20 avril 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/02479
ARRÊT N°
N° RG 21/02479 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IDAD
IR
JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NIMES Cab1
18 novembre 2020
RG:18/03897
jugement rectificatif
du 10.02.21
THEROND
C/
[H]
[L] [H]
Grosse délivrée
le 20/04/2022 à :
Me Daussant
Me Carail
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
3ème chambre famille
ARRÊT DU 20 AVRIL 2022
APPELANTE :
Madame [E] [D], [Y] [T]
née le 07 août 1961 à AVIGNON (84)
723 Route du Four
30131 PUJAUT
Représentée par Me Sonia DAUSSANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [W] [H], décédé en cours d’instance
Madame [Z] [L] [H], venant aux droits de son père M. [W] [H], par intervention volontaire
née le 01 novembre 1975 à TOULOUSE (31)
11 rue des Cheminots
34340 MARSEILLAN PLAGE
Représentée par Me CARAIL de l’AARPI BONIJOL-CARAIL-VIGNON, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Françoise DUPUY, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 février 2022, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l’audience avant l’ouverture des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle ROBIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. André BEAUCLAIR, Président de Chambre
Madame Catherine DOUSTALY, Conseillère
Mme Isabelle ROBIN, Conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffière,
DÉBATS :
à l’audience publique du 16 mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 avril 2022
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. André BEAUCLAIR, Président de Chambre, le 20 avril 2022,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [W] [H] et Madame [E] [T], mariés le 07 août 2004 sans contrat préalable, et n’ayant aucun enfant commun, ont divorcé le 02 mars 2015.
Les divergences dans les revendications respectives des époux ont entraîné l’échec d’une liquidation amiable de leurs intérêts pécuniaires.
Par exploit délivré le 06 juin 2018, Monsieur [W] [H] a assigné Madame [T] en liquidation de leur régime matrimonial.
Par un jugement en date du 18 novembre 2020, rectifié le 10 février 2021, le tribunal judiciaire de NÎMES a :
-ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre Monsieur [H] et Madame [T],
-désigné pour y procéder Me [R] [O] notaire à NÎMES,
-dit que Monsieur [H] détient à l’encontre de Madame [T] une créance à hauteur de la somme qu’il lui a versée, soit 30.750 euros au titre des loyers de ses biens propres,
-dit que Monsieur [H] doit verser à l’indivision post communautaire la somme de 3.160 euros au titre des loyers du hangar perçus par lui,
-attribué à Monsieur [H] titre préférentiel le bien commun sis à SÈTE cadastré AC 579 1B rue de Berlin,
-dit que Madame [T] est débitrice à l’égard de l’indivision au titre des taxes foncières réglées par Monsieur [H] pour le compte de l’indivision post communautaire pour un montant de 2.422 euros,
-dit que Madame [T] est redevable envers l’indivision post communautaire d’une créance d’un montant relatif à la valeur du véhicule POLO à hauteur de sa vente,
-dit que Monsieur [H] doit rapporter à l’indivision post communautaire la somme de 6.196 euros au titre du matériel conservé,
-constaté que Madame [T] reconnaît avoir perçu la somme de 300.000 euros,
-dit que Madame [T] est débitrice envers Monsieur [H] de la valeur de l’émeraude, bien propre de ce dernier, lequel est en droit de demander la reprise soit la somme de 13.250 euros à défaut d’une restitution en nature,
-renvoyé les parties à poursuivre les opérations de compte, liquidation et partage devant le notaire commis,
-débouté les parties de leurs autres demandes et prétentions,
-débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Par déclaration en date du 28 juin 2021Madame [T] a relevé appel de la décision, la critiquant des chefs relatifs :
-à la revendication de l’émeraude par l’ex mari,
-aux loyers des biens propres du mari.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 mars 2022 portant demande de révocation de la clôture, Madame [T] demande à la cour d’infirmer le jugement et de :
-qualifier l’émeraude de présent d’usage et de cadeau de mariage,
-débouter Monsieur [H] de sa demande de restitution de l’émeraude comme bien propre,
-dire que les loyers des biens propres de Monsieur [H] sont tombés dans la communauté et qu’il ne détient aucune créance à l’encontre de Madame [T],
-subsidiairement dire que Monsieur [H] détient à l’encontre de madame [T] une
créance à hauteur de la somme qu’il justifiera avoir versé au titre des loyers des biens propres,
-débouter Monsieur [H] de ses demandes incidentes,
-statuant à nouveau au titre de l’article 566 du code de procédure civile:
