Bijouterie : 20 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19986

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Bijouterie : 20 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19986

20 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/19986

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/19986 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVTO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris RG n° 19/11172

APPELANT

Monsieur [I] [K]

né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant Me Aïcha ZAKARIA, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M.Marc BAILLY, Président de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 novembre 2021, M. [I] [K] a interjeté appel du jugement rendu le 30 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, qui l’a débouté de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la société BNP Paribas, et l’a condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 11 avril 2023 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 17 février 2022 l’appelant

en ces termes, demande à la cour :

‘Vu l’article 1231-1 du code civil,

Vu les articles L. 561-5, L. 561-6, et L. 561-10 du Code Monétaire et Financier,

Vu l’article R. 561-12 du Code Monétaire et Financier,

Vu l’arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l’article R. 561-12 du Code Monétaire et Financier,’

‘-infirmer le jugement du 30 septembre 2021 en ce qu’il a :

-débouté Monsieur [I] [K] de l’ensemble de ses demandes ;

-condamné Monsieur [I] [K] à payer 2 000 euros au titre de l’article 700 à la BNP PARIBAS ;

-condamné Monsieur [I] [K] aux dépens.

Et statuant à nouveau,

-condamner la banque BNP PARIBAS à payer à Monsieur [I] [K] la somme de 248 000 Euros, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure adressée à cette dernière, en réparation de son préjudice de perte de chance ;

En tout état de cause :

-condamner la banque BNP PARIBAS à payer à Monsieur [I] [K] la somme de 5.000 Euros en réparation de son préjudice moral ;

-ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

-condamner la banque BNP PARIBAS à payer à Monsieur [I] [K] la somme de 5 000 Euros au titre de l’article 700 du CPC ;

-condamner la banque BNP PARIBAS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurent MORRET, Avocat au Barreau de Créteil.’

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 16 mai 2022 l’intimé

demande à la cour de bien vouloir :

‘-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

-Débouter M. [I] [K] de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent.

-Le condamner en outre au paiement, au profit de BNP PARIBAS, d’une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de l’instance d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [K] expose avoir été démarché par la société Golstein Ventures, société de courtage étrangère non autorisée en France proposant des investissements sur le marché des cryptomonnaies. Via le site www.Brookfield99.com, entre le 14 septembre 2016 et le 11 août 2017, M. [K] a ainsi investi grande part de ses économies et pour ce faire a procédé à plusieurs virements, pour une somme totale de 310 000 euros, depuis le compte qu’il détenait dans les livres de la société BNP Paribas vers des comptes ouverts auprès de banques domiciliées à l’étranger. Aucune somme n’a jamais été investie, l’existence du compte de trading était une fiction, et le ‘conseiller’ de M. [K] est devenu injoignable.

Par lettre recommandée datée du 17 septembre 2019, M. [K], par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure la société BNP Paribas de procéder au remboursement des fonds perdus, en considérant qu’elle avait manqué à ses obligations de conseil et de vigilance. Faute d’avoir obtenu satisfaction, par acte d’huissier de justice du 25 septembre 2019, M. [K] a fait assigner la société BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir sa condamnation à l’indemniser de ses préjudices, tant financier que moral.

En première instance, citant les articles L. 561-5, L. 561-6, L. 561-10-2, et R. 561-12 du code monétaire et financier, M. [K] entendait rappeler que les établissements bancaires sont tenus d’une obligation de vigilance à l’égard de leur clientèle, qu’ils doivent identifier et connaître, conduisant à un examen attentif de leurs opérations, notamment complexes, ou inhabituelles ; qu’ainsi ils doivent se renseigner sur l’origine des fonds et la destination des sommes dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux. Il exposait que cette obligation, d’ailleurs générale pour dériver de l’article 1382 du code civil, s’impose en cas d’anomalies apparentes en dépit du principe de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client, que ces anomalies peuvent être tant matérielles qu’intellectuelles, et que le banquier doit s’interroger en ce cas sur les opérations anormales quant au montant ou au caractère inhabituel des mouvements.

