22 novembre 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
20/00110
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/00110 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HTOK
EM/DO
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MENDE
20 décembre 2019
RG :18/00019
[J]
C/
S.A. MARCEL ROBBEZ MASSON
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MENDE en date du 20 Décembre 2019, N°18/00019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [S] [J]
née le 05 Février 1989 à [Localité 4]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Représentée par Me Céline QUOIREZ de la SELARL CELINE QUOIREZ, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A. MARCEL ROBBEZ MASSON
[Adresse 10]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexandre BOULANT de la SELARL Tréville Société d’Avocats, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 22 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [S] [J] a été engagée en qualité d’employée de magasin par l’Eurl CCR à compter du 17 juin 2014 selon contrat de travail à durée indéterminée.
L’Eurl CCR était titulaire d’un contrat de location-gérance souscrit avec la Sas Marcel Robbez Masson.
Le 30 septembre 2017, l’Eurl CCR a sollicité la résiliation du contrat de location gérance et la Sas Marcel Robbez Masson et le contrat de travail de Mme [S] [J] a été transféré à cette dernière société.
La Sas Marcel Robbez Masson a proposé à Mme [S] [J], par courrier du 27 septembre 2017, de la faire évoluer sur le poste d’employée à la pesée ou le poste d’assistante commerciale tous deux situés à [Localité 5].
Par courrier du 04 octobre 2017, Mme [J] a refusé sa mutation à [Localité 5] et la modification de son contrat de travail.
Par lettre du 10 octobre 2017, la Sas Marcel Robbez Masson a convoqué Mme [J] à un entretien préalable fixé au 20 octobre 2017 en vue d’un éventuel licenciement.
Le 25 octobre 2017, Mme [S] [J] a été licenciée.
Par requête du 11 juillet 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Mende pour qu’il requalifie la rupture de son contrat de travail en licenciement pour motif économique et qu’il condamne la société Marcel Robbez Masson à lui régler diverses sommes indemnitaires et à titre de rappel de salaires.
Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Mende a :
– dit que le licenciement de Mme [J] est justifié par une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Marcel Robbez Masson,
– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Par acte du 10 janvier 2020, Mme [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 13 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 06 septembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 20 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions Mme [S] [J] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à requalifier son licenciement en licenciement pour motif économique,
– dire que le licenciement non inhérent à sa personne s’analyse en un licenciement pour motif économique,
En conséquence,
– condamner la société Marcel Robbez Masson à lui régler les sommes suivantes :
* 16 350 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* 3 279,24 euros au titre des pertes de revenus sur 12 mois,
* 3 162,86 euros au titre du différé de versement de l’ARE,
* 1 637,97 euros de dommages intérêts pour remise de documents non conformes,
* 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [S] [J] soutient que :
– son licenciement doit être requalifié en licenciement pour motif économique dans la mesure où elle a été licenciée pour un motif d’ordre structurel propre à la Sas Marcel Robbez Masson ne présentant aucun lien avec sa personne ou la réalisation de sa prestation de travail et que la lettre de licenciement ne comporte, par ailleurs, aucun des motifs économiques visés par l’article L1233-3 du code du travail,
– l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement,
– son licenciement lui a causé un préjudice parce qu’elle est restée plus d’un an sans emploi alors qu’elle avait souscrit un crédit immobilier pour acquérir sa résidence principale, et que sa situation professionnelle n’est toujours pas consolidée ce jour.
En l’état de ses dernières écritures, la Sas Marcel Robbez Masson conclut à la confirmation du jugement dont appel et demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Mende en toutes ses dispositions,
– débouter Mme [S] [J] de l’ensemble de ses demandes à son encontre.