> dire et juger que le versement de la somme de 300.000 euros par Monsieur [H] au profit de Madame [T] est une avance sur la part qu’elle a vocation à percevoir dans le cadre de la liquidation et du partage,
> qualifier de bien commun le catamaran et dire qu’elle a droit à la moitié de son prix de vente, soit la somme de 205.000 euros, le catamaran ayant été vendu par Monsieur [H] pour un prix de 410.000 euros,
> dire qu’elle a une créance à l’encontre de Monsieur [H] pour la somme totale de 6.960,25 euros au titre des sommes qu’elle a payées avant le mariage,
>dire que la communauté a droit à récompense pour les travaux d’extension de 157m² construits sur les biens propres de Monsieur [H] ainsi que pour les travaux de création d’une pièce supplémentaire de 105m² du logement existant appartenant en propre à monsieur,
>dire qu’elle détient une créance de 87.821 euros sur Monsieur au titre du financement par ses fonds propres de la construction des biens propres de Monsieur,
>dire qu’elle détient une créance à l’encontre de Monsieur [H] de 68.571 euros au titre de son apport en industrie,
>dire qu’elle a droit à la reprise de ses fonds propres pour un montant total de 49.711,33€, pour avoir financé les travaux d’extension des bâtiments appartenant en propre à Monsieur [H].
-en tout état de cause :
>condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
>le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle fait en premier lieu grief au jugement d’avoir considéré qu’elle ne rapportait pas la preuve que l’émeraude était un cadeau de mariage, alors que :
-ce n’est pas un bijou de famille, Monsieur [H] l’ayant reçu d’un client,
-que son entourage atteste qu’il lui a donné cette pierre en cadeau de mariage, qu’elle a ensuite fait monter en bague en novembre 2006 et a toujours portée,
-que ce cadeau est proportionné aux capacités financières du mari.
Elle fait en second lieu grief au jugement d’avoir retenu que Monsieur [H] lui a versé la somme de 30.750 euros au titre des loyers de ses biens propres, alors que :
-à partir du moment où les fruits produits par les biens personnels d’un des époux sont économisés, ils tombent en communauté,
-ces loyers ont déjà été partagés entre eux par moitié en exécution de l’ordonnance de non-conciliation du 26 septembre 2011 et qu’elle n’a perçu qu’une somme moindre de 19 500€.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 07 mars 2022 portant appel incident Madame [L] [H], intervenante volontaire venant aux droits de son père [W] [H] décédé le 16 janvier 2022, demande à la cour de :
-confirmer le jugement des chefs critiqués par Madame [T],
-subsidiairement déclarer qu’elle détient une créance pour les impôts que Monsieur [H] a réglés seul sur ces loyers à hauteur de 6.151 euros,
-faire droit à son appel incident et :
>déclarer que Madame [T] est débitrice à l’égard de Monsieur [H] d’une créance de 310.881 € correspondant à une partie du prix de vente du catamaran, bien propre du mari,
>déclarer que Madame [T] est redevable envers l’indivision post communautaire d’une créance d’un montant de 3000 € correspondant à la valeur vénale réelle du véhicule POLO
>déclarer que Monsieur [H] ne doit rapporter à l’indivision post-communautaire aucune somme au titre du matériel par lui conservé tenant sa vétusté et subsidiairement qu’il doit rapporter à l’indivision post-communautaire au titre du matériel par lui conservé une somme de 3.098 € correspondant à la moitié du prix d’achat dudit matériel,
> déclarer Monsieur [H] recevable et bien fondé en sa demande tendant à la reprise de
la somme de 10 000 € correspondant au don manuel fait par sa mère en 2009 qui a servi à la communauté,
> déclarer que Madame doit récompense s’agissant des biens communs qu’elle a emportés lors de son départ d’une valeur de 3.400 €,
-en tout état de cause :
>condamner Madame [T] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
>condamner Madame [T] aux dépens.
Sur l’appel principal Madame [L] [H], intervenante volontaire venant aux droits de son père [W] [H] réplique :
-que l’émeraude a été offerte à son père par un de ses proches amis et que Madame [T] s’en est emparée sans son accord lorsqu’elle a vidé le domicile conjugal postérieurement à l’ordonnance de non-conciliation, qu’il détenait cette pierre depuis plusieurs années au moment du mariage et n’a pas entendu la lui remettre à cette occasion,
-que les loyers versés à Madame [T] l’ont été à titre provisoire, et que même si cette dernière prouvait une quelconque participation au financement lesdits biens, cela ne lui donne pas de droit sur les fruits de ces biens, mais uniquement une créance contre lui.
