Bijouterie : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03398

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Bijouterie : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03398

16 novembre 2023
Cour d’appel de Douai
RG
22/03398

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/11/2023

****

N° de MINUTE : 23/370

N° RG 22/03398 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UMOH

Jugement (N° 21/00518) rendu le 30 Mai 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Mademoiselle [B] [T]

née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 13] ([Localité 6])

de nationalité Française

[Adresse 4]. [Adresse 11],

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre-Nicolas Decat, avocat au barreau d’Arras, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [Z] [R]

né le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 12] ([Localité 7])

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représenté par Me Catherine Pouzol, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Lille Douai prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée à personne habilitée le 15 septembre 2022

DÉBATS à l’audience publique du 07 septembre 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 juillet 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [B] [T] et M. [Z] [R] ont entretenu une relation amoureuse durant quelques mois jusqu’à une dispute survenue le 29 septembre 2014, au cours de laquelle Mme [T] a été blessée.

Mme [T] a sollicité et obtenu la mise en ‘uvre d’une expertise médicale, qui a été ordonné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille suivant ordonnance du 9 juillet 2019.

L’expert [S] a déposé son rapport le 24 février 2020.

Par actes d’huissier du 21 janvier 2021, Mme [T] a fait assigner M. [R] et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de [Localité 14] devant le tribunal judiciaire de Lille afin de faire reconnaître son droit à indemnisation et d’obtenir la liquidation de ses préjudices.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 30 mai 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

1.rejeté la demande de contre-expertise’;

2.dit que Mme [T] avait contribué à son propre dommage lors des violences du 29 septembre 2014′;

3.dit en conséquence que M. [R] était responsable de la moitié des dommages causés à Mme [T]’;

4.condamné M. [R] à payer à Mme [T] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite des faits du 29 septembre 2014′:

a.864 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne’;

b.1’834 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire’;

c. 3’000 euros au titre des souffrances endurées’;

d.750 euros au titre du préjudice esthétique temporaire’;

e.5’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent’;

f.1’500 euros au titre du préjudice sexuel’;

5.condamné M. [R] aux dépens de l’instance’;

6.dit n’y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

7.débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La déclaration d’appel :

Par déclaration du 13 juillet 2022, Mme [B] [T] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 2, 3, 4, 6, 7 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 avril 2023,

Mme [B] [T], appelante principale, demande à la cour de’:

– déclarer son appel recevable et bien fondé’;

– y faisant droit, infirmer le jugement déféré’;

statuant à nouveau en cause d’appel,

– juger n’y avoir lieu à partage de responsabilité à défaut pour elle d’avoir participé à la réalisation de son propre dommage à l’occasion des violences commises le 29 septembre 2014 par M. [R]’;

– condamner M. [R], entièrement responsable du préjudice qu’elle a subi, à la réparation intégrale de son dommage, et au paiement des somme suivantes’:

débours de la CPAM pour les dépenses de santé actuelles’;

‘864 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne’;

‘252 euros au titre des frais divers’;

‘débours de la CPAM pour les dépenses de santé futures’;

‘615 euros au titre du préjudice universitaire ou de formation’;

‘3’799 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire’;

‘6’000 euros au titre des souffrances endurées’;

‘4’000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire’;

’18’040 euros au titre du déficit fonctionnel permanent’;

‘2’500 euros au titre du préjudice d’agrément’;

‘3’500 euros au titre du préjudice sexuel’;

soit un total de 39’570 euros’;

– condamner M. [R] à lui payer la somme de 4’320 euros au titre des frais irrépétibles de première instance’;

y ajoutant en cause d’appel,

– condamner M. [R] aux entiers dépens d’appel’;

– condamner M. [R] à lui payer la somme de 2’700 euros au titre des frais irrépétibles d’appel’;

– juger que l’arrêt à intervenir sera commun et opposable à la CPAM de [Localité 14]’;

– confirmer pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires à ses écritures’;

– débouter M. [R] et la CPAM de [Localité 14] de toutes demandes plus amples ou contraires à celles exposées par ses soins.

A l’appui de ses prétentions, Mme [T] fait valoir que :

– lors d’une dispute au cours de laquelle le couple en est venu aux mains, M. [R] l’a poussée violemment à deux reprises sur le palier au point de la faire tomber au sol ; puis il a jeté ses effets personnels à terre et refermé la porte sans lui porter assistance’;

– conduite par les secours aux urgences du centre hospitalier [17] à Lille, il lui a été diagnostiqué une entorse de l’astragale gauche avec fracture-arrachement nécessitant une immobilisation par botte plâtrée puis la réduction d’un équin de 15 degrés, et une entorse du coude droit avec hématome intra-articulaire nécessitant une immobilisation par attelle de type Dujarrier’;

– elle a bénéficié de soins de réadaptation et de rééducation au centre l’Espoir à [Localité 15] du 2 au 15 octobre 2014, puis de séances de kinésithérapie’jusqu’en 2016 ; les faits ont provoqué un état de détresse psychologique en raison des douleurs ressenties ;

– poursuivi par la voie de la composition pénale, M. [R] a été pénalement condamné pour violences volontaires par concubin ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours à suivre un stage de citoyenneté’;

– il n’est pas besoin d’ordonner une mesure de contre-expertise médicale, alors que M. [S], professeur des universités, est parfaitement apte à réaliser une expertise médicale judiciaire, qu’il a correctement répondu à sa mission dans les limites qui lui ont été imparties par le premier juge, et que M. [R] avait tout loisir de participer aux opérations d’expertise et de discuter les conclusions de l’expert’;

– elle-même n’a pas été poursuivie pénalement’; elle s’est contentée de se défendre en bloquant la porte avec son pied pour récupérer des affaires personnelles, et de griffer légèrement son compagnon.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 6 janvier 2023, M. [R]

intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, notamment de’:

sur l’appel incident,

– dire mal jugé et bien appelé’;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

‘a rejeté la demande de contre-expertise’;

‘l’a condamné à payer à Mme [T] les sommes suivantes’:

864 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne’;

3’000 euros au titre des souffrances endurées’;

5’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent’;

1’500 euros au titre du préjudice sexuel’;

statuant à nouveau et avant dire droit,

– constater l’insuffisance du rapport d’expertise rendu par M. [S] le 24 février 2020′;

– en conséquence, ordonner une mesure de contre-expertise médicale confiée à un expert en traumatologie avec mission complète habituelle, outre l’autorisation de s’adjoindre un sapiteur psychiatre’;

– renvoyer l’affaire à une audience ultérieure dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise’;

– dire et juger que les parties supporteront les frais d’expertise par moitié’;

statuant à nouveau et au fond,

– allouer à Mme [T], déduction faite de sa part de responsabilité dans la survenance de son propre dommage, les sommes suivantes’:

432 euros au titre de l’aide humaine temporaire’;

1’750 euros au titre des souffrances endurées’;

– débouter Mme [T] de ses plus amples demandes, et notamment de l’indemnité de procédure sollicitée en cause d’appel’;

sur l’appel principal,

– dire bien jugé et mal appelé’;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘dit que Mme [T] avait contribué à son propre dommage lors des violences du 29 septembre 2014’;

‘dit en conséquence que M. [R] était responsable de la moitié des dommages causés à Mme [T]’;

‘l’a condamné à payer à Mme [T] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite des faits du 29 septembre 2014′:

1’834 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire’;

750. euros au titre du préjudice esthétique temporaire’;

‘dit n’y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– débouter Mme [T] de ses plus amples demandes, et notamment de l’indemnité de procédure sollicitée en appel.

A l’appui de ses prétentions, M. [R] fait valoir que :

– le 29 septembre 2014, Mme [T] s’est présentée à son domicile pour récupérer des affaires personnelles’;

– une nouvelle dispute a éclaté au cours de laquelle Mme [T], devenue incontrôlable, l’a invectivé, insulté, et a refusé de quitter le domicile, tout en le griffant, le frappant, lançant des objets sur lui’;

– c’est dans ces circonstances qu’il a été contraint de la maîtriser en la prenant par le bras et en la poussant vers la sortie’; Mme [T] a alors bloqué la fermeture de la porte avec son pied, s’est à nouveau introduite dans le logement pour y dégrader des meubles et jeter le téléviseur à terre, le contraignant de nouveau à lui saisir le bras pour la pousser hors de son domicile et refermer la porte’; Mme [T] a alors chuté se cognant contre l’ascenseur de l’immeuble’;

– il soulève l’insuffisance et l’imprécision du rapport d’expertise de M. [S], considérant la lacune documentaire relative aux pièces médicales produites laquelle des évaluations approximatives, une date de consolidation tardive que l’expert fixe arbitrairement, un besoin en aide humaine non démontré, une absence de constatations médicales des répercussions psychiques et physiques alléguées’;

– le comportement fautif violent adopté par Mme [T] le soir des faits a concouru à la réalisation de son propre dommage, dans la mesure où elle reconnaît l’avoir griffé, lui avoir porté des coups de pied, avoir jeté des objets en verre sur lui, avoir dégradé volontairement son mobilier, avoir forcé le passage ;

– c’est pour mettre fin à la crise de sa compagne qu’il l’a repoussée en dehors de son logement et qu’elle a heurté l’ascenseur’;

– il avait pu constater à l’été 2014 que Mme [T], suivie en addictologie pour sa consommation de cannabis, se montrait insultante, agressive et menaçante à la moindre contrariété.

