Bijouterie : 16 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04772

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Bijouterie : 16 mars 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04772

16 mars 2023
Cour d’appel de Rennes
RG
20/04772

7ème Ch Prud’homale

ORDONNANCE N°50/2023

N° RG 20/04772 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q7CF

S.A.R.L. LANGEVIN PERRIER

S.A.S.U. GUERIN JOAILLERIE

S.A.S. THOM GROUP

C/

Mme [K] [D]

Ordonnance d’incident

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE MISE EN ETAT

DU 16 MARS 2023

Le seize Mars deux mille vingt trois, date indiquée à l’issue des débats du mardi dix janvier deux mille vingt trois devant Madame Isabelle CHARPENTIER, Magistrat de la mise en état de la 7ème Ch Prud’homale,

assisté de Françoise DELAUNAY, Greffier, lors des débats et lors du prononcé

Statuant dans la procédure opposant :

DEMANDEUR A L’INCIDENT :

ORPER PRIEUR S.A.R.L. Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANT

DÉFENDEUR A L’INCIDENT :

Madame [K] [D]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Audrey BALLU-GOUGEON de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

APPELANTE

Et encore:

S.A.R.L. LANGEVIN PERRIER, représentée par Maître [Z] [L] es qualité de mandataire ad hoc

Centre commercial Alma

[Localité 7]

Représentée par Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE

S.A.S.U. GUERIN JOAILLERIE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non comparante, non représentée

S.A.S. THOM GROUP

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Juliette HALBOUT, Plaidant,avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMEES

A rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Langevin Perrier, dont le capital social est détenu à 100 % par la Sarl ORPER, a exploité de 1992 à août 2016 un commerce d’horlogerie -bijouterie dans une cellule commerciale implantée dans le centre commercial Alma à [Localité 7]. Elle employait un effectif de 8 salariés.

Le 12 janvier 2009, Mme [K] [D] a été engagée en qualité de vendeuse par la SARL Langevin Perrier dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Le 3 octobre 2016, la société Langevin Perrier a notifié à ses salariés un licenciement pour motif économique à ses salariés, dont Mme [D], laquelle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 14 octobre suivant.

La société Langevin Perrier a cessé définitivement son activité le 31 août 2016.

Le local est resté vacant durant plusieurs mois, après l’échec d’un projet de reprise du bail par la SASU GUERIN JOAILLERIE.

Le 31 août 2017, la SASU THOM ayant pour activité le commerce de détail en bijouterie sous diverses enseignes (Histoire d’Or, Marc Orlan) a pris à bail le local anciennement occupé par la SARL Langevin Perrier.

Le 28 février 2020, la Sarl Langevin Perrier a fait l’objet d’une fusion absorption par son associée unique la Sarl ORPER, entraînant une dissolution sans liquidation de la société absorbée et une transmission universelle de son patrimoine au profit de société absorbante.

Cette opération a été enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Rennes le 9 juillet 2020 et publiée au Bodacc les 13-14-15 juillet 2020.

 ***

Mme. [D] et six autres salariés de la société Langevin Perrier ont saisi le conseil de prud’hommes de Rennes, par requêtes distinctes du 15 mars 2017, afin de voir :

A titre principal :

– Dire qu’il y a eu transfert de contrat de travail entre la société Langevin Perrier et la société GUERIN JOAILLERIE,

– les condamner solidairement à 25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.280,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 228,09 euros au titre des congés payés afférents ;

– condamner la société Langevin Perrier au paiement de :

– 1.166,08 euros au total à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents ;

– 6.842,90 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– 2.000 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la convention collective sur la durée du travail

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

– Dire qu’il y a eu transfert de contrat de travail entre la société LANGEVIN PERRIER et la SASU THOM,

– les condamner solidairement à 25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.280,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 228,09 euros au titre des congés payés afférents.

La SARL Langevin Perrier a demandé au conseil de prud’hommes de débouter Mme. [D] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La SAS GUERIN JOAILLERIE a demandé au conseil de prud’hommes in limine litis, de la mettre hors de cause, de rejeter les demandes formulées à son encontre et de voir condamner les demandeurs à lui payer chacun la somme de 1.500€ au titre des frais irrépétibles.

La SASU THOM a demandé au conseil de prud’hommes in limine litis, de la mettre hors de cause et par conséquent, rejeter les demandes formulées à son encontre, et de voir condamner les demandeurs à lui payer chacun la somme de 500€ au titre des frais irrépétibles.

