13 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/02639
13/10/2023
ARRÊT N°2023/371
N° RG 22/02639 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O4VT
EB/AR
Décision déférée du 07 Juin 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 21/00668)
SECTION ENCADREMENT – LOBRY S.
S.A.S. MONTBLANC FRANCE
C/
[D] [X]
confirmation partielle
Grosse délivrée
le 13 10 2023
à Me Nathalie CLAIR
Me Laurence DUPUY-JAUVERT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. MONTBLANC FRANCE,
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
Représentée par Me Nathalie CLAIR de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Pascal GASTEBOIS de l’AARPI HERTSLET WOLFER & HEINTZ, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
INTIME
Monsieur [D] [X]
[Adresse 2]
Représenté par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, présidente et E.BILLOT, vice-présidente placée chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
E. BILLOT, vice- présidente placée
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [X] a été embauché selon contrat à durée indéterminée du 15 mars 2012 par la SAS Montblanc France en qualité de responsable de boutique, statut cadre.
La convention collective applicable est celle de la bijouterie joaillerie orfèvrerie cadeaux.
La société Montblanc France emploie plus de 11 salariés.
A la suite d’un vol avec violences commis au sein de la boutique, M. [X] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail du 23 octobre au 5 novembre 2013.
Au terme de cet arrêt, M. [X] a repris son travail, la CPAM ayant reconnu son état comme étant « consolidé sans séquelle indemnisable » à la date du 6 novembre 2013.
M. [X] a été à nouveau arrêté à compter du 22 mai 2014 et jusqu’au 22 juillet 2014.
A l ‘issue d’une seconde visite médicale de reprise, le 12 août 2014, le médecin du travail a déclaré M. [X] inapte à tous postes dans l’établissement.
Selon deux lettres du 15 septembre 2014 et 23 septembre 2014, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 3 octobre 2014.
Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement selon lettre du 8 octobre 2014.
Le 17 novembre 2014, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 8 juin 2017 au cours de laquelle la société Montblanc France a soulevé, in limine litis, l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes de Toulouse pour trancher la question relative à l’appréciation du lien entre l’inaptitude et le travail de M. [X].
Par jugement du 12 octobre 2017, le conseil de prud’hommes s’est déclaré matériellement compétent pour connaître du litige et a renvoyé l’affaire à l’audience du 22 février 2018.
Par jugement du 18 octobre 2018, le conseil de prud’hommes a prononcé un sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la cour d’appel devant intervenir courant 2019 à la suite du rejet par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la demande du salarié tendant à faire reconnaître le caractère inexcusable de la faute de l’employeur dans le cadre de l’accident du travail dont il a été victime.
L’affaire a été radiée par décision du 22 janvier 2020 avant d’être ré-enrôlée suite au dépôt de conclusions en ce sens le 4 mai 2021.
Le bureau de jugement s’est déclaré en partage de voix le 22 novembre 2021. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 14 avril 2022.
Par jugement de départition du 7 juin 2022, le conseil a :
– dit que l’inaptitude de M. [D] [X] est d’origine professionnelle,
– dit que le licenciement de M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Montblanc France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [X] les sommes suivantes :
– 1 803,28 euros au titre de solde d’indemnité spéciale de licenciement,
– 19 139,88 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 750,04 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires sur toute la période couvrant la relation de travail, outre 275 euros brut de congés payés afférents,
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l’article R1454-28 du code du travail s’élève 2 797,09 euros,
– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu’elle ordonne le paiement de sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R1454-14 du code du travail,
– ordonné l’exécution provisoire pour le surplus,
– débouté la société Montblanc France de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné d’office à la société Montblanc France de rembourser à pôle emploi les éventuelles indemnités chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail,
– condamné la société Montblanc France à payer à M. [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Montblanc France aux entiers dépens.
Le 13 juillet 2022, la société Montblanc France a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.
Dans ses dernières écritures en date du 27 mars 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société Montblanc France demande à la cour de :
Sur le lien entre le travail et l’inaptitude de M. [X]:
– infirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022 en ce qu’il jugé que l’inaptitude de M. [X] était d’origine professionnelle et en ce qu’il a octroyé à M. [X] la somme de 1 803,28 euros au titre de solde d’indemnité spéciale de licenciement.
