Bijouterie : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00915

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Bijouterie : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00915

17 janvier 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/00915

C1

N° RG 21/00915

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYKJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BLOHORN

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 17 JANVIER 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00283)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Valence

en date du 09 février 2021

suivant déclaration d’appel du 18 février 2021

APPELANT :

Monsieur [I] [V]

né le 12 Mars 1995 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Yves BLOHORN de la SELARL BLOHORN, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE substituée à l’audience par Me Marlène PENCOAT, avocat au barreau de GRENOBLE,

et par Me Estelle PIDOUX, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULON,

INTIMEE :

S.A.R.L. EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT (EAC), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Géraldine AUDINET, avocat plaidant inscrit au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 novembre 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, et en présence de Mme Capucine QUIBLIER, greffière stagiaire, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 17 janvier 2023.

Exposé du litige :

L’activité de la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT est la fabrication de pièces en métaux précieux pour la maroquinerie, et les vêtements.

M. [V] a été embauché par la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT selon contrat de travail à durée déterminée du 1er mars 2019 au 31 juillet 2019 à temps complet en qualité de galvanoplaste, niveau II, échelon 1 de la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et activités qui s’y rattachent, puis, les relations se sont poursuivies à durée indéterminée à compter du 1er aout 2019.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 8 septembre 2020, M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 23 septembre 2020, M. [V] a saisi le Conseil de prud’hommes de Valence aux fins de voir juger que la prise d’acte de son contrat de travail a produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir la condamnation de la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT à lui payer diverses indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail à ce titre, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 février 2021, le Conseil de prud’hommes de Valence a :

Dit que le motif de la rupture du contrat de travail de M. [V] avec la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT en date du 9 septembre 2020 est la démission de M. [V],

Débouté M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Débouté la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT de toutes ses demandes reconventionnelles,

Condamné M. [V] aux entiers dépens de l’instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties et M. [V] en a interjeté appel.

Par conclusions du 8 avril 2021, M. [V] demande de :

– Infirmer le jugement querellé et, en conséquence,

– Constater que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT a gravement manqué à ses obligations,

Et en conséquence :

– Requalifier la prise d’acte de rupture, en rupture aux torts de la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT,

– Condamner la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT à lui verser :

600 euros d’indemnité de licenciement,

1 800 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis outre 180 euros d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

3 600 euros d’indemnité pour licenciement abusif,

Condamner la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT à lui verser :

367,49 euros bruts au titre des heures supplémentaires pour l’année 2020, outre 63,75 euros d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

3 600 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

1 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations en matière de sécurité au travail,

3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

– Enjoindre la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT de rectifier les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par conclusions du 8 juin 2021, la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT demande de :

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Valence en date du 9 février 2021, en ce qu’il a retenu que la rupture du contrat de travail de M. [V] était une démission en date du 9 septembre 2020,

– Débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes,

Statuant de nouveau :

– Condamner M. [V] à lui payer le préavis non-effectué soit la somme de 1 800 euros,

– Condamner M. [V] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait des fausses accusations de harcèlement moral et du non-respect du principe relatif au fait que les conventions doivent être exécutées de bonne foi,

– Condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Le condamner aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [V] fait valoir qu’il a effectué des heures supplémentaires en 2020, mais que celles-ci ne lui ont pas été rémunérées, malgré une demande en ce sens adressée à son employeur par un courrier du 27 août 2020. Il soutient que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT ne lui a rémunéré que les heures supplémentaires accomplies durant l’année 2019, mais pas celles effectuées au cours de l’année 2020.Il expose que l’accord d’annualisation et de modulation du temps de travail en vigueur dans l’entreprise n’autorise pas l’employeur à ne pas lui rémunérer les heures supplémentaires.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT fait valoir pour sa part qu’elle applique une annualisation du temps de travail, selon un accord d’entreprise signé en 2005. Cet accord prévoit que tant que le contingent annuel des heures n’est pas atteint, les heures hebdomadaires réalisées entre la 36e et la 44e heure ne font pas l’objet d’un traitement au titre des heures supplémentaires.

Une fois que le contingent des heures annuel est atteint, les heures supplémentaires réalisées dans la limite des 44 heures hebdomadaires sont rémunérées sur la base suivante :

– majoration de 10 % jusqu’à la 184e heure supplémentaire ;

– majoration de 25 % au-delà.