Elle fait valoir que :
– elle a pour activité exclusive la fabrication de bijoux sur son site unique de [Localité 5] et que la commercialisation de ses produits est assurée par une délégation commerciale externe dédiée auprès d’une clientèle professionnelle de bijoutiers sur toute la France, que consécutivement à la résiliation du contrat de location-gérance qui la liait à l’Eurl CCR, elle s’est involontairement retrouvée avec un fonds de commerce qu’elle ne pouvait pas gérer et une salariée qu’elle ne pouvait pas faire travailler, qu’elle a recherché en vain un repreneur pour la boutique de [Localité 6] et qu’elle a été finalement contrainte de la mettre en vente, qu’au final, elle a cédé son droit au bail le 16 février 2018 à une société Jimmy Fairly spécialisée dans l’optique, que compte tenu de la différence d’activité professionnelle, le contrat de travail de Mme [S] [J] n’aurait pas été transféré de plein droit au repreneur,
– au visa de l’article L1224-1 du code du travail, en raison du refus de Mme [S] [J] aux deux propositions de postes qu’elle lui avait faites, elle n’avait pas d’autre choix que de la licencier,
– le licenciement n’est pas fondé sur un motif économique mais sur son impossibilité d’honorer le contrat de travail de Mme [S] [J], qu’elle ne pouvait d’ailleurs pas justifier d’une des causes économiques visées par l’article L1233-3 du code du travail, que contrairement à ce que prétend Mme [S] [J], son licenciement ne repose nullement sur une cause économique mais sur une cause sui generis, ce qui la dispensait des obligations applicables en cas de licenciement économique, que contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, les deux propositions de poste qu’elle a faites à Mme [S] [J] n’étaient pas des offres de reclassement mais avaient pour but d’essayer de trouver une solution et d’éviter son licenciement,
– Mme [S] [J] a été licenciée le 25 octobre 2017 et a saisi le juge prud’homal le 11 juillet 2018, de sorte que la procédure d’appel est placée sous l’égide des nouvelles règles de procédure d’appel applicables depuis le 1er août 2016, que la demande de dommages et intérêts formée en appel est nouvelle puisqu’elle n’avait pas été soumise aux premiers juges, qu’il s’en déduit qu’elle est irrecevable,
– à titre subsidiaire, la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [S] [J] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est exorbitante et non justifiée,
– la demande formée par Mme [S] [J] au titre du déficit de revenu repose sur des calculs erronés et n’est pas justifiée dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice,
– elle n’était pas tenue de proposer à Mme [S] [J] le CSP en alternative au licenciement dans la mesure où la rupture ne repose pas sur une cause économique, que par ailleurs, la salariée ne justifie pas de sa situation professionnelle actuelle et ne justifie pas avoir subi un préjudice à ce titre,
– elle n’avait pas à indiquer sur l’attestation Pôle emploi un motif économique au licenciement de Mme [S] [J], sauf à se contredire, et n’apporte pas de précision ni d’explication sur les raisons de la non-conformité des documents de fin de contrat qu’elle a fournis.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
L’article L1233-3 du code du travail dispose, dans sa version applicable issu de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. (…)
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L1237-17 et suivants.
L’article L1232-6 du même code dispose, dans sa version applicable, que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. (…)
L’article L1232-16 du même code prévoit dans sa version applicable, que la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Elle mentionne également la priorité de réembauche prévue par l’article L1233-45 et ses conditions de mise en oeuvre.
L’article L1224-1 du même code prévoit que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Ce texte pose le principe du maintien des contrats de travail lorsque l’entreprise est transférée et qu’elle change de mains ; les contrats de travail, comme l’entreprise, sont transférés au nouvel employeur et cette règle est d’ordre public.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 25 octobre 2017 qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
‘…cet entretien était prévu le 20 octobre 2017 mais vous ne vous y êtes pas présentée.
Après réflexion, nous sommes obligés aujourd’hui de vous notifier votre licenciement pour le motif suivant.
Notre société, la Sas Marcel Robbez Masson a pour activité exclusive la fabrication de bijoux sur son site unique de [Localité 5].
La commercialisation de ses produits est assurée par une délégation commerciale externe dédiée auprès d’une clientèle professionnelle de bijoutiers sur toute la France.
Par ailleurs afin de permettre le développement de sa marque Murat [Localité 8], MRM a été amenée exceptionnellement à se porter acquéreur de fonds de commerce et à les mettre en location gérance auprès de bijoutiers indépendants.
MRM est ainsi propriétaire du fonds de commerce situé au [Adresse 2] dont la gestion a été confiée à l’Eurl CCR laquelle vous a embauchée en qualité de vendeuse le 17 juin 2014. La société CCR a décidé de mettre un terme au contrat de location gérance qui nous liait, à effet finalement du 30 septembre 2017.
Par application de l’article L1224-1 du code du travail, votre contrat de travail a donc automatiquement été transféré à MRM en sa qualité de bailleur à compter du 1er octobre 2017.
La difficulté est que notre société :
– n’a jamais eu aucune activité commerciale de vente de bijouterie au détail et ne peut donc vous faire travailler comme vendeuse,
– n’a trouvé aucun repreneur d’aucune sorte de la boutique de [Localité 6] à qui nous aurions pu proposer de vous intégrer. Nous avons donc été contraints de mettre en vente ce fonds de commerce sans succès à ce jour.
Il nous est dès lors impossible d’honorer les termes de votre contrat de travail.
Afin d’essayer d’éviter votre licenciement, nous vous avons proposé par lettre du 27 septembre 2017, deux postes disponibles sur notre site de [Localité 5] qui impliquaient chacun une double modification de votre contrat de travail. (Changements de fonction et de lieu de travail).