M. [K] reprochait ainsi à la société BNP Paribas, émettrice des virements litigieux, d’avoir manqué à son devoir de vigilance pour avoir procédé aux virements alors qu’elle avait connaissance du risque d’escroquerie et avait toutes les informations nécessaires pour identifier l’escroc, ne s’intéressant qu’aux projets de placement de son client, en contrariété avec le principe de non-immixtion. Il lui reprochait également de ne pas avoir tenu compte du caractère anormal des virements, de par leur montant exorbitant au regard de la gestion prudente du compte, de leur date parfois très rapprochée, voire plusieurs le même jour, et de leur destination vers des banques situées à l’étranger. Il estimait qu’en exécutant les ordres de virement litigieux sans vérification préalable et sans aucune mise en garde, l’établissement bancaire a manqué à ses devoirs de vigilance, conseil et mise en garde, sans qu’il ne puisse opposer le principe de non immixtion, s’étant lui-même immiscé dans les affaires de son client en lui réclamant des informations. Il ajoutait qu’il n’est pas justifié d’une mise en garde écrite, et qu’une simple mise en garde orale à l’occasion d’une conversation téléphonique, à la supposer avérée, n’est pas suffisante.

Il considérait que ces manquements ont contribué au dommage résultant de la perte des fonds, qui furent détournés, et qu’il chiffre au montant des virements. Il estimait subsidiairement être fondé à demander la réparation du préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir investi ses fonds sur la plateforme frauduleuse, la probabilité d’une éventualité favorable de conservation des fonds étant caractérisée, et ce d’autant plus que la banque a appelé son client avant chaque virement sans jamais le mettre le garde. Il évaluait sa perte de chance à 80 % des fonds investis compte tenu de son profil, âgé, économe et rigoureux dans la gestion de son épargne et ignorant des marchés financiers.

Il se prévalait en tout état de cause d’un préjudice moral tenant au sentiment d’avoir été escroqué, et à l’incertitude de sa situation financière.

À hauteur d’appel et pour répondre à la banque et au tribunal, M. [K] fait valoir à titre liminaire, que la preuve des détournements des sommes investies est largement rapportée. En effet le site de courtage Brookfield 99 apparait sur la liste noire de l’AMF tout comme sur la liste dressée par l’autorité de contrôle belge, FSMA. M. [I] [K] estime qu’ainsi le débat lancé par la société BNP Paribas sur la preuve de la réalité de l’escroquerie et du préjudice subi, n’a pas lieu d’être.

M. [K] considère que la BNP Baribas a manqué à son obligation de vigilance lié à la règlementation de lutte contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme, et à son devoir de vigilance et de surveillance en ce qu’il impose au banquier d’alerter son client face à un fonctionnement anormal des comptes bancaires. Certes le banquier est tenu d’un devoir de non-ingérence vis-à-vis de ses clients, mais celui-ci cède devant le devoir de vigilance. En l’espèce la BNP Paribas ne pouvait ignorer que de nombreuses escroqueries aux investissements sur les marchés financiers avaient cours à cette époque compte tenu des alertes diffusées par l’AMF, TRACFIN et l’ACPR. En outre, la BNP Paribas préalablement aux virements, a demandé des informations à M. [K], ce qui lui a permis de connaître le nom de la société destinataire ainsi que les inquiétudes de M. [K] craignant qu’il s’agisse d’une escroquerie. Par ailleurs, les virements étaient anormaux au regard de la pratique habituelle de M.[K], de leur montant global, mais aussi du montant de chaque virement. La proximité temporelle était également anormale, tout comme les noms des bénéficiaires, ainsi que leur destination hors de France. La BNP Paribas a exécuté les virements sans procéder au préalable à aucune vérification auprès de son client ou auprès des banques destinataires des fonds. Elle n’a pas non plus adressé à M. [K] de mise en garde écrite, et il n’a signé aucune décharge de responsabilité. La BNP Paribas s’est immiscée dans les affaires de son client en sollicitant des informations auprès de M. [K] au regard des anomalies flagrantes des virements ordonnés et de la demande de retour des fonds, mais ne l’a jamais mis en garde sur un risque d’escroquerie, ce qui a rassuré M. [K].

