Bijouterie : 10 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07582

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Bijouterie : 10 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07582

10 mai 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG
19/07582

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 10 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/07582 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONAL

n°23/783

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 10 OCTOBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BEZIERS

APPELANTE :

Madame [O] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Maître Nicolas RENAULT, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/001476 du 19/02/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame [B] [W]

née le 13 Février 1967 à [Localité 3]

de nationalité Française

OCEANOR, [Adresse 4]

[Localité 3] / FRANCE

Représentée par Maître Laurent PORTES de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 21 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Philippe CLUZEL greffier

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [I] a été embauchée par Mme [W] en qualité de vendeuse selon contrat de travail à durée déterminée du 12 juin 2012 au 12 septembre 2012.

Du 16 novembre 2012 au 15 février 2013, Mme [I] est embauchée selon contrat à durée déterminée motivé par un accroissement temporaire d’activité par Mme [W], en qualité de vendeuse.

Du 19 juin 2013 au 18 septembre 2013, Mme [I] est embauchée selon contrat à durée déterminée saisonnier à temps partiel par Mme [W], en qualité de vendeuse.

Du 3 décembre 2013 au 29 mars 2014, Mme [I] est embauchée selon contrat à durée déterminée à temps partiel à raison de 16 heures de travail par semaine par Mme [W], en qualité de vendeuse.

A compter du 12 mai 2014, Mme [I] est embauchée par Mme [W] selon contrat à durée indéterminée à temps complet à raison de 35 heures par semaine.

Du 20 janvier 2015 au 8 mars 2015, Mme [I] est placée en arrêt de travail.

Le 10 décembre 2015, suite à la demande de Mme [W], la médecine du travail conclut à l’aptitude sans réserve de Mme [I].

A compter du 30 décembre 2015, Mme [I] est placée en arrêt maladie de droit commun.

Le 8 février 2016, la médecine du travail conclut à l’aptitude de Mme [I] sans réserve.

Le 13 février 2016, par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [I] formule plusieurs réclamations à l’encontre de Mme [W].

Le 15 février 2016, Mme [W] notifie un avertissement à Mme [I] pour avoir fouillé dans son sac à main.

Le 29 février 2016, par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [I] prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de Mme [W].

Le 7 mars 2016, par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [W] conteste les griefs qui lui sont reprochés dans le courrier de prise d’acte.

Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers le 26 mai 2016, sollicitant la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.

Par jugement rendu le 10 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Béziers a :

Déclaré Mme [I] irrecevable en ses demandes tendant à la requalification des divers contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 29 février 2016 produit les effets d’une démission ;

Débouté Mme [I] de l’ensemble de ses autres demandes;

Débouté Mme [W] de sa demande formée au titre du préavis ;

Condamné Mme [I] à payer à Mme [W] la somme de 600 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné Mme [I] aux dépens.

*******

Mme [I] a interjeté appel de ce jugement le 21 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 27 juillet 2020, elle demande à la cour de :

Requalifier les contrat à durée déterminée conclus au motif d’un surcroit d’activité et condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1 779 € à titre d’indemnité de requalification ;

Requalifier le contrat de travail saisonnier et condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1 779 € à titre d’indemnité de requalification ;

Dire et juger en application de la convention collective qu’elle aurait dû recevoir la qualification de la convention collective applicable aux agents de maîtrise niveau VI échelon 1 ;

Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 2 253 € à titre de rappel de salaire, outre la somme de 225,30 € au titre des congés payés afférents ;

Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1 135,64 € à titre d’heures supplémentaires pour la période du 6 mai 2014 au jour de la prise d’acte, outre la somme de 113,56 € au titre des congés payés afférents ;

Dire et juger que Mme [W] s’est rendue coupable de travail dissimulé et la condamner au paiement de la somme de 8 796 € à titre de dommages-intérêts ;

Requalifier la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner Mme [W] au paiement des sommes suivantes :

-3 330 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 333 € au titre des congés payés afférents ;

-582,75 € à titre d’indemnité de licenciement ;

-9 990 € à titre de dommages-intérêts ;

Débouter Mme [W] de sa demande au titre du préavis ;

Dire et juger que l’intégralité des condamnations portera intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud’hommes ;

Condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

*******

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 13 mai 2020, Mme [W] demande à la cour de :

Condamner Mme [I] à lui verser la somme de 1 665 € à titre de dommages-intérêts pour non-exécution du préavis conventionnel ;

Condamner Mme [I] au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

Dire que les frais d’exécution éventuels, et notamment le droit prévu au profit des huissiers par l’article 10 du décret du 12 décembre 1996, resteront à la charge de la sociéét défenderesse.