Sur l’appel incident elle soutient :
-que le certificat d’immatriculation d’un bateau vaut présomption de propriété, l’immatriculation ayant été faite à son nom avant le mariage, et renouvelée à son seul nom en 2007,
-que Madame [T] a conservé la jouissance du véhicule dont la valeur est de 3.000 euros, et que si elle a effectivement vendu ce véhicule 1.000 euros, elle l’aura alors vendu nettement en dessous de sa valeur vénale, ce qui ne saurait lui préjudicier car il n’a jamais approuvé une telle vente,
-que le matériel qu’il a acquis pour un prix de 6.196 € n’a plus aucune valeur compte tenu de sa vétusté,
-que Madame [T] n’ayant pas contesté qu’il avait reçu un don manuel de 10.000 euros de sa mère, il n’avait pas à rapporter la preuve que ce don avait servi à la communauté,
-que Madame est partie du domicile conjugal avec les meubles qui lui étaient propres et qu’elle possédait avant d’emménager avec lui, mais également avec le mobilier commun pour une valeur de 3.400 euros.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Avant l’ouverture des débats, et en accord avec les parties, l’ordonnance fixant la clôture initiale de la procédure au 23 février 2022 a été révoquée. Une nouvelle clôture de la procédure a été fixée au 16 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La cour rappelle à titre liminaire les repères chronologiques suivants :
-mariage le 07 août 2004, sans contrat préalable,
-acquisition par les époux le 23 février 2006 d’un terrain de 47 m² voisin du terrain propre de l’époux, au prix de 1.410€, sur lequel a été réalisée courant 2007 des travaux d’extension du domicile conjugal et des bâtiments existants, en vue de leur location à des professionnels,
– requête en divorce le 13 juillet 2011
-révocation par Monsieur [H] le 26 juillet 2011 d’une donation au dernier vivant reçue le 13 septembre 2007,
-ordonnance de non-conciliation du 26 septembre 2011 :
-jugement interprétatif du 08 septembre 2014 :
– jugement du 02 mars 2015 prononçant le divorce et :
– assignation en partage par acte du 06 juin 2018,
– jugement entrepris du 18 novembre 2020.
1- Sur la restitution de l’émeraude
[W] [H] revendique la restitution, en nature ou en valeur, d’une émeraude reçue d’un de ses clients avant le mariage, qu’il n’a pas souhaité remettre à l’épouse à cette occasion. Il soutient qu’il a seulement autorisé cette dernière à porter le bijou, monté en bague plusieurs années après le mariage, et qu’elle s’en est emparée sans son accord lorsqu’elle a quitté le domicile conjugal.
Madame [T] soutient quant à elle que son mari lui offert la pierre, qu’elle a ensuite serti en bague. Elle prétend qu’il est institutionnalisé dans nos sociétés que les époux offrent un bijou à leurs épouses en signe d’attachement réciproque à l’occasion des noces ou des anniversaires de celles-ci. Elle considère donc qu’il s’agit d’un présent d’usage et qu’elle n’est pas tenue à sa restitution.
Selon l’article 852 du code civil : « Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant. Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ».
Il est admis que les présents d’usage échappant à la règle de la révocabilité des donations entre époux sont les cadeaux faits à l’occasion de certains événements conformément à un usage et n’excédant pas une certaine valeur. Le critère générationnel du bijou, absent en l’espèce et relevé par Madame [T], ne constitue pas un critère légal.
En l’espèce le premier juge a retenu que Madame [T] n’établit pas que l’émeraude est un cadeau de mariage.
Il est à tout le moins admis que [W] [H] a reçu la pierre en septembre 2003, en remerciements de services rendus, des mains de Monsieur [I] [X] qui le déclare sur l’honneur. La valeur de cette pierre, estimée à 13 520 euros, ne fait pas débat.
Si les auteurs des trois attestations dont se prévaut Madame [T], à savoir deux amis et sa soeur, affirment que l’émeraude est cadeau de mariage, ils ne précisent pas quels sont les éléments permettant une telle qualification, alors même qu’ils ajoutent que la pierre a été sertie en bague par Madame [T] elle-même, à ses frais, plus de deux ans après le mariage.