Par jugement de départage du 8 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de RENNES a :

– Ordonné la jonction du dossier de Mme [D] et de ceux des autres salariés n°RG 17/00115 à RG 17/00121 sous le n° RG 17/00115;

– Ordonné la mise hors de cause de la SASU THOM;

– Ordonné la mise hors de cause de la SAS GUERIN JOAILLERIE;

– Débouté Mme [M], Mme [X], Mme [N], Mme [U],Mme [G],

M. [R] et Mme [D] de leurs demandes;

– Débouté la SARL Langevin Perrier, la SAS GUERIN JOAILLERIE et la SASU THOM de leurs demandes au titre des frais irrépétibles;

– Condamné in solidum les salariés aux dépens.

Mme [D] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 7 octobre 2020 à l’encontre de :

– la société Langevin Perrier,

– la société GUERIN JOAILLERIE,

– la SAS THOM GROUP.

La société Bijouterie Langevin Perrier est représentée par Me [L] mandataire judiciaire désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société par ordonnance du 25 janvier 2021 du président du tribunal de commerce de RENNES.

Par ordonnance d’incident du 28 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé l’irrecevabilité de la déclaration d’appel de Mme [D] du 7 octobre 2020 à l’encontre du jugement du 8 septembre 2020 du conseil de prud’Hommes de Rennes uniquement en ce qu’elle vise la SAS THOM GROUP comme intimée alors que la société visée en première instance était la SAS THOM.

Par conclusions du 15 février 2022, Me [L] es qualité de mandataire ad hoc de la Sarl Bijouterie Langevin Perrier a saisi le conseiller de la mise en état d’un nouvel incident en soulevant l’irrecevabilité des demandes dirigées à l’encontre de la société Bijouterie Langevin Perrier alors que la transmission universelle de son patrimoine est intervenue en février 2020 au profit de la société Orper Prieur.

Par acte du 2 juin 2022, Mme [D] a fait assigner en intervention forcée en appel la Sarl Orper Prieur, qui a constitué avocat le 14 juin 2022.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la réouverture des débats à l’audience sur incident du 10 janvier 2023 afin d’inviter les parties à présenter leurs observations sur la régularité de la notification du jugement du 8 septembre 2020 à la société Langevin Perrier et sur ses conséquences. Elle a réservé les demandes.

L’incident a été plaidé à l’audience du 10 janvier 2023.

En l’état de leurs dernières conclusions d’incident transmises par RPVA le 24 novembre 2022, Me [L] es qualité de mandataire ad hoc de la société Bijouterie Langevin Perrier et la Sarl Orper Prieur demandent au conseiller de la mise en état de :

– Déclarer l’appelante irrecevable en ses demandes dirigées contre la Sarl Langevin Perrier,

– Déclarer l’appelante irrecevable en son intervention forcée dirigée contre la société Orper Prieur,

– Déclarer l’appelante irrecevable en ses demandes dirigées contre la Sarl Orper Prieur,

– débouter Mme [D] de ses demandes,

– Condamner Mme [D] à payer à Mme [L] es qualité et à la société Orper Prieur au paiement de la somme de 4 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En l’état de ses dernières conclusions d’incident transmises par RPVA le 5 janvier 2023, Mme [D] demande au conseiller de la mise en état de:

– Débouter Me [L] es qualité et la société Orper Prieur de leurs demandes;

– Condamner ces dernières au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SASU GUERIN JOAILLERIE n’a pas constitué avocat et n’a pas conclu.

La Société THOM intervenue volontairement n’a pas conclu sur l’incident.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilté des demandes dirigées à l’encontre de la société dissoute Langevin Perrier

En application de l’article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte, notamment le défaut de capacité d’ester en justice.

Si en vertu de l’article L 236-3 du code du commerce, la fusion absorption entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée, elle opère la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante qui a de plein droit qualité pour poursuivre les instances engagées par ou contre la société absorbée.

Selon l’article L 237-2 du code de commerce, la dissolution d’une société est opposable aux tiers à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés, figurant dans le BODACC; qu’il en résulte que la disparition de sa personnalité juridique n’est opposable aux tiers qu’à partir de cette date.

Il résulte des pièces produites que :

– l’opération de transmission universelle du patrimoine de la Sarl Langevin Perrier à la société Orper Prieur, intervenue par décision le 28 février 2020, a été publiée dans un journal d’annoncés légales le 29 février 2020 et le 10 avril 2020,

– l’acte de dissolution sans liquidation précise qu’en l’absence d’opposition des créanciers, l’opération de confusion de patrimoine prend effet juridiquement, comptablement et fiscalement à l’issue d’un délai de 30 jours suivant la publication de la décision dans un journal d’annonces légales.