*******

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 février 2023 fixant la date d’audience au 14 mars 2023.

********

MOTIFS :

Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée :

L’article L.1471-1 du Code du travail dispose que « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. ».

En matière de requalification de contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, le délai de prescription court à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrat à durée déterminée, au terme du dernier contrat.

En l’espèce, Mme [I] sollicite la requalification de quatre contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, dont le terme du dernier contrat est à la date du 29 mars 2014.

Or, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers le 26 mai 2016, soit plus de 2 ans après le terme du dernier contrat de sorte que son action est prescrite. Mme [I] sera déboutée de sa demande de requalification et de versement d’indemnités afférentes. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la reclassification :

Le salarié qui conteste le coefficient qui lui a été attribué peut demander au juge prud’homal de faire rectifier ce classement en fonction du poste qu’il occupe réellement.

Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la qualification attribuée au salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées. Il doit les comparer à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l’emploi.

Lorsque la convention collective prête à interprétations, le juge fait prévaloir celle qui rapproche le classement des fonctions exercées.

Cette réévaluation n’a de conséquence financière que dans la mesure où il apparaît, après le repositionnement, que le salaire minimum n’est pas atteint.

En l’espèce, Mme [I] soutient qu’à compter du 1er juin 2014 elle exerçait les fonctions de responsable de bijouterie statut agent de maîtrise échelon VI en lieu et place de ses fonctions de vendeuse.

La convention collective nationale du commerce de détail de l’horlogerie-bijouterie prévoyait dans son annexe II jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouveau texte applicable le 20 novembre 2015 que « le niveau VI est réservé aux agents de maîtrise et à certains collaborateurs titulaires d’un diplôme de niveau supérieur.

Sont considérés comme agents de maîtrise les salariés qui, recevant des directives précises d’un chef d’établissement ou d’un cadre, sont chargés, en plus de leur travail, de façon permanente et sous leur responsabilité, non seulement de distribuer et de coordonner le travail d’un ensemble d’employés et d’ouvriers, mais aussi d’assurer et de contrôler l’activité et la discipline.

Échelon 1, caractérisé par :

– un niveau de connaissances complexe, issu principalement de l’expérience que confère la maîtrise totale de l’activité concernée;

– une autonomie complète ;

– une activité de coordination ;

– une responsabilité importante découlant notamment de la fonction d’encadrement ;

– un niveau supérieur (BTS ou DUT ou diplôme professionnel équivalent). ».

Le nouveau texte entré en vigueur le 20 novembre 2015 prévoit un système de classification par points selon la complexité de l’emploi, l’autonomie, les connaissances requises, la responsabilité et la communication et relation client et place le niveau Agent de maitrise entre les points 23 et 32,

Dès lors, il convient de déterminer si sur ces deux différentes périodes (du 1er juin 2014 au 20 novembre 2015 puis du 21 novembre 2015 au 29 février 2016) les fonctions réellement exercées par Mme [I] correspondaient au niveau Agent de maîtrise.

Pour justifier des fonctions réellement exercées, Mme [I] produit aux débats six attestations (trois apprenties vendeuses et trois clientes), des échanges de courriels, un document à en-tête de Sud Formation CCI [Localité 3] intitulé « Intention de recrutement » ainsi qu’un document à en-tête du cabinet d’expertise comptable intitulé « Préparation des salaires du mois de juillet 2015 ».

Les trois attestations des clientes n’ont aucune valeur probante en ce qu’elles ne pouvaient personnellement constater les fonctions réellement exercées par Mme [I] durant ses journées de travail. Le fait que la salariée ait été présentée comme la responsable auprès d’elles ne démontre pas qu’elle en exerçait réellement les fonctions.

