22 juin 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/02492
TP/SB
Numéro 23/2174
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 22/06/2023
Dossier : N° RG 21/02492 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H6CG
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[H] [W]
C/
S.A.R.L. BIJOUTERIE [T]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 22 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 20 Mars 2023, devant :
Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame [E], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [H] [W]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Maître CAPES de la SELARL TOURRET CAPES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMEE :
S.A.R.L. BIJOUTERIE [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître MOULINES de la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 12 MAI 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/00130
EXPOSE DU LITIGE
Après avoir assuré à son profit, en qualité d’indépendant, une prestation de sous-traitance en «’sertissage’», monsieur [H] [W] a été engagé par la SARL Bijouterie [T] en qualité d’ouvrier joaillier OJ.2, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, à compter du 2 juin 2003 et jusqu’au 30 septembre 2003, pour travailler au sein du magasin situé dans le centre d'[Localité 4], moyennant une rémunération mensuelle brute de 1560,49 euros brut pour 39 heures de travail.
Le 25 septembre 2003, les parties ont convenu de poursuivre les relations contractuelles dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée dès le 1er octobre 2003.
La relation de travail était soumise à la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.
Par un avenant du 19 avril 2005, il a été convenu une nouvelle répartition des horaires de travail de Monsieur [W].
Le 1er juillet 2005, les parties ont signé un avenant fixant une prime d’intéressement pour une période de six mois, soit de juillet à décembre 2005, calculée pour partie sur les réparations et fabrications de bijoux (2%) et pour une autre partie sur les ventes HT de bijouterie et horlogerie (0,5%).
En 2014, la SARL Bijouterie [T] a ouvert un nouveau point de vente dans la galerie du centre commercial d'[Localité 4].
Monsieur [W] est resté travailler au sein de la boutique en ville en y maintenant l’activité «’Atelier’».
Un avenant a été signé le 27 février 2014 relatif à la classification du salarié, devenue Niveau 3 Echelon 3, et à la suppression de la prime d’intéressement instituée le 1er juillet 2005 en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute portée à 2067,37 euros brut pour 39 heures de travail par semaine et une prime d’ancienneté.
Il a également été convenu, à partir du 1er avril 2014, une nouvelle répartition des horaires de travail de Monsieur [W].
La SARL Bijouterie [T] a rapatrié l’activité « atelier » dans la boutique du Centre commercial à compter du 1er juin 2017.
Du 29 mai au 4 juin 2017, Monsieur [W] a été en congés.
Il a fait l’objet d’un avertissement’par courrier du 5 juin 2017.
Puis il a été placé en arrêt de travail à compter du 6 juin 2017.
Par courrier du 28 novembre 2017, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 décembre 2017, et auquel il s’est présenté, assisté de Monsieur [X] [R], conseiller extérieur.
Le 26 décembre 2017, la Société Bijouterie [T] a notifié à Monsieur [W] son licenciement pour faute grave.
Le 12 décembre 2018, Monsieur [W] a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 12 mai 2021, le Conseil de Prud’hommes de Mont de Marsan a :
-dit que le licenciement de Monsieur [W] repose sur une faute grave,
-débouté Monsieur [W] de sa demande de requalification,
-débouté Monsieur [W] de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-débouté la SARL Bijouterie [T] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-condamné Monsieur [W] à payer à la SARL Bijouterie [T] la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Monsieur [W] aux entiers dépens et frais d’exécution.
Par acte en date du 23 juillet 2021, Monsieur [W] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 25 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Monsieur [H] [W] demande à la cour de :
-réformer le jugement dont appel
-en conséquence, dire et juger que sa classification professionnelle correspond au niveau IV échelon 1 de la convention collective IDCC567,
-en conséquence, condamner la SARL Bijouterie [T] à lui payer 6 320 euros au titre du rappel de salaire pour la période non prescrite de janvier 2015 à décembre 2017,
-ordonner la rectification et la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat à son profit,
-dire et juger que le licenciement prononcé à son encontre par la SARL Bijouterie [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-en conséquence, condamner la SARL Bijouterie [T] à lui payer’:
-4 641 euros à titre d’indemnité de préavis,
-464,10 euros à titre des congés payés y afférents,
-9 278 euros à titre d’indemnité de licenciement,
-27 851 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-sur l’appel incident, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SARL Bijouterie [T] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-condamner la SARL Bijouterie [T] à lui payer 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-condamner la SARL Bijouterie [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 février 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SARL Bijouterie [T] demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de MONT DE MARSAN en ce qu’il a :
-dit que le licenciement de Monsieur [W] repose sur une faute grave,
-débouté Monsieur [W] de sa demande de requalification,
-débouté Monsieur [W] de ses demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-condamné Monsieur [W] à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Monsieur [W] aux entiers dépens et frais d’exécution.
-infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Mont de Marsan en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-débouter Monsieur [W] de l’intégralité de ses demandes,
-condamner Monsieur [W] à lui verser les sommes suivantes :
-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
-3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
-condamner Monsieur [W] aux entiers dépens, en ce compris les frais d’exécution.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 février 2023.
Par des écritures notifiées par voie électronique le 20 février 2023, postérieurement à la notification de l’ordonnance de clôture, M. [W] a maintenu ses demandes et répondu à des arguments de l’intimée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des dernières conclusions de l’appelant
Il est constant que, en application des articles 445 et 782 du code de procédure civile, les conclusions ou les pièces déposées après l’ordonnance de clôture, fût-ce le même jour que cette décision, dont la révocation n’a pas été demandée par conclusions ou prononcée d’office, sont irrecevables.
En l’espèce, les dernières conclusions de M. [W] ont été signifiées par voie électronique le jour de la clôture de l’instruction mais postérieurement à la diffusion de l’ordonnance, sans demande de révocation de cette dernière.
Elles doivent donc être déclarées irrecevables.
Sur la classification de M. [W]
[H] [W] demande une revalorisation de sa classification professionnelle au niveau 4 échelon 1 et le rappel de salaire afférent, estimant que la classification à laquelle il a été engagé puis promu était insuffisante au regard des fonctions et responsabilités qu’il exerçait réellement.
La charge de la preuve de ce que le poste réellement occupé correspondait à une classification supérieure lui incombe.
[H] [W] a été engagé en tant qu’ouvrier joaillier Niveau 2 échelon 2 en 2003.
En 2014, il a obtenu une évolution de sa classification au niveau 3 échelon 3 qu’il a conservée jusqu’à la rupture de la relation de travail.
Selon la convention collective de la bijouterie, joaillerie et orfèvrerie, en particulier son avenant du 17 décembre 2007 relatif aux classifications, l’emploi du bijoutier joaillier donne lieu à un positionnement aux niveaux 2, 3 et 4, définis comme suit’:
Niveau
Savoir-faire technique
Autonomie Initiative
Dimension relationnelle
1
Exécution
La contribution attendue est d’exécuter des tâches et opérations tout en respectant les consignes données
Réalise des opérations simples/répétitives ne requérant qu’une faible mise au courant
Respecte les consignes
Echange avec les membres de son équipe
2
Réalisation
La contribution attendue est de réaliser des actions et/ou des opérations sur machines plus ou moins complexes en respectant des contraintes et recommandations
Réalise des opérations nécessitant un niveau d’enseignement spécialisé.
Effectue des vérifications de conformité sur ses propres opérations
Adapte un mode opératoire dans le cadre de contraintes et recommandations
Intègre tant les phases de travail d’autres membres de son équipe que l’impact de son travail sur l’équipe
3
Expertise
Application
La contribution consiste à réaliser des opérations complexes
Effectue des opérations complexes nécessitant une réelle expérience dans le métier
Choisit les meilleures solutions pour atteindre un résultat final technique
S’adapte à des solutions diverses dans la mise en oeuvre de son savoir-faire technique
4
Adaptation
Coordination
La contribution consiste à réaliser des opérations faisant référence dans le métier ou à superviser l’activité d’équipe(s) sous plusieurs dimensions (technique, productivité, qualité…)
Procède aux opérations les plus complexes du métier
Doit apporter, dans le cadre d’objectifs fixés, des solutions innovantes
Transmet son savoir-faire et apporte un soutien dans la résolution des problèmes les plus complexes du métier, ou coordonne les travaux de plusieurs équipes au sein d’un même domaine
Selon l’avenant au contrat de travail en date du 27 février 2014, M. [W] a été promu au niveau 3 échelon 3 pour occuper l’emploi d’ouvrier joaillier. Il avait les charges et fonctions suivantes au sein du magasin situé dans le centre d'[Localité 4]’:
-accueil de la clientèle,
-vente de produits or et argent,
-réparations horlogerie (uniquement changement de piles, pose de pompes, rivets ou bracelets de montres) et bijouterie,
-prestations de fabrications/transformations de produits sur place,
-partie du SAV du magasin de la galerie marchande à partir de son ouverture,
-sous-traitance de sertissage pour l’établissement d'[Localité 5] ou pour des magasins de collègues,
-suivi des stocks, ventes, réparations, commandes clients et fournisseurs,
-maintien du magasin en bon état de propreté.