Statuant à nouveau,
A titre principal:
– juger que l’inaptitude de M. [X] n’a pas de lien avec le travail.
En conséquence:
– rejeter la demande de paiement de l’indemnité spécifique de rupture de M. [X],
– ordonner le remboursement de la somme de 1 803,28 euros versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022.
A titre subsidiaire,
– juger que l’indemnité spécifique de licenciement de M. [X] serait, en tout état de cause, d’un montant de 2 237,67 euros nets,
– juger que M. [X] a déjà perçu 1 904,24 euros nets à titre d’indemnité de licenciement.
En conséquence:
– réduire le montant de l’indemnité spécifique qui resterait dû à M. [X] à la somme de 333,43 euros nets,
– ordonner la compensation entre le montant auquel la société Montblanc France pourra éventuellement être condamnée en cause d’appel et la somme de 1 803,28 euros versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022.
Sur le licenciement:
– infirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022 en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [X] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a octroyé à M. [X] la somme de 19 139,88 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau,
à titre principal:
– juger que la société Montblanc France a rempli ses obligations en matière de recherche de reclassement,
– juger que la société Montblanc France a bien respecté son obligation de sécurité de résultat,
– juger que l’inaptitude de M. [X] ne résulte d’aucun manquement de la société Montblanc France.
En conséquence:
– rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse de M. [X],
– ordonner le remboursement de la somme de 19 138,88 euros versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022.
A titre subsidiaire,
– juger que les dommages et intérêts de M. [X] s’élèveront, tout au plus, à 6 mois de salaire,
– juger que M. [X] ne démontre pas avoir subi un préjudice nécessitant l’octroi d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant supérieur à 6 mois de salaire.
En conséquence:
– débouter M. [X] de sa demande de condamnation de la société Montblanc France au versement de la somme de 40 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sous déduction des sommes déjà allouées,
– réduire le montant des dommages et intérêts alloués par le conseil de prud’hommes de Toulouse au titre des 6 mois de salaire à la somme de 16 782,54 euros nets en l’absence de preuve de préjudice supplémentaire,
– ordonner la compensation entre le montant auquel la société Montblanc France pourra éventuellement être condamnée en cause d’appel et la somme de 19 138,88 euros versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022,
– ordonner, le cas échéant, le remboursement du trop-perçu versé par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022.
Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires:
– infirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022 en ce qu’il a octroyé à M. [X] la somme de 2 750,04 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires sur toute la période couvrant la relation de travail, outre 275 euros bruts de congés payés afférents.
Statuant à nouveau,
à titre principal:
– juger que M. [X] n’a pas effectué les heures supplémentaires dont il réclame le paiement et n’en apporte aucune preuve.
En conséquence:
– débouter M. [X] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires s’élevant à 10 209,25 euros bruts, ainsi que de sa demande de congés payés afférents s’élevant à 1 020,92 euros bruts,
– ordonner le remboursement de la somme de 3 025,04 euros bruts versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022.
A titre subsidiaire:
– ordonner la compensation entre le montant auquel la société Montblanc France pourra éventuellement être condamnée en cause d’appel et la somme de 3 025,04 euros bruts versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022.
En toutes hypothèses:
– juger que la société Montblanc France a versé à M. [X] son indemnité de préavis.
En conséquence:
– débouter M. [X] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis s’élevant à 9 569,94 euros bruts et de sa demande de congés payés afférents s’élevant à 956,99 euros bruts,
– ordonner le remboursement de la somme de 2 500 euros versée par la société Montblanc France à M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en exécution provisoire du jugement de départage du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022,
– débouter M. [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– condamner M. [X] à payer à la société Montblanc France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [X] aux entiers dépens.
Elle fait valoir que les données médicales confirment l’absence de lien entre l’inaptitude de M. [X] et son travail et souligne que le salarié présentait déjà des antécédents dépressifs. Elle ajoute qu’en l’absence d’un tel lien, elle n’était pas tenue de consulter les délégués du personnel sur les propositions de reclassement.