Dans son attestation datée du 13 février 2016, Mme [R] témoigne de ce qu’elle a été engagée depuis août 2015 en qualité d’apprenti vendeuse et qu’on lui a toujours présenté Mme [I] comme sa responsable et comme la responsable de la bijouterie.

Toutefois, Mme [W] produit aux débats une attestation de Mme [R] qui témoigne de ce que Mme [I], lorsqu’elle travaillait dans l’entreprise, a utilisé sans son accord cette lettre qu’elle avait écrite en décembre 2015 et antidatée, et qu’elle a utilisé son téléphone portable pour s’envoyer un message contre la directrice de la bijouterie. Dès lors, il ne sera pas tenu compte de la première attestation de Mme [R].

Dans son attestation datée du 13 février 2016, Mme [G] témoigne exactement dans les mêmes termes que Mme [R], à l’exception de sa prise de fonction, qu’elle date au 15 juillet 2014.

Toutefois, il est justifié que Mme [G] a déposé une main-courante contre Mme [I] pour lui avoir dicté un courrier qui indiquait qu’elle était sa responsable et, alors que Mme [G] lui a demandé de la déchirer après avoir appris que c’était faux, en a déchiré une photocopie et a gardé l’original pour la produire dans le présent litige. Dès lors, l’attestation de Mme [G] ne sera pas retenue.

Dans son attestation datée du 24 février 2016, Mme [Z], apprentie vendeuse du 6 août 2014 à mi-novembre 2015, témoigne dans les mêmes termes que Mme [R] et Mme [G] pour le début de son attestation, mais ajoute les faits suivants : « mon entretien d’embauche et mon essai ont été fait par Mme [I] [O] ainsi que la signature de mon contrat d’apprenti. Quand ce n’était pas Mme [[W]] qui me faisait pas les plannings c’était Mme [I] qui les faisaient. Mme [I] s’occupait de tout le fonctionnement de la bijouterie, elle nous formait, nous donnait les objectifs de la semaine pour le chiffre, nous donnais nos missions comme le nettoyage des vitrines, de la boutique, suivi des SAV, mission étiquetage… Mme [I] s’occupait de tout les soucis avec les clients. Pendant les absences prolongées de Mme [[W]] c’est Madame [I] qui avait toute l’entière responsabilité de la bijouterie entre début juin 2015 et début septembre 2015. Mme [[W]] n’est jamais venue au magasin. ».

Il en résulte que sur la période de août 2014 à mi-novembre 2015, Mme [I] s’occupait, du moins partiellement, de la formation de certaines apprenties vendeuse, faisait les plannings lorsque Mme [W] ne les faisait pas, transmettait les objectifs hebdomadaires et donnait les missions aux apprenties vendeuses.

Toutefois, Mme [W] soutient que toutes les vendeuses de plus de 2 ans d’ancienneté peuvent former les apprentis. Elle justifie de ce qu’une autre salariée était la référente d’une apprentie vendeuse alors même que celle-ci n’était pas responsable de la boutique.

Par ailleurs, il est justifié de ce qu’elle n’était pas libre de l’établissement des plannings et qu’elle était destinataire de notes de service, tout comme les autres vendeuses.

Le document émis par Sud Formation CCI [Localité 3] démontre que Mme [I] a signé le 31 juillet 2015 en qualité de responsable de l’entreprise le document concernant le recrutement en contrat d’apprentissage de Mme [R].

Le document émis par le cabinet d’expertise comptable ne permet de tirer aucune constatation utile dans la mesure où il est seulement indiqué que Mme [G] a droit à une prime exceptionnelle pour le mois de juillet 2015 d’un montant de 48 €.

Le fait, reconnu par Mme [W], que cette dernière avait l’intention de céder son fonds de commerce à Mme [I] ne suffit pas à démontrer que la salariée réalisait des fonctions de responsable au sein de l’entreprise de son employeur.

En ce qui concerne la première partie de la période durant laquelle la reclassification est sollicitée, Mme [I] ne démontre pas qu’elle avait notamment la fonction d’assurer et de contrôler l’activité et la discipline au sein de l’entreprise, ni même qu’elle avait une autonomie complète, conditions requises par l’annexe II de la convention collective dans sa version en vigueur de juin 2014 au 20 novembre 2015 pour reconnaître à un salarié le statut d’agent de maîtrise niveau VI échelon 1.

En ce qui concerne la seconde partie de la période durant laquelle la reclassification est sollicitée, Mme [I] ne justifie pas des fonctions réellement exercées à compter du 20 novembre 2015, de sorte que dans la mesure où son contrat de travail et ses bulletins de paie sur la période prévoient le statut de vendeuse, c’est ce statut qui lui sera appliqué.

Par conséquent, Mme [I] sera déboutée de sa demande de reclassification au statut agent de maitrise niveau VI de la convention collective applicable et des rappels de salaire et congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

Il ressort des termes de l’article L.3171-4 du Code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectué, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [I] sollicite le versement de la somme de 1 135,64 € à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 3 août au 27 décembre 2015, outre les congés payés afférents.

Mme [I] produit aux débats des attestations, notamment celle de Mme [Z], les plannings journaliers des mois d’août à décembre 2015, ainsi qu’un tableau récapitulatif hebdomadaire des heures réalisées (dans ses conclusions).

Toutefois, il n’est pas justifié que Mme [Z] réalisait les mêmes horaires de travail que Mme [I], de sorte que la salariée n’a pu personnellement constater les horaires de cette dernière dont elle témoigne dans son attestation.

Néanmoins, les éléments présentés par Mme [I] à l’appui de sa demande sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Mme [W] soutient que les plannings ont été modifiés par Mme [I] et que s’il est vrai que cette dernière a réalisé quelques heures supplémentaires, elle les a toutes récupérées puisqu’elle a notamment bénéficié d’une semaine de récupération en juillet 2016. Au soutien de ces affirmations, Mme [W] produit les plannings sans les annotations manuscrites ainsi qu’un récapitulatif des heures de travail effectuées.

Toutefois, ces documents ne permettent pas de justifier qu’il s’agit des horaires effectivement réalisés par la salariée sur la période.

Par ailleurs, Mme [W] ne justifie pas de ce que les heures supplémentaires ont fait l’objet d’une récupération, d’autant plus que la salariée n’a pas pu les récupérer en juillet 2016 puisqu’elle a pris acte de la rupture en février 2016.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations qu’il est démontré que Mme [I] a réalisé un certain nombre d’heures supplémentaires sur la période, de sorte qu’il sera fait droit à sa demande de rappel d’heures supplémentaires sur le principe.

Toutefois, certaines incohérences résultent entre le nombre total d’heures de travail prétendument réalisées sur une semaine et la somme des heures journalières sur la même semaine. Par exemple, du 10 au 15 août 2015, Mme [I] indique un total de 42 heures alors que la somme des heures de travail journalières s’élève à 39 heures. De plus, Mme [W] produit notamment une attestation d’une apprentie vendeuse, Mme [V], qui témoigne de ce que Mme [I] s’absentait régulièrement pendant les heures de travail.

Il sera retenu que Mme [I] effectuait au maximum 4 heures supplémentaires par semaine, de sorte qu’il sera tenu compte, dans le calcul du rappel de salaire, de ce maximum pour les semaines où elle a prétend en avoir effectué davantage, et du nombre d’heures qu’elle indique dans son tableau récapitulatif lorsqu’il sera inférieur.

Dès lors, sur la base d’un taux horaire de 9,61 €, le taux majoré étant fixé à 12,01 €, Mme [W] sera condamnée à verser un rappel de salaire conformément au tableau suivant :

Par conséquent, Mme [W] devra verser à Mme [I] la somme de 642,54 € à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 3 août 2015 au 27 décembre 2015, outre la somme de 64,25 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

L’article L 8221-5 du Code du travail dispose que « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

« 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

« 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

L’article L 8223-1 du Code du travail dispose que « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. ».

En l’espèce, Mme [I] sollicite le versement de la somme de 8 796 € à titre d’indemnité de travail dissimulé, sans donner de précision sur l’élément matériel ni sur l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé qu’elle entend invoquer.

Par conséquent, Mme [I] sera déboutée de sa demande d’indemnité de travail dissimulé. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la prise d’acte :

Le 29 février 2016, Mme [I] a adressé sa démission par lettre recommandée avec accusé de réception à Mme [W] aux torts de l’employeur.