Elle produit le tableau de suivi de l’annualisation pour les heures du salarié, ainsi que l’ensemble des feuillets qui avaient été remis au salarié et qui retraçaient exactement la situation, et qui démontrent que le salarié a bien été rempli de ses droits s’agissant des heures supplémentaires.

Réponse de la cour,

Aux termes de l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Selon l’article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l’article L. 3121-29.

Selon l’article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. [V], qui soutient que les heures supplémentaires qu’il a effectuées en 2020, soit 28h15, ne lui ont pas été rémunérées à la fin de la relation de travail, verse aux débats des récapitulatifs d’heures supplémentaires sur l’année 2019 et l’année 2020 faisant apparaître les heures supplémentaires effectuées chaque mois, le solde d’heures supplémentaires sur l’année 2020 et le cumul avec l’année antérieure.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, tenu de décompter le temps de travail du salarié, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT verse aux débats :

– Un accord d’entreprise portant sur l’aménagement du temps de travail du 8 juillet 2005,

Un tableau de suivi d’annualisation des heures réalisées par le salarié au cours des années 2019 et 2020,

Des récapitulatifs d’heures supplémentaires sur l’année 2019 et l’année 2020.

Il ressort de l’accord d’entreprise, demeuré en vigueur en application des dispositions de l’article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, que le nombre d’heures annuelles fixées est de 1 607 heures, soit une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures, et que le contingent annuel des heures supplémentaires est fixé à 160 heures.

En outre, l’accord prévoit une modulation de la durée du travail hebdomadaire entre 31 heures et 39 heures, et que, compte tenu de la fluctuation des horaires, un compte de compensation entre les heures de travail effectuées en période haute et celles effectuées en période basse est institué pour chaque salarié concerné par la modulation, afin de lui assurer une rémunération lissée à 35 heures hebdomadaires, indépendante de l’horaire réel. Ce compte de compensation est remis chaque mois au salarié avec son bulletin de salaire pour lui permettre de connaître son état.

S’agissant des heures supplémentaires, l’accord prévoit que tant que le contingent annuel des heures n’est pas atteint, les heures hebdomadaires réalisées entre la 36e et la 44e heures ne constituent pas des heures supplémentaires.

Celles-ci ne constituent des heures supplémentaires qu’une fois le contingent annuel atteint.

Enfin, l’article 8 de cet accord (« Compensation des heures de travail du salarié n’ayant pas travaillé toute la période de modulation ») prévoit que :

Lorsque le salarié n’a pas travaillé sur l’ensemble de la période annuelle en raison d’absence ou parce qu’il a été embauché durant cette période, si les heures réalisées sont supérieures à l’horaire moyen, les heures excédentaires seront payées en heures supplémentaires. Si les heures réalisées sont inférieures à l’horaire moyen, la rémunération du salarié est calculée en fonction de son horaire réel. Cette régularisation intervient le 12e mois.

Lorsque le salarié a rompu son contrat de travail (licenciement, départ en retraite, démission’), si les heures réalisées sont supérieures à l’horaire moyen, les heures excédentaires seront payées en heures supplémentaires. Si les heures réalisées sont inférieures à l’horaire moyen, la rémunération du salarié sera calculée en fonction de son horaire réel. Cette régularisation intervient à la rupture du contrat de travail.

Il ressort du dernier récapitulatif d’heures supplémentaires de l’année 2019 (décembre 2019), produit par l’employeur, que le salarié avait un solde négatif de 8h30, ce qui résulte également du tableau de suivi d’annualisation pour l’année 2020, et le dernier récapitulatif d’heures supplémentaires de l’année 2020 (février 2020, également produit par l’employeur présente un solde positif de 28h15.

Il ressort du reçu pour solde de tout compte et du bulletin de salaire du mois de septembre 2020, produits par le salarié, que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT a payé à M. [V] une somme correspondant à 19,5 heures supplémentaires, l’employeur justifiant cette somme par le solde négatif de la fin de l’année 2019, qu’il a imputé sur le solde positif du dernier mois travaillé par le salarié dans le cadre de l’application de l’accord de 2005.

