Bijouterie : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03541

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Bijouterie : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/03541

1 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG
22/03541

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 1er DÉCEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03541 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMU4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 21/00139

APPELANT

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Caroline MREJEN BERREBY, avocat au barreau de PARIS, toque : C1580

INTIMÉE

Association HAUTE ECOLE DE JOAILLERIE – CEBJO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 917 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Olivier FOURMY, Premier Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre

Madame ALZEARI Marie-Paule, Présidente

Monsieur MALINOSKY Didier, Magistrat honoraire

Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La haute école de joaillerie regroupe trois types de formation, initiale, en alternance et professionnelle.

La première est confié au centre d’enseignement de la bijouterie joaillerie orfèvrerie (‘CEBJO’), association de la loi 1901.

M. [Y] [W] exerce la profession de bijoutier-joaillier.

Le 8 novembre 2018, M. [W] et la haute école de joaillerie ont signé un contrat de prestation de services, pour une mission d’enseignement dont le terme était prévu le 20 décembre 2018 et le volume de 96 heures.

Plusieurs autres conventions ont été signées ensuite entre les parties au long des années scolaires 2018/2019, 2019/2020.

Selon M. [W], les relations avec le CEBJO auraient dû se poursuivre tout au long de l’année 2020/2021 mais l’association y a mis fin, verbalement, le 4 juin 2020.

Par courrier du 3 juillet 2020, M. [W] mettait en demeure le CEBJO de le réintégrer sans délai au sein de la haute école de joaillerie à son poste d’enseignant de « régulariser en conséquence son contrat de travail ».

En l’absence de réponse de la CEBJO, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de requalification de ses contrats de prestation de service en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que de demandes salariales et indemnitaires.

Par jugement en date du 24 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a constaté l’absence de contrat de travail et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

M. [W] a relevé appel de cette décision et a été autorisé à assigner le CEBJO à jour fixe à l’audience du 2 septembre 2022.

Lors de cette audience, les parties ont plaidé et ont été invitées à bénéficier d’une information à la médiation.

Les parties n’ont pas informé la cour des suite éventuellement données à cette information et le délibéré à été prorogé pour la mise à disposition être faite le 1er décembre 2022.

Par conclusions écrites, M. [W] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris ;

– constater l’existence d’un contrat de travail entre lui et l’association haute école de joaillerie ;

– déclarer le conseil de prud’hommes compétent dans cette affaire ;

– condamner l’association à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites, le CEBJO demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

– débouter M. [W] de toutes ses demandes ;

Subsidiairement,

– constater l’absence de lien de subordination entre elle et M. [W] ;

– la mettre hors de cause ;

– débouter M. [W] de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

– débouter M. [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros sur ce fondement.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [W] fait en particulier valoir que l’association n’apporte aucun élément au soutien de ses contestations. Or, « l’existence d’un lien de subordination juridique et économique est à l’évidence patent ».

Les plannings de travail étaient fournis par l’association et les horaires de travail imposés.

Les cahiers de présence et les supports pédagogiques étaient fournis par l’association avec obligation de s’y conformer.

Le matériel était fourni par l’association.

L’association donnait des directives précises, quant à l’organisation des cours, la surveillance et le rangement du matériel, la fixation des tests d’aptitude ‘bijouterie’, la formation incendie obligatoire, la participation aux conseils de classe.

M. [W] souligne qu’il se trouvait dans une situation de dépendance économique. Depuis son départ de la haute école de joaillerie, sa société a réalisé « un bénéfice dérisoire de 9 978 euros sur l’exercice allant du 01/04/2020 au 31/03/2020 ».

Enfin, l’association avait parfaitement connaissance du caractère illégal dans lesquelles elle employait M. [W], se dernier lui ayant reproché, le 10 juin 2020, de ne pas avoir tenu « toutes les promesses qui (lui) ont été faites ».

Le CEBJO fait notamment valoir, pour sa part, que le lien de subordination est l’élément déterminant du contrat de travail, tandis que les personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés sont présumées ne pas être liés avec le donner d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription.

M. [W] ne rapporte par la preuve de ce qu’il avance.

Les horaires étaient variables selon les conventions tandis que l’établissement de plannings est « inhérent à l’organisation des cours pour les élèves ».

S’il a été proposé à M. [W] d’utiliser le matériel de l’association, il était libre de fournir son propre matériel.

Fixer des tests d’aptitude pour les étudiants ou participer aux conseils de classe relève de l’exécution du contrat de prestations de services et M. [W] était libre d’organiser son cours « comme il l’entendait ».