Lorsqu’un salarié démissionne en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d’acte et produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquements invoqués par le salarié doivent être établis et être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Il appartient donc au juge de vérifier l’existence d’un ou plusieurs manquements imputables à l’employeur et d’apprécier si ces manquement revêtent une gravité suffisante justifiant l’impossibilité de poursuivre la relation de travail.

Pour décider des effets de la prise d’acte par le salarié, le juge doit examiner tous les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans l’écrit de prise d’acte car à la différence de la lettre de licenciement, celui-ci ne fixe pas les limites du litige. Il appartient au salarié d’établir l’existence des faits qu’il invoque pour justifier la prise d’acte.

En l’espèce, dans sa lettre du 29 février 2016, Mme [I] reprochait à l’employeur les faits suivants :

« Employée dans votre société en qualité de vendeuse depuis le 12 juin 2012 en contrat à durée déterminée pour une durée de trois mois jusqu’au 12 septembre 2012.

J’ai signé un deuxième contrat à durée déterminée en qualité de vendeuse du 16 novembre 2012 au 15 février 2013 pour une durée de trois mois.

Puis un troisième contrat à durée déterminée en qualité de vendeuse du 19 Juin 2013 au 18 septembre 2013, et enfin un quatrième contrat à durée déterminée du 03 décembre 2013 au 29 mars 2014 toujours en qualité de vendeuse au sein de votre société.

Depuis le 12 Mai 2014, j’ai signé un contrat CUI CIE en qualité de vendeuse (35heures hebdomadaire). Le 1er juin 2014, après un entretien avec vous, vous m’avez confié le poste de responsable de la bijouterie Océanor, avec période d’essai jusqu’au 30 juin 2014.

Le 1er juillet 2014, vous m’avez confirmé dans mes fonctions de responsable.

Depuis cette date, à plusieurs reprises, je vous ai demandé verbalement, à ce que ma fonction soit régularisée sur mon contrat de travail et sur mes fiches de salaire.

Comme vous le savez, j’ai toujours travaillé plus des 35 heures hebdomadaire qui sont prévues dans mon contrat (j’ai toujours travaillé entre 39 heures et 50 heures hebdomadaires selon les semaines) ainsi que plusieurs dimanches qui ne m’ont pas été payés, ni récupérés, mais à ce jour, aucunes régularisations (contrat de travail, fiche de paie, salaire payé) n’ont été faites.

Je vous rappelle que j’ai assumé toutes les responsabilités de l’entreprise lors de votre absence prolongée de juin 2015 au début septembre 2015.

J’ai remarqué un changement d’attitude de votre part à mon encontre en septembre 2015 à votre retour d’absence de 3 mois.

Depuis début Décembre 2015, je sollicite un entretien avec vous pour faire le point sur ma situation, rendez vous pris le 5 janvier 2016. Rendez vous que je n’ai pas pu honorer, car j’ai été hospitalisé d’urgence avec opération chirurgicale.

Ce rendez vous a été reporté au 16 janvier 2016, mais mon arrêt maladie ayant été prolongé par mon chirurgien, je n’ai pas pu l’honorer non plus.

J’ai sollicité à nouveau un rendez vous pour le 30 janvier 2016 que vous m’avez refusé. Le 1 Février, par téléphone, j’ai à nouveau sollicité un entretien avec vous, vous avez refusé.

Le 5 Février 2016, lors de ma reprise de travail après maladie, j’ai constaté que mes plannings horaire étaient de 35 heures hebdomadaire, et que, de fait, toutes les responsabilités exercées auparavant, ne m’étaient plus confiées.

J’ai aussi constaté que toutes les collaboratrices, et vous-même, aviez des objectifs de vente chiffrés, et que je n’en faisais pas partie.

Le 9 Février, verbalement, j’ai sollicité de nouveau un entretien avec vous, que vous avez décliné.

Le 11 Février, vous m’avez proposé un rendez-vous pour le lendemain vendredi 12 Février à 15H, que j’ai accepté.

Lors de cet entretien, nous avons fait le point sur ma fonction au sein de votre entreprise.

Votre réponse, surprenante, fut que je n’avais jamais été responsable de la bijouterie, que j’étais à l’essai sur cette fonction depuis juin 2014. Vos arguments ont été que j’ai commis plusieurs fautes professionnelles, et de ce fait je n’ai pas le poste.