La facture produite par Madame [T] confirme les travaux de bijouterie en date du 02 novembre 2006 au prix de 1.000€ TTC.
Aucun élément extérieur ne permet d’établir que la pierre à a été donnée à l’épouse au jour du mariage, ou à la date anniversaire de ce mariage. En outre, le fait que [W] [H] n’ait pas finalisé le bijou avant de remettre la pierre à l’épouse est peu compatible avec l’idée avancée d’un cadeau symbolique à l’occasion du mariage.
En l’état, l’émeraude qui ne constitue pas un don d’usage, doit être restituée.
Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur les loyers des biens propres de [W] [H] :
Il est établi que [W] [H] a acquis le 31 juillet 2000, soit avant mariage, un terrain sis à SÈTE sur lequel ont été construits une maison qui a constitué ultérieurement le domicile conjugal, et trois hangars qui ont été loués. [W] [H] a revendu l’ensemble immobilier le 04 mai 2017.
Le premier juge a fait droit à la demande de [W] [H] tendant à faire déclarer qu’il est titulaire envers Madame [T] d’une créance de 30.750 euros au titre des loyers provenant de ses biens propres.
Madame [T] fait grief au jugement entrepris d’avoir attribué un caractère propre aux revenus non consommés des biens propres de l’époux, et d’avoir entériné le montant erroné proposé par [W] [H] en dehors de tout justificatif.
En application des articles 1401 à 1403 du code civil, les fruits et revenus des biens propres, comme les loyers des immeubles propres, tombent dans la masse active de la communauté. En conséquence, il convient de dire que les loyers provenant des biens propres de [W] [H] entrent dans la masse active de la communauté. Il est établi qu’à ce titre, en exécution de l’ordonnance de non-conciliation, Madame [T] a perçu la somme de 19.500€ réglée par lettre chèque CARPA du 07 septembre 2015. Compte tenu des termes de l’ordonnance de non-conciliation et du jugement interprétatif y afférent, en l’absence de reconnaissance d’un devoir de secours au profit de l’épouse, la somme de 19.500,00 euros doit recevoir la qualification d’avance sur part de liquidation de la communauté.
En conséquence le jugement est infirmé en ce sens.
3- Sur le bateau Catamaran Looping 50 Aquablue :
Selon l’acte de vente dressé en date du 21 octobre 2010 [W] [H], en sa qualité de propriétaire, a vendu à Monsieur [B] un navire de plaisance de type voilier catamaran- Looping 50, nommé Aquablue, au prix de 410.000 euros.
Les relevés du compte joint ouvert par les époux à la Banque DUPUY DE PARSEVAL attestent que le prix de vente a été versé sur ce compte selon :
-un acompte de 41.000€ à la date du 24 septembre 2010,
-le solde de 369.000€ à la date du 27 octobre 2010.
[W] [H] prétend que Madame [T] s’est emparée d’un montant de 310.881 euros sur le prix de vente.
Le premier juge a débouté [W] [H] de sa demande de reprise de propre au titre du bateau, de même qu’il a débouté Madame [T] de sa demande tendant à ce que le mari rapporte à l’indivision le prix de vente du bateau réalisé avec des deniers communs, au motif que les mouvements de fonds ne sont pas établis. Il ne s’est toutefois pas expressément prononcé sur le caractère propre ou commun du bien.
En cause d’appel [W] [H] soutient que ce bien est un propre, construit et enregistré avant le mariage, tandis que Madame [T] réplique que le bien est commun, aux motifs que la décision de construire ce bateau a été prise d’un commun accord, qu’elle-même a participé à sa construction, et que [W] [H] a profité d’une nuit pour immatriculer le bateau à son seul nom pendant qu’elle dormait. Elle ajoute que les factures d’achat de matériaux produites aux débats concernent un précédent navire, précisant que [W] [H], architecte naval de profession, en a construit plusieurs entre 2002 et 2007, dont Aquablue.
