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Arrêt n° 22/00244
04 mai 2022
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N° RG 19/03073 –
N° Portalis DBVS-V-B7D-FFTS
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
20 novembre 2019
19/00081
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Quatre mai deux mille vingt deux
APPELANT :
M. [J] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Paul HERHARD, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/011866 du 04/02/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
S.A.S. GROUPE S.G.P. prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier FIRTION, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 janvier 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
Mme Laëtitia WELTER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
M. [J] [K] a été embauché par la SAS Groupe SGP par contrat à durée déterminée en date du 7 avril 2016, puis par contrat à durée indéterminée du 15 avril 2016 en qualité d’agent de sécurité. Il était principalement affecté à des sites correspondant à des magasins Leclerc ou Cora. Son salaire mensuel brut moyen était en dernier lieu de 1 546,99 euros, hors primes et heures supplémentaires.
Le salarié a été en arrêt maladie à compter du 21 février 2016 et lors d’une visite de reprise en date du 26 mars 2018, le médecin du travail l’a déclaré inapte définitif au poste d’agent de sécurité tel que proposé par SGP, mais apte à un poste permettant d’alterner position assise et debout.
Après convocation à un entretien préalable qui s’est tenu le 19 avril 2018, M.[K] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2018.
Par acte introductif d’instance du 8 février 2019, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de :
– dire et juger irrégulière la consultation des délégués du personnel,
– dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse
– voir condamner la SAS Groupe SGP, outre aux dépens de l’instance, à lui payer les sommes de :
* 9 276 euros à titre d’indemnité pour la consultation irrégulière des délégués du personnel,
* 5 411 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 986,73 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 298,67 euros bruts pour les congés payés afférents,
* 9 281,49 euros bruts au titre du travail dissimulé,
* 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 20 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Metz a dit que la consultation des délégués du personnel avait été régulière, bien que non nécessaire, que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [K] de l’ensemble de ses prétentions, le condamnant sur demande reconventionnelle de la SAS Groupe SGP à verser à cette dernière la somme de 1 euro pour procédure abusive et 50 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Cette société était déboutée de sa demande en application d’une amende civile.
Par déclaration par voie électronique du 28 novembre 2019, M. [K] a interjeté appel de ce jugement et, par ses dernières conclusions datées du 5 janvier 2021, il demande à la Cour d’infirmer ce jugement, de dire irrégulière la consultation des délégués du personnel et de condamner la SAS SGP, outre aux dépens de l’instance, à lui payer une indemnité à ce titre augmentée au montant de 18 552 euros, en tout état de cause une somme de 1 546 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, ainsi qu’un montant de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
A titre subsidiaire, il demande que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et que la société Groupe SGP soit condamnée à lui payer la somme de 5 411 euros à titre de dommages et intérêts sur ce fondement.
Par ses dernières conclusions datées du 6 novembre 2020, la SAS Société Groupe SGP forme d’abord une fin de non recevoir concernant la demande nouvelle portant sur le respect de la procédure de licenciement.
Elle demande au fond que M. [J] [K] soit débouté de toutes ses fins et prétentions, et sur appel incident , que M. [K] soit condamné à lui payer une somme de 2 000 euros pour procédure abusive en application de l’article 32-1 du code de procédure civile, sans préjudice de l’amende civile dont la fixation du montant est laissée à l’appréciation de la Cour, ainsi qu’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2021.
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constaté à titre préliminaire que M. [K] ne reprend plus en cause d’appel ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé, le jugement entrepris est donc définitif pour l’en avoir débouté.
Sur la fin de non recevoir
La SAS Société Groupe SGP relève que par conclusions responsives et récapitulatives du 26 mai 2020, M. [K] demande que la société soit condamnée à lui payer une somme de 1 546 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-respect de la procédure de licenciement et fait valoir qu’il s’agit d’une demande nouvelle, qui doit être déclarée irrecevable, tant à raison de ce caractère nouveau qu’en raison du non respect du principe de concentration des moyens de l’article 910-4 du code de procédure civile.
M. [K] répond qu’il entend faire sanctionner le fait que l’employeur n’a pas fait connaître par écrit les motifs s’opposant à son reclassement et que sa demande est l’accessoire ou le complément aux prétentions qu’il formule concernant le respect de l’obligation de reclassement et donc recevable sur le fondement de l’article 566 du code de procédure civile.
Si en application de ce dernier article, il est de jurisprudence constante que toutes les demandes dérivant d’un même contrat de travail ne sont pas à considérer comme nouvelles, même formulées pour la première fois en cause d’appel, il ressort néanmoins de l’article 910-4 du même code que, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office ou pouvant être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2, 908 à 910, soit leurs premières conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, à moins qu’il ne s’agisse de répliquer aux conclusions et pièces adverses ou faire juger des questions nées de la survenance ou la révélation d’un fait nouveau.