Vous avez mis fin à l’entretien en vous levant et en partant.

Je vous fais par de mon étonnement, car pas une seule fois vous ne m’avez fait part par écrit d’une quel conque faute professionnelle.

Vous m’avez envoyé un avertissement en AR que je trouve totalement injustifié vu le contexte.

Je vous ai envoyé une lettre en accusé de réception relatant tous ces faits le 13 Février 2016 et pour seule réponse j’ai reçu ma fiche de paie et mon salaire par chèque le 29 février 2016 en accusé de réception.

En ne respectant pas vos obligations, vous rendez impossible la poursuite du contrat de travail.

Je vous informe donc que je prends acte de la rupture de mon contrat à vos torts exclusifs. ».

S’agissant de la non-régularisation du statut, il a été démontré que Mme [I] ne justifiait pas exercer les fonctions de responsable, de sorte que ce grief n’est pas fondé.

S’agissant des heures supplémentaires, il a été démontré que Mme [I] a effectué 53,5 heures supplémentaires non rémunérées sur une période de 16 semaines, de sorte que ce grief est fondé.

S’agissant de la non-régularisation des dimanches travaillés, Mme [I] n’apporte aucun élément au soutien de son grief de sorte qu’il n’est pas fondé.

S’agissant de l’avertissement injustifié, Mme [I] soutient que cet avertissement est injustifié au vu du contexte, sans pour autant nier la réalité des faits qui lui sont reprochés.

Dans cet avertissement, il est reproché à Mme [I] d’avoir fouillé dans le sac à main de Mme [W], pour en sortir un document qu’elle a ensuite photocopié pour le remettre enfin dans ledit sac. Mme [W], ayant vu l’action sur les caméras de surveillance, a observé que Mme [I] a tenté de le cacher à son arrivée et a pu ensuite constater qu’il s’agissait du planning. Mme [W] a alors décidé de notifier un avertissement à Mme [I], compte tenu de cet incident de nature à rompre la confiance qu’elle avait en sa salariée.

Mme [I] n’apporte aucun élément de nature à expliquer ou diminuer la faute commise de sorte que le grief tendant à l’avertissement injustifié n’est pas fondé.

S’agissant du refus répété de prise de rendez-vous, Mme [I] n’apporte aucun élément à l’appui de son affirmation, de sorte que le grief n’est pas fondé.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations que le seul grief fondé est le fait d’avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 53,5 heures sur une période de 16 semaines, soit en moyenne 3,3 heures par semaine, soit moins de 1 heure par jour travaillé.

Toutefois, alors même qu’elle prétend avoir eu un entretien avec son employeur le 12 février 2016, Mme [I] a sollicité le paiement de ces heures supplémentaires pour la première fois par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 15 février 2016 et distribuée le 19 février 2016, soit seulement 10 jours avant la prise d’acte, ne présentant pas de demande chiffrée et évaluant le nombre d’heures de travail réalisées à une fourchette entre 39 et 50 heures par semaine.

Eu égard à ces constatations et notamment au faible nombre d’heures supplémentaires effectivement réalisées en moyenne par jour, ce seul manquement n’est pas suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [I] produit les effets d’une démission. La salariée sera déboutée de sa demande d’indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Mme [I] n’ayant pas exécuté son préavis d’un mois prévu en cas de démission par la convention collective applicable pour les employés de niveau I à III, sera condamnée à verser à Mme [W] la somme de 1 665 € à titre d’indemnité compensatrice pour préavis non exécuté. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées.

Mme [W], qui succombe principalement, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’apparaît pas équitable de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Confirme le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Béziers en ce qu’il a débouté Mme [I] de sa demande de reclassification, d’indemnité de travail dissimulé, et en ce qu’il a dit que sa prise d’acte produit les effets d’une démission, et l’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Condamne Mme [W] à verser à Mme [I] la somme de 642,54 € à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période du 3 août 2015 au 27 décembre 2015, outre la somme de 64,25 € au titre des congés payés afférents ;

Condamne Mme [I] à verser à Mme [W] la somme de 1 665 € à titre d’indemnité compensatrice pour préavis non exécuté;

Y ajoutant ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées;

Dit n’y avoir pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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