Elle considère en outre que la demande de M. [X] tendant à vérifier si l’employeur a pris toutes les mesures pour respecter l’obligation de sécurité de résultat se heurte à l’autorité de la chose jugée car cette question a été tranchée de manière définitive par la Cour d’appel.
Dans ses dernières écritures en date du 17 mars 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [X] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022 en ce qu’il a jugé que l’inaptitude M. [D] [X] est d’origine professionnelle, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Montblanc à payer à M. [X] 1 803,28 euros à titre de solde d’indemnité spéciale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre des congés payés y afférents,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 7 juin 2022 en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes à titre de dommages et intérêts et de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et, statuant à nouveau, y ajoutant,
– condamner la société Montblanc à payer à M. [X] :
– 40 000 euros à titre de dommages et intérêts (sous déduction des sommes déjà allouées),
– 10 209,25 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés y afférents 1 020,92 euros (sous déduction des sommes déjà allouées),
– 9 569,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents 956,99 euros,
– condamner la société Montblanc à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner que les intérêts dus soient capitalisés conformément à l’article 1343-2 du code civil,
– ordonner qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article A444-32 du code de commerce, sur les sommes n’étant pas dues en exécution du contrat de travail devront être supportées par la société défenderesse en application des dispositions de l’article R631-4 du code de la consommation en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Montblanc aux entiers dépens.
Il soutient que son employeur a manqué à l’obligation de reclassement alors que le caractère professionnel de l’inaptitude est indiscutable. Il ajoute que la société Montblanc n’a pas procédé à une tentative personnalisée et loyale de reclassement et ne lui a pas fait connaître par écrit les motifs qui s’opposaient au reclassement.
Il considère que son inaptitude est due au comportement de l’employeur qui a manqué à son obligation de sécurité de résultat.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 août 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le licenciement
La société Montblanc fait valoir l’absence de lien entre le travail et l’inaptitude de M. [X] et l’absence de connaissance par l’employeur du caractère prétendument professionnel de l’inaptitude du salarié. Elle ajoute avoir respecté son obligation de recherche de reclassement ainsi que son obligation de sécurité.
M. [X] soutient quant à lui que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse :
– à titre principal, en raison des manquements de l’employeur à son obligation de reclassement. Il affirme que son inaptitude est d’origine professionnelle et qu’à ce titre, l’employeur devait justifier, avant d’engager la procédure de licenciement, de l’impossibilité de proposer un emploi, consulter les délégués du personnel, tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail, procéder à des recherches sérieuses de reclassement et informer le salarié des motifs s’opposant à son reclassement.
– à titre subsidiaire, en raison des manquements l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.
a) Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à la suite d’un accident ou d’une maladie l’employeur doit envisager le reclassement du salarié et, à défaut de reclassement possible suivant les préconisations du médecin du travail, il doit le licencier.
Lorsque l’inaptitude est d’origine professionnelle, le salarié bénéficie de règles protectrices.
Dès lors, il convient de déterminer, au vu des pièces produites par les parties, si la déclaration d’inaptitude du 12 août 2014 trouve au moins pour partie son origine dans l’accident du travail consécutif au vol aggravé commis le 23 octobre 2013 et, dans l’affirmative, si l’employeur avait connaissance à la date du licenciement de cette origine professionnelle.
La protection offerte au salarié n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM du lien de causalité entre l’accident du travail ou la maladie et l’inaptitude. Ainsi, l’argument de la société Montblanc selon lequel M. [X] n’a pas formulé de demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie auprès de la CPAM est inopérant, et ce au regard de l’indépendance du droit du travail et du droit de la sécurité sociale.
M. [X] a été placé en arrêt de travail à compter du 23 octobre 2013 suite à un accident du travail consécutif à un vol avec violences commis au sein de la boutique dont il était responsable et en sa présence. Il ressort de l’examen de la procédure pénale que les deux auteurs se sont introduits violemment dans le magasin Montblanc de [Localité 3] lors de son ouverture en bousculant M. [X] et Mme [M] (agent d’entretien), puis ont obligé M. [X] à ouvrir le coffre-fort de la bijouterie ainsi que plusieurs vitrines.
