La réalisation de bénéfices moindres ne peut justifier le licenciement économique d’un journaliste pour suppression de poste.
Réalité des difficultés économiques
Pour démontrer la réalité des difficultés économiques, la société Editions Larivière se limite à verser aux débats ses comptes de résultat pour les exercices 2015, 2016 et 2017, dont il ressort une diminution du chiffre d’affaires de 38 550 733 euros à 37 504 658 euros entre 2015 et 2016, la baisse se poursuivant sur l’exercice 2017 avec un chiffre d’affaires égal à 36 163 787 euros.
Ces comptes de résultat révèlent également qu’entre 2015 et 2016, le résultat courant avant impôts s’est élevé à 1 349 837 euros en 2015, 815 116 euros en 2016 puis 1 218 877 euros en 2017 ; le résultat net est passé de 920 698 euros à 206 857 euros, sans pour autant devenir négatif, pour ensuite revenir en 2017 à 603 814 euros.
Réalisation de bénéfices moindres
Or, il ne peut être retenu comme justificatif de licenciement pour motif économique la réalisation de bénéfices moindres durant l’année précédant le licenciement, étant rappelé que les difficultés économiques doivent s’apprécier au niveau de l’entreprise dans son ensemble, voire au niveau du groupe auquel elle appartient, et non au niveau du seul magazine Moto Revue pour lequel travaillait le journaliste.
L’absence de motivation économique rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si l’obligation de reclassement a ou non été respectée.
Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
Conditions du licenciement pour motif économique
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. (…) »
Motivation de la lettre de licenciement
Selon l’article L. 1233-16 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. À défaut, le licenciement n’est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En cas de contestation, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
6e chambre
ARRET DU 03 FEVRIER 2022
N° RG 19/02520 –��N° Portalis DBV3-V-B7D-TIIY
AFFAIRE :
Z X
C/
SAS EDITIONS LARIVIERE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 06 Mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 17/02164
LE TROIS FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur Z X né le […] à […]
de nationalité Française
Représenté par : Me Patrick CHADEL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0105
APPELANT
****************
SAS EDITIONS LARIVIERE
N° SIRET : 572 071 884
[…]
[…]
R e p r é s e n t é e p a r : M e F r é d é r i c G R A S d e l a S E L E U R L F R E D E R I C G R A S S E L A R L , Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1051
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Décembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Editions Larivière est spécialisée dans l’édition de revues et de périodiques. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 28 septembre 1998, M. Z X, né le […], a été engagé par la société Editions Larivière en qualité de rédacteur essayeur stagiaire pour la publication Moto Revue.
Il occupait en dernier lieu et depuis le 1er octobre 2007, le poste de chef de rubrique essais de Moto Revue et percevait un salaire brut mensuel de 3 093,49 euros, outre un treizième mois.
Par courrier du 2 février 2017, M. X a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 9 février 2017. Il s’est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre du 22 février 2017 ainsi rédigée’:
« Par courrier en date du 2 février 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable sur le projet de licenciement économique vous concernant.
Vous vous êtes présenté assisté de M. Y Le Coz à cet entretien le 9 février 2017 au cours duquel nous vous avons indiqué les motifs économiques de la décision que nous envisageons de prendre à votre égard. Ces motifs vous sont rappelés dans une note économique jointe en annexe, annexe qui fait partie intégrante de ce présent courrier.
Nous avons donc le regret de vous signifier votre licenciement du fait de la suppression de votre poste.
Compte tenu de la spécificité de votre fonction, aucune possibilité de reclassement n’a pu être mise en oeuvre dans notre entreprise.
Néanmoins un courrier a été transmis au syndicat de la presse magazine en vue d’étudier les possibilités de reclassement externe.
Nous vous ferons part, bien sûr, des éventuelles opportunités qui pourraient être portées à notre connaissance.
Dans le cadre de ce projet de licenciement économique dont vous faites l’objet, nous vous rappelons que lors de l’entretien préalable nous vous avons proposé d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle conformément à l’article L. 1233-66 du code du travail.
Vous disposiez d’un délai de 21 jours, courant depuis le 9 février jusqu’au 2 mars 2017 inclus pour nous faire part de votre volonté de bénéficier de ce dispositif.
Vous nous avez manifesté votre accord par remise des documents nécessaires le 21 février 2017.
