 à avril 2015 et d’octobre 2015 à décembre 2015 sur une base mensuelle de 108,33 heures, hors déduction de ses absences. En revanche, pour les mois de janvier, février et mars 2016, la salariée a été rémunérée sur les bases horaires mensuelles respectives de 88 heures, 80 heures et 97 heures.

Le litige s’agissant du non-respect de la convention collective porte donc uniquement sur ces trois mois.

Pour justifier que la salariée lui a remis une demande de réduction de son temps de travail qu’elle a ensuite frauduleusement dérobée, l’employeur produit :

– une capture écran datée du 20 novembre 2016 et extraite du système de vidéo-surveillance mis en place au sein du magasin,

– l’attestation de Mme [O], salariée de l’entreprise, qui témoigne avoir assisté, avec Mme [G], à la proposition de la mutuelle de l’employeur et qui ajoute qu’ « il y avait aussi les documents concernant des accords de réduction d’horaires pour les mois d’hiver et aussi les soirs d’été car ma collègue ne voulait pas faire tous les lundis durant l’été et alors d’un commun accord nous avons alterné et modifié tous les horaires. Ces documents étaient de tiroir de notre meuble sous caisse.

Ces dossiers ne se trouvant plus au magasin et ce depuis le dimanche 20 novembre 2016 où Mme [G] est venue récupérer les documents au magasin. Sur la vidéo-surveillance on la voit plier des documents et les mettre dans son sac. »

– le courrier du 13 mars 2017 qu’il a adressé à la salariée pour lui demander de restituer les documents administratifs.

La salariée intimée soutient pour sa part avoir été présente dans les locaux de l’entreprise le 20 novembre 2016 pour récupérer les doubles des clés d’appartement d’une amie handicapée qui étaient restées dans son bureau. Elle verse, en ce sens, l’attestation de Mme [D], qui témoigne que ce jour-là, elle a demandé à Mme [G] de lui fournir le double de ses clés et que cette dernière lui a indiqué les avoir laissées au « magasin de M. [E] » et est allée les chercher.

Il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas démontré que Mme [G] n’était pas informée du dispositif de vidéo-surveillance mis en place au sein de l’entreprise en sorte qu’il ne peut servir de preuve dans le cadre de la présente instance. En tout état de cause, la capture d’écran qui est versée aux débats est floue et ne permet pas d’identifier de manière non équivoque l’action enregistrée. Encore, l’attestation de Mme [O], dont la seule qualité de salariée ne suffit pas à remettre en cause la sincérité de son attestation, n’identifie pas les documents qu’elle prétend volés. Le simple fait de plier des documents et les mettre dans son sac ne permet pas de dire, alors que l’employeur n’a eu connaissance de la disparition de documents qu’en mars 2017, que la salariée aurait dérobé un écrit sur une demande de réduction du temps de travail.

Par ailleurs, si Mme [O] fait bien référence à un document concernant un accord de réduction de temps de travail qui aurait été mis en place, force est de constater que la date de présentation de ces documents n’est pas mentionnéd dans l’attestation pas plus que le volume d’heures convenu ou la répartition horaire qu’aurait pu solliciter la salariée alors que la salariée a été rémunérée à hauteur de 108,33 heures pendant toute la relation contractuelle à l’exception du premier trimestre 2016 pour lequel il apparaît que les heures mensuelles de bases, irrégulières, ne correspondent ni au contrat de travail ni à la convention collective et ce, sans explication.

Dans ces conditions, faute de justifier de la demande de réduction de la salariée et a fortiori du volume d’heures sollicitées, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a accueilli la demande de la salariée.

Le préjudice financier et moral étant toutefois limité à trois mois, il convient d’indemniser la salariée à hauteur de 500 €. Le jugement sera donc infirmé dans son quantum.