L’examen medico-légal du 24 octobre 2013 réalisé à la suite des faits subis mentionne que M. [X] présente notamment des éléments en faveur d’une anxiété aigüe, compatible avec un probable retentissement psychologique.
Lors de son audition par les services de police, il mentionne son état de choc et son besoin de voir un psychologue.
Il a repris ensuite son travail le 05 novembre 2013 mais fait état, postérieurement au 06 novembre 2013 date à laquelle la CPAM a considéré que son état était consolidé sans séquelle indemnisable, de la persistance d’un stress post-traumatique. Ses assertions sont corroborées par un certificat du 12 novembre 2013, établi par un médecin psychiatre qui fait état d’un syndrome de stress post-traumatique aigu dans la suite d’une agression subie en octobre 2013 sur son lieu de travail et de troubles du sommeil, humeur dépressive, angoisse majeure, réminiscence des événements, nécessitant un traitement médicamenteux et psychothérapeutique. Le 22 juillet 2014, le docteur [C], psychiatre, certifie que l’état de santé de M. [X] justifie une inaptitude à tout poste dans la société qui l’emploie. Certes ce praticien n’a pas pu connaître des conditions de travail précises du salarié mais il s’agit néanmoins d’un élément d’appréciation.
En outre, à l’occasion de visites médicales à la médecine du travail, le salarié a également exprimé ses doléances quant à la réminiscence de l’événement traumatique. Son dossier médical mentionne en effet que le 25 avril 2014 il se déclarait toujours choqué par l’agression subie et le 23 juillet 2014 il déplorait le manque de soutien de sa hiérarchie à la suite des faits.
Le 22 mai 2014, M. [X] a de nouveau été placé en arrêt de travail, sans mention d’une origine professionnelle. Toutefois, au vu de la chronologie des événements et des éléments médicaux précédemment mentionnés, ce nouvel arrêt ne peut être justifié uniquement par les besoins d’une amygdalectomie et ce d’autant que les arrêts de travail des 22 mai puis 06 juin 2014 autorisent les sorties du salarié ‘pour lutter contre l’isolement’. Il est par ailleurs mentionné dans le dossier de la médecine du travail que l’arrêt de travail du 22 mai 2014 est motivé par une amygdalectomie et une recrudescence d’angoisses. En outre, ainsi que les premiers juges l’ont pertinemment relevé, la date de ce nouvel arrêt de travail correspond à ce que le salarié pouvait légitimement penser être la fin de peine de l’un des deux auteurs du vol aggravé, condamné à six mois d’emprisonnement avec maintien en détention par le tribunal correctionnel de Toulouse le 15 novembre 2013.
S’il n’est pas contesté que M. [X] a des antécédents dépressifs survenus en 2011 à la suite d’une séparation de couple, il n’en reste pas moins que cet élément qui pouvait constituer une fragilité n’entre pas en contradiction avec une origine professionnelle partielle de l’inaptitude.
Ainsi, la cour retient que l’inaptitude de M. [X] est causée au moins pour partie par l’accident du travail dont ce dernier a été victime le 23 octobre 2013.
b) Sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’inaptitude
Plusieurs éléments viennent établir cette connaissance, nonobstant les dénégations de l’employeur.
La société Montblanc, partie civile dans le cadre de l’instance pénale, avait une parfaite connaissance des circonstances de commission de faits de vol aggravé du 23 octobre 2013 et des ressentis et vécu de son salarié. La survenue quelques mois plus tard d’un nouvel arrêt maladie, alors qu’il n’est pas établi ni même invoqué que M. [X], embauché depuis le mois de mars 2012, avait préalablement été placé en arrêt maladie, a dû nécessairement interpeller l’employeur sur les raisons de ce nouvel arrêt maladie puis son renouvellement.