Par lettre du 4 octobre 2017, vous avez toutefois refusé ces postes en raison de leur ‘incompatibilité avec votre vie familiale montpelliéraine’ ce qui est votre droit le plus strict et ce que nous respectons.
En résumé, l’impossibilité de maintenir votre contrat dans sa forme actuelle et l’impossibilité de vous imposer une modification de votre contrat qui en aurait permis la poursuite nous obligent à rompre notre collaboration et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dans ces conditions, votre licenciement sera effectif à la date de première présentation de la présente lettre…’.
Au soutient de ses prétentions, la Sas Marcel Robbez Masson produit aux débats :
– un contrat de location gérance conclu le 24 juillet 2012 entre la Sas Marcel Robbez Masson (MRM) en qualité de bailleur et l’Eurl CCR en qualité de locataire-gérant, ayant pour objet principal d’assurer de manière exclusive l’écoulement au détail des produits fabriqués et distribués par MRM et concernant un local situé à [Adresse 7], avec effet au 1er juin 2012 ; le contrat a été renouvelé par tacite reconduction,
– un courrier de l’Eurl CCR adressé à la Sas Marcel Robbez Masson, réceptionné le 06 février 2017 aux fins de résiliation du contrat de location gérance avec effet au 31 mai 2017,
– un avenant au contrat de location-gérance signé entre les deux sociétés le 31 mai 2017 qui modifie l’article 4 du contrat initial relatif à la durée du contrat qui est ainsi prorogée de 4 mois, son échéance arrivant à terme le 30 septembre 2017,
– un acte de cession de droit au bail signé le 16 février 2018 entre la Sas Marcel Robbez Masson et la Sas Jimmy Fairly, la société intimée cédant uniquement le droit au bail dépendant du fonds de commerce susvisé à l’exclusion notamment de toute clientèle et la société Jimmy Fairly se déclarant intéressée à l’acquérir pour y exercer l’activité ‘opticien, vente de lunettes et accessoires s’y rapportant…’.
Mme [S] [J] soutient que la rupture de son contrat de travail doit être analysée en un licenciement pour motif économique et fait référence à une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle un licenciement prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié constitue un licenciement pour motif économique, et produit aux débats :
– un courrier que lui a adressé la Sas Marcel Robbez Masson daté du 27 septembre 2017 qui l’informe de la reprise de son contrat de travail en application de l’article L1224-1 du code du travail, qu’à compter du 1er octobre 2017 elle sera automatiquement transférée au sein de l’entreprise dont le siège social est situé à [Localité 5], que la société n’a pas pour activité la vente de détail d’articles de bijouterie et ne dispose pas d’établissement à [Localité 6], qu’elle est dans l’impossibilité de pouvoir honorer les termes de son contrat de travail, qu’elle lui propose de la faire évoluer sur le poste d’employée à la pesée ou le poste d’assistante commerciale, qu’une formation complète lui serait dispensée en interne si elle acceptait l’un des deux postes, qu’à défaut d’accord, elle sera contrainte d’engager une procédure de licenciement et que la boutique dans laquelle elle effectuait son travail sera fermée à compter du 1er octobre 2017,
– un courrier adressé à la Sas Marcel Robbez Masson daté du 04 octobre 2017 dans lequel elle oppose un refus aux propositions et de mutation à [Localité 5] pour des raisons familiales,
– un courrier du 13 novembre 2017 qu’elle a adressé à la Sas Marcel Robbez Masson lui demandant de lui faire connaître précisément le motif de son licenciement et un courrier de la société en réponse du 15 novembre 2017 dans lequel elle indique que la lettre de licenciement comporte de façon explicite et détaillée le motif de la rupture du contrat de travail.
Sur le motif du licenciement :
Il résulte des éléments produits aux débats par les parties, que le contrat de travail de Mme [S] [J] a été transféré de l’Eurl CCR à la Sas Marcel Robbez Masson consécutivement à la résiliation du contrat de location-gérance conclu en 2012 entre les deux sociétés, à l’initiative de l’Eurl CCR, avec effet au 30 septembre 2017.
Comme le prétend justement Mme [S] [J], son licenciement a bien la nature juridique d’un licenciement économique dans la mesure où la rupture de son contrat de travail n’est pas inhérente à sa personne ou à la réalisation de sa prestation de travail.
Par contre, contrairement à ce que soutient Mme [S] [J], la lettre de licenciement mentionne bien le motif économique du licenciement puisqu’elle indique la raison économique qui résulte de la résiliation du contrat de location-gérance du local dans lequel elle occupait son poste et son incidence sur l’emploi exercé par la salariée, sa suppression, du fait du transfert de son contrat de travail à la société MRM en sa qualité de bailleur, et elle explique que ce transfert nécessitait une modification du contrat de travail.