Sur l’adhésion obligatoire à la mutuelle de l’entreprise

Mme [G] reproche à son employeur ne pas l’avoir affiliée à la mutuelle obligatoire. Comme pour le temps de travail, elle dénie tout vol dans les locaux de l’entreprise. La salariée soutient qu’elle a « perdu l’opportunité de bénéficier d’une mutuelle plus avantageuse ».

L’employeur soutient une nouvelle fois que la salariée avait signé un document qu’elle a dérobé dans les locaux de l’entreprise.

Il ressort des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de la sécurité sociale que l’employeur est tenu d’affilier son salarié à un régime de prévoyance complémentaire à celui résultant de l’organisation de la sécurité sociale, ayant pour objet de prévoir, à son profit et à celui de ses ayant droits, la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, des risques d’inaptitude et du risques chômage, ainsi que la constitution d’avantages sous forme de pensions de retraite, d’indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière.

Il ressort parallèlement des dispositions de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale que l’employeur est tenu d’affilier son salarié qui ne bénéficierait pas déjà d’une couverture collective à adhésion obligatoire à un régime de prévoyance complémentaire en matière de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

L’attestation de Mme [O] aux termes de laquelle Mme [G] aurait refusé de souscrire à la mutuelle de l’employeur n’est corroborée par aucun élément objectif. Le fait que l’intéressée ait elle-même refusé cette adhésion n’est pas pertinent pour l’administration de la preuve.

Toutefois, alors que la mutuelle de l’employeur est constituée de plusieurs garanties que le salarié peut choisir et qu’il n’est pas contesté que la salariée, qui a bénéficié de plusieurs arrêts maladie pendant la relation contractuelle, était déjà couverte par une mutuelle, elle ne démontre pas l’étendue de son préjudice.

Le préjudice de la salariée sera justement indemnisé à hauteur de 200 €.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Sur le défaut de visite médicale

La salariée fait grief à son employeur de ne pas avoir organisé de visite médicale lors de l’embauche en 2013 ni par la suite, notamment dû au fait qu’il n’avait pas adhéré au SIST, et ce en dépit de ses demandes.

Si l’employeur ne conteste pas son défaut d’affiliation, c’est à juste titre qu’il soulève que la salariée n’invoque aucun préjudice du fait de l’absence de visite médicale d’embauche.

En revanche, la salariée démontre qu’elle a sollicité une visite médicale auprès de la médecine du travail en mars 2017 qui lui a été refusée en raison de l’absence d’affiliation de l’employeur auprès du SIST. Elle a alors saisi l’inspection du travail le 31 mars 2017 qui lui a répondu le 4 avril 2017 qu’elle enjoignait l’employeur de régulariser sa situation.

Encore, le 7 août 2017, le SIST informait la salariée qu’il ne pouvait répondre favorablement à sa demande de visite de reprise formulée le 4 août 2017, l’employeur n’étant toujours pas adhérent.

La salariée avance qu’au regard de cette situation, elle a été contrainte de prolonger ses arrêts de travail pour ne pas se retrouver sans ressource.

Le préjudice de la salariée est constitué, celle-ci n’ayant pu bénéficier d’une visite médicale de reprise dès le mois de mars 2017. Elle admet néanmoins avoir continué à bénéficier d’arrêts maladie continus indemnisés jusqu’au 13 septembre 2017. Sa visite médicale de reprise a eu lieu le 14 septembre 2017.

Le préjudice étant limité, le jugement qui a alloué à la salariée la somme de 200 € de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice sera confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

En application des dispositions du code civil prévoyant la résolution judiciaire pour inexécution de ses obligations par le cocontractant, le salarié peut poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations, dès lors que ces manquements sont d’une gravité suffisante. Lorsque la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. C’est au salarié qui invoque la faute de l’employeur, d’établir cette faute.

Mme [G] évoque plusieurs griefs à savoir les atteintes de l’employeur à sa vie privée, la non-adhésion à la mutuelle obligatoire, le refus par l’employeur d’adresser l’attestation de paiement de salaire à la caisse primaire d’assurance maladie, l’absence de paiement du rappel de salaire et de la prime annuelle, le non-respect de la durée minimale du travail à temps partiel, l’absence d’adhésion au SIST.