Surtout, il a été remis le 12 août 2014 à M. [X] par le médecin du travail le formulaire de demande d’indemnité temporaire d’inaptitude dont le volet 3 a été adressé à l’employeur. Ainsi, le médecin du travail a constaté que l’inaptitude au poste de travail était susceptible d’être en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, ce dont l’employeur a été informé, de sorte qu’il ne peut à présent soutenir qu’il ignorait cette origine au moment de la procédure de licenciement.
c) Sur le respect de la procédure de reclassement
Aux termes de l’article L1226-10 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
Il est constant que la société Montblanc n’a pas consulté les délégués du personnel alors qu’elle en avait l’obligation compte tenu du caractère professionnel de l’inaptitude de M. [X] et de la connaissance qui était la sienne.
Dès lors, le licenciement a bien été prononcé en violation des dispositions protectrices des articles L. 1226-10 du code du travail.
d) Sur les conséquences financières
– l’indemnité spéciale de licenciement
Aux termes de l’article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9.
Pour calculer l’indemnité spéciale de licenciement, il y a lieu de se référer aux articles R 1234-1 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable à la date du licenciement.
Selon l’article R 1234-1, l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines.
En application de l’article R1234-2, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté.
Enfin, conformément à l’article R1234-4, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
En l’espèce, le salaire à retenir a été justement fixé par les premiers juges à la somme de 2 797,09 euros.
A la date de fin de contrat, M. [X] avait 2 ans et 9 mois d’ancienneté.
Ainsi, l’indemnité spéciale de licenciement est d’un montant de 3 076,78 euros.
Déduction faite de l’indemnité de licenciement déjà perçue par le salarié d’un montant de 1 803,28 euros ainsi que cela ressort du bulletin de paie de janvier 2015 et non d’un montant de 1 904,24 euros comme mentionné à tort par la société Montblanc qui se fonde sur le reçu de solde de tout compte en date du 27 janvier 2015 lequel ne détaille pas les sommes perçues par le salarié, le solde de l’indemnité spéciale de licenciement sera fixé à la somme de 1 273,50 euros,
– l’indemnité de l’article L. 1226-15 du code du travail
Le constat de la méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail a pour conséquence l’octroi au salarié d’une indemnité à la charge de l’employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l’emploi, en l’absence de réintégration.
L’article L1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit en effet que lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l’article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement prévues à l’article L. 1226-14.
Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l’article L. 1235-2 en cas d’inobservation de la procédure de licenciement.
Ainsi, l’indemnité sera fixée à douze mois de salaires, soit la somme de 38 279,76 euros bruts (3 189.98 x12).
– l’indemnité de préavis et de congés payés afférents
Au regard du régime applicable à l’inaptitude, M. [X] pouvait prétendre à l’indemnité compensatrice égale à l’indemnité de préavis de l’article L. 1226-14 du code du travail.
Le principe du droit à l’indemnité de préavis n’est pas contesté par les parties.
En cause d’appel, M. [X] sollicite pour la première fois une indemnité de préavis et de congés payés y afférents. La société Montblanc réplique avoir intégralement payé au salarié son préavis et se fonde sur la lettre de licenciement du 08 octobre 2014 aux termes de laquelle la société Montblanc a dispensé M. [X] d’effectuer le préavis, compte tenu de son état de santé et a mentionné que ce préavis lui sera payé intégralement aux échéances habituelles de paye.
Toutefois, l’employeur ne produit aucun élément pour démontrer qu’il s’est effectivement libéré de cette obligation. Il est d’ailleurs observé que sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2015 versé au dossier par M [X] figurent l’indemnité de licenciement et l’indemnité de congés payés mais pas l’indemnité de préavis. Il n’y a pas de bulletin de paie produit pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2014. Dans le même sens, le reçu pour solde de tout compte n’est pas détaillé et l’attestation pôle emploi n’est pas produite aux débats.
Ainsi, M. [X] peut prétendre à l’indemnité de préavis pour 9 569,94 euros bruts (3 189,98 x 3). Il ne saurait y avoir lieu à congés payés afférents puisque l’indemnité de l’article L.1226-14 du code du travail, égale dans son montant mais distincte dans sa nature, n’ouvre pas droit à congés payés afférents.
En application des dispositions de l’articles 1343-2 du code civil, la capitalisation sera ordonnée, par année entière à compter de la demande, soit le 17 mars 2023.