4.3. Régulièrement intimée, la CPAM de [Localité 14] n’a pas constitué avocat

en cause d’appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur la demande de contre-expertise

Aux termes de l’article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.

La demande de désignation d’un nouvel expert, motivée par l’insuffisance des diligences accomplies par l’expert précédemment commis, doit être formulée devant le juge du fond sur le fondement des articles 232 et suivants du code de procédure civile.

Le recours à une contre-expertise judiciaire est justifié s’il est démontré que le rapport établi par le premier expert présente des lacunes, des erreurs manifestes ou des incohérences, étant précisé que le seul désaccord d’une partie avec ses conclusions ne constitue pas une cause suffisante pour y recourir.

En l’espèce, M. [R] soulève l’insuffisance et l’imprécision du rapport d’expertise sans en contester la régularité procédurale.

Il ne rapporte pas la preuve de la lacune documentaire qu’il allègue, alors que l’expert a construit son raisonnement et sa démonstration sur les pièces fournies par les parties.

Bien que n’ayant pas choisi de recourir à un sapiteur psychiatre, l’expert [S], professeur émérite de médecine interne à la faculté de médecine de Lille, avait toute l’expérience professionnelle et la compétence pour exécuter une expertise médicale judiciaire, et se prononcer sur les séquelles présentées par la victime, qu’elles soient de nature physique ou psychique. Il a d’ailleurs répondu de façon motivée et exhaustive à la mission qui lui avait été confiée, notamment en fixant la date de consolidation et en appréciant les différents postes de préjudice, et ce dans les limites fixées par le juge des référés.

Les opérations d’expertise judiciaire ont été réalisées au contradictoire des parties, après que l’expert a pris connaissance des pièces médicales produites, et alors que celles-ci avaient tout loisir d’y participer et d’en discuter les conclusions par le biais de dires, ce qu’elles se sont abstenues de faire.

Le jugement dont appel est confirmé en ce qu’il a débouté l’intimé de sa demande de contre-expertise judiciaire.

II – Sur l’étendue du droit à indemnisation de la victime

Aux termes de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application de ce texte, il appartient à la victime de rapporter la preuve de la faute, du préjudice et du lien de causalité entre les deux.

L’auteur d’une faute qui a causé un dommage est tenu à entière réparation envers la victime, une faute de celle-ci pouvant seule l’exonérer en partie quand cette faute a concouru à la production du dommage.

En l’espèce, M. [R] ne conteste pas que sa responsabilité civile délictuelle soit engagée à la suite des violences qu’il a commises le 29 septembre 2014 envers son ex-compagne, en la poussant à deux reprises en dehors de son domicile et en la faisant chuter contre l’ascenseur.

Il considère toutefois que le comportement fautif adopté par celle-ci le soir des faits a concouru pour moitié à la réalisation de son propre dommage.

Il ressort des procès-verbaux d’enquête de police que le 29 septembre 2014 vers 19 heures 30 à Lille, Mme [T] s’est présentée au domicile de son ex-ami, M. [R], pour y récupérer des effets personnels. Une dispute a éclaté au cours de laquelle Mme [T] a insulté M. [R] qui s’est énervé en la saisissant, de sorte qu’elle s’est défendue en l’agrippant. Le ton est monté, et [R] a poussé la jeune femme jusqu’à la sortie’; celle-ci a trébuché, s’est relevée, puis a bloqué la fermeture de la porte avec son pied toujours pour récupérer le reste de ses affaires. [R] l’a de nouveau repoussée entraînant sa chute contre l’ascenseur.

Interrogé, M. [R] a expliqué qu’énervé par les insultes proférées par Mme [T] en ces termes’: «’connard, enculé, tu ne me touches pas où cela va mal se passer’», il lui avait saisi le bras pour la faire sortir de son domicile, qu’elle avait résisté en le frappant notamment à coups de pied, qu’il l’avait maîtrisée pour la diriger vers la sortie, qu’elle s’était opposée à ce qu’il referme la porte, qu’elle était de nouveau entrée dans le logement pour récupérer son téléphone, qu’elle avait jeté la télévision par terre, qu’il l’avait alors poussée dans le couloir de l’immeuble où elle s’était cognée le coude contre l’ascenseur.

Lors de son audition, Mme [T] a reconnu avoir insulté M. [R] de «’petit con’», l’avoir agrippé par la chemise au point de l’avoir griffé au cou et au poignet, ce qu’ont constaté les enquêteurs, avoir saisi un plat et un cendrier sans savoir si elle l’avait atteint, avoir bloqué la porte avec son pied, et avoir projeté le téléviseur au sol.

En agissant ainsi, se présentant chez M. [R] de sa seule initiative, l’insultant et le menaçant, cherchant la confrontation physique, dégradant et jetant des objets mobiliers en sa direction, refusant avec véhémence de quitter son domicile, Mme [T] a adopté à son égard un comportement provocateur fautif en relation de causalité directe et certaine avec le dommage corporel qu’elle a subi à raison de ses deux chutes successives.

C’est par une exacte appréciation des faits et de la cause que le premier juge a retenu que Mme [T] avait ainsi contribué pour moitié à la réalisation de son propre dommage.

En conséquence, le jugement critiqué est confirmé en ce qu’il a dit que Mme [T] avait contribué à son propre dommage lors des violences du 29 septembre 2014 et en conséquence, que [R] était responsable de la moitié des dommages causés à Mme [T].

III – Sur l’indemnisation du préjudice corporel de la victime

A – Sur l’évaluation des préjudices

1.Sur l’évaluation des préjudices patrimoniaux

1.1. Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1.1.Sur les dépenses de santé actuelles

Mme [T] n’a conservé aucune facture de ses dépenses de santé, et la CPAM de [Localité 14], bien qu’intimée en cause d’appel, n’a pas produit ses débours.

M. [R] propose de réserver ce poste dans l’attente des débours de la CPAM.

Sur ce, la cour n’est en définitive saisie d’aucune demande de remboursement au titre des dépenses de santé actuelles.

1.2. Sur le préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Le premier juge a débouté Mme [T] de sa demande de réparation d’un préjudice de formation.

Mme [T] sollicite à ce titre une indemnisation de 615 euros, arguant avoir dû renoncer à une formation en joaillerie en raison de l’agression subie.

M. [R] conclut au débouté de la demande adverse, considérant que Mme [T] ne produit aucune pièce établissant son projet et son impossibilité d’intégrer une formation en joaillerie en raison du fait dommageable, l’expert ne retenant ni retentissement professionnel ni préjudice de formation.

Sur ce, il s’agit de réparer la perte d’années d’études sur un plan scolaire, universitaire ou de formation, consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe. Cette indemnisation comprend le retard scolaire ou de formation, mais également une modification d’orientation, une renonciation à toute formation de nature à obérer l’intégration de la victime dans le monde du travail.

L’expert [S] ne retient aucun préjudice de formation, ni aucun retentissement professionnel lié à l’agression, indiquant qu’après le 30 mars 2015, Mme [T] a travaillé un mois en contrat à durée déterminée comme télé-conseillère chez Decathlon, puis n’a exercé aucun emploi jusqu’en septembre 2015 avant d’être engagée comme télé-conseillère pendant un an’; il ajoute qu’en 2016, elle a décidé de reprendre des études de comptabilité.

L’appelante produit tardivement en cause d’appel une attestation du 26 décembre 2022 rédigée par [U], qui relate qu’après avoir essayé de retravailler en intérim, Mme [T] a «’passé une épreuve d’admission dans une école de bijouterie à [Localité 16] en juin 2015 pour la rentrée de septembre’», mais qu’elle n’a pas pu financer les frais d’admission.

Ce seul témoignage indirect ne suffit pas à établir que Mme [T] ait échoué dans son projet d’intégration d’une école de joaillerie en raison des séquelles subies par suite du fait dommageable.

Faute de justifier d’une lettre de présentation ou d’admission, d’une démarche d’inscription dans une telle formation, ou encore d’une perspective manquée d’intégration dans l’école, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande de réparation d’un préjudice de formation, dont l’existence même n’est pas rapportée en l’espèce.

1.3.Sur les frais divers

Le premier juge a débouté Mme [T] de sa demande au titre des frais divers.