En l’espèce, la question de la régularité de la procédure ne répond pas à cette exception et M. [K] aurait par conséquent du formuler sa demande à ce titre dès les conclusions d’appel déposées en application de l’article 908 du code de procédure civile, or ces conclusions, entrées au RPVA le 8 janvier 2020, ne comportent pas cette demande.
Il sera par conséquent fait droit à la fin de non recevoir soulevée par l’intimée concernant ce chef de demande.
Sur la consultation des délégués du personnel
M. [K] précise que son arrêt de travail a été consécutif aux séquelles d’un accident de travail survenu le 3 décembre 2010, que la consultation des délégués du personnel, devenus comité économique et social, était donc nécessaire.
Il estime en l’espèce que cette consultation a été irrégulière, dans la mesure où de fausses informations ont été communiquées tant au médecin du travail qu’aux délégués du personnel, car concernant un poste sur le site de la société Stokomani sur lequel il n’a jamais travaillé, outre que la convocation de ces délégués portait sur une consultation sur son impossibilité de reclassement et non sur son reclassement.
Il réclame, sur le fondement de l’article L. 1226-15 du code du travail, l’indemnisation de cette irrégularité à hauteur de 12 mois de salaire.
La SAS Société Groupe SGP fait valoir en réplique qu’aux termes de la jurisprudence il n’existe pas d’obligation de consulter les délégués du personnel en l’absence de proposition de reclassement, mais qu’elle a malgré tout procédé à cette consultation, en donnant les informations nécessaires, qui étaient en l’espèce, que la recherche de reclassement n’avait pu aboutir, de sorte que sa démarche a été parfaitement sincère.
Elle conteste l’application des dispositions relatives aux inaptitudes d’origine professionnelle, notamment s’agissant de l’indemnité réclamée en application de l’article L. 1226-15 du code du travail, qui est limitée à 6 mois de salaire depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 septembre 1997, et ne se distingue pas de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, se rapportant à l’article L. 1226-6 du même code qui exclut l’application des dispositions en question aux rapports entre un employeur et son salarié victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle survenu ou contractée au service d’un autre employeur.
En l’espèce, il est constaté que M. [K] ne justifie pas de l’accident de travail de 2010 dont il fait état, nécessairement survenu au service d’un employeur précédent, et ses arrêts de travail à compter du 21 février 2018 ont été délivrés pour maladie simple, sans référence à une rechute de cet accident du travail ou à une quelconque origine professionnelle de ces arrêts.
De même, les avis du médecin du travail ne font référence à aucune origine professionnelle de l’inaptitude du salarié.
Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’il fallait faire application, concernant le reclassement du salarié, des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, qui prévoient depuis le 1er janvier 2017 une même obligation de consulter pour avis les délégués du personnel, devenus comité social et économique, mais sans que les conséquences de l’inapplication de ce texte ne soient celles prévues à l’article L. 1226-15, qui n’instaure effectivement aucune indemnisation distincte au cas d’une omission ou d’une irrégularité de cette consultation, mais écarte seulement l’application du « barème Macron » en cas de méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 et ce au profit de l’indemnisation prévue à l’article L. 1235-3-1, soit l’octroi d’une indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, selon le cas, qui ne soit pas inférieure au salaire des six derniers mois.
L’irrégularité de la consultation des délégués du personnel invoquée par M. [K] doit donc être examinée comme étant une composante de l’obligation de
reclassement de l’employeur, dont le non-respect rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnisation à ce seul titre.
Les dispositions pertinentes applicables au jour de l’introduction de la procédure de licenciement, en l’espèce le 11 avril 2018, prévoient en l’occurrence cette obligation de reclassement ainsi que suit :
– Article L.1226-2 Version en vigueur depuis le 1er janvier 2018 (modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 – art. 1, modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 – art. 4) :
Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
– Article L.1226-2-1 (Version en vigueur depuis le 01 janvier 2017 – Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 – art. 102 (V)) :
Lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Aux termes du premier de ces textes, la consultation du comité social et économique n’est requise que lorsque l’employeur est en mesure de proposer un poste de reclassement au salarié et la Cour de cassation a justement estimé par un arrêt du 5 novembre 2016, pris au visa de l’article L. 1226-10, mais également applicable à l’article L. 1226-2 dont la rédaction est très similaire, qu’aucun texte n’impose une telle consultation en l’absence de proposition de reclassement.