[H] [W] soutient que son emploi de bijoutier joaillier correspond au niveau 4 compte tenu de ses fonctions techniques et de la responsabilité complète du magasin situé dans le centre d'[Localité 4].
Il résulte des éléments du dossier qu’au cours de l’année 2014, un nouveau magasin a été ouvert dans la galerie marchande d’un hypermarché, sur la commune d'[Localité 4], mais que M. [W] est resté travailler dans la boutique du centre-ville. S’il disposait ainsi d’une autonomie dans l’exercice de ses fonctions techniques, d’ailleurs non contestée par son employeur, il ne justifie pas qu’il avait la même autonomie pour la prise de décisions.
Il n’apporte aucun élément pour démontrer, ainsi que l’ont justement relevé les premiers juges, qu’il réalisait des opérations faisant référence dans le métier ou supervisait l’activité d’équipe(s) sous plusieurs dimensions, qu’il procédait aux opérations les plus complexes du métier, qu’il apportait, dans le cadre d’objectifs fixés, des solutions innovantes, ni qu’il transmettait son savoir-faire et apportait un soutien dans la résolution des problèmes les plus complexes du métier, ou coordonnait les travaux de plusieurs équipes au sein d’un même domaine.
[H] [W] ne justifie pas que le poste qu’il occupait correspondait à la classification du niveau 4, de sorte que ses demandes de revalorisation de sa qualification et de rappel de salaire subséquent seront rejetées.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité et d’exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.
Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l’article R.1232-13 du même code, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Suivant l’article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
Suivant l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites. La prise en compte d’un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s’il s’est poursuivi ou réitéré dans ce délai.
Le délai de deux mois s’apprécie du jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c’est à l’employeur qu’incombe la charge de la preuve qu’il n’a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire.
Selon la lettre de licenciement en date du 26 décembre 2017 dont les termes fixent les limites du litige, M. [W] a été licencié pour «’fautes graves consistant en des’:
-anomalies dans la tenue de [ses] stocks,
-défaut de saisie et d’enregistrement d’acompte sur commande,
-non-respect des procédures d’enregistrement des stocks,
-non-respect de la procédure relative à l’établissement systématique des devis par le gérant et non-transmission du bijou correspondant à une demande de devis le rendant impossible à réaliser,
-absence totale de classement des différentes pochettes SAV clients,
-absence d’enregistrement informatique d’un très grand nombre de travaux devant être réalisés ainsi que non-enregistrement informatique des dates auxquelles ces travaux devaient être livrés,
-très grand retard inexplicable dans les fabrications et réparations,
-bague d’une valeur de 119 euros disparue,
-livraison pendant [son] arrêt maladie d’un bijou [qu’il avait] fabriqué et qui n’est tracé sur aucun document ni enregistrement informatique,
-dégradation constante du nombre de facturations de [ses] prestations techniques,
-suppressions de diverses opérations informatiques inexplicables et non justifiées et notamment la suppression de très nombreuses fiches clients.’»
Ces griefs sont plus ou moins détaillés dans la suite de la lettre de licenciement.
Concernant la disparition de la bague d’une valeur de 119 euros, l’employeur évoque la date du 11 juillet 2017, le jour du dépôt de la bague par sa propriétaire pour une retouche de taille qui a donné lieu à des recherches et une interrogation quant à un achat du 1er février 2017 non enregistré. La SARL [T] affirme avoir été certain de sa disparition une fois que le local du centre-ville avait été vidé.
Or, les pièces versées aux débats et en particulier les attestations de Mme [D] et de M. [I] témoignent de ce que le transfert de l’atelier vers la galerie commerciale a été réalisé dès le mois de juin 2017.
A défaut d’élément probant contraire, il y a lieu de considérer que la connaissance de ce grief par l’employeur est antérieure de bien plus de deux mois à l’engagement de la procédure disciplinaire ayant abouti au licenciement pour faute de M. [W], de sorte qu’il s’agit d’un fait prescrit.