Mme [T] sollicite une indemnisation de 252 euros correspondant au règlement d’une facture du 16 octobre 2014 émise par le centre l’Espoir en règlement du forfait journalier.

M. [R] conclut à la confirmation sur ce point, indiquant que la victime, qui se contente de produire la facture du centre l’Espoir, ne justifie pas avoir effectivement conservé à sa charge le forfait journalier.

Sur ce, il s’agit notamment d’indemniser les frais exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels que les frais liés à l’hospitalisation ou à la réduction d’autonomie, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident, les frais de transport ou d’hébergement des proches pour visiter la victime, les frais de forfait hospitalier, de copie des dossiers médicaux ou de correspondance, et encore les frais d’assistance à l’expertise médicale par un médecin-conseil.

Au soutien, de sa demande, Mme [T] se contente de produire une facture de 252 euros du centre l’Espoir d’Hellemmes du 16 octobre 2014 pour les «’forfaits journaliers du 2 au 15 octobre 2014’», sans démontrer qu’elle ait effectivement réglé cette facture et que celle-ci soit restée à sa charge, faute d’avoir été remboursée par la sécurité sociale ou une mutuelle.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu’il a débouté la victime de sa demande de ce chef.

1.4.Sur l’assistance temporaire par une tierce personne

Le premier juge a accordé à ce titre à Mme [T] une indemnisation de 864 euros, dont celle-ci réclame confirmation.

M. [R] offre une indemnisation de 432 euros pour l’aide à la préparation des repas, après réduction de moitié du droit à indemnisation de la victime.

Sur ce, il s’agit d’indemniser les dépenses liées à la réduction d’autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l’évaluation doit se faire au regard de l’expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d’indemniser la solidarité familiale.

L’expert [S] retient, dans son rapport du 24 février 2020, que du 16 octobre 2014, date de sa sortie du centre de rééducation, à fin décembre 2014, Mme [T] a bénéficié d’une aide-ménagère à raison de quatre heures par semaine, et de l’aide d’une aide-soignante pour la toilette du matin à raison d’une demi-heure par jour’; en outre, sa marraine venait jusque fin janvier 2015 lui préparer le repas chaque soir. Selon l’expert, ses aides indispensables s’avéraient directement imputables aux séquelles de l’agression.

Mme [T] ne conteste pas dans ses écritures que la CPAM a effectivement pris en charge du 16 octobre au 31 décembre 2014 les dépenses d’aide-ménagère à raison de quatre heures hebdomadaires, et d’aide-soignante à raison d’une demi-heure journalière.

Ne reste donc à indemniser que l’assistance quotidienne à la confection des repas du soir à raison d’une demi-heure par jour sur la base d’une rémunération de 16 euros de l’heure, conforme à la demande de l’appelante.

Il convient de calculer comme suit le besoin temporaire en aide humaine’pour la période du 16 octobre 2014 au 31 janvier 2015 : 108 jours x 16 euros x 0.5 heure = 864 euros.

Compte tenu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, M. [R] est condamné à payer à Mme [T] une somme de 432 euros en réparation de son besoin temporaire en aide humaine (soit 864 x 50%).

2. Sur les préjudices patrimoniaux permanents

2.1. Sur les dépenses de santé futures

Mme [T] n’a conservé aucune facture de ses dépenses de santé, et la CPAM de [Localité 14], bien qu’intimée en cause d’appel, n’a pas produit ses débours.

M. [R] propose de réserver ce poste dans l’attente des débours de la CPAM.

Sur ce, la cour n’est en définitive saisie d’aucune demande de remboursement au titre des dépenses de santé futures.

3. Sur l’évaluation des préjudices extra-patrimoniaux

1.Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1.1.Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a fixé ce poste à la somme de 1’834 euros après réduction de moitié du droit à indemnisation de la victime.

Mme [T] sollicite une somme de 3’799 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire, total du 28 septembre au 15 octobre 2014, puis partiel du 16 octobre 2014 au 31 octobre 2016, date de consolidation, et ce sur la base de 29 euros par jour.

M. [R] sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d’agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

Dans son rapport d’expertise, l’expert [S] décrit qu’à la suite d’une agression responsable de chutes successives, Mme [T] a présenté un traumatisme du coude droit et un traumatisme torsion de la cheville gauche entraînant une entorse grave avec fracture arrachement du col antérieur de l’astragale’; il retient un déficit fonctionnel temporaire total du 29 septembre au 15 octobre 2014 pendant le séjour au centre hospitalier [17], puis au centre de rééducation l’Espoir, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III du 15 octobre au 31 décembre 2014, période durant laquelle la victime a été contrainte de se déplacer en fauteuil roulant, puis de classe II du 1er janvier au 28 février 2015, période durant laquelle les déplacements ont nécessité l’usage de cannes anglaises, et enfin de classe I du 1er mars 2015 au 31 octobre 2016, date de consolidation.

