Bijouterie : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06695

·

·

Bijouterie : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06695

11 mai 2022
Cour d’appel de Paris
RG
19/06695

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 11 MAI 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06695 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CADIF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 16/01721

APPELANT

Monsieur [D] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Yohanna WEIZMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

INTIMEE

SA CHAUMET INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe SUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0536

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [D] [B] a été engagé selon contrat à durée indéterminée du ler octobre 2012 par la société Chaumet International en qualité de Directeur commercial France, statut cadre, selon contrat à durée indéterminée. Le marché dont il était ainsi responsable était composé de 90 distributeurs à travers le pays.

Les relations entre les parties étaient soumises aux dispositions de la convention collective de

la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie et activités s’y rattachant.

Le salarié percevait en dernier lieu une rémunération moyenne de 7.907,47 euros.

Par lettre du 25 janvier 2016, M. [D] [B] a été convoqué à un entretien préalable ‘xé au 8 février suivant, en vue d’un éventuel licenciement.

Celui-ci lui a été notifié par lettre du 12 février 2016 pour insuffisance professionnelle.

Contestant cette mesure, le salarié a saisi 1e 16 février 2016 le conseil de prud’hommes de Paris aux ‘ns de voir dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement des sommes suivantes :

– 237.224,10 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 6.500 euros de rappel de salaire afférent à la prime annuelle 2013 ;

– 650 euros d’indemnité compensatrice de congés payés ;

– 6.550 euros de rappel de salaire afférent à la prime de 2014 ;

– 655 euros de congés payés afférents ;

– 12.000 euros de rappel de salaire afférent à la prime annuelle de 2015 ;

– 1.200 euros d’indemnité de congés payés ;

– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– avec intérêts au taux légal à compter de la saisine.

Par jugement du 14 mai 2019, le licenciement a été reconnu fondé et la SA. Chaumet International a été condamnée à payer à M.[D] [B] les sommes suivantes :

– 6.500 euros au titre de la prime annuelle 2013 ;

– 650 euros au titre des congés payés afférents ;

– 6.550 euros au titre de la prime annuelle 2014 ;

– 655 euros au titre des congés payés afférents ;

-12 000 euros au titre de la prime annuelle 2015 ;

-1.200 euros au titre des congés payés afférents ;

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [D] [B] a été débouté du surplus de ses demandes

La société Chaumet International a été condamnée aux dépens

Le jugement a été notifié le 17 mai 2019.

Le 27 mai 2019 M.[D] [B] a régulièrement interjeté appel.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 30 juillet 2019, l’appelant sollicite l’infirmation partielle du jugement dont appel en ce qu’il a reconnu le bien fondé du licenciement et l’a débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il reprend en cause d’appel. Il sollicite en outre l’allocation de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la défenderesse aux dépens avec application de l’article 699 du même code.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 24 septembre 2019, l’intimée sollicite la confirmation du jugement déféré sur la cause réelle et sérieuse de la rupture et le rejet de la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, il sollicite l’infirmation sur les condamnations dont elle a fait l’objet et le rejet des demandes correspondantes.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2021.

MOTIFS :

S’agissant de la demande de rappel de prime, au vu des motifs pertinents du premier juge que la cour adopte, le jugement déféré sera confirmé.

S’agissant de la cause du licenciement, M.[D] [B] entend démontrer ses compétences professionnelles en rappelant que son chiffre d’affaire de 2015 a augmenté de 51% par rapport à 2014, qu’il n’a jamais fait l’objet de la moindre alerte en près de trois ans, que son évaluation de 2013 vante ses résultats dans un contexte économique difficile ainsi que son efficacité, que s’il n’a pu atteindre ses objectifs en 2014, c’est qu’ils étaient surdimensionnés, qu’en tout état de cause, son évaluation de 2014 ne saurait lui être opposée puisqu’il ne l’a pas signée, ni n’en a reçu copie, qu’à partir de décembre 2015, où il s’est trouvé en arrêt maladie, il n’a pu manifester ses qualités, qu’il a toujours organisé des réunions d’équipe le lundi matin, ni n’a manqué une réunion malgré la difficulté de mener de front les visites en province et les rendez-vous avec les clients, que c’est ainsi que l’entreprise est parvenue en 2015 à figurer dans les cinq principaux distributeurs, qu’il rendait deux rapports par semaine à sa hiérarchie relatifs à l’activité France, que loin de devoir lui faire des relances, la société se complaisait dans un processus d’ordres et de contre ordres, qu’il suivait avec rigueur les ‘confiés’, c’est-à-dire les pièces en surstock prêtées aux distributeurs, selon la politique de la société, qu’il ne peut lui être imputé une grande quantité d’avoirs alors que leur intégralité a été validée par un directeur général ou un président, que ses factures de communication ont été présentées selon la procédure interne de l’entreprise, que ses notes de frais répondent au budget imposé en la matière, au vu de calendriers précisément remplis, que le licenciement s’explique par un changement de direction de sorte que les reproches se concentrent sur une période d’à peine 15 jours précédant l’engagement de la procédure disciplinaire et que son éviction n’est que le fruit d’un changement de président directeur général et d’organisation avec nomination à son poste d’une personne au profil ‘junior’.