M. [W] n’a jamais fait l’objet de sanction.

Enfin, la Cour de cassation a rejeté expressément la dépendance économique comme critère du contrat de travail. Au demeurant, les éléments comptables fournis par M. [W] concernent une période pendant laquelle il n’exerçait plus (pratiquement plus) de mission pour l’association et, surtout, coïncidait avec la période de confinement liée à la crise sanitaire.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 8221-6 du code du travail, sont présumées ne pas être liées avec le donner d’ordre par un contrat de travail, les personnes physiques dans l’exécution de l’activité donnant lieu à leur immatriculation au répertoire des métiers.

En l’occurrence, il est constant que M. [W] exerçait, en tant que professionnel indépendant, la profession de bijoutier-joaillier, que sa société était inscrite au registre du commerce et des sociétés avant qu’il ne signe le premier contrat de prestations de service avec l’association et qu’elle l’est restée, l’étant encore bien après la rupture des relations entre les parties.

Il en résulte une présomption de non-salariat qu’il appartient à M. [W] de renverser s’il entend voir caractériser l’existence d’un contrat de travail.

En ce sens, son observation que l’association n’apporterait pas d’élément probant pour s’opposer à la requalification en contrat de travail ne fait pas de sens car c’est sur lui que repose, d’abord, la charge de la preuve. Cette présomption est une présomption simple, il lui appartient d’apporter les éléments de nature à caractériser l’existence d’un contrat de travail qu’il invoque.

Celle-ci peut être établie lorsque la personne physique concernée fournit directement ou par personne interposée, des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente vis-à-vis de ce dernier.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité, le contrat de travail étant caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

En l’espèce, M. [W] est intervenu au sein de l’association en sa qualité de professionnel spécialisé en bijouterie-orfèvrerie.

Le premier élément qu’il convient de souligner est que M. [W] s’est engagé en toute connaissance de cause dans une relation de contrat de prestation de services avec l’association. Il n’a jamais cessé d’être par ailleurs travailleur indépendant.

L’association assurant la formation d’étudiants, elle est par définition responsable de déterminer les cours que les étudiants doivent suivre, de même que leurs emploi du temps, les tests ou examens qu’ils doivent subir et éventuellement réussir. Cette circonstance n’a aucunement pour corollaire que M. [W] se serait trouvé dans le lien de subordination qu’il prétend.

En particulier, il n’apporte aucune démonstration qu’il se serait trouvé contraint dans l’organisation, la présentation ou le contenu de ses cours.

La circonstance qu’il ait dû préciser à quel moment il traiterait telle ou telle des « séquences de programme » caractérise un souci, légitime de la part de l’association, que tous les étudiants puissent bénéficier d’un enseignement complet et non une interférence, une surveillance dans la pédagogie de M. [W].

L’existence de supports de cours élaborés par l’association n’est pas davantage probante dès lors que rien, dans les contrats, n’imposent à M. [W] d’enseigner exclusivement sur cette base, ni même ne lui fait obligation de les utiliser.

Par ailleurs, dans la mesure où M. [W] s’engage à apporter un enseignement déterminé, il est pour le moins légitime que le contrat précise le nombre d’heures qu’il doit effectuer et donc qu’un système soit mis en place qui permette à chacune des parties de le vérifier. L’existence de ‘cahiers de présence’ qu’il devait remplir ne saurait ainsi servir à caractériser un lien de subordination.

La fourniture de matériel par l’association ne constitue pas davantage un élément déterminant, dès lors que la prestation attendue est celle de l’ « animation du cours de réalisations techniques pour » un groupe d’étudiants déterminé. En d’autres termes, l’apport de M. [W] est un apport intellectuel et la circonstance qu’il ne se soit pas trouvé dans l’obligation de fournir les outils ou les matériaux s’inscrit directement dans cette logique.

Au demeurant, M. [W] ne peut faire état d’aucune sanction qui aurait été prise à son encontre.

Enfin, M. [W] ne saurait plaider la dépendance économique. Outre le premier élément rappelé ci-dessus, force est de souligner que la performance de l’entreprise de M. [W], sur la seule période qu’il retient, ne peut en aucune manière être considérée comme significative, s’agissant d’une période directement affectée par la crise sanitaire et alors que, ainsi que le présent dossier le montre, M. [W] a pu ne pas consacrer l’intégralité de son temps de travail à sa propre entreprise et que, en tout état de cause, M. [W] ne soumet aucun élément de comparaison par rapport aux périodes comptables antérieures.

C’est lui qui a établi l’intégralité des factures sur la base desquelles il a été rémunéré par le CEBJO.

De l’ensemble de ce qui précède, il résulte que c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent.

Il ne saurait donc être question d’évoquer et de statuer sur les demandes salariales ou indemnitaires de M. [W].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [W], qui succombe à l’instance, supportera les dépens de première instance et d’appel.

Il sera condamné à payer au CEBJO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement, en date du 24 novembre 2021, du conseil de prud’hommes de Paris, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [W] aux entiers dépens ;

Condamne M. [Y] [W] à payer à la haute école de joaillerie – CEBJO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,

 


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