Bijouterie : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00981

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Bijouterie : 24 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00981

24 janvier 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/00981

C1

N° RG 21/00981

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYQE

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 JANVIER 2023

Appel d’une décision (N° RG F 19/00089)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE CEDEX

en date du 27 janvier 2021

suivant déclaration d’appel du 23 février 2021

APPELANTE :

Madame [O] [I] ép. [E]

née le 18 Janvier 1961 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Romain DE PAULI de la SELARL A-LEXO, avocat plaidant inscrit au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

S.A.S. THOM, pris en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège et pris en son établissement secondaire ‘HISTOIRE D’OR’ sis au [Adresse 5],

[Adresse 2]

[Localité 3]

n’ayant pas constitué avocat ou défenseur syndical,

dont la déclaration d’appel a été signifiée à étude le 06 mai 2021,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu Me DE PAULI en ses conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, délibéré au cours duquel

il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 24 janvier 2023.

Exposé du litige :

Mme [E] a été embauchée par la Société THOM (SAS) dont l’activité est le commerce de détail en bijouterie, par contrat à durée indéterminée à compter du 11 janvier 2005 en qualité de directrice de magasin, statut agent de maîtrise.

Par avenant du 1er février 2007, Mme [E] a été promue directrice, catégorie agent de maîtrise, échelon VI, coefficient 285.

Le 1er octobre 2011, elle a été promue directrice de magasin, catégorie cadre, échelon l, coefficient 320.

Par courrier en date du 27 septembre 2013, la Société THOM l’a informée de sa nouvelle affectation, à compter 14 octobre 2013, au sein du centre commercial Valence 2.

Mme [E] a contesté cette mutation par courrier en date du 1er octobre 2013.

La Société THOM par courrier en date du 9 octobre 2013 a rappelé à Mme [E] les termes de son contrat de travail en matière de mobilité.

Elle a accepté cette mutation par courrier du 10 octobre 2013.

En date du 23 juillet 2018, elle a été victime d’un Accident Ischémique Constitué (AIC). Elle a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter de ce jour.

Le 11 mars 2019, Mme [E] a saisi le Conseil de prud’hommes de Valence en date du 11 mars 2019 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et de l’indemnisation afférente.

Par jugement du 27 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Valence a :

Dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes.

Débouté la société THOM (SAS) de sa demande au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile.

Mis les dépens à la charge de Mme [E].

La décision a été notifiée aux parties et Mme [E] en a interjeté appel.

Le 08 mars 2021, le médecin du travail l’a déclarée inapte et Mme [E] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement par lettre du 10 mai 2021

Par acte d’huissier du 23 juin 2021, les conclusions de l’appelant ont été notifié à personne (employée de l’établissement secondaire HISTOIRE d’OR à VALENCE).

La Société THOM (SAS) n’a pas constitué avocat.

Par conclusions du 07 octobre 2022, Mme [E] demande à la cour d’appel de :

Réformer la décision rendue le 27 janvier 2021 par le Conseil de prud’hommes de VALENCE

A titre principal,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail

En conséquence,

Condamner la société THOM à lui payer à Madame [E] :

La somme de 33 031,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre d’indemnité légale de licenciement à la date de rupture du contrat : mémoire

A titre d’indemnité compensatrice de congés payés : mémoire

A titre subsidiaire,

Dire le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la société THOM à lui payer :

La somme de 33 031,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre d’indemnité légale de licenciement à la date de rupture du contrat : mémoire

A titre d’indemnité compensatrice de congés payés : mémoire

Condamner la société THOM à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du non-respect de l’obligation de sécurité

Condamner la société THOM en tous les dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ce qui est de la première instance est de 3 500 euros pour ce qui est de l’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Il doit être rappelé à titre liminaire que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Faute de conclusions déposées par la SAS THOM, la cour est saisie par les seuls moyens de Mme [E].

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et le manquement à l’obligation légale de sécurité :

Moyens des parties :

Mme [E] expose que son contrat de travail doit être résilié aux torts de l’employeur en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, à l’origine de sa dégradation de son état de santé et de sa maladie dont l’origine professionnelle a été reconnue, et de son licenciement pour inaptitude.