– cette opération, publiée au registre du commerce et des sociétés dans le Bodacc du 15 juillet 2020, n’est opposable aux tiers qu’à compter du 15 juillet 2020.

La société Langevin Perrier ayant perdu la personnalité juridique du fait de la dissolution le 15 juillet 2020, au cours de la procédure prud’homale entre l’audience du 7 juillet 2020 et le jugement du 8 septembre 2020, il convient de constater que la société Orper Prieur s’est susbtituée de plein droit à la société absorbée en qualité de partie à l’instance prud’homale; que Mme [D] n’est donc pas recevable en ses demandes dirigées à l’encontre de la Sarl Langevin Perrier, ayant perdu son droit à ester ou se défendre en justice.

S’agissant d’une opération régulièrement publiée au Bodacc et opposable aux tiers à partir du 15 juillet 2020, il appartenait à l’appelante de procéder aux vérifications préalables lors de l’enregistrement de la déclaration d’appel du 7 octobre 2020 à l’encontre de la société Langevin Perrier.

Il sera fait droit à la demande de Me [L] es qualité tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de Mme [D] à l’égard de la société Langevin Perrier, ayant perdu la personnalité juridique.

Sur la recevabilité de l’intervention forcée et des demandes de Mme [D] dirigées à l’encontre de la Sarl Orper Prieur

L’article 555 du code de procédure civile dispose que les personnes qui n’ont été ni parties ni réprésentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation quand l’évolution du litige implique leur mise en cause;

La société Orper Prieur, qui a fait l’objet d’une assignation en intervention forcée par Mme [D] le 2 juin 2022, soulève l’irrecevabilité de son intervention forcée et des demandes formulées à son encontre au motif que:

– Mme [D] n’a présenté aucune demande de condamnation à l’encontre de la société Orper Prieur dans le délai pour conclure de l’article 908 du code de procédure civile de sorte que les demandes sont irrecevables en application de l’article 910-4,

– la société Orper Prieur ayant acquis de plein droit, du fait de la transmission universelle de patrimoine de la société Langevin Perrier, avait la qualité de partie pour poursuivre l’instance engagée par ou contre la société absorbée et ne peut pas être considéré comme un tiers à l’instance d’appel,

– la dissolution étant survenue avant l’expiration du délai pour conclure de l’appelant, Mme [D] devait conclure dans le délai de l’article 908.

Mme [D] reproche à Me [L] es qualité de mandataire ad hoc d’avoir soulevé tardivement le 15 février 2022 l’irrecevabilité des demandes de l’appelante alors qu’elle n’avait pas connaissance de la transmission universelle de patrimoine de la société absorbée et ne pouvait plus conclure dans le délai des 3 mois. Elle souligne le comportement déloyal patent de la société absorbante, ayant maintenu l’apparence d’une existence juridique de la société absorbée, accepté la notification du jugement et la convocation devant la cour de la société absorbée. Elle observe que le délai d’appel n’a pas couru pour la société Orper Prieur et que celle-ci pourrait intervenir volontairement aux fins de régularisation, ce qu’elle ne fait pas.

La société Orper Prieur ayant acquis de plein droit par la transmission universelle de patrimoine de la société absorbée à partir du 15 juillet 2020, est devenue partie à l’instance aux lieu et place de la société Langevin Perrier pour poursuivre les instances engagées par ou contre la société absorbée.

Il s’en déduit qu’à la date de la déclaration d’appel, l’appelante ne peut pas invoquer le bénéficie des dispositions de l’article 555 du code de procédure civile à l’égard de la société Orper Prieur, qui n’était pas un tiers à l’instance, ni des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile lui permettant de prendre des conclusions nées de la survenance ou de la révélation d’un fait, postérieurement à ses premières conclusions sur le fond du 6 janvier 2021.

Mme [D] sera déclarée irrecevable en son intervention forcée et en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Orper Prieur.

Eu égard à l’équité, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [D] supportera les dépens de l’instance.

SUR QUOI

Le conseiller de la mise en état, par décision susceptible de déféré ;

Déclare Mme [D] irrecevable en ses demandes dirigées contre la Sarl Langevin Perrier ayant cessé d’exister et ayant perdu la personnalité juridique,

– Déclare Mme [D] irrecevable en son intervention forcée et en ses demandes dirigées contre la société Orper Prieur,

– Rejette les demandes des parties fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamne Mme [D] aux dépens de l’incident.

Le Greffier Le Conseiller de la mise en état

 


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