Dans leurs écritures, les parties s’accordent sur la détermination du nombre de jours suivant les périodes relevées par l’expert.

Sur une base journalière de 28 euros par jour, retenue par le premier juge et conforme au principe de réparation intégrale, il convient d’évaluer ce préjudice comme suit’:

– au titre du déficit fonctionnel temporaire total (17 jours) : 28 x 17 = 476 euros’;

– au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III (50%) pendant 77 jours : 28 x 50% x 77 = 1’078 euros’;

– au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25%) pendant 58 jours : 28 x 25% x 58 = 406 euros’;

– au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I (10%) pendant 610 jours’: 28 x 10% x 610 = 1 708 euros’;

soit un total de 3’668 euros.

Compte tenu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, M. [R] est condamné à payer à Mme [T] la somme de 1 834 euros (soit 3’668 x 50%) au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel.

Le jugement querellé est confirmé sur ce point.

1.2.Sur les souffrances endurées

Le premier juge a accordé à Mme [T] une somme de 3’000 euros au titre des souffrances endurées, après réduction de moitié de son droit à indemnisation.

Mme [T] sollicite une indemnisation de 6’000 euros de ce chef, considérant l’importance de ses souffrances psychologiques et de sa dépression, et rappelant leur évaluation à 3.5 sur une échelle de 7.

M. [R] offre une indemnisation de 1 750 euros réparant les souffrances endurées après réduction de moitié du droit à indemnisation, relevant que Mme [T] n’a bénéficié ni d’une intervention chirurgicale, ni d’une prise en charge psychologique, et que sa dépression est en lien de causalité avec un état antérieur, et non avec les faits du 29 septembre 2014.’

Sur ce, ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.

L’expert [S] a quantifié les souffrances endurées à 3,5 sur une échelle de 7, les qualifiant ainsi de modérées, et prenant ainsi en considération les souffrances physiques liées aux multiples ecchymoses initiales, au traumatisme du coude et à l’entorse grave de la cheville, et les souffrances psychologiques persistantes liées à l’agression.

Compte tenu des examens médicaux et traitement subis, de l’immobilisation du coude et de la cheville pendant plusieurs semaines et des difficultés de déplacement y afférentes, des douleurs résiduelles persistantes de la cheville lesquelles ont nécessité une rééducation kinésithérapique au long cours, des troubles psychologiques manifestés notamment par des pleurs et des conduites d’évitement, de la durée de la consolidation pendant plus de deux années, le premier juge a exactement évalué ce préjudice à la somme de 6 000 euros.

Considérant la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l’indemnité à la charge du responsable s’élève à la somme de 3 000 euros (soit 6 000 x 50%).

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

1.3.Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a accordé à Mme [T] une somme de 750 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, après réduction de moitié de son droit à indemnisation.

Mme [T] sollicite une indemnisation de 4’000 euros de ce chef, considérant qu’elle a présenté de nombreuses ecchymoses, et dû subir le port d’une attelle et d’un plâtre, se déplacer en fauteuil roulant, puis avec des béquilles et des bas de contention, et rappelant son jeune âge, outre l’évaluation de ce préjudice à 3 sur une échelle de 7.

M. [R] sollicite confirmation du jugement critiqué sur ce point, précisant qu’il ne faut pas confondre préjudice esthétique temporaire et préjudice esthétique permanent, que la victime n’a nécessité aucune prise en charge chirurgicale, et que seule doit être indemnisée l’utilisation temporaire d’un fauteuil roulant puis de cannes anglaises.

Sur ce, il s’agit d’indemniser pendant la maladie traumatique, et notamment pendant l’hospitalisation, une altération de l’apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

L’expert [S] prévoit un préjudice esthétique temporaire qu’il qualifie de modéré (3 sur une échelle de 7) en raison de la nécessité de déplacement en fauteuil roulant, puis avec des cannes anglaises jusqu’au 28 février 2015.

Considérant les constatations de l’expert, la présentation en fauteuil roulant puis avec des cannes anglaises pendant cinq mois chez une jeune femme, et la durée de la période de consolidation, le montant du préjudice esthétique temporaire subi a été exactement évalué à la somme de 1’500 euros.