M. [K] a subi un préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir investi ses fonds sur la plateforme frauduleuse et un préjudice moral lié au sentiment d’avoir été escroqué ainsi que l’incertitude quant à sa situation financière.

La société BNP Paribas en première instance pointait l’absence de preuve des détournements allégués, estimant que le simple fait que la société de courtage n’ait pas été régulée ne permet pas de les présumer et qu’il est possible que les pertes invoquées résultent d’investissements hasardeux.

La société BNP Paribas faisait valoir ensuite que le devoir général de vigilance oblige le banquier à être attentif aux anomalies flagrantes faisant douter de la régularité de l’opération de paiement soit parce qu’elles laissent supposer que le titulaire du compte, victime d’une fraude, n’est pas à l’origine de l’ordre de virement qui est faux, soit, dans la mesure où ces anomalies permettent d’éveiller des soupçons quant à la licéité des mouvements de fonds eu égard à leur provenance ou à leur usage, ce qui l’oblige à des déclarations auprès des autorités dès lors qu’elle a le soupçon que son client se livre à des activités illicites, soulignant qu’elle n’a pas la possibilité, même en cas de soupçons, de refuser d’exécuter un ordre de paiement, ce qui serait contraire au principe de non immixtion du banquier dans les affaires de son client.

La société BNP Paribas rappelait en outre que les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment lui sont inopposables, édictées en dehors du champ d’application des textes spéciaux concernant les opérations de paiement, la vigilance spéciale s’exerçant alors dans la limite des droits et obligations du banquier, sans pouvoir faire obstacle à son obligation d’exécuter un virement autorisé sur le compte désigné par son client.

La société BNP Paribas soutenait également que le banquier n’a pas non plus à mettre en garde son client contre les risques courus, lorsqu’il ne s’agit pas de services ou de prestations qu’il lui rend, mais d’un choix de vie privée. L’éventuelle fraude dans le cadre d’un contrat liant l’intéressé à l’escroc n’affecte pas en soi, dans ses relations avec la banque, sa volonté de payer, ni ne remet en cause le fait que les virements n’étaient ni faux ni falsifiés, les opérations de paiement effectuées étaient donc régulières et ne relevaient pas non plus des dispositions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme. La société BNP Paribas n’avait donc pas à intervenir.

Elle soulignait que l’usage des fonds relève d’un choix de vie privée et qu’elle n’avait pas à vérifier que la société de courtage bénéficiait d’une autorisation pour exercer son activité en France sauf à s’immiscer dans les affaires de son client en lien avec des tiers, précisant que la société de courtage n’a figuré sur la liste noire de l’AMF qu’à compter du 28 décembre 2016 pour les options binaires, soit à une époque où six des neuf virements avaient déjà été effectués. Elle observait que même en vérifiant les opérations sous-jacentes, aucune anomalie n’était décelable tant s’agissant des sociétés destinataires des virements, identifiées et portant des noms de sociétés actives, que s’agissant des établissements teneurs de compte, qui ne sont pas installés dans des pays à risque mais dans la zone Euro.

Elle déniait toute obligation de mise en garde sur les risques courus ou l’adéquation de l’investissement retenu, l’activité de trading en ligne n’étant pas un de ses services ou prestations.

Subsidiairement, elle considérait que le préjudice est entièrement imputable à M. [K] de sorte qu’elle est exonérée de toute responsabilité. Elle faisait valoir, d’une part, les graves imprudences de l’intéressé qui a confié ses fonds à un inconnu opérant par téléphone sans vérifier les informations sur cet intermédiaire, en parfaite connaissance de cause afin de réaliser des gains importants tout en acceptant le risque associé à ce type de démarche, et d’autre part, sa mauvaise foi, étant resté sourd aux mises en garde de la banque qu’il a même trompée en lui affirmant avoir procédé aux vérifications nécessaires après l’ordre de virement effectué en juillet 2016, annulé à sa demande, lui permettant d’écarter l’hypothèse d’une arnaque.