Il résulte également des dires mêmes de l’employeur que les retards reprochés à M. [W] dans l’exécution de ses travaux concernent des commandes qui devaient être finalisées pour le mois de juin 2017. Or, le salarié était absent depuis le 29 mai 2017, d’abord en congés, puis en arrêt maladie, de sorte que ce grief ne saurait être retenu à son encontre. Le simple fait de ne pas avoir entamé lesdites réparations ou fabrications avant le départ en congé puis le placement en arrêt maladie ne saurait constituer une faute professionnelle.
De la même manière, l’employeur lui reproche la non-exécution de travaux de fabrications et de réparations entraînant une dégradation constante de la facturation y afférente, sur plusieurs années, sans établir la réalité de cette diminution et que celle-ci provient d’un comportement volontaire de M. [W]
En revanche, la société [T] démontre, par l’attestation de M. [L], témoin en octobre 2017 de la venue du cousin d’un client mécontent, et par un constat d’huissier reprenant les messages entre ce client et M. [T], la réalité du grief relatif à la bague de M. [S], que M. [W] a réalisée durant son arrêt maladie, mais pour laquelle il n’a été retrouvé ni bon de commande, ni enregistrement de l’acompte de 350 euros versé.
Selon les affirmations de l’intimée, les recherches au sujet de ce bijou lui ont permis de constater l’absence de date formalisée de mise à disposition des bijoux sur la plupart des pochettes SAV client du magasin du centre-cille où M. [W] officiait seul à l’atelier, l’absence totale de classement des différentes fiches clients ainsi que l’absence d’enregistrement informatique d’un très grand nombre de travaux devant être réalisés et des dates auxquelles les travaux devaient être livrés. Néanmoins, aucune pièce n’est produite pour étayer ces affirmations, de la même manière que n’est pas justifiée la disparition de fichiers informatiques qui aurait été constatée par le prestataire informatique de l’intimée.
A l’examen des pièces du dossier, il apparaît que tous les griefs ne sont pas établis ou ne peuvent pas être retenus.
Néanmoins, l’épisode relatif à la bague commandée, sans qu’il n’en soit retrouvé trace, pas plus que de l’acompte versé, et livrée par M. [W] pendant son arrêt maladie, illustre un manque de sérieux de la part de ce dernier dans la tenue de son poste qui a été porté à la connaissance de l’employeur moins de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire et a été étayée progressivement, par les plaintes des clients venus à la boutique réclamer les bijoux déposés aux fins de réparation.
Ces faits constituent des fautes professionnelles graves mettant en cause la bonne marche de l’entreprise et sa réputation, de sorte qu’ils empêchaient la poursuite du contrat de travail et rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Mont de Marsan, qui a retenu que le licenciement pour faute grave de M. [W] était bien fondé et l’a débouté de toutes ses demandes subséquentes, sera donc confirmé.
Sur les demandes accessoires
La société Bijouterie [T] sollicite la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et en conséquence l’infirmation du jugement déféré sur ce point, ce qui constitue un appel incident de ce chef.
Il importe de rappeler que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
En l’espèce, aucune de ces man’uvres n’est démontrée par la société Bijouterie [T] à l’encontre de M. [W], alors même que certains des griefs reprochés au soutien de son licenciement n’étaient pas établis. Le fait que M. [W] a admis, dans un dépôt de plainte ultérieur, qu’il ne voulait pas quitter le magasin du centre ville d'[Localité 4] pour intégrer l’atelier situé dans la galerie commerciale et qu’il a par la suite créé une entreprise de bijouterie orfèvrerie dont le siège social se situe à l’endroit où il travaillait lorsqu’il était salarié de la société [T] est étranger à la caractérisation des fautes graves ayant motivé son licenciement.
Il convient donc de débouter la société Bijouterie [T] de sa demande et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
[H] [W], qui succombe principalement en son appel, devra en supporter les dépens. Il sera en outre condamné à payer à la société [T] une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE irrecevables les dernières écritures de M. [H] [W] notifiées par voie électronique le 20 février 2023, postérieurement à la notification de l’ordonnance de clôture’;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Mont de Marsan en date du 12 mai 2021′;
Y ajoutant’:
CONDAMNE M. [H] [W] aux dépens d’appel’;
CONDAMNE M. [H] [W] à payer à la société Bijouterie [T] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,