La société objecte que le salarié a obtenu une note en dessous de la moyenne en 2013, qu’il n’a pas atteint ses objectifs en 2014, qu’il organisait un nombre insuffisant de réunions d’équipes, qu’il ne fournissait pas régulièrement de comptes rendus sur l’activité de sa zone, sur l’avancement des dossiers en cours et sur l’activité de gros de la société, qu’il n’actualisait pas suffisamment l’état des ‘confiés’ chez les détaillants, qu’il ne suivait pas comme il convenait les factures de communication s’agissant de parutions non prévues ou non validées par le responsable média, qu’il négligeait la gestion des dossiers transversaux, qu’il avait des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie et qu’enfin il ne respectait pas les procédures internes en matière de voyages et de notes de frais.

Sur ce

L’insuffisance professionnelle se définit comme une incapacité objective et durable d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à la qualification du salarié.

Le grief d’insuffisance professionnelle, à lui seul, suffit à motiver la lettre de licenciement.

L’évaluation du 31 mars 2014 de M.[D] [B], qui correspond à ses dix sept premiers mois dans ses fonctions de directeur commercial France, est mitigée, relevant certaines qualités, mais aussi des défauts en matière de management et une atteinte partielle de ses objectifs, tout en notant la difficulté de la période pour le marché français.

L’authenticité de l’évaluation du 3 mars 2015 est établie, dès lors qu’elle a été signée par l’intéressé et ses deux supérieurs hiérarchiques et qu’elle a été précédée d’échanges de courriels qui montrent que le salarié y a participé. Cette évaluation relève comme l’année précédente l’atteinte très limitée par l’intéressé de ses objectifs, malgré une augmentation de ses résultats de plus de 50 %, reconnaît ses compétences commerciales, mais regrette son manque d’investissement dans le management.

A partir de la fin de 2015, de multiples mises en garde par courriels lui précisent ses défaillances à tort ou à raison. Cette époque correspond à une détérioration des relations de l’intéressé avec sa supérieure hiérarchique, peu avant l’engagement de la procédure de licenciement. Ces messages doivent être regardés avec circonspection comme étant le préalable à la rupture mise en oeuvre par l’employeur dès le mois de janvier.

M.[D] [B] justifie par des tableaux qu’il informait sa hiérarchie sur son emploi du temps.

Des attestations de personnes non dépendantes de l’employeur rapportent ses compétences de directeur commercial, tant au sein de la société Chaumet International qu’au cours de sa carrière antérieure, ses bons rapports avec sa hiérarchie ou le temps important qu’il déployait ‘sur le terrain’ et ses conseils avisés auprès de ses équipes dont il était très proche.

Des témoignages en sens inverse de personnes également indépendantes de la société rapportent qu’il répondait peu au téléphone, qu’il était peu assidu aux réunions, qu’il manquait d’anticipation dans la confection des budgets engagés avec les distributeurs ou les suites insuffisantes qu’il donnait aux engagements qu’il prenait.

Au vu de ces éléments contradictoires et de l’absence de démonstration incontestable de l’insuffisance professionnelle du salarié, le licenciement sera déclaré dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

M.[D] [B] sollicite l’allocation de la somme de 237.224,10 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de son emploi, motif pris de ce que celle-ci a retenti sur sa santé physique et psychique et qu’il a été longtemps au chômage, n’étant même plus indemnisé par Pôle Emploi à la fin de l’année 2018.

La société Chaumet International objecte que le salarié ne justifie pas de son préjudice et notamment de ses recherches d’emploi.

Sur ce

M.[D] [B] produit des relevés de Pôle Emploi démontrant qu’il était encore au chômage en mars 2017 et ainsi que du 1er février 2018 au 1er août 2018, que ses droits ‘ont été intégralement versés à cette date’ et qu’il n’était plus demandeur d’emploi au 31 décembre 2018, ainsi que deux refus de candidatures d’embauche de septembre et juillet 2016.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M.[D] [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l’article L 1235-3 du Code du travail une somme de 48.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités de chômage par Pôle-Emploi

En application de l’article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu’il ne s’agit pas du licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile d’allouer à M.[D] [B] qui triomphe la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

La société Chaumet International qui succombe sera condamnée aux dépens avec application de l’article l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Chaumet International à payer à M.[D] [B] la somme de 48.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant ;

Ordonne le remboursement par la société Chaumet International à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées à M.[D] [B] à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois ;

Condamne la société Chaumet International à payer à M.[D] [B] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société Chaumet International aux dépens dont distraction au profit de Maître Weismann en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFI’RE LE PR »SIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x