Elle expose qu’elle a été victime du comportement d’un client fin 2013 sur son lieu de travail dans un magasin auquel elle ne voulait pas être affectée en raison de sa dangerosité. Sa demande de permutation de poste a été refusée puis son employeur n’a pas répondu à la lettre de son conseil du 18 octobre 2018 pour alerter sur la nécessité d’agir. Elle a fait l’objet d’un AIC le 23 juillet 2018 et l’employeur a demandé à ses collègues si cet arrêt était prémédité. Le 18 décembre 2018, le Dr [R], chef du service neurologique du Centre Hospitalier de Valence, a établi que son état psychologique était extrêmement défavorable dans le cadre de grandes difficultés relationnelles avec sa hiérarchie. Une expertise médicale ordonnée à la demande de la prévoyance de l’entreprise, a fait le lien entre l’AIC et ses conditions de travail et le fait qu’elle présentait un état de santé fragilisé en raison de celles-ci.

Sur ce,

Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu’un contrat de travail peut être résilié aux torts de l’employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles.

Le juge judiciaire saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté. Si les manquements anciens reprochés à l’employeur et qui n’ont pas empêché la poursuite de la relation contractuelle ne peuvent servir de fondement valable pour une résiliation judiciaire, la persistance de ces manquements peut rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Lorsque le licenciement intervient postérieurement à l’introduction de la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur est ou non justifiée avant de prononcer sur le bienfondé du licenciement ;

En l’espèce, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, Mme [E] reproche à son employeur le manquement à son obligation de sécurité.

Ce manquement, aux termes des écritures de Mme [E] serait matérialisé par une mutation dans un autre magasin, situé au sein du centre commercial de VALENCE 2, qualifié de « zone dangereuse et anxiogène » par la salariée dans un courrier du 10 octobre 2013 par lequel elle conteste aussi les conditions de cette mutation.

S’agissant de son affectation dans un autre magasin de l’enseigne, si elle a été dans un premier temps contestée par la salariée, cette dernière l’a finalement acceptée en raison de la clause de mobilité insérée à son contrat de travail. Mme [E] qui fait état d’un entretien avec son employeur de plus de 4 heures, le 26 septembre 2013 avant de se voir annoncer ce changement d’affectation qu’elle ne voulait pas, 15 jours avant son effectivité, n’en apporte pas la preuve. Elle produit uniquement un courrier de son conseil qui rapporte ses dires. Il est en tout état de cause établi que l’employeur disposait du pouvoir de l’affecter à un autre magasin en vertu de la clause de mobilité insérée à son contrat de travail. Ce manquement n’est pas établi.

Sur le fait que ce lieu de travail était source de danger pour elle, Mme [E] produit :

Un compte-rendu de réunion daté du 14 novembre 2013 faisant état d’une insécurité aux abords et dans le centre commercial ;

Deux attestations de collègues travaillant avec elle dans le magasin de valence 2 qui rapportent que Mme [E] a dû affronter le 31 décembre 2013 un client mécontent qui l’aurait insultée. L’intervention de la sécurité du magasin est mentionnée ;

Un arrêt de travail du 08 au 10 janvier 2014.

Il est établi que la salariée a rencontré fin décembre 2013 sur cette nouvelle affectation, une difficulté avec un client et que le service de sécurité est intervenu. Toutefois, ce seul incident ne suffit pas à démontrer que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité étant relevé que le magasin dans lequel travaillait la salariée est situé dans un centre commercial lui-même couvert par un dispositif de sécurité propre.

La fiche d’entreprise, produite par Mme [E], établie par une assistante en santé et sécurité du travail et adressée à M [T], « à l’attention de Mme [E] », formule un certains nombres de préconisations le 11 décembre 2013 notamment s’agissant de la sécurité des salariés. Il en est de même s’agissant des constats opérés par l’inspection du travail suite à une visite du 21 janvier 2014, soit peu de temps après l’intervention de l’assistante santé et prévention. S’il est exact que l’inspecteur du travail formule plusieurs recommandations (portant sur l’installation électrique (fermeture du tableau), vérification des fermetures automatisées, prévention de la situation debout, aménagement du coin repas, DUER à compléter sur la question des RPS), il n’est relevé aucun danger physique en termes de sécurité du personnel.

Aucun autre élément extérieur(alerte à la DIRECCTE, nouvelle intervention de l’assistante de prévention) ne permet de constater que l’employeur ne les a pas appliquées. Il n’est ainsi ni argué ni démontré que d’autres incidents en lien avec la sécurité ont eu lieu au sein du magasin dont aurait pu être victime la salariée.

Il est par ailleurs constant que Mme [E] a poursuivi son travail au sein de ce magasin après 2014 jusqu’en 2018. La cour observe qu’aucune des pièces produites ne permet de corroborer les fait conclus selon lesquels « la relation de travail n’a pu reprendre correctement, l’employeur persistant dans l’absence de considération de son état de santé », « celui-ci ne cessant de se détériorer, sans aucune réaction de l’employeur malgré les innombrables alertes de la salariée ». La salariée ne justifie d’aucune des « innombrables alertes » dont elle fait état.