Considérant la réduction de 50% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à Mme [T] une somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts (soit 1’500 x 40%).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2. Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents

2.1.Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a accordé à Mme [T] une somme de 5’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, après réduction de moitié de son droit à indemnisation.

Mme [T] sollicite une indemnisation de 18’040 euros de ce chef correspondant à un point à 2’255 euros, considérant qu’elle présente des séquelles en raison de la diminution de ses capacités de mouvement et de sa force musculaire, outre des séquelles psychologiques en raison sa dépression et de ses conduites d’évitement.

M. [R] conclut au débouté de la demande adverse au titre du déficit fonctionnel permanent, considérant que le taux de 8% retenu par l’expert est injustifié du fait de l’existence d’un état antérieur, et de l’absence d’avis spécialisé validé par un sapiteur psychiatre, de prise en charge psychique de la victime au décours des faits, et de séquelles physiques.

Sur ce, le déficit fonctionnel permanent correspond au préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime après consolidation ; il s’agit d’indemniser pour la période postérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie, les souffrances et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales du fait des séquelles tant physiques que psychiques qu’elle conserve.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l’indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l’atteinte à la qualité de vie de la victime.

En l’espèce, l’expert judiciaire a fixé le déficit fonctionnel permanent de Mme [T], âgée de 29 ans à la consolidation pour être née le [Date naissance 10] 1987, à 8% correspondant, non à des séquelles physiques des traumatismes du coude droit et de la cheville gauche, mais à d’importantes séquelles psychologiques manifestées, plusieurs années après les faits, par des troubles anxieux phobiques spécifiques et des conduites d’évitement.

Les parties sont en désaccord sur l’évaluation du taux retenu par l’expert.

Lors de l’examen clinique du 7 février 2020, l’expert [S] a considéré que le traumatisme psychologique lié à l’agression avait été très important, dans la mesure où la simple évocation de cet évènement déclenchait encore des pleurs chez la victime, qui conservait des conduites d’évitement, ne sortant pas seule le soir et évitant les rencontres’; il a relevé que l’intéressée, toujours célibataire, avait perdu confiance dans les hommes, ne recevait plus d’amis à domicile, et bénéficiait du soutien d’une amie psychothérapeute.

Compte tenu de ces éléments, des pièces versées au débat, des troubles psycho-pathologiques encore rencontrés par la victime dans sa vie quotidienne, et décrits par l’expert, il convient d’évaluer ce préjudice à la somme de 16’000 euros.

Considérant la réduction à 50% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à Mme [T] des dommages et intérêts à hauteur de 8’000 euros (soit 16’000 x 50%).

Le jugement dont appel sera infirmé de ce chef.

2.2.Sur le préjudice d’agrément

Le premier juge a débouté Mme [T] de sa demande au titre du préjudice d’agrément.

Mme [T] sollicite une indemnisation de 2’500 euros de ce chef arguant qu’elle n’a pas pu reprendre ses activités sportives antérieures, notamment la course à pied et le sport de combat.

M. [R] sollicite à cet égard la confirmation du jugement entrepris, dès lors que la victime, si elle justifie de sa pratique sportive régulière avant les faits, ne justifie nullement de l’arrêt de celle-ci à la suite du fait dommageable’; il n’existe selon lui pas de préjudice d’agrément temporaire, ce préjudice étant intégré dans les périodes de déficit fonctionnel temporaire.

Sur ce, le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, étant rappelé que la réduction des capacités de la victime avec toutes les répercussions qu’elle a nécessairement sur sa vie quotidienne est par ailleurs réparée au titre du déficit fonctionnel. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l’accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives ou de bulletins d’adhésion à des associations, mais également par tout autre mode de preuve licite, tels des témoignages ou des clichés photographiques, l’administration de la preuve d’un tel fait étant libre. L’appréciation du préjudice s’effectue concrètement, en fonction de l’âge et du niveau d’activité antérieur. La preuve du préjudice d’agrément peut se faire par tout moyen.

En l’espèce, l’expert judiciaire expose que Mme [T] a cessé toute activité sportive jusqu’à sa reprise progressive à l’été 2018.

La cour rappelle tout d’abord que le préjudice d’agrément avant consolidation est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Si Mme [T] produit deux attestations d’amis qui témoignent de sa pratique antérieure de la danse de salon, de la course à pied, et de sport de combat, elle ne démontre pas être privée, depuis sa consolidation, de la pratique régulière de ces sports, alors qu’elle ne conserve pas de séquelles physiques définitives de l’agression.