Les premiers juges ont donc estimé à juste titre que la consultation néanmoins menée par la SAS Société Groupe SGP n’était pas requise, de sorte que son éventuelle irrégularité est en soi sans emport.
La Cour estime par contre que, puisque cette consultation a eu lieu, même portant sur une impossibilité de reclassement, cet élément doit être pris en compte plus généralement dans le cadre du respect par l’employeur de son obligation loyale et sincère de recherche d’un reclassement.
Sur l’obligation de reclassement
M. [K] fait valoir que l’employeur n’a pas rempli son obligation de reclassement dès lors qu’il a trompé le médecin du travail sur le poste qu’il occupait lors de son arrêt de travail, que ce dernier a seul étudié, sans recueillir son avis, que pour autant le médecin du travail n’a pas conclu à une inaptitude excluant toute possibilité de reclassement, qu’il a seulement été déclaré inapte au poste chez Stokomani et pas à ses postes au sein de Leclerc et Cora, qu’il a toujours assumés sans difficulté et dont l’aménagement n’a pas été envisagé, enfin que la société dispose de 5 implantations régionales et de 145 sites « clients » où aucune recherche n’a été menée.
La SAS Société Groupe SGP explique en réplique que l’obligation de reclassement est de moyens et non de résultat, que l’impossibilité de reclassement est justifiée lorsque aucun poste n’est compatible avec l’état du salarié ou avec les préconisations du médecin du travail et que l’employeur n’est pas tenu de créer un poste.
En l’occurrence elle affirme avoir tenu compte du fait que M. [K] lui avait indiqué ne pouvoir rester continuellement débout, en l’informant qu’à sa reprise elle envisageait de l’affecter au site de Stokomani à [Localité 9], qu’elle a soumis à l’avis du médecin du travail après la visite de pré-reprise, lequel a estimé qu’il n’était pas adapté, que M. [K] a donc été déclaré inapte à la fois à son poste chez Cora lors de la visite de pré-reprise, puis au poste proposé lors de la visite de reprise.
Elle indique produire une attestation du manager du service sécurité au sein du magasin Cora de [Localité 7], qui confirme que les restrictions médicales de M. [K] ne permettaient pas de le maintenir sur ce site, et affirme que plus généralement les préconisations du médecin du travail ne permettaient plus au salarié d’exercer au sein d’un centre commercial.
La Cour rappelle que la recherche de reclassement de l’employeur doit être réelle, sérieuse et loyale, qu’elle doit porter sur un poste disponible, au besoin après aménagement, et que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Par ailleurs, c’est à l’employeur aux termes de l’article L. 1226-2-1 précité de justifier qu’il a été dans l’impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2.
En l’espèce, il résulte des éléments produits aux débats que :
M. [K] a été vu en visite de pré-reprise à sa demande par le Dr [Z]-[L], médecin du travail, le 14 mars 2014, lequel a émis la proposition suivante : « Ne peut occuper son poste actuellement. Prévoir à la reprise un poste permettant l’alternance de position assise et debout sans dépasser 2 heures consécutives si possible. Permettre au salarié de tester un siège adaptéen cas de position assis/debout plus prolongée. »
Le 21 mars 2018, le Dr [Z] a écrit à l’employeur qu’il le remerciait de lui « avoir permis de voir le 15 mars 2018 le poste qu’occupait M. [K] [J] avant son arrêt de travail », ajoutant que :
«Cet échange nous a permis de préciser les conditions de travail dans l’entreprise.
Vous m’avez précisé que certaines contraintes telles que les horaires de présence, positionnement de vos salariés sur les sites sont liés aux exigences du client.
Nous avons pu aborder les possibilités de reclassement ou d’aménagement du poste de M. [K].
Vous m’avez précisé n’avoir actuellement aucun poste disponible permettant d’alterner position assise et position debout selon une proportion proche de 2 heures debout, une heure assis (ou 2/3 1/3 sans dépasser deux heures consécutives.
Le siège assis-debout actuellement en place ne permet pas un soulagement suffisant.
Je joins à ce courrier le compte-rendu de l’étude du poste (…) »
Le document joint indique en l’occurrence que le médecin du travail a fait une étude du poste de Stokomani « où il (M. [K]) était affecté avant son arrêt de travail », la suite du document précisant les horaires de travail, les taches et contraintes qu’implique ce poste, le matériel disponible notamment un siège assis-debout présent dans le sas, mais dont il est dit qu’il ne permet qu’un soulagement incomplet et ne convient pas pour un usage prolongé et conclut :
« La position debout prolongée pose problème sur ce poste compte-tenu de l’état de santé du salarié. Il est recommandé d’orienter le salarié vers un poste permettant d’alterner position assise (environ 1/3 du temps) et debout. L’entreprise pourrait également proposer au salarié de tester d’autres types de sièges compatibles avec la mission de surveillance et les exigences du poste ».