Il ressort des éléments versés aux débats :
– que sur son site internet, [W] [H] accompagne sa photographie de l’énoncé suivant : ‘Six années de charter aux Antilles sur mon Looping 42 et l’actuelle construction (2006) de mon catamaran de 15m pour repartir autour du monde…’
– que l’entourage de Madame [T], dont sa propre soeur, atteste que le couple est parti en 2007 pour un tour du monde sur ‘Aquablue’, à la construction duquel elle a participé,
– qu’aux termes d’un courrier daté du 16 juin 2010 adressé par [W] [H] à son épouse, il reconnaît qu’elle a effectivement participé à la construction du catamaran, qu’il a ensuite, au moment de sa vente, accepté d’en fixer le prix au montant qu’elle réclamait, avant de le baisser compte tenu de la réalité du marché,
– qu’aux termes d’un document daté du 20 mai 2011 et signé de [W] [H] récapitulant les grandes étapes de leur vie maritale, il indique ‘Le 07 août 2004 nous nous sommes mariés à Sète puis nous avons entrepris la construction de notre bateau terminé en 2006…’ puis ‘en novembre 2010 nous avons vendu notre bateau 410.000 dont le solde (environ 370 000€ au 20 mai 2011) constitue nos liquidités totales…’
Les nombreuses factures établies au nom de [W] [H] datant des années 2000 et 2001 ne comportent aucun élément permettant de dire que le matériel de construction et autres éléments d’accastillage ainsi acquis ont été destinés au navire Aquablue en litige, dont la construction aurait débuté antérieurement au mariage.
La taxe de mise en circulation réclamée le 18 juillet 2003 à [W] [H] par les services fiscaux de BRUXELLES, relativement à ‘Aquablue immatriculé le 04 janvier 2002″, sans autre précision sur l’identification précise du bateau, ne permet pas d’affirmer avec certitude qu’il s’agit du même navire que celui en litige et qui a ensuite été vendu.
Enfin le certificat délivré le 23 janvier 2007 par la Direction générale Transport Maritime de BRUXELLES, autorisant le bateau Aquablue à arborer le pavillon belge, et l’enregistrant au seul nom de [W] [H], ne vaut pas titre de propriété.
Il en résulte que le navire litigieux, dont il n’est pas établi que sa construction a débuté antérieurement au mariage, constitue un bien commun dont le prix de vente est entré dans la masse active de la communauté, de sorte que [W] [H] ne peut se prétendre investi d’une créance à l’encontre de Madame [T].
Le jugement est infirmé en ce sens.
4- Sur le véhicule VOLKSWAGEN POLO :
Le premier juge a retenu que Madame [T], qui ne conteste pas être restée en possession d’un véhicule commun jusqu’à sa vente en 2015, est redevable envers l’indivision post communautaire d’une récompense au titre du prix de vente de ce véhicule, dont elle devra justifier du montant devant le notaire commis.
Bien que ni une copie du certificat d’immatriculation ni l’acte de cession ne soient produits aux débats, il est constant que ce véhicule a été acquis courant septembre 2010, soit antérieurement à la demande en divorce, au prix de 7.880 euros. Madame [T] admet avoir conservé la jouissance du véhicule jusqu’à ce qu’elle le vende, selon ses dires au prix de 1.000 euros.
Pour soutenir que cette vente a été réalisée à vil prix, [W] [H] se prévaut de trois annonces parues sur un site de vente automobile, qui selon le modèle, l’année et le kilométrage des véhicules concernés, proposent un prix variant de 1.990€ à 3.999€. Il demande à la cour d’en fixer la valeur à 3.000€.
Toutefois, en l’absence de toute précision sur le millésime du véhicule commun et son kilométrage aucun élément produit ne permet à ce stade de la procédure de confirmer son prix de vente et d’en apprécier la justesse.
Madame [T] ne conteste pas le principe d’une récompense au profit de la communauté à hauteur du prix de vente dont elle devra justifier.
Le jugement est confirmé sur ce point.
5- Sur la somme de 300.000 euros :
Il ressort de la lecture du jugement entrepris que les parties se sont accordées pour considérer que Madame [T] a déjà perçu la somme de 300.000€ au titre de la liquidation, ce dont le premier juge a fait le constat au dispositif de sa décision.
La demande en appel de Madame [T] tendant à dire que cette somme est une avance sur la part qu’elle a vocation à percevoir dans le cadre de la liquidation et du partage est donc sans objet.
6- Sur le don manuel d’une somme de 10.000,00 euros :
Aux termes d’un document manuscrit daté du 30 novembre 2009 [F] [H] a déclaré avoir fait le jour même un don manuel à son fils [W] [H] de la somme de 10.000 euros en compensation de plusieurs mois d’aide pour la fin de vie de son mari.