Par conséquent, rien ne permet de confirmer la persistance de difficultés dans la relation de travail entre 2014 et juillet 2018. Ce manquement n’est pas établi.

Mme [E], qui allègue par ailleurs de son mal-être durant l’année 2018, verse aux débats un courrier dans lequel elle fait effectivement état d’un conflit avec son employeur suite à sa mutation au magasin du centre commercial Valence 2 intervenue en 2013. Il n’est versé aucune pièce permettant de constater que ce courrier a bien été porté à la connaissance de l’employeur.

Elle ne démontre pas non plus comme conclu que le 15 mai 2018, la DRH lui aurait suggéré de demander un poste de vendeuse dans le cadre d’un « aménagement de fin de carrière ».

Mme [E] ne produit ainsi qu’un courrier de son employeur qui lui indique le 31 juillet 2018 qu’il ne peut répondre favorable à sa demande de mutation dans un autre magasin.

Sur le fait également conclu selon lequel la cause de son arrêt maladie, suite à son AIT du 27 juillet 2018 a été mise en doute par l’employeur, Mme [E] verse un courrier un mail du 24 juillet 2018, de M. [G] en réponse à celui de son époux. M. [E] écrit qu’il a « cru comprendre » que M. [G] avait « émis des doutes sur la sincérité de l’arrêt maladie » de son épouse et sur la « préméditation » de cet arrêt. M. [G] lui réplique qu’il y a eu un malentendu, qu’il ne connaît pas directement son épouse et qu’il a posé la question à la conseillère de vente « si elle savait l’importance de la maladie afin de trouver la meilleure solution pour le remplacement ». Il précise être « désolé s’il y a eu malentendu » et rester disponible pour échanger. Mme [E] produit également un courrier de la directrice du personnel du 09 aout 2018 qui dément, suite au mail précédent, toute mise en doute des arrêts maladie de la salariée et s’excuse, elle aussi, pour un éventuel malentendu à ce sujet.

Ces éléments ne corroborent donc pas l’absence de prise en compte de l’état de santé de la salariée ni une mise en doute de celui-ci.

Enfin, le courrier du conseil de Mme [E] du 18 octobre 2018, qui rapporte les dires de la salariée, ne peut suffire à lui seul à établir l’existence de manquements de l’employeur de 2014 à 2018 sans autre pièce pour le corroborer.

S’agissant de l’état de santé de la salariée, il est établi, par les pièces produites par Mme [E], que l’AIT dont elle a été victime le 27 juillet 2018 a été pris en charge au titre de la maladie professionnelle « pour syndrome dépressif du 17 décembre 2019 ». Cette prise en charge ne suffisant pas à établir un lien entre le comportement de l’employeur et la pathologie constatée.

En effet, les éléments médicaux produits dans la présente procédure, qui attestent que Mme [E] est atteinte d’une dépression et en incapacité permanente partielle à hauteur de 35 % ou font encore d’un état de burn-out, se contentent, s’agissant du lien entre sa pathologie et ses conditions de travail, de relater les doléances de la salariée et en concluent qu’elle ne peut reprendre son emploi dans un tel contexte.

En outre, l’avis d’inaptitude du 08 mars 2021 indique que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise, et non que le maintien dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à son état de santé. Le médecin du travail, qui n’a pas été saisi par la salariée et qui n’a jamais alerté l’employeur sur une quelconque difficulté, ne fait pas état d’un lien entre le comportement de l’employeur, les conditions de travail et la situation de la salariée.

Au vu de ce qui précède, Mme [E] échoue à établir l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation légale de sécurité étant constaté que suite au seul incident relevé en décembre 2013, elle a poursuivi son travail sans signaler d’incident ultérieur à son employeur. S’agissant de l’année 2018, Mme [E] n’établit pas la matérialité d’un manquement à l’obligation légale de sécurité ni qu’il aurait empêché la poursuite du contrat de travail. Par conséquent la salariée n’établit pas non plus l’origine professionnelle de son inaptitude.

Les manquements de l’employeur n’étant pas établis, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes afférentes de Mme [E] doivent donc être rejetées, par voie de confirmation de la décision déférée

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des frais irrépétibles.

La demande de Mme [E] en cause d’appel, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure est rejetée.

Mme [E] succombant à l’instance, elle sera également tenue des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [E] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de Mme [E] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE Mme [E] aux dépens en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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