Le 26 mars 2018, le Dr [Z]-[L] a vu M. [K] cette fois-ci en visite de reprise et a établi un avis d’inaptitude, qui mentionne une visite du poste, une étude des conditions de travail et un échange avec l’employeur en date du 15 mars, suivi d’un courrier du 21 mars 2018 et conclut (sans nécessité d’une deuxième visite) :
« Inapte définitif au poste d’agent de sécurité tel que proposé par SGP chez Stokomani [Localité 9]. Pourrait occuper un poste d’agent de sécurité permettant d’alterner position assise (1 heure) et debout (2 heures) sans dépasser 2 heures consécutives debout (ou avec une proportion maximale 2/3 debout 1/3 assis et 2 heures consécutives maximales debout) ».
Le 5 avril 2018, l’employeur a procédé à une convocation à une réunion exceptionnelle des délégués du personnel, en visant les dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, afin des les « consulter sur l’impossibilité de reclassement » de M. [K], le courrier évoquant les éléments suivants :
« M. [K] exerce les fonctions d’agent de sécurité et compte une ancienneté de deux ans (7/04/2016)
M. [K] est en arrêt maladie depuis le 21/02/2018. A cette date il était affecté sur le site de Cora [Localité 6].
A partir du 23 février 2018, l’intéressé préalablement à sa visite de pré-reprise indique qu’il ne peut rester debout continuellement à raison d’un de ses genoux.
Prenant en compte cette pathologie présumée, nous l’informons qu’à sa reprise de travail il sera affecté sur le site de Stokomani [Localité 9] car ce dernier est équipé d’un siège assis-debout.
A la suite de la visite de pré-reprise du 14 mars 2018, la médecine du travail a souhaité réaliser une étude de poste sur le site où allait être affecté monsieur [K].
(suit l’indication qu’est joint à la convocation le courrier du médecin du travail et le compte-rendu de sa visite du poste, ainsi que la mention des conclusions de la visite de reprise du 28 mars 2018, présenté comme un avis d’inaptitude)
A la réception de cet avis, qui venait confirmer les préconisations de l’étude de poste pour lesquelles l’entreprise avait à cette occasion indiqué ne pas de disposer de ce type de poste de travail, nous sommes dans l’impossibilité de proposer un reclassement à [K].
Les délégués du personnel sont donc amenés à se prononcer sur cette impossibilité qui sera notifiée au salarié et qui obligera l’employeur à engager la procédure de licenciement prévue en pareil cas. »
Contrairement à ce qu’il a indiqué dans cette convocation, l’employeur ne justifie pas qu’il aurait fait connaître par écrit à M. [K] les motifs s’opposant à son reclassement, comme l’y obligeait l’article L. 1226-2-1 précité.
Par contre il est constant que dès le lendemain de la réunion des délégués du personnel, fixée au 10 avril 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une mesure de licenciement et que M. [K] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 2018, qui explique qu’après la visite de reprise chez le médecin du travail du 26 mars 2018 et ses conclusions, reprises dans ce courrier, dont l’avis « venait confirmer les préconisations de l’étude de poste pour lesquelles l’entreprise avait à cette occasion indiqué ne pas disposer de ce type de poste de travail », la société a convoqué les délégués du personnel « en leur précisant que nous étions dans l’impossibilité de proposer un reclassement » , ceci en application de l’article L. 1226-10 du contrat de travail (sic) et que suite à l’avis donné par ces derniers (deux favorables, deux défavorables, une abstention) « au visa des dispositions de l’article L. 1226-12 du code du travail nous sommes dans l’obligation de vous notifier votre licenciement pour inaptitude professionnelle en l’absence de toute possibilité de reclassement. »
Au vu de ces éléments, la Cour constate d’abord que la SAS Société Groupe SGP a entamé une recherche de reclassement alors que M. [K] n’avait pas encore été déclaré inapte à son poste de travail, la visite qui a lieu à sa demande le 14 mars 2018, – qui n’a pas été qualifiée de visite de pré-reprise par le médecin du travail, mais de « suivi individuel de l’état de santé » du salarié en application de l’article L. 4624-1 du code du travail, qui prévoit une possibilité de visite à la demande d’un salarié lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi -, ayant été impropre à constater cette inaptitude.