Toutefois, il ne ressort pas de l’accord d’entreprise portant sur l’aménagement du temps de travail que l’employeur était autorisé à reporter d’une année sur l’autre le solde des heures supplémentaires, l’article 8 prévoyant au contraire une régularisation à la fin de l’année.

Dès lors, c’est à tort que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT a retranché 8 heures30 du nombre d’heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours de l’année 2020.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT doit ainsi être condamnée à payer à M. [V] la somme de 110,96 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées au cours de l’année 2020, outre 11,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité :

Moyens des parties :

M. [V] fait valoir que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT n’a pas respecté les règles d’hygiène et de sécurité et qu’elle a ainsi manqué à son obligation de sécurité à son égard.

Il allègue ainsi qu’il a été amené à manipuler des substances toxiques sans avoir la possibilité d’utiliser des gants, malgré une demande en ce sens, l’employeur ne pouvant se prévaloir des difficultés d’approvisionnement en raison de la COVID.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT fait valoir que M. [V] ne démontre pas qu’il a été contraint de manipuler des substances toxiques sans gants, alors que la charge de la preuve lui incombe. Elle indique produire des factures qui démontrent qu’il n’y a pas eu de rupture de stock.

Réponse de la cour,

En application de l’article L. 4121-1 du code du travail l’employeur est tenu, vis à vis de son personnel, d’une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique de chaque salarié.

Tel est le cas lorsque l’employeur justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Dès lors que le salarié recherche la responsabilité de son employeur pour violation de son obligation de sécurité de résultat, il lui incombe d’apporter la preuve du manquement qu’il invoque et de démontrer le préjudice subi dont les juges du fond apprécient souverainement l’existence et l’étendue.

EN l’espèce, les attestations produites par M. [V] (M. [E], M. [K]), dans lesquelles deux salariés de l’entreprise au moment des faits indiquent, sans plus de précision, qu’il leur est arrivé durant la période de la crise sanitaire liée à la COVID de travailler sans gants jetables, sont insuffisantes, faute d’être corroborées par des éléments objectifs, pour établir que l’employeur ne fournissait pas à M. [V] les équipements individuels de protection nécessaires pour assurer sa protection dans l’exercice de ses fonctions.

En outre, l’employeur verse aux débats une note de service du 11 février 2019, signée par le salarié, relative à l’obligation du port des EPI, une attestation du responsable technique de l’entreprise (M. [T]), et une attestation de l’assistante administrative et comptable (Mme [X]), dont il ressort qu’aucune rupture de stocks sur les gants n’est intervenue durant la période du COVID, ainsi que des factures démontrant des commandes de gants à usage unique de manière régulière au cours de l’année 2020.

Le salarié échoue ainsi à démontrer la matérialité de faits constitutifs d’un manquement de l’employeur à son obligation légale de sécurité.

Dès lors, il y a lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre du harcèlement moral :

Moyens des parties :

M. [V] fait valoir qu’il a subi des agissements caractérisant un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, qui exerçait continuellement diverses pressions à son encontre, haussant la voix et le rabaissant. Il allègue avoir déposé une main courante et avoir informé la direction de l’attitude de son supérieur hiérarchique à son égard.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT fait valoir pour sa part que le salarié ne fournit pas un seul exemple des pressions qu’il aurait subies de la part de son supérieur hiérarchique, ni dans la lettre de rupture du 8 septembre 2020, ni dans celle de son conseil en date du 27 août 2020. Elle expose que le salarié ne lui a pas fait part des propos qu’aurait tenus M. [G] à son encontre, et que le salarié rapporte dans la main courante qu’il a déposée le 29 juillet 2020. Les deux attestations produites par le salarié devront être écartées, l’une d’entre elles n’étant pas signée. Leurs auteurs sont des amis du salarié, ils sont tous originaires de [Localité 3], ils ont suivi les mêmes études, et l’un d’entre eux est le co-locataire de M. [V]. Enfin, les attestations sont rédigées en des termes identiques.

Réponse de la cour,

Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivant les dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constitutifs selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le harcèlement moral est constitué peu important que les agissements se répètent uniquement sur une brève période.

Le salarié reproche en l’espèce à son employeur de lui avoir fait subir une situation de harcèlement moral caractérisée par l’attitude de son supérieur hiérarchique à son égard, qui exerçait des pressions psychologiques à son égard de manière continuelle.

