Barème Macron : 5 mai 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01584

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Barème Macron : 5 mai 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01584
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AFFAIRE : N° RG 21/01584 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FTQK

 Code Aff. :

ARRÊT N° PB

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint-Pierre en date du 11 Août 2021, rg n° 20/00157

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. Boulangerie Patisserie des Avirons

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Amel Khlifi Etheve de la Selarl Amel Khlifi Etheve et associés, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion

INTIMÉ :

Monsieur [E] [V] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean Maurice Nassar Li Woung Ki de la scp Moreau -Nassar – Han-Kwan, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/007486 du 02/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)

Clôture : 16 février 2022

DÉBATS : En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2022 en audience publique, devant Alain LACOUR, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 05 mai 2022 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président :Alain Lacour

Conseiller:Philippe Bricogne

Conseiller :Laurent Calbo

Qui en ont délibéré selon l’ordonnance n°2022/35 du 21 février 2022

ARRÊT : mis à disposition des parties le 05 mai 2022

Greffier lors des débats : Mme Monique Lebrun

Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin

* *

*

LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

1. Employé au sein de la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons du 4 avril 2020 au 20 mai 2020 comme ouvrier boulanger, Monsieur [E] [X] a vu son contrat rompu par courrier remis en mains propres le 19 mai 2020.

2. Sur requête de Monsieur [E] [X], le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre a, par jugement du 11 août 2021 :

– constaté que la rupture du contrat de travail de Monsieur [E] [X] du 4 avril 2020 est verbale et qu’il n’existe aucun instrumentum,

– constaté que le licenciement opéré par le gérant de la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons avait été réalisé sur la base d’une rupture pendant la période d’essai,

– constaté cependant que cette clause est inopérante faute d’accord formellement conclu,

– constaté, dans tous les cas, qu’à la date de la rupture, le délai de trente jours d’une supposée période d’essai prévue par la convention collective nationale des boulangers pâtissiers, était, dans tous les cas, dépassée,

– constaté que la prise d’acte de rupture intervient au lendemain, soit après le licenciement verbal à l’initiative de l’employeur,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur [E] [X] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au tort de l’employeur et en produit tous les effets,

– en conséquence,

– condamné la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons à payer à Monsieur [E] [X] les sommes suivantes :

* 410,76 € brut à titre d’indemnité de préavis,

* 1.780,00 € brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4.000,00 € brut à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et/ou assurance chômage,

* 1.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons de remettre à Monsieur [E] [X] l’attestation Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard, à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement,

– débouté Monsieur [E] [X] du surplus de ses demandes,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons aux entiers dépens.

3. Par déclaration parvenue au greffe de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion le 9 septembre 2021, la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons a interjeté appel de cette décision.

4. Par ordonnance du 30 septembre 2021, le président de la chambre sociale a fixé l’affaire à bref délai.

* * * * *

5. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 18 octobre 2021, la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* constaté que la rupture du contrat de travail de Monsieur [E] [X] du 4 avril 2020 est verbale et qu’il n’existe aucun instrumentum,

* constaté que le licenciement opéré par le gérant de la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons avait été réalisé sur la base d’une rupture pendant la période d’essai,

* constaté cependant que cette clause est inopérante faute d’accord formellement conclu,

* constaté, dans tous les cas, qu’à la date de la rupture, le délai de trente jours d’une supposée période d’essai prévu par la convention collective nationale des boulangers pâtissiers, était, dans tous les cas, dépassée,

* constaté que la prise d’acte de rupture intervient au lendemain, soit après le licenciement verbal à l’initiative de l’employeur,

* dit et jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur [E] [X] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au tort de l’employeur et en produit tous les effets,

– déclarer Monsieur [E] [X] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter,

– constatant qu’elle a mis fin au contrat de travail de Monsieur [E] [X] pour période d’essai non satisfaisante,

– constatant que la crise sanitaire COVID-19 constitue une force majeure, qu’au moment de la conclusion du contrat de travail, La Réunion était en confinement strict et que les documents de contrat provenant de son cabinet comptable ont pris du retard mais que la période d’essai était actée au moment de la conclusion du contrat,

– dire que le contrat de travail de Monsieur [E] [X] a été rompu pour période d’essai non satisfaisante,

– débouter Monsieur [E] [X] de ses demandes et rejeter l’intégralité de ses demandes indemnitaires afférentes, à savoir l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (1.780,00 €), l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1.780,00 €) et l’indemnité compensatrice de préavis (410,76 €),

– juger que l’indemnité pour licenciement irrégulier ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et séreuse,

– juger que le barème légal fixe le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à zéro lorsque le salarié a moins d’une année d’ancienneté, en l’espèce 1,5 mois d’ancienneté,

– constatant que Monsieur [E] [X] formule des demandes de dommages et intérêts sans fondement juridique et sans le moindre justificatif, le débouter et rejeter ses demandes indemnitaires afférentes non quantifiées au surplus,

– débouter Monsieur [E] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Monsieur [E] [X] à lui payer la somme de 2.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [E] [X] aux entiers dépens.

6. À l’appui de ses prétentions, la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons fait en effet valoir :

– que le contrat de travail a été présenté à Monsieur [E] [X] qui a refusé de le signer, alors qu’il y a toujours été question d’une période d’essai de deux mois conformément à la convention collective conclue avant le 27 juin 2008, aucune sanction n’étant prévue pour le défaut de délai de prévenance,

– qu’elle a été confrontée à une situation de force majeure durant la période de crise sanitaire,

– que l’indemnité allouée pour non-respect de la procédure de licenciement, excessive au regard du ‘barème Macron’, n’est pas cumulable avec l’indemnité allouée pour absence de cause réelle et sérieuse,

– que l’indemnité allouée pour absence de cause réelle et sérieuse est excessive compte tenu de la très faible ancienneté, le conseil étant en contradiction entre la somme indiquée dans les motifs et celle retenue dans le dispositif du jugement,

– que le conseil a motivé en droit l’allocation de dommages et intérêts sur un fondement qui n’était pas invoqué par Monsieur [E] [X].