Or la recherche d’un reclassement, même si rien n’empêche qu’elle soit anticipée, doit être effectivement menée ou au moins poursuivie après la déclaration d’inaptitude.
En l’espèce, il n’est justifié par l’employeur d’aucune démarche en vue d’un reclassement de M. [K] après l’avis d’inaptitude du 26 mars 2018 autre qu’une convocation, non requise comme déjà précisé, des délégués du personnel pour un avis sur une impossibilité de reclassement, immédiatement suivi de l’engagement de la procédure de licenciement.
L’inaptitude doit par ailleurs, aux termes de l’article L. 1226-2 du code du travail sus cité, être de reprendre l’emploi que le salarié occupait antérieurement à son arrêt de travail, or l’avis du Dr [Z] porte sur une inaptitude de M. [K], non pas au poste qu’il occupait antérieurement à Cora [Localité 6], que le médecin du travail n’a pas été amené à étudier, de sorte qu’il n’a pu se prononcer en connaissance de cause sur une inadaptation de ce poste à l’état de santé du salarié, ni sur la possibilité de son éventuel aménagement, mais sur un poste en fait pressenti pour l’affectation du salarié à la reprise de son travail, car doté d’un siège assis-debout.
Le fait que le médecin du travail présente à deux reprises ce poste chez Stokomani comme étant celui qu’occupait M. [K] avant son arrêt de travail, puis, dans l’avis d’inaptitude, comme celui « proposé » par SGP, crée à cet égard une grande incertitude sur la portée de l’avis de ce médecin, qui a en fait déclaré le salarié inapte à un poste envisagé pour son reclassement et non à son poste de travail habituel…
La SAS Société Groupe SGP n’a ainsi pas permis au médecin du travail de mener correctement sa tâche, qui supposait qu’il étudie d’abord les contraintes du poste occupé en dernier lieu par le salarié, pour donner un avis éclairé sur son aptitude à ce poste, puis seulement, dans un deuxième temps, dans le cadre de la recherche de reclassement qui incombait à ce moment-là à l’employeur, qu’il donne un nouvel avis sur un poste de reclassement éventuellement identifié par ce dernier, au besoin après une nouvelle étude de ce poste.
Enfin, alors que M. [K] démontre, par un extrait de son site internet, que la société Groupe SGP dispose de 3 agences à [Localité 3], [Localité 10] et [Localité 5] et de deux antennes à [Localité 4] et [Localité 8], emploie 830 collaborateurs et assure la sécurité de plus de 186 sites pour 111 clients, l’intimée ne justifie d’aucune recherche menée dans les autres entités du groupe, toutes spécialisées comme l’agence de [Localité 3] à laquelle était rattaché M. [K], dans la surveillance
Compte tenu de toutes ces éléments, il ne peut en définitive être considéré que l’employeur a mené une recherche effective, sincère et loyale de reclassement de l’appelant, dont le licenciement sera dès lors, après infirmation sur ce point du jugement déféré, déclaré sans cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au moment du licenciement, M. [K] peut prétendre, pour un ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise comptant plus de 11 salariés, à une indemnité comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.
Il sera en l’occurrence fait droit à sa demande en paiement du montant de 5 411 euros nets correspondant au maximum prévu par la loi, en considération du fait que le salarié justifie qu’il n’avait pas retrouvé d’emploi fin 2019.
Sur le surplus
En application de l’article L 1235-4 du code du travail l’employeur sera par ailleurs tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement jusqu’au jour du jugement, dans la limite de 6 mois de ces indemnités, cette disposition étant applicable en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La SAS Société Groupe SGP, qui succombe pour partie, supportera les dépens de première instance et d’appel.
Elle sera par ailleurs déboutée de ses demandes reconventionnelles, aucun abus du droit d’ester en justice n’étant caractérisé.
Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, M. [K] bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare irrecevable la demande de M. [J] [K] portant sur le non respect de la procédure de licenciement ;
Confirme le jugement entrepris pour avoir débouté M. [J] [K] de sa demande au titre de l’irrégularité de la consultation des délégués du personnel ;
Infirme ce jugement pour le surplus et, statuant à nouveau dans cette limite,
Dit que la SAS Société Groupe SGP a manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement de M. [J] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Société Groupe SGP à payer à M. [J] [K] la somme de 5 411 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute la SAS Société Groupe SGP de l’ensemble de ses prétentions à titre reconventionnel ;
Condamne la SAS Société Groupe SGP aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Ordonne à la SAS Société Groupe SGP de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement jusqu’au jour du jugement, dans la limite de six mois de ces indemnités ;
Condamne la SAS Société Groupe SGP aux dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée
La Conseillère