Pour établir les faits allégués, le salarié verse aux débats :

Deux attestations de salariés présents au moment de la période d’emploi de M. [V] (M. [E] et M. [K]), qui indiquent que M. [G], supérieur hiérarchique de M. [V], hausse régulièrement la voix à leur encontre, y compris M. [V], et utilise des termes injurieux (« sous-merdes ») pour les rabaisser ;

Une déclaration de main courante du 29 juillet 2020, dans laquelle le salarié a rapporté des injures et menaces de la part de son supérieur hiérarchique, M. [G], en ces termes : « Je suis employé par la société EAC ornement métallique, et je viens signaler avoir été menacé par M. [G] [B], mon supérieur hiérarchique, en ces termes : ‘Je vais vous apprendre la vie’. Il m’a dit cela suite à un arrêt maladie qui me concernait. Il ne veut rien savoir et souhaite que je reprenne mon travail en disant : ‘J’en ai rien à foutre viens quand même’ ».

Le salarié, qui soutient avoir alerté son employeur à plusieurs reprises du comportement de son supérieur hiérarchique à son égard, ne produit aucun élément permettant de le démontrer.

Les attestations produites, dont la cour d’appel relève que celle de M. [K] n’est pas signée, imprécises et non circonstanciées, sont insuffisantes pour établir que le supérieur hiérarchique, M. [G], avait recours à des pressions psychologiques de manière continuelle à l’encontre de M. [V].

La déclaration de main courante ne peut non plus à elle seule établir les propos rapportés par le salarié lors du dépôt de son arrêt de travail le 29 juillet 2020.

Au surplus, ce seul fait isolé ne peut caractériser un agissement répété.

Les faits allégués par le salarié ne sont donc pas établis et M. [V] échoue ainsi à présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

La demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral doit en conséquence être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [V] a pris acte de la rupture de son contrat d etravail et invoque à l’encontre de son employeur les manquements suivants à ce titre :

Non-paiement des heures supplémentaires,

Manquement à l’obligation de sécurité,

Situation de harcèlement moral subie de la part de son supérieur hiérarchique, malgré une alerte à la direction de l’entreprise.

M. [V] fait en outre valoir que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT n’a pas respecté le dispositif exceptionnel de chômage partiel en soutien aux employeurs mis en place durant la crise de la COVID, et qu’il a été amené à travailler, alors qu’il bénéficiait du chômage partiel, ce qui constitue une fraude.

S’agissant des allégations du salarié concernant son prétendu travail durant la période de chômage partiel, la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT allègue que l’entreprise a été placée en activité partielle à compter de la fin du mois de mars jusqu’au mois de juillet 2020, et que le salarié confond les périodes de confinement, d’activité partielle et de « chômage total ». Les pièces produites par le salarié ne permettant pas de démontrer ses allégations.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT soutient qu’aucun des manquements invoqués par le salarié au soutien de sa prise d’acte n’est démontré, qu’ainsi la prise d’acte doit produire les effets d’une démission.

A titre reconventionnel, la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT demande à ce que M. [V] soit condamné à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de l’absence de préavis.

Réponse de la cour,

Le salarié qui reproche à l’employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

La prise d’acte ne nécessite aucun formalisme particulier mais doit être transmise directement à l’employeur.

Lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, dans le cas contraire, d’une démission.

Les juges du fond doivent examiner l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués par le salarié sans se limiter aux seuls griefs énoncés dans la lettre de prise d’acte.

Il est de jurisprudence constante que lorsque la prise d’acte produit les effets d’une démission, le salarié est redevable de l’indemnité compensatrice de préavis même en l’absence de préjudice pour l’employeur

En l’expèce s’agissant de l’allégation du salarié selon laquelle il aurait travaillé au cours de la première semaine du mois d’avril 2020 alors qu’il était en chômage partiel, la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT ne conteste pas qu’elle a été en activité partielle à compter du 23 mars 2020, et verse aux débats un tableau de suivi des heures travaillées par les salariés de l’entreprise à compter de cette date.

Il ressort de ce tableau que le salarié n’a pas travaillé la première semaine du mois d’avril.