En conséquence, c’est par une exacte appréciation des faits et de la cause que le premier juge a retenu que Mme [T] n’établissait pas être limitée dans ses pratiques sportives, dont le caractère spécifique n’était au demeurant pas établi, et a rejeté sa demande au titre du préjudice d’agrément.

Le jugement critiqué est confirmé de ce chef.

2.3.Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a octroyé à Mme [T] une somme de 1’500 euros en réparation de son préjudice sexuel, après réduction de moitié de son droit à indemnisation.

L’appelante sollicite une indemnisation de 3’500 euros de ce chef, arguant qu’elle souffre depuis l’agression d’importants troubles psychologiques entraînant des conduites d’évitement vis-à-vis des hommes, outre un manque de confiance en elle et que, malgré son jeune âge, elle se retrouve privée de toute vie sexuelle depuis les faits à raison de la perte de sa libido.

M. [R] conclut au débouté de la demande au titre du préjudice sexuel, estimant qu’il n’existe aucune preuve de la réalité de ce préjudice’; si Mme [T] a pu connaître une perte de libido à la suite des faits, elle ne justifie subir aucun préjudice sexuel de manière définitive après consolidation.

Sur ce, ce préjudice s’apprécie, en fonction de l’âge et de la situation de la victime, eu égard à l’atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

L’expert [S] rappelle à cet égard que l’agression est responsable de troubles psychologiques avec conduites d’évitement vis-à-vis des hommes, d’un manque de confiance entraînant depuis lors, selon la victime, une absence de toute relation sentimentale et sexuelle.

S’il n’existe pas pour Mme [T] d’atteinte à la morphologie de ses organes sexuels ni à sa fonction reproductrice, il demeure qu’au regard des séquelles psychiques présentées et des troubles de la libido qui s’ensuivent, l’impact du fait dommageable dans la sphère intime est caractérisé chez une jeune femme, âgée de 29 ans à la consolidation, affectée sur le plan psychologique par une perte de confiance à l’égard d’autrui.

Ce préjudice sexuel a exactement été évalué par le premier juge à la somme de 3’000 euros.

Considérant la limitation du droit à indemnisation de la victime, M. [R] est condamné à payer à Mme [T] la somme de 1’500 euros (soit 3 000 x 50%) en réparation du préjudice sexuel.

B – Sur la liquidation des préjudices

Au vu de l’ensemble des éléments énoncés, il revient à Mme [T], après limitation de son droit à indemnisation à hauteur de 50%, les sommes suivantes’en réparation de son préjudice corporel :

‘aucune demande au titre des dépenses de santé actuelles’;

‘débouté au titre du préjudice de formation’;

‘débouté au titre des frais divers’;

‘432 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne ;

‘aucune demande au titre des dépenses de santé futures’;

‘1’834 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

‘3’000 euros au titre des souffrances endurées ;

‘750 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

‘8’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

‘débouté au titre du préjudice d’agrément ;

‘1 500 euros au titre du préjudice sexuel.

Le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné [R] à payer à Mme [T] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite des faits du 29 septembre 2014’:

‘864 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne ;

‘5’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent’;

et sera réformé de ces deux seuls chefs.

IV – Sur les autres demandes

A – Sur la déclaration d’arrêt commun et opposable

Il n’y a pas lieu de déclarer l’arrêt commun et opposable à la CPAM de [Localité 14], dès lors que celle-ci est partie à l’instance.

B – Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l’arrêt et l’équité conduisent à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

M. [R] qui succombe est condamné aux entiers dépens d’appel.

L’équité commande de le condamner à payer à Mme [T] une somme de 2’000 euros à titre d’indemnité de procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Lille, sauf en ce qu’il a condamné [Z] [R] à payer à Mme [B] [T] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite des faits du 29 septembre 2014′:

‘864 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne ;

‘5’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent’;

Le réforme de ces deux chefs’;

Prononçant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

Condamne [Z] [R] à payer à Mme [B] [T] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite des faits du 29 septembre 2014′:

‘432 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne ;

‘8’000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent’;

Dit que la cour n’est saisie d’aucune demande au titre des dépenses de santé actuelles et des dépenses de santé futures’;

Dit n’y avoir lieu à déclarer l’arrêt commun et opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 14] ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions’;

Condamne M. [Z] [R] aux dépens d’appel’;

Condamne M. [Z] [R] à payer à Mme [B] [T] la somme de 2’000 euros à titre d’indemnité de procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon

 


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