Elle contestait qu’il puisse lui être imputée une perte de chance de mieux investir alors qu’elle s’est contentée d’exécuter les ordres de virement dans le cadre de son activité de teneur de compte.

En cause d’appel, la société BNP Paribas réitère qu’en tant que teneur de compte elle n’est pas tenue à un devoir de conseil ou de mise en garde mais à une obligation d’exécution avec diligence et promptitude. Sa seule obligation en qualité de prestataire de service de paiement consiste à veiller, dans le cadre de son devoir de vigilance, aux anomalies laissant supposer que le titulaire du compte ne serait pas à l’origine de l’ordre et à suspendre son exécution le temps d’effectuer les vérifications. M. [K] a donné lui-même les ordres de virement litigieux par le biais d’ordres-papier qu’il a signés personnellement et dont il n’est pas contesté que les signatures correspondent effectivement à celle de leur auteur. Aucun manquement au devoir de vigilance ne peut dès lors être retenu.

Les opérations n’étaient pas suspectes au regarde de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et l’obligation de vigilance tirée de celle-ci n’est pas source de responsabilité civile. Par ailleurs, rien n’aurait justifié que l’origine et la destination des fonds obligent la banque à une déclaration de soupçon. De plus le trading en ligne, même auprès d’un courtier non agréé, constituant un usage parfaitement licite relevant de choix de vie privée. Le préjudice est entièrement imputable à M. [K]

Dans le cadre du régime du dépôt, la jurisprudence constante rendue en application de l’article 1937 du code civil, retient ainsi que le banquier doit être déchargé en tout ou partie de son obligation de restitution quand la perte des fonds est due à une faute du titulaire du compte lui-même ou de son préposé. M. [K] a agi avec imprudence et une légèreté fautive en confiant ses fonds à un inconnu opérant au téléphone, sans prendre la moindre précaution. À l’inverse, la société BNP Paribas n’est pas restée passive puisqu’elle a demandé des justificatifs, et a effectué des mises en garde. M. [K] est resté sourd aux mises en garde de la banque, qu’il a même trompée en lui affirmant avoir procédé aux vérifications nécessaires permettant d’écarter l’hypothèse d’une esroquerie, en juillet 2016.

La société BNP Paribas est intervenue en tant que simple mandataire de son client pour exécuter des ordres de paiement et n’est ainsi tenue à aucun devoir de mise en garde sur des produits ou investissements auxquels elle demeure étrangère.

Enfin, il ne peut y avoir de perte de chance dans le cadre d’une activité de teneur de compte.

Sur ce,

Se livrant à une exacte application de la loi c’est à bon droit que le tribunal a rappelé, notamment, les principes selon lesquels :

‘ les dispositions des articles L. 561-5 et suivants du code monétaire et financier, insérés au chapitre I du titre 6, concernant les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et qui conduisent les établissements de crédit à déclarer les opérations suspectes sous cet égard – dispositions légales que vise M. [K] – ont pour seul objet la protection de l’intérêt général, et ne peuvent fonder, à les supposer violées, une dette de dommages-intérêts à son profit ;

‘ à défaut d’anomalies apparentes, intellectuelles ou matérielles, le banquier teneur de compte n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client.

En l’espèce, et comme jugé par le tribunal, il n’est pas discuté que les sommes litigieuses, d’un montant total de 310 000 euros, virées depuis le compte du demandeur ouvert auprès de la BNP Paribas, entre le 14 septembre 2016 et le 11 août 2017, l’ont été sur les comptes indiqués aux ordres de virement, et que M. [K] en était le donneur d’ordre, si bien que ces ordres étaient authentiques, M. [K] n’en querellant que l’objet.

Il sera fait observer qu’un premier virement, du 13 juillet 2016, vers Chypre, n’est pas contesté. M. [K] en a sollicité l’annulation craignant être victime d’une ‘arnaque’, puis le 23 juillet en lui expliquant que les renseignements recueillis l’ont rassuré, a demandé à sa banque de le refaire, pour un paiement financier chez Brookfield 99 sur un FCP Goldstein Ventures.