Par un écrit daté du 19 mai 2011 Madame [T] a reconnu la réalité de ce don et n’a pas contesté son affectation à des dépenses communes, [W] [H] ayant déclaré avoir employé ce don pour acheter des matériaux de construction de bateau.
La somme litigieuse est donc un bien propre de [W] [H], elle a été employée au profit de la communauté, [W] [H] dispose donc d’une récompense sur la communauté qui doit être évaluée à la dépense faite.
Le jugement est infirmé en ce sens.
7- Sur le matériel conservé par [W] [H] :
Le premier juge, s’appuyant sur les écritures de Monsieur [H] aux termes desquelles il reconnaît avoir conservé du matériel acquis pendant le mariage pour une valeur de 6.196 €, a dit qu’il doit rapporter cette somme à l’indivision.
En cause d’appel [W] [H] soutient que le matériel n’a plus aucune valeur compte tenu de sa vétusté, et sollicite subsidiairement qu’il soit fixé à une valeur moindre.
Cependant en l’absence de toute facture de nature à identifier la nature du matériel concerné, sa date d’achat, et sa faculté de dépréciation, le montant retenu ne saurait être contesté.
Le jugement est confirmé sur ce point.
8- Sur les meubles meublants communs :
Le premier juge, retenant que [W] [H] ne rapportait pas la preuve que l’épouse a conservé des biens qu’il déclare communs, sans en fournir une liste ni en justifier la propriété, l’a débouté de sa demande de créance à ce titre.
Devant la cour, [W] [H] produit une liste manuscrite de divers biens, outre des photographies d’un intérieur déclaré ‘pillé’, annotées à propos des éléments qui seraient manquants, mais sans autres éléments de comparaison ni factures d’achat. Ces documents n’éclairent pas davantage le débat sur l’existence même de ce mobilier.
Le jugement est confirmé sur ce point.
9- Sur les créances de Madame [T] :
Madame [T], invoquant l’article 566 du code de procédure civile, soutient qu’elle dispose à l’encontre de [W] [H] :
-d’une créance de 6.960,25€ au titre des sommes qu’elle a payées avant le mariage,
-d’une somme de 87.821€ au titre du financement par ses fonds propres de la construction des biens propres de [W] [H],
-d’une créance de 68.571€ au titre de son apport en industrie,
-d’un droit de reprise de ses fonds propres à hauteur de 49.711,33€ pour avoir financé les travaux d’extension des bâtiments appartenant en propre à l’époux notamment.
-Sur l’indivision avant mariage, elle expose que les parties ont vécu ensemble à compter du mois d’août 1999, alors qu’elles étaient chacune en instance de divorce. Elle prétend avoir réglé payé diverses factures personnelles de [W] [H] en lien avec son activité professionnelle, à savoir :
-CSG : 306€
-micro entreprise : 2.434,70€
-salaire de l’ouvrier : 451,55€
-taxe professionnelle 2003 : 1.180€
-taxe foncière 2003 : 2.588€.
Les quelques relevés bancaires qu’elle produit établissent qu’en 2001 chacun des futurs époux était titulaire d’un compte personnel, Madame [T] auprès de la Banque AGF et à la caisse d’Epargne, [W] [H] auprès de la Banque DUPUY DE PARSEVAL, et qu’ils ont à compter du mois de janvier 2002 disposé d’un compte joint ouvert dans ce dernier établissement.
Ces relevés ne permettent ni d’établir comment ce compte était alimenté, ni de tracer les mouvements allégués.
Le seul débit de la somme de 451,55€ sur le compte personnel de Madame [T] le 27 décembre 2001, non étayé par un bulletin de salaire, ne permet pas d’en établir le motif, d’autant que Madame [T] prétend que l’ouvrier ainsi réglé n’était pas déclaré.
Cette créance n’est pas fondée et la demande de ce chef rejetée.
-Sur le financement de la construction des propres de [W] [H], Madame [T] soutient avoir régulièrement alimenté le compte joint par le versement notamment :
– d’une somme de 87.821€ qu’elle a perçue de la vente de son ancien domicile conjugal
– d’un don manuel de 20.000€ de son propre père le 18 juin 2004, avant le mariage
-d’une assurance vie touchée au décès de son père à hauteur de 14.711,33€ le 20 avril 2005,
– d’une somme de 15.000€ provenant de la vente de la maison de son père en mars 2006.