2/ Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Ainsi, si la charge de la preuve est partagée en cette matière, il appartient néanmoins au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le contrat de travail de M. [X] indique en son article 3 que le salarié se conformera aux horaires pratiqués par l’entreprise pour sa catégorie professionnelle et son établissement d’affectation, en application des dispositions de l’accord national de branche de la BJO sur la réduction et l’aménagement du temps de travail dont il reconnaît avoir pris connaissance.
L’accord du 04 décembre 1998 relatif à la réduction et à l’aménagement du temps de travail prévoyait la possibilité pour les entreprises d’appliquer la réduction de la durée effective du travail sous forme de jours ou de demi-journées de repos octroyées aux salariés concernés, leur rémunération mensuelle étant calculée sur la base de l’horaire moyen pratiqué sur la période de 4 semaines ou sur l’année, indépendamment de l’horaire réellement accompli dans la limite de 39 heures par semaine, quelles que soient par conséquent les semaines où sont positionnés les jours de repos.
Ainsi, M. [X] était rémunéré sur une base de 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures mensuelles et bénéficiait de l’octroi de jours de RTT en contrepartie des heures supplémentaires jusqu’à la 39ème heure incluse.
Le planning versé par le salarié au dossier pour la période d’avril 2012 à avril 2014 reprend d’ailleurs ces règles en ne comptabilisant en heures supplémentaires que les heures effectuées au delà de 39 heures hebdomadaires et en faisant apparaître les jours où M. [X] était en RTT. Il ne peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires qu’au delà de 39 heures hebdomadaires et les RTT qui n’ont pas été pris en fin d’année sont théoriquement perdus, sauf possibilité pour le salarié de convertir ces jours dans le cadre d’un PERCO.
Le salarié présente au soutien de sa demande des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre. En effet, outre les plannings mensuels couvrant la période avril 2012 – avril 2014, M. [X] produit des décomptes des heures de travail hebdomadaires sur la période considérée en comptabilisant, pour l’un, le nombre d’heures de travail accomplies au delà de 35 heures et, pour l’autre, le nombre d’heures de travail accomplies au delà de 39 heures. Il verse en outre aux débats un tableau retraçant les heures de 35 à 39 heures non récupérées en RTT.
Face aux éléments apportés par le salarié, la société Montblanc produit des plannings de l’ensemble des salariés des différentes boutiques Montblanc en France, documents qui ne constituent toutefois pas un décompte de la durée effective du travail et qui ne présentent pas un caractère contradictoire. Par conséquent, l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe.
L’analyse du tableau de décompte des heures supplémentaires réalisées au delà de 39 heures hebdomadaires, qui peuvent seules donner lieu à rappel, permet d’évaluer à la somme de 2 750,04 euros le rappel d’heures supplémentaires, outre 275 euros de congés payés afférents, ainsi que l’ont justement effectué les premiers juges.
3/ Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
L’appel étant mal fondé, la société Montblanc France sera condamnée à payer à M. [X] une somme complémentaire de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile venant s’ajouter à celle de 2 500 euros déjà allouée en première instance, aux dépens de première instance et aux dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu à mention particulière au titre du recouvrement lequel relève du code des procédures civiles d’exécution sous contrôle du juge de l’exécution.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 07 juin 2022 sauf en ce qu’il a fixé le solde de l’indemnité spéciale de licenciement à la somme de 1 803,54 euros et a fixé le montant de l’indemnité de l’article L. 1226-15 du code du travail à la somme de 19 139,88 euros,
Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant,
Condamne la SAS Montblanc France à payer à M. [X] la somme de 1 273,50 euros à titre de solde d’indemnité spéciale de licenciement,
Condamne la SAS Montblanc France à payer à M. [X] la somme de 38 279,76 euros à titre d’indemnité de l’article L. 1226-15 du code du travail,
Condamne la SAS Montblanc France à payer à M. [X] la somme de 9 569,94 bruts au titre de l’indemnité de préavis,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 17 mars 2023,
Condamne la SAS Montblanc France à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, venant s’ajouter à celle de 2 500 euros déjà allouée en première instance,
Condamne la SAS Montblanc France aux dépens de première instance et d’appel,
Déboute [D] [X] et la SAS Montblanc France du surplus de leurs demandes.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.