Pièces à l’appui, la banque intimée dans ses écritures récapitule parfaitement la chronologie des événements (conclusions pages 2 à 4) et pointe pertinemment les caractéristiques de ce premier virement effectué, et de ceux qui ont suivi :

‘Le 13 juillet 2016, M. [K] a, en effet, donné ordre à la banque de virer 20.000 € au profit de M. [M] [H] à Chypre puis s’est ravisé disant craindre ‘une arnaque’ avant de l’ordonner à nouveau le 23 juillet suivant après le retour des fonds en indiquant à son conseiller que ‘les informations qu’il a recueillies depuis l’ont rassuré’ – ainsi que cela ressort du compte rendu de fonctionnement du compte/services – pièces 3,4, 5.

Le 13 septembre 2016, juste après avoir encaissé le 9 septembre précédent un chèque de 97 200,31 euros en provenance de la SARL Luxor Ouset (bijouterie située à [Localité 6] exerçant sous l’enseigne ‘Au Cours de l’Or’, M. [K] a indiqué à la banque vouloir effectuer ‘de nouveaux placements à Chypre’ – pièce 6 . Il lui a remis à cette fin deux ordres manuscrits de 40 000 euros chacun au profit de IAG Solutions Limited (USB Bank) qu’en l’absence d’anomalie apparente la banque a exécutés le 14 septembre 2016 ‘ pièces 7, 8, 9.

Le 14 septembre 2016, M. [K], qui avait reçu le jour même un virement de 25 000 euros en provenance de MCA Finance/CM CIC Market auprès de laquelle il avait effectué des placements, a transmis à la banque un nouvel ordre manuscrit de 50 000 euros accompagné d’une lettre manuscrite, au profit de Concord Petroleum and Equipment GMBH (Commerzbank) que celle-ci a exécuté le lendemain en l’absence d’irrégularité ‘ pièces 9, 10.

Dans son compte rendu de fonctionnement du compte/services du 15 septembre 2016, la banque a noté ‘Suite réception 25 K€ de MCA Finance, le gestionnaire de patrimoine de notre client, ce dernier nous demande de faire un virement de 50 K€ en faveur de Concord Petroleum and Equipment GMBH en Allemagne pour effectuer un placement. Signature authentifiée’ ‘ pièce 11.

Le 6 octobre 2016, M. [K] a reçu un nouveau virement de 32 500 euros de la la SARL Luxor Ouest, puis, le 17 novembre, 21 000 euros de MCA Finance/CM CIC Market au titre du ‘retrait partiel de PEA’, sommes qu’il a réinvesties le 19 novembre 2016 en transmettant à la banque deux ordres de virements manuscrits de 30 000 euros au profit de MAG Consulting LTD à Chypre (USB Bank) que celles-ci a également exécutés le 24 novembre 2016 en l’absence d’anomalies apparentes ‘ pièces 12, 13, 14, 15.

Le 25 novembre 2016, après un nouvel encaissement de 32 120 euros en provenance de la SARL Luxor Ouest, M. [K] a transmis un ordre de virement manuscrit de 30 000 euros (accompagné d’un mot manuscrit) au profit de IAG Solutions Limited (USB Bank) à Chypre que la banque a exécuté le 28 novembre 2016, l’ordre émanant de son auteur ‘ pièces 13, 16.

Le 1er février 2017, M. [K] a transmis à la banque deux nouveaux ordres de virements de 30 000 euros au profit de MAG Consulting Limited (Piraeus Bank et Hellenic Bank), ces investissements étant financés par des retraits partiels d’un montant de 60 000 euros de son PEA ouvert chez MCA Finance ‘ pièces 17, 18, 19. Dans son compte-rendu du 1er février 2017, le conseiller a indiqué : ‘Le client fait un virement sur son compte de 60 K€, généré par un retrait partiel de son PEA chez MCA Finances (intitulé du virement confirmé par le client). Il nous demande d’effectuer 2 virements pour placer cette somme vers Chypre’ Opérations dont il est coutumier malgré nos avertissements sur le risque qu’il fait subir à ses capitaux’

Le 10 août 2017, M. [K] a donné un dernier ordre de virement de 30 000 euros accompagné d’un mot manuscrit au profit de NESO S.P.Z.O.O (Spoldzielczy Wskierniewicach) qui a été exécuté le 11 août suivant par BNP Paribas au vu de la facture pro forma et après un contre appel de sécurité opéré auprès du client: ‘Ce jour demande de virement de 30 000 euros vers la Pologne pour achat de titres (au profit de la sté NESO SP ZO.O) comme il est déjà arrivé. Sommes en possession de la Facture Pro Forma, contre appel effectué’ ‘ pièces 21 et 22.

En résumé, les demandes de M. [K] portent sur des virements opérés pour un total de 310 000 euros dont il n’est aucunement contesté qu’ils émanaient bien de lui-même.’

C’est à juste titre que le tribunal a relevé, en particulier, que M. [K] ne saurait reprocher à la société BNP Paribas, établissement teneur de compte, de ne pas l’avoir interrogé plus avant sur l’objet de ces virements, qu’il indique avoir effectués dans le cadre d’investissements dans la cryptomonnaie, alors que le banquier ne doit pas s’immiscer dans les affaires de son client, et que le banquier n’est pas tenu, sauf convention dont le principe n’est pas évoqué en l’espèce, d’un devoir de conseil ou de mise en garde, sur des produits auxquels il demeure étranger. De même, comme fait observé par le tribunal, en tout état de cause le compte étant provisionné pour en permettre le débit, les ordres ne présentaient pas non plus l’apparence d’une irrégularité manifeste, la circonstance que les comptes bancaires destinataires des fonds étaient situés à l’étranger ne constituant pas une irrégularité.

Il convient de souligner par ailleurs :

– que M. [K] avait averti la banque de son projet d’ensemble, à savoir faire fructifier ses économies afin de réaliser dans les meilleures conditions son établissement en famille à Madagascar ; dès lors que la banque détenait cette information, ni le montant global des virements opérés, ni le montant de chacun, ni leur fréquence, n’avaient de caractère anormal, puisque s’inscrivant dans la logique et l’économie des perspectives personnelles de M. [K] ;

– que l’authenticité des ordres de virement ne fait pas débat, certains étant même accompagnés de confirmation manuscrite, ce qui témoigne de la volonté affirmée de M. [K] de mener à bonne fin les placements projetés ;

– qu’il n’est pas discuté que M. [K] a pour le moins été mis en garde verbalement, peu important qu’aucun écrit ne lui ait été adressé, et étant fait observer que le conseiller clientèle le 1er février 2017 a pris note de ces avertissements donnés à plusieurs reprises (et dont M. [K] n’a nullement tenu compte) ;

– que M. [K] ne peut sans se contredire reprocher à la fois à la banque une insuffisance dans l’accomplissement de son obligation de vigilance, et d’avoir en avoir trop fait, prétendument en s’immiscant dans les affaires de son client, pour lui avoir demandé des indications sur les opérations envisagées.

C’est à donc à bon droit que le tribunal a pu retenir que M. [K] n’établit pas la faute qu’aurait commise la banque émettrice des virements litigieux, laquelle, au contraire, avait une obligation de résultat dans l’exécution des ordres donnés, et qui, simple mandataire du client – seul M. [K] a eu contact avec le fraudeur, relativement à des produits financiers qui n’étaient pas commercialisés par BNP Paribas – n’avait pas à contrôler l’usage de fonds dont il avait la libre disposition, en sorte que ses griefs à l’encontre de la banque ne sauraient prospérer.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de M. [K].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [K] qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de l’intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant :

CONDAMNE M. [I] [K] à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

DÉBOUTE M. [I] [K] de sa propre demande formulée sur ce même fondement;

CONDAMNE M. [I] [K] aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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