Il est à tout le moins établi :
– que le prix de 576.105,05 francs soit 87.826,64 euros qui lui a été réglé par le notaire le 27 octobre 2000 se retrouve au crédit du compte AGF de Madame [T] le 08 décembre 2000, avant son mariage
-qu’un montant de 20.000€ a transité le 26 août 2004 du compte AGF de Madame vers un compte joint ouvert par le couple auprès de ING DIRECT.
En l’état des relevés de compte produits de façon parcellaire, aucun élément ne permet de déterminer l’origine des virements d’espèces ou remise de chèques, ni de dire qu’ils ont été affectés à la construction des propres du mari.
En particulier, Madame [T] ne démontre pas l’absence de toute opération sur son compte AGF entre la perception du prix de vente de son ancien domicile et la date du mariage initiant la communauté. De même elle ne produit pas de relevé de compte établissant une dépense au profit de la communauté concomitante où à proximité de la perception de la somme propre de 20.000,00 euros.
Ainsi Madame [T] échoue t’elle a établir une traçabilité entre ses fonds personnels et leur emploi au profit des biens propres de [W] [H]
-Sur l’industrie de Madame [T] : cette dernière prétend qu’elle a travaillé plus de 730 heures non rémunérées sur les constructions immobilières de [W] [H] (hangars et maison) et ainsi contribué à valoriser le bien immobilier, vendu à 333.000 € en 2017.
Aux termes d’un mail adressé le 16 juillet 2021, [W] [H] expose notamment les conséquences financières de la séparation du couple à un membre de sa famille ([C] [H]) il indique que Madame [T] l’a aidé à construire la maison, représentant ‘3 mois et demi de boulot, soit 22.857€ par mois quand même’.
Il avait précédemment fait état de cette même industrie dans le mail récapitulatif daté du 20 mai 2011.
Il en résulte que Madame [T] détient une créance sur [W] [H] à ce titre, d’un montant de 68 571€.
Le jugement est complété en ce sens.
10- Sur la récompense due à la communauté par Monsieur [H] :
Madame [T] soutient que les extensions réalisées sur les immeubles propres du mari, pour la nécessité desquelles ils ont acquis en 2006 une parcelle contiguë, ont été réalisées courant 2007 au moyen de deniers communs, et demande à la cour de consacrer le principe d’un droit à récompense.
Seuls le projet et la déclaration d’achèvement des travaux en date du 13 juillet 2007 sont produits aux débats. En l’absence de toute pièce relative aux travaux effectivement réalisés, à leur coût et à leur financement, la demande de Madame [T] n’est pas fondée et est rejetée.
11- Sur les autres demandes :
Eu égard à la nature familiale de l’affaire, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Statuant, publiquement, contradictoirement, dans la limite de sa saisine, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré des chefs relatifs à l’émeraude, au véhicule automobile Polo, au matériel conservé par [W] [H] et aux meubles meublants,
L’infirme du chef des loyers des propres de [W] [H], du bateau Aquablue, et du don manuel reçu par [W] [H], et statuant à nouveau de ces chefs :
Dit que les loyers échus jusqu’à la date de l’ordonnance de non-conciliation des immeubles propres de [W] [H] sont des biens communs composant la masse active de la communauté.
Dit la somme de 19.500,00 euros perçue par Madame [T] en exécution de l’ordonnance de non-conciliation doit recevoir la qualification d’avance sur sa part de liquidation de la communauté.
Dit que le bateau de plaisance Aquablue est un bien commun dont le prix de vente de 410.000,00 euros entre dans la masse active de la communauté,
Dit que le don manuel de 10.000,00 euros dont a bénéficié [W] [H] constitue un bien propre utilisé au profit de la communauté.
Dit que [W] [H] dispose d’une récompense sur la communauté égale à la dépense faite soit 10.000,00 euros.
Y ajoutant,
Dit que Madame [T] dispose d’une créance de 68 571€ sur [W] [H] au titre de son industrie dans la construction de ses propres,
Déboute Madame [T] de ses demandes de créances sur [W] [H] au titre de l’indivision avant mariage, et au titre du financement de la construction des immeubles personnels de [W] [H]
Déboute Madame [T] de sa demande tendant à voir reconnaître le principe d’une récompense au profit de la communauté à l’encontre de [W] [H] pour le financement de l’extension de ses propres,
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.
Arrêt signé par M. BEAUCLAIR, Président de Chambre et par Mme VILLALBA, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,