Le grief tiré de l’absence d’adhésion à la mutuelle obligatoire n’a pas été retenu par la cour.

Le non-respect de la durée minimale du travail à temps partiel ne courant que sur les mois de janvier à mars 2016, ce manquement était trop ancien pour fonder la demande de résiliation judiciaire.

En revanche, il a été retenu l’absence de preuve relatif à l’information du salarié s’agissant de l’installation d’un système de vidéo surveillance, dont l’employeur s’est servi pour lui demander de restituer des documents que la salariée nie avoir pris, ce qui est de nature à porter atteinte à sa dignité, et l’absence d’adhésion au SIST au mois jusqu’en août 2017 empêchant la salariée de bénéficier de la visite médicale légale.

En outre, l’employeur ne conteste plus qu’il est redevable du rappel de salaire d’octobre 2014 à décembre 2016 à hauteur de 529,98 €, outre 52,99 € au titre des congés payés afférents et de la prime de 2015 pour 468,14 €. Pour autant, aucune de ces sommes n’ont été réglées.

Il n’est pas davantage discuté que l’employeur n’a pas transmis l’attestation de salaire pour permettre à la salariée de bénéficier du versement des indemnités journalières à compter du 29 novembre 2016, la salariée ayant adressé elle-même les documents à la caisse primaire d’assurance maladie en janvier 2017.

La cour considère que l’ensemble de ces éléments, pris dans leur ensemble, constitue un manquement grave et répété de l’employeur empêchant une poursuite de la relation de travail justifiant le prononcé à ses torts de la résiliation judiciaire du contrat.

Les attestations de divers clients témoignant de la bonne entente entre les salariées le 24 août 2017 ne sont pas de nature à remettre en cause ces constatations.

Cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 18 octobre 2017.

Au jour du licenciement, Mme [G], née le 22 mars 1960, avait plus de trois ans et quatre mois d’ancienneté dans une entreprise (son ancienneté débutant au 2 juin 2014) comptant moins de 11 salariés. Son salaire brut mensuel moyen non contesté s’élevait à 1.057,30 €. Elle ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle postérieurement au licenciement.

Compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture, le conseil de prud’hommes a justement évalué le préjudice subi à hauteur de 3.000 €. Le jugement sera confirmé sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée a également droit à la somme de 2.114,16 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 211,41 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, le solde de tout compte, l’attestation destinée à l’assurance chômage et les bulletins de paie ne faisant référence à aucun paiement à ce titre.

Au regard de l’ancienneté de Mme [G], à laquelle s’ajoutent les deux mois de préavis non réalisés, la salariée a le droit à une indemnité légale de licenciement de 925,14 €. Ayant perçu la somme de 612,90 € et ne réclamant que la somme globale de 881,05 €, il sera fait droit au solde de 268,15 € dans les limites de sa demande.

Le jugement sera réformé sur ces points.

Sur les autres demandes

L’équité commande d’allouer à la salariée la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 4 février 2019 par le conseil de prud’hommes de Narbonne sauf en ses dispositions relatives au non-respect de l’article 50-4 de la convention collective, à l’adhésion obligatoire à la mutuelle de l’entreprise, à la résiliation judiciaire du contrat de travail, à l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et à l’indemnité légale de licenciement ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] [G] aux torts de la sas Caunarbo et dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 18 octobre 2017 ;

Condamne la sas Caunarbo à verser à Mme [J] [G] les sommes suivantes :

– 500 € de dommages et intérêts pour violation de l’article 50-4 de la convention collective,

– 200 € de dommages et intérêts pour non affiliation à la mutuelle de l’entreprise,

– 2.114,16 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 211,41 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

– 268,15 € au titre du solde de l’indemnité légale de licenciement,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la sas Caunarbo aux dépens de l’appel.

Le greffier Le président

 


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