* * * * *

7. Monsieur [E] [X], bien que représenté, n’a pas conclu.

* * * * *

8. L’instruction de l’affaire a été déclarée close le 16 février 2022.

9. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

10. À titre liminaire, s’agissant de l’absence de conclusions de la part de Monsieur [E] [X], il convient de rappeler que l’article 954 du code de procédure civile dispose en son 6ème alinéa que ‘la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs’.

Sur la rupture du contrat de travail

11. L’article L. 1232-6 du code du travail dispose que, ‘lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur’.

12. L’article 17 de la convention collective ‘boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales)’du 19 mars 1976 dispose que ‘le contrat de travail n’est considéré comme définitivement conclu qu’à la fin de la période d’essai dont la durée est de 30 jours. Pendant la période d’essai, chacune des parties a le droit de reprendre sa liberté sans préavis’.

13. En l’espèce, bien que non signé par le salarié, Monsieur [E] [X] produit un contrat de travail à durée indéterminée daté du 4 avril 2020, expressément régi par la convention collective ‘boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales)’, aux termes duquel le salarié est embauché à compter de ce jour en qualité d’ouvrier boulanger coefficient 185, avec une période d’essai se terminant le 3 juin 2020.

14. À supposer que la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons ait remis en mains propres à Monsieur [E] [X] une lettre de rupture le 19 mai 2020, ainsi que l’affirme l’appelante, le contrat de travail à durée indéterminée du salarié est réputé avoir été définitivement conclu le 4 mai 2020.

15. Il s’ensuit que la rupture, opérée sans motifs, s’analyse en un licenciement sans motif réel et sérieux, ainsi que l’a jugé le conseil, les circonstances tirées de la crise sanitaire étant inopérantes.

Sur les indemnités

1 – l’indemnité de préavis :

16. Aux termes de l’article 32 de la convention collective évoquée plus haut, ‘en cas de licenciement ou de démission d’un salarié, (…) si le salarié a moins de 6 mois d’ancienneté, la durée du préavis est d’une semaine réciproquement’.

17. Sur la base du salaire mensuel de Monsieur [E] [X] (1.780,00 €), le conseil a justement estimé l’indemnité de préavis à la somme de 410,76 € correspondant à la somme réclamée par le salarié qui avait droit à un préavis d’une semaine dès lors qu’il comptait 1,5 mois d’ancienneté dans l’entreprise.

2 – l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

18. L’article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité d’un mois de salaire maximum pour un licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse d’un salarié comptant moins d’un an d’ancienneté.

19. Le conseil n’a pas fait droit à la demande de Monsieur [E] [X] en totalité eu égard à la très faible ancienneté du salarié (un mois et demi) en lui allouant la somme de 1.000,00 €, mais il sera relevé une contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement qui lui accorde la somme de 1.780,00 €.

20. Il conviendra donc de réparer cette simple erreur matérielle.

3 – l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement :

21. Il convient d’observer que ce chef de demande a été rejeté par le conseil et que la cour n’est pas saisie d’un appel incident à cet égard.

4 – les dommages et intérêts :

22. Le conseil a considéré que ‘la situation floue et imprécise ainsi que le comportement et les actes entrepris par I’employeur ont causé un retard dans la perception de ses indemnités chômage par Monsieur [E] [X]’ et a compensé ce préjudice par l’octroi d’une somme de 4.000,00 €.

23. Le fait que le conseil ait rappelé les textes applicables en la matière (les articles 1240 et 1241 du code civil), non expressément invoqués par le salarié, ne constitue pas, selon les termes de l’appelante, un jugement ultra petita puisque, ce faisant, il n’a jamais fait qu’appliquer les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile.

24. Selon le conseil, ‘l’employeur, en mentionnant ‘prise d’acte de rupture’ au lieu de ‘licenciement’ sur l’attestation Pôle Emploi, a provoqué, de facto, un préjudice dans la mesure où les services de Pôle Emploi ont estimé Monsieur [E] [X] inéligible aux indemnités’.

25. La lecture de l’attestation Pôle Emploi confirme que la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons a commis une faute en cochant indûment, au titre du ‘motif de la rupture du contrat de travail’, la mention ‘autre motif’ et en précisant ‘prise d’acte de la rupture du contrat de travail’, ce qui lui a valu une perte d’indemnités chômage de trois mois entre le refus initial d’allocation opposé par Pôle Emploi le 25 juin 2020 et la recharge de ses droits accordée le 12 octobre 2020 à effet au 25 septembre 2020.

26. Pour autant, une somme de 3.000,00 € est de nature à compenser suffisamment le préjudice ainsi subi.

Sur les dépens

27. La S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons, qui succombe sur l’essentiel, sera condamnée aux dépens d’appel.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

28. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.

29. En l’espèce, seule la partie ayant été condamnée aux dépens sollicitant la prise en charge de ses frais irrépétibles, il n’y aura pas lieu de faire application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Réparant l’erreur matérielle figurant au jugement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons à payer à Monsieur [E] [X] les sommes de :

– 1.780,00 € brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4.000,00 € brut à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et/ou assurance chômage,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons à payer à Monsieur [E] [X] les sommes de :

– 1.000,00 € (mille euros) brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.000,00 € (trois mille euros) brut à titre de dommages et intérêts pour perte d’assurance chômage,

Condamne la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie des Avirons aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le président

 


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