Pour établir qu’il a bien travaillé la première semaine du mois d’avril, le salarié produit de son côté des captures d’écran d’un téléphone portable faisant apparaître des photographies datées sur l’écran du téléphone du 1er avril et du 3 avril, et sur lesquelles M. [V] apparaît sur son lieu de travail, portant le tee-shirt de l’entreprise, ainsi qu’une éponge à la main (photographie du 1er avril).

Toutefois, la date mentionnée sur l’écran du téléphone ne permet pas d’établir que les photographies produites ont bien été prises aux dates apparaissant sur les captures d’écran, la date affichée dans l’application de photos pouvant être modifiée, et le salarié ne produisant pas de captures d’écran des caractéristiques de ces photographies faisant apparaître la date originale de prise de vue, celle-ci n’étant pas falsifiable.

Ainsi, le salarié échoue à démontrer qu’il était bien présent sur son lieu de travail les 1er et 3 avril 2020, alors qu’il était en chômage partiel.

Il a été précédemment jugé que la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT n’avait pas manqué à son obligation légale de sécurité à l’égard du salarié, et qu’aucune situation de harcèlement moral n’était établie.

S’agissant de l’absence de paiement de la totalité des heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours de l’année 2020, la cour d’appel relève que l’accord d’entreprise portant sur l’aménagement du temps de travail du 8 juillet 2005 prévoit le paiement des heures supplémentaires à la fin de l’année, et que celles-ci n’ont été payées avant cette date qu’en raison de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Il en résulte que ce manquement, qui est intervenu postérieurement à la rupture de la relation de travail, ne peut être invoqué par le salarié au soutien de sa demande visant à voir juger que sa prise d’acte a produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au surplus, la seule absence de paiement de la totalité des heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours de l’année 2020 ne constitue pas un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail.

Dès lors, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 8 septembre 2020 doit produire les effets d’une démission.

Les demandes de M. [V] de condamnation de la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT à lui payer des sommes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse doivent en conséquence être rejetées, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT est bien fondée à obtenir, à titre reconventionnel, la condamnation de M. [V] à lui payer la somme de 1 800 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour absence d’exécution du préavis par le salarié.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle au titre l’inexécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT allègue que M. [V] n’a pas hésité à mentir et à inventer des arguments notamment en proférant des accusations de harcèlement moral. Il ressort des pièces versées aux débats que M. [V] a tenté de donner de la consistance à son dossier en inventant des éléments. La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT soutient ainsi que M. [V] a abusé de son droit de dénoncer une situation de harcèlement moral, et qu’il a manqué d’exécuter loyalement le contrat de travail.Le départ du salarié a par ailleurs désorganisé le fonctionnement de l’entreprise, et elle est fondée à obtenir la condamnation de M. [V] à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

M. [V] ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l’employeur est tenu d’exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en lui payant le salaire convenu.

La SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT ne produit aucun élément permettant de démontrer que le salarié aurait inventé de toutes pièces des faits visant à établir qu’il a été victime d’une situation de harcèlement moral sur son lieu de travail, et qu’ainsi il aurait abusé de son droit de dénoncer un harcèlement moral et de saisir la juridiction prud’homale afin d’obtenir les réparations dues.

Au surplus, la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT ne démontre pas avoir subi un préjudice en conséquence des prétendus agissements du salarié constitutifs d’une inexécution déloyale du contrat de travail.

Dès lors, il y a lieu de débouter la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts à ce titre par voir de confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu d’ordonner à la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT de remettre à M. [V] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat modifiés conformément au présent arrêt.

Le jugement de première instance est infirmé sur les dépens et confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes respectives des parties au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés en première instance et en cause d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

Débouté M. [V] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

Débouté la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT de sa demande d’indemnité pour absence d’exécution de son préavis par M. [V],

Condamné M. [V] aux dépens,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT à payer à M. [V] la somme de 110,96 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées au cours de l’année 2020, outre 11,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

CONDAMNE M. [V] à payer à la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT la somme de 1 800 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour absence d’exécution de son préavis,

ORDONNE à la SARL EUROPE ACCESSOIRES CONCEPT de remettre à M. [V] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat modifiés conformes au présent arrêt,

REJETTE le surplus des demandes de parties,

DIT qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

LAISSE à chacune des parties les dépens par elle exposés en première instance et cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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