Si la lettre de licenciement indique que le motif du licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, ce qui est bien le cas en l’espèce, elle ne fait nullement référence à une cause personnelle ou disciplinaire, de sorte qu’elle est suffisamment motivée et ne comporte pas d’erreur dans l’énonciation de ses motifs.
Les règles du licenciement économique sont donc applicables.
Sur le reclassement :
L’article L1233-4 du code du travail dipose dans sa version applicable que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des ent la recherche doit être sérieuse et loyale. Elle doit porter sur toutes les sociétés du groupe, défini comme l’espace de permutation du personnel, et non se limiter à certaines d’entre ellesreprises implantées sur le territoire français.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
L’employeur est tenu avant tout licenciement économique, d’une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d’autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie, ou à défaut d’une catégorie inférieure.
C’est à la date du licenciement qu’il faut se placer pour apprécier la configuration du groupe.
C’est l’entreprise qui licencie qui doit se livrer à la recherche des possibilités de reclassement dans les autres sociétés du groupe.
Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.
En l’espèce, il est établi que la société Marcel Robbez Masson a proposé le 27 septembre 2017 à Mme [S] [J], préalablement à son licenciement, deux postes situés à [Localité 5], celui d’employée à la pesée et celui d’assistante commerciale avec maintien du statut d’employé, du niveau de rémunération et une formation complète en interne, que Mme [S] [J] a refusées.
A l’appui de sa contestation, Mme produit aux débats une communication écrite de la société intitulée ‘le groupe Marcel Robbez Masson reprend [I] [V] avec l’appui du FCDE’ et un article relatif à cette opération de fusion, selon lesquels : la reprise en plan de cession de [I] [V] par le groupe MRM donne naissance au leader français incontesté de la bijouterie précieuse, cette acquisition permet à la société de compléter son outil industriel et de renforcer ses capacités de production grâce à la reprise des usines [I] [V] dans le [Localité 3] et au Vietnam et selon lequel le groupe lozérien s’appuie sur une maîtrise intégrale de la chaîne , le groupe racheté compte 200 salariés en France, à l’étranger la société qui disposait de sites de production au Maroc et au Portugal intègre un milieu d’ouvriers au Vietnam et dispose d’un réseau de 25 boutiques franchisées So Or qui va s’agrandir d’une dizaine d’unités supplémentaires.
La société prétend que dans la mesure où le licenciement ne reposait pas sur une cause économique mais sur une cause ‘sui generis’, elle était dispensée de remplir les obligations de proposition de la modification du contrat de travail par lettre recommandée avec délai de réflexion d’un mois, de recherche de reclassement , d’une proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle.
Cependant, s’agissant d’un licenciement pour motif économique, contrairement à ce qu’elle prétend, la société intimée n’était pas dispensée de son obligation de reclassement et elle ne conteste pas sérieusement l’opération de fusion effectuée au printemps 2017, de sorte qu’elle devait effectuer des recherches de reclassement au bénéfice de Mme [S] [J].
La salariée a demandé à la société par le biais de ses conclusions de produire le registre du personnel d’entrée et de sortie incluant l’ensemble des salariés de son groupe et du groupe [I] [V] intégré en avril 2017 et force est de constater que la société ne produit par le document ainsi sollicité et ne formule aucune observation sur ce point.
En limitant sa recherche sur son seul établissement de [Localité 5] et à défaut de justifier de recherches effectives dans le groupe, l’employeur ne justifie pas du respect de son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement de Mme [S] [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes indemnitaires :
L’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)
3
3
4
Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L1235-12, L1235-13 et L1235-15 dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.
En l’espèce, au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme [S] [J] avait 3 ans et 4 mois d’ancienneté, 28 ans ; en application de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable, il convient d’allouer à la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 6 300 euros.
Par contre, pour des motifs exposés précédemment, il apparaît que sa demande de dommages et intérêts pour ‘défaut de qualification de son licenciement pour motif économique’ n’est pas fondée.
Enfin, il convient de rappeler que Mme [S] [J] a perçu une indemnité légale de licenciement de 1 708,23 euros.
Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce sens.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Mende le 20 décembre 2019,
Dit et juge que le licenciement économique prononcé par la Sas Marcel Robbez Masson à l’encontre de Mme [S] [J] le 25 octobre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la Sas Marcel Robbez Masson à payer à Mme [S] [J] la somme de 6300 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Sas Marcel Robbez Masson à payer à Mme [S] [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Sas Marcel Robbez Masson aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,