Votre contrat de travail se trouve ainsi réputé rompu d’un commun accord des parties, aux conditions qui figurent dans le document d’information que nous vous avons remis lors de l’entretien préalable. (…) »
Par requête reçue au greffe le 1er août 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la société Editions Larivière au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.
Par jugement rendu le 6 mai 2019, le conseil de prud’hommes a’:
– condamné la société Editions Larivière à verser à M. X les sommes de’:
* 20’106 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
– rappelé les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail aux termes duquel le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié concerné. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées,
en conséquence,
– ordonné le remboursement d’office par la société Editions Larivière aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. X du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois,
– débouté M. X du surplus de ses demandes,
– condamné la société Editions Larivière aux éventuels dépens de l’affaire.
M. X a interjeté appel de la décision par déclaration du 12 juin 2019.
Par conclusions adressées par voie électronique le 14 février 2020, il demande à la cour de’:
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, en ce qu’il lui a octroyé des dommages et intérêts pour licenciement injustifié ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
– condamner la société Editions Larivière à verser à M. X les sommes suivantes :
A titre principal,
* 60 318 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 6 702 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 670,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 515,58 euros au titre du prorata de 13ème mois,
Subsidiairement,
* 60 318 euros à titre de violation des critères d’ordre de licenciement,
En tout état de cause,
– condamner la société Editions Larivière à verser à M. X la somme 20 106 euros au titre du manquement à l’obligation d’adaptation,
– condamner la société Editions Larivière à verser à M. X la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Editions Larivière aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions adressées par voie électronique le 20 novembre 2019, la société Editions Larivière demande à la cour de’:
– infirmer partiellement le jugement entrepris,
– reconnaître la réalité du motif économique ayant présidé au licenciement de M. X,
– en conséquence, débouter M. X de l’ensemble de ses demandes à ce titre,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. X de sa demande d’indemnité de préavis et des congés payés et 13e mois afférents.
Par ordonnance rendue le 3 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 décembre 2021.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Sur le licenciement pour motif économique
Pour remettre en cause le bien-fondé de son licenciement, M. X conteste tant la réalité du motif économique que le respect par l’employeur de son obligation de reclassement et de son obligation d’adaptation à l’emploi. Il invoque à titre subsidiaire la violation par l’employeur des critères d’ordre des licenciements.
S’agissant du motif économique, il soutient que les difficultés économiques invoquées par la société Editions Larivière ne sont pas démontrées, ce d’autant que le 1er juin 2017, soit quatre mois après la rupture du contrat de travail, elle a racheté les sites internet moto-station.com et scooter-station.com, qu’en juillet 2018, elle a en outre acquis de nombreux magazines (Moto Journal, L’officiel du Cycle, GP Plus, Jogging International, Le Cycle) ainsi qu’une activité événementielle, ces acquisitions consolidant notamment le pôle moto et positionnant le groupe comme leader sur ce secteur.
M. X ajoute que la réalité de la suppression de son poste est contestable dans la mesure où la société Editions Larivière s’est refusée et se refuse toujours à communiquer son registre d’entrée et de sortie du personnel malgré la sommation de communiquer prise par lui devant le conseil de prud’hommes.
La société Editions Larivière rétorque que les critères du licenciement pour motif économique, tels que posés par l’article L. 1233-3 du code du travail se retrouvent en l’espèce ; que le licenciement de M. X est bien lié à la suppression de son poste de chef des essais au sein de la rédaction de Moto Revue et que cet emploi n’est plus pourvu ainsi qu’en atteste l’ours du magazine de novembre 2019 ; qu’en effet, le magazine Moto Revue générait des pertes d’exploitation, ce qui nécessitait de réorganiser la masse salariale ; que ces pertes avaient une incidence sur la situation économique générale de l’entreprise qui était confrontée à une baisse significative du chiffre d’affaires depuis trois ans, un résultat financier structurellement négatif, une baisse importante du résultat courant avant impôts sur l’année 2016.
Elle explique qu’en rachetant, postérieurement au licenciement de M. X, des sites internet, des magazines concurrents ainsi qu’une activité événementielle, cette diversification vers le numérique et l’événementiel et cette réduction du volume concurrentiel dans un secteur de la presse magazine en déflation de diffusion est précisément l’illustration des mesures de réorganisation de l’entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité et, plus généralement, sa viabilité.
Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. (…) »
Selon l’article L. 1233-16 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur.
Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. À défaut, le licenciement n’est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En cas de contestation, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 22 février 2017 fait état de difficultés économiques détaillées dans une note économique jointe en annexe de la lettre et justifiant la suppression du poste occupé par M. X, aucune possibilité de reclassement n’ayant par ailleurs pu être mise en oeuvre dans l’entreprise compte tenu de la spécificité de la fonction de chef de rubrique essais.
La note économique annexée à la lettre de licenciement est ainsi rédigée :
« La presse magazine fait face à une baisse importante et constante de son activité et ce sur l’ensemble de ses marchés : publicité, vente au numéro, et même, depuis 3 ans, abonnement jusqu’ici préservé.
Ce mouvement, amorcé en 2009, s’est largement amplifié depuis deux ans.
Sur les 8 ans de la période 2009-2016, les recettes publicitaires ont baissé de près de 40% et la vente au numéro de plus de 39%, sachant que les dernières tendances annuelles vont en se creusant.
A cela s’ajoute l’augmentation des charges issue de la nouvelle hausse programmée des tarifs postaux (+17% entre 2016 et 2020, après 50% de hausse entre 2009 et 2015) en application des derniers arbitrages gouvernementaux.
Ces hausses, ne pourront être répercutées totalement sur les prix de ventes de nos magazines.
L’activité presse connait de profondes transformations notamment en terme d’offre numérique et percute le modèle économique et organisationnel existant.
Ainsi, les postes de Secrétaire de rédaction ou de chromistes sont appelés à se raréfier et à profondément évoluer.
Comme on peut le constater sur les tableaux joints, ces tendances de la profession s’illustrent de manière intensive sur deux magazines en particulier Moto Revue et Rock & Folk.
Chiffres d’affaires et résultat net en baisse significative au cours de plus de trois trimestres consécutifs entre 2016 et 2015.
Perte de près de 800K€ pour Moto Revue et 65K€ pour Rock & Folk.
Situation de trésorerie à plein des concours bancaires accordés (-2,5M€ en janvier 2017).
Perte sèche sur l’activité numérique.
Au regard de ces résultats et dans le but de préserver la compétitivité de l’entreprise face à des concurrents toujours plus agressifs sur les offres, la réduction de la masse salariale et donc la suppression de postes est rendue nécessaire. »
Cette note est accompagnée de tableaux d’extrapolation (2015, 2016) et d’écarts 2016-2015 concernant spécifiquement le magazine Moto Revue, déclinant par trimestre les produits (CA publicitaire, CA diffusion) et les charges (rédaction, fabrication, charges pub, diffusion) ainsi que le résultat net en découlant après imputation des frais généraux.
Pour démontrer la réalité des difficultés économiques, la société Editions Larivière se limite à verser aux débats ses comptes de résultat pour les exercices 2015, 2016 et 2017, dont il ressort une diminution du chiffre d’affaires de 38 550 733 euros à 37 504 658 euros entre 2015 et 2016, la baisse se poursuivant sur l’exercice 2017 avec un chiffre d’affaires égal à 36 163 787 euros. Ces comptes de résultat révèlent également qu’entre 2015 et 2016, le résultat courant avant impôts s’est élevé à 1 349 837 euros en 2015, 815 116 euros en 2016 puis 1 218 877 euros en 2017 ; le résultat net est passé de 920 698 euros à 206 857 euros, sans pour autant devenir négatif, pour ensuite revenir en 2017 à 603 814 euros.
Or, il ne peut être retenu comme justificatif de licenciement pour motif économique la réalisation de bénéfices moindres durant l’année précédant le licenciement, étant rappelé que les difficultés économiques doivent s’apprécier au niveau de l’entreprise dans son ensemble, voire au niveau du groupe auquel elle appartient, et non au niveau du seul magazine Moto Revue pour lequel travaillait M. X.
La cour observe en outre que la société ne produit pas son bilan des exercices 2015, 2016 et 2017, alors que cette pièce comptable est indissociable du compte de résultat.
L’absence de motivation économique rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si l’obligation de reclassement a ou non été respectée.
Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à l’appelant (salaire moyen de 3 351 euros), de son âge, de son ancienneté depuis le 28 septembre 1998, des sommes déjà perçues au titre de la rupture et du fait qu’il a retrouvé un emploi dès le mois d’octobre 2017, la société Editions Larivière sera condamnée à lui régler, par infirmation du jugement entrepris, la somme de 30 000 euros à titre indemnitaire.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui avait été accepté par le salarié devient lui-même sans cause et l’employeur est également tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-69 du code du travail que l’employeur contribue au financement du contrat de sécurisation professionnelle par un versement représentatif de l’indemnité compensatrice de préavis dans la limite de trois mois de salaire majoré de l’ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.
La société Editions Larivière indique que M. X a adhéré au CSP, que le contrat de travail a été rompu d’un commun accord et que le salarié n’a effectué aucun préavis, qu’il a été pris en charge par Pôle emploi dès le 16 mars 2017, que l’indemnité de préavis a déjà été versée par elle à Pôle emploi en application du dispositif légal afin de permettre une meilleure indemnisation chômage du salarié. Elle considère que verser une telle indemnité à M. X constituerait un enrichissement sans cause.
En application des dispositions tant de l’article L. 7112-2 du code du travail que de l’article 46 de la convention collective applicable, la durée du préavis est en l’espèce de deux mois, s’agissant d’une rupture aux torts de l’employeur concernant un salarié de plus de deux ans d’ancienneté.
Outre que la société Editions Larivière ne justifie pas ici du versement allégué à Pôle emploi, M. X apparaît bien fondé, compte tenu du caractère dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement, à se voir allouer la somme réclamée de 6 702 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, sous déduction des sommes éventuellement versées par l’employeur en application des dispositions de l’article L. 1233-69 du code du travail. Le jugement sera infirmé sur ce point.
M. X sollicite un rappel de salaire de 515,58 euros au titre du prorata du treizième mois.
Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis englobe tous les éléments de la rémunération auxquels aurait pu prétendre le salarié s’il avait exécuté normalement son préavis, ce qui inclut la prime de treizième mois.
Au regard des dispositions de l’article 25 de la convention collective applicable prévoyant que tout journaliste professionnel percevra en décembre à titre de salaire une somme égale au salaire du mois de décembre, dit salaire de ‘treizième mois’, et compte tenu du dernier salaire perçu par le salarié de 3 093,49 euros brut, il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme non discutée dans son calcul de 515,58 euros. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté M. X de ce chef de demande.
Sur le manquement à l’obligation d’adaptation M. X fait ici valoir qu’aucune recherche sérieuse de formation et d’adaptation n’a été effectuée par l’employeur, qu’en plus de 18 ans d’ancienneté, il n’a jamais bénéficié de formation. Il sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de 20 106 euros.
En vertu des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a correctement exécuté son obligation à ce titre, obligation qui doit être appréciée au regard de l’ancienneté et des caractéristiques de l’emploi occupé.
En l’espèce, il n’est pas justifié ni même allégué du respect de cette obligation, la société Editions Larivière se limitant à opposer que dans le cadre de son activité de chef des essais d’une revue de moto, M. X n’avait pas à être formé puisqu’il disposait de toute la compétence nécessaire en tant qu’essayeur.
Ce manquement a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement justifiant le versement d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement sera également infirmé sur ce point.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées à M. X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois, sous réserve de sommes restant éventuellement trop versées au titre de l’article L. 1233-69 du code du travail.
Sur les dépens de l’instance et les frais irrépétibles
La société Editions Larivière supportera les dépens en application des dispositions de l’article’696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à M. X une indemnité sur le fondement de l’article’700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 1’500’euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 6 mai 2019 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a condamné la société Editions Larivière à verser à M. Z X des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 1’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
L’INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT le licenciement de M. Z X dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Editions Larivière à verser à M. Z X les sommes suivantes :
– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6 702 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 670,20 euros au titre des congés payés afférents, sous déduction des sommes versées par l’employeur en application des dispositions de l’article L. 1233-69 du code du travail,
– 515,58 euros au titre du prorata de 13ème mois,
– 2 000 euros au titre du manquement à l’obligation d’adaptation ;
ORDONNE le remboursement par la société Editions Larivière à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de M. Z X, dans la limite de six mois et dit qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l’article R. 1235-2 du code du travail et sous réserve de sommes restant éventuellement trop versées au titre de l’article L. 1233-69 du code du travail ;
CONDAMNE la société Editions Larivière à verser à M. Z X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Editions Larivière de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE la société Editions Larivière aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie,Greffière,auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT