Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2022
N° RG 21/00314 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UJBE
AFFAIRE :
[D] [V]
C/
S.A. GAZTRANSPORT ET TECHNIGAZ
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET CEDEX
N° Section : E
N° RG : F 19/00097
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats
Me Julie GOURION
Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [D] [V]
né le 14 Avril 1981 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0480 – Représentant : Me Karine MARTIN-STAUDOHAR, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 256, substitué par Me Anna PEREZ, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE
APPELANT
****************
S.A. GAZTRANSPORT ET TECHNIGAZ
N° SIRET : 662 001 403
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle FRANCOU de l’AARPI FRANCOU ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2082, substituée par Me Nicolas GIL, avocat au barreau de PARIS – Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 9 janvier 2017, M. [V] était embauché par la société Gaztransport et Technigaz en qualité de responsable développement informatique, par contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail était régi par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le 12 novembre 2018, la société Gaztransport et Technigaz convoquait M. [V] à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien se déroulait le 22 novembre 2018. L’entreprise reprochait au salarié plusieurs manquements au sein du pôle développement comme une absence de gestion de son équipe et l’inexistence de procédure dans son département, ce que le salarié contestait en affirmant qu’il avait alerté son entreprise sur une surcharge de travail le concernant. Le 27 novembre 2018, elle lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le 2 juillet 2019, M. [V] saisissait le conseil des prud’hommes de Rambouillet.
Vu le jugement du 28 décembre 2020 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Rambouillet qui a’:
– Dit et jugé que le licenciement de M. [V] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– Condamné la société Gaztransport et Technigaz à payer à M. [V] la somme de 9’000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Dit que cette somme portera intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement.
– Dit et jugé que la convention de forfait-jours n’était pas opposable à M. [V].
– Débouté M. [V] de l’intégralité de ses autres demandes.
– Condamné la SA Gaztransport et Technigaz à verser à M. [V] la somme de 1’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouté la société Gaztransport et Technigaz de sa demande reconventionnelle concernant le versement d’un article 700 du code de procédure civile.
– Condamné la société Gaztransport et Technigaz aux entiers dépens et frais d’exécution éventuels.
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu l’appel interjeté par M. [V] le 27 janvier 2021
Vu les conclusions de l’appelant, M. [V], notifiées le 16 mars 2022 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
– Déclarer M. [V] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Jugé le licenciement de M. [V] sans cause réelle ni sérieuse ;
– Jugé inopposable à M. [V] la convention de forfait jours ;
– Réformer le jugement entrepris pour le surplus ;
En conséquence de quoi ;
Statuant à nouveau :
A titre principal
– Juger le licenciement de M. [V] nul
En conséquence,
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz à verser à M. [V] :
A titre principal, en intégrant les rappels de salaires, sur une moyenne de 6’625, 09 euros
– 58’725,81 euros au titre de dommages intérêts pour nullité du licenciement (correspondant à 9 mois de salaire)
– 6’625,09 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 662,50 eurosau titre des congés payés afférents.
– 2’650,03 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
A titre subsidiaire, en n’intégrant pas les rappels de salaires, sur une moyenne mensuelle brute de 5’819,06 euros
– 52’362,54 euros au titre de dommages intérêts pour nullité du licenciement (correspondant à 9 mois de salaire)
A titre subsidiaire
– Juger que le licenciement de M. [V] est sans cause réelle ni sérieuse
En conséquence,
– Juger que doit être écarté le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable
En conséquence de quoi ,
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz à verser à M. [V] :
A titre principal, en intégrant les rappels de salaires, sur une moyenne de 6’625, 09 euros
– 58’725,81 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement abusif (correspondant à 9 mois de salaire)
– 6’625,09 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 662,50 euros au titre des congés payés afférents.
– 2’650,03 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
A titre subsidiaire, en n’intégrant pas les rappels de salaires, sur une moyenne mensuelle brute de 5’819,06 euros
– 52’362,54 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement abusif (correspondant à 9 mois de salaire)
En tout état de cause
– Confirmer que la clause de forfait jours est inopposable à M. [V]
En conséquence de quoi
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz aux rappels de salaires suivants :
– 5’787,47 euros au titre de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires 2017
– 578,74 euros au titre des congés y afférents ;
– 9’348,05 euros au titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires 2018,
– 934,80 euros au titre des congés payés y afférents
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz à verser à M. [V] la somme de 15’000 euros au titre de dommages intérêts pour violation de la législation sur la durée du repos quotidien (article L.3131-1 du code du travail)
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz au paiement d’une indemnité de travail dissimulé égale à :
A titre principal, en intégrant les rappels de salaires, sur une moyenne de 6’625,09 euros: 39’750,54 euros
A titre subsidiaire, en n’intégrant pas les rappels de salaires, sur une moyenne mensuelle brute de 5’819,06 euros : 34’914,36 euros
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz au rappel de salaires suivant ;
– 6’175 euros au titre de rémunération variable 2018
– 617,50 euros au titre des congés payés y afférents
– Juger que la société Gaztransport et Technigaz a violé les article L4121-1, L. 4121-2 et L1152-4 du code du travail
En conséquence de quoi,
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz au paiement de la somme de 30’000 euros au titre de la violation de l’obligation de sécurité de prévention
– Juger que la société Gaztransport et Technigaz a violé les articles L1152-1 et L1152-2 du code du travail.
En conséquence de quoi,
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz à la somme de 30’000 euros de dommages intérêts au titre de la violation de l’obligation de sécurité et du harcèlement moral.
– Ordonner à la société Gaztransport et Technigaz à remettre à M. [V] les bulletins de paye, le certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi conformes aux condamnations rendues sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz à la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile y ajoutant 2’500 euros en cause d’appel ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l’introduction de la demande au titre de l’article 1154 du code civil
– Condamner la société Gaztransport et Technigaz aux entiers dépens dont distractions faits au profit de la SELARL BDL Avocats.
Vu les écritures de l’intimée, la SA Gaztransport et Technigaz, ci-dessous dénommée GTT, notifiées le 28 février 2022 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Déclarer recevable mais mal fondé l’appel principal interjeté par M. [V].
– L’en Débouter.
– Déclarer recevable et fondé l’appel incident formé par la société SA Gaztransport et Technigaz.
Y faisant droit,
A titre principal
– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes dont appel en ce qu’il a :
– Jugé que le licenciement de M. [V] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse
– Condamné la société SA Gaztransport et Technigaz à verser à M. [V] la somme de 9’000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Jugé que la convention de forfait-jours n’était pas opposable à M. [V] ;
– Condamné la société SA Gaztransport et Technigaz à la somme de 1’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté la société SA Gaztransport et Technigaz de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau :
– Déclarer que le licenciement de M. [V] repose bien sur une cause réelle et sérieuse
– Débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes afférentes ;
– Déclarer que la convention de forfait-jours répond aux exigences légales et est opposable à M. [V] ;
– Débouter M. [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel ;
– Condamner M. [V] à payer à la société SA Gaztransport et Technigaz la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– Débouté M. [V] de sa demande de nullité du licenciement ;
– Débouté M. [V] de ses demandes au titre des heures supplémentaires ;
– Débouté M. [V] de sa demande au titre du travail dissimulé ;
– Débouté M. [V] de sa demande de 15’000 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de la législation sur la durée du repos quotidien ;
– Débouté M. [V] de sa demande de voir fixer la moyenne de ses salaires à 6’625,09 euros ;
– Débouté M. [V] de sa demande de 2’650,03 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– Débouté M. [V] de sa demande de 6’625,09 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;
– Débouté M. [V] de sa demande de paiement de la somme de 6’175 euros bruts au titre du versement de sa rémunération variable de 2018 et congés payés afférents ; – Débouté M. [V] de sa demande au titre de la violation par la société SA Gaztransport et Technigaz des articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 1152-4 du code du travail ;
– Débouté M. [V] de sa demande de 30’000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de prévention ;
– Débouté M. [V] de sa demande au titre de la violation par la société SA Gaztransport et Technigaz des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail ;
– Débouté M. [V] de sa demande de 30’000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de harcèlement moral ;
– Débouté M. [V] de sa demande de voir le barème de l’article L. 1235-3 du code du travail inapplicable ;
A titre subsidiaire
– Confirmer la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– Jugé que le licenciement de M. [V] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société SA Gaztransport et Technigaz à lui verser 9’000 euros de dommages-intérêts ;
– Débouté M. [V] de l’intégralité de ses autres demandes.
– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– Jugé que la convention de forfait annuel en jours n’était pas opposable à M. [V];
– Condamné la société SA Gaztransport et Technigaz à la somme de 1’000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Débouté la société SA Gaztransport et Technigaz de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
– Déclarer que la convention de forfait-jours répond aux exigences légales et est opposable à M. [V] ;
– Condamner M. [V] à payer à la société SA Gaztransport et Technigaz la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
En tout état de cause
– Débouter M. [V] en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner M. [V] à payer à la société SA Gaztransport et Technigaz la somme de 5’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
– Dire que les dépens d’appel pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 21 mars 2022.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail’:
Sur le harcèlement moral :
M. [V] reproche à son employeur de l’avoir soumis à une surcharge de travail, à des pressions et des dénigrements.
Selon l’article L. 1152-1 du code du travail,’aucun’salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou compromettre son avenir professionnel. Selon l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou de les avoir relatés.
L’article L. 1154-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, les salariés concernés établissent des faits qui permettent de présumer l’existence du harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Pour étayer ses affirmations, M. [V] qui a été embauché en qualité de responsable du développement informatique à compter du 9 janvier 2017 produit notamment’:
En ce qui concerne sa surcharge de travail,
– un mail non daté portant sur l’organisation d’une réunion le 21/12/2017 pour établir un «’bilan communication des systèmes embarqués’» adressé à 9 salariés avec l’idée de «’faire un bilan du tableau de communication mis en place depuis 3 semaines et prévoir la charge de travail pour les deux premières semaines de janvier’» (pièce 162)
– un mail de M. [M] du 26/10/2017 ayant pour objet «’budget SI ‘ systèmes embarqués’» contenant un bilan des besoins des systèmes embarqués pour l’année 2018 (pièce 163)
– son entretien annuel d’évaluation 2017 réalisé le 8 février 2017 (2018′), contenant son appréciation personnelle sur sa charge de travail en raison du départ du DSI «’par manque d’effectif, j’ai dû récupérer les tâches de chef de projet pour la quasi-totalité des projets SI-Dev (l’arrivée de EGE en tant que chef de projet ”calcul scientifique” me décharge heureusement de ces tâches pour certains projets). Cela me prend 80% de mon temps ce qui me laisse peu de temps pour effectuer mes tâches de responsable développement informatique (management d’équipe, mise en place de méthodes d’amélioration continue, remonté d’indicateurs). Le départ du RSI augmente encore la charge de travail’» (pièce 18)
– la lettre de M. [H], membre de son équipe, datée du 6 juin 2019 mentionnant que M. [V] a procédé à une réorganisation du département développement logiciel suite au départ du responsable, M. [E], en juillet 2017, cette réorganisation n’ayant jamais vu le jour, et en raison des difficultés de Mme [G], une partie de sa charge de travail est revenue à l’équipe développements logiciel, ayant conduit aux difficultés de M. [V] avant son arrêt de travail de plusieurs semaines à compter de février 2018 (pièce 97),
tous éléments ne permettant pas à la cour, au vu de ses seuls éléments, de retenir que la surcharge de travail de M. [V] est matériellement établie, alors qu’aucun arrêt de travail n’est mentionné par M. [V] en février 2018, et que la généralité des propos ne permet pas d’établir ce fait.
En ce qui concerne les pressions, son courriel précité du budget 2018, pièce 162, ne permet pas plus à la cour de retenir que ce fait est matériellement établi.
En ce qui concerne le dénigrement, les mêmes pièces ci-dessus décrites 18, 162 et 163 ne portant aucun fait matériel de dénigrement son manager mentionnant dans le mail pièce 106 «’ta remarque était juste ! Dans la précipitation budgétaire, j’ai rempli ce tableau sans t’en parler’» ou lui demandant des précisions «’j’aimerai également une justification des charges’» pièce 107 pas plus que dans le mail «’visibilité et confiance’» pièce 120 ou ceux intitulés questions organisationnelles pièce 121 dans lesquels il n’indique pas à la cour les termes qu’il estimerait être du dénigrement de son supérieur, de sorte qu’en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée. Ses demandes relatives au harcèlement moral (et sa réclamation d’une indemnisation d’un montant de 30’000 euros) et ses conséquences sur le licenciement doivent donc être par conséquence rejetés. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur l’absence de mesure de prévention de la société, le salarié indique dans ses conclusions que le jugement n’a pas entendu retenir que des préconisations avaient été faites par le CHSCT afin que la situation de surcharge cesse et donc qu’aucune mesure de prévention n’a été prise pour que la charge de travail des salariés du service informatique soit adaptée. La cour relève qu’à défaut pour M. [V] de justifier que le CHSCT avait présenté les préconisations indiquées, sans renvoi à aucune pièce ou élément de pièce, page 29 de ses conclusions, la généralité des propos non étayés ne peut conduire qu’au débouté de cette demande. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur ses alertes non suivies d’investigations et/ou de mesures immédiates afin de faire cesser les agissements dénoncés, M. [V] ne renvoie ni ne verse de pièce en justifiant (page 29 de ses conclusions) de sorte que la cour ne peut que débouter M. [V] de ces chefs de nullité de son licenciement. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur la discrimination :
En l’espèce M. [V] invoque les faits suivants : à la suite de son arrêt maladie prolongé, il a indiqué qu’il ne pouvait reprendre son poste de travail dans les mêmes conditions attentatoires à sa santé physique et mentale et il en conclut que c’est la dénonciation de son état d’épuisement au travail qui est à l’origine de son licenciement au titre d’une subite insuffisance professionnelle.
La cour rappelle qu’aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, tel que défini par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 notamment en matière de rémunération au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’action, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou à raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence de discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-96 du 27 mai 2008au vu des quels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est motivée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Pour étayer ses griefs, M. [V] verse les pièces suivantes :
– la lettre de licenciement du 27/11/2018 (pièce 8)
– la lettre de son médecin traitant, adressé le 23/11/2018 à un confrère «’merci de bien vouloir voir en consultation M. [V] [D] qui a une ”souffrance au travail” information’: l’an dernier, lors d’une période de stress intense, amaigrissement de plusieurs kilos, l’amenant à consulter tardivement , diabète insulinodépendant, acidocétose puis DNID actuellement une procédure de licenciement est en cours à son encontre, lui souhaite une rupture conventionnelle’» (pièce 11) et la lettre du 30/11/2018 de ce même médecin adressée à un confrère psychiatre (pièce 98)
– sa confirmation de rendez-vous du 3/12/2018 pour une consultation de médecine pour le 14/12/2018 (pièce 99)
– réponse à ce courrier du docteur [B] du 14/12/2018, service de souffrance et travail qui relate les doléances de son patient (pièce 14)
– certificat du docteur [P], psychiatre qui atteste l’avoir vu le 4/12/2018 pour une souffrance au travail et état dépressif (pièce 91)
– ses résultats biologiques «’tendances quotidiens entre le 1er et 14 mai 2018’» (pièce 92)
– sa prescription médicamenteuse du 21/12/2018 (pièce 93)
– son arrêt de travail du 10/01/2019 pour dépression (pièce 94)
– son adaptation d’insuline non datée (pièce 101)
– son compte rendu d’hospitalisation du 22/05/2018, ses analyses sanguines en diabétologie endocrinologie en avril 2018 et ses prescriptions médicamenteuses du 23/11/2018 (pièces 101 à 104.
S’il ressort de ces documents la preuve que M. [V] a été suivi pour un diabète sévère au cours du 1er semestre 2018 et s’est trouvé hospitalisé en mai 2018 pour traiter sa maladie, il apparaît que la convocation à l’entretien préalable date du 12/11/2018, soit 6 mois après cet épisode de maladie et avant tout autre document médical dont le premier est concomitant à l’envoi de la lettre de licenciement de sorte que M. [V] ne rapporte pas la preuve que son licenciement résulte de ses troubles de santé et de sa dénonciation non démontrée de son état d’épuisement au travail invoquée postérieurement au licenciement.
La cour constate qu’en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence de discrimination directe ou indirecte au sens du texte ci-dessus n’est pas démontrée. Alors, les demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement sont rejetées. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur la clause de forfait en jours et les heures supplémentaires :
M. [V], qui a été soumis à une clause de forfait en jours dans son contrat de travail fixé à 215 jours, reproche à celle-ci de reposer sur un accord d’entreprise du 11/01/2001 non conforme puisqu’il ne mentionne aucune mesure concrète et suffisante permettant de surveiller la charge de travail du salarié et, en cas de surcharge, d’y remédier efficacement. Il expose qu’il n’a pas donné expressément son accord à une telle clause contenue dans son contrat et alors qu’il n’est pas rapporté la preuve qu’il a été mis en situation de connaître l’accord d’entreprise mentionné dans son contrat de travail, cette clause est nulle. Il indique de plus qu’elle lui est inopposable en raison de l’absence de suivi de la charge de travail, la pièce 19 de la société n’ayant pas de caractère contractuel puisqu’elle ne lui a pas été présentée durant l’exercice professionnel. Il réclame alors la condamnation de son employeur à lui régler les heures supplémentaires qu’il a été amené à réaliser durant son temps de présence dans l’entreprise qu’il évalue à la somme de 5’787,47 euros au titre de l’année 2017 et 9’348,05 euros au titre de l’année 2018 outre les congés payés afférents.
La SA GTT répond que M. [V] a accepté la convention individuelle contenue dans son contrat de travail et qu’elle a suivi les prescriptions relatives au respect des temps de travail et de repos quotidiens et hebdomadaires. Elle indique qu’il ne peut lui être reproché que l’accord d’entreprise signé en 2001 ne respecte pas les préconisations de la loi Travail du 8 août 2016, alors qu’il a été prévu que les accords conclus antérieurement restaient en vigueur, sous réserve de respecter en pratique certaines conditions, établissant qu’elle a tenu un document de contrôle des jours travaillés par M. [V] (pièces 19, 20 et 22). Elle indique qu’elle a assuré un suivi de la charge de travail de M. [V] et qu’ainsi, les temps de repos ont été respectés, puisqu’elle a établi annuellement, juste après son embauche et le 8 février 2018, un bilan de la charge de travail de son salarié et vérifié l’équilibre entre son activité professionnelle et sa vie familiale. Elle verse enfin un accord d’entreprise signé avec les organisations salariales portant sur le droit à la déconnexion des salariés (pièce 21).
La cour relève que si en effet, les dispositions de l’accord d’entreprise de 2001 étaient insuffisantes au regard de la nécessité, pour l’employeur, de garantir que l’amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier, la SA Gaztransport et Technigaz affirme avoir répondu aux obligations qui s’imposaient à elle en ayant appliqué les dispositions postérieures de la loi Travail et suivi annuellement la charge de travail de l’intéressé : elle verse un récapitulatif des jours travaillés du salarié sur sa période d’embauche (pièce 19 de la société) ainsi que ses jours d’absence de l’entreprise, avec mentions des motifs des absences (pièce 22 de la société), le salarié se limitant à critiquer ce document qui ne permet pas de connaître ses heures de travail, alors qu’il n’appartient pas, dans le cadre du forfait-jours, à l’employeur de relever les horaires de travail de son salarié ; elle a surtout suivi ses temps de repos (pièce 20) et a dressé à l’occasion de son entretien annuel d’évaluation, un bilan concernant l’articulation entre son activité professionnelle, sa vie personnelle et familiale (pièce 18 du salarié) au cours duquel le salarié avait déclaré «’malgré charge de travail, le fait de pouvoir gérer mon planning me permet de trouver un bon équilibre entre mon activité professionnelle et ma vie familiale’»;
Aussi, si la convention de forfait en jours ne repose pas sur un accord d’entreprise de 2001 permettant de garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assure une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier, il apparaît que la SA GTT a poursuivi l’évolution de ses accords permettant la mise en place d’un forfait jours, puisqu’elle a appliqué au contrat de travail de M. [V] tous les éléments permettant de suivre parfaitement l’amplitude et la charge de travail de son salarié et vérifier auprès de lui son avis sur cette charge et la contrôler de sorte que le salarié, dont la santé et la sécurité relativement à cette charge ont été suivies, doit être débouté de sa contestation concernant l’application de la clause à son contrat de travail. Dès lors, M. [V] doit être débouté de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et au travail dissimulé.
Sur la violation de la durée du repos quotidien :
M. [V] affirme qu’il est «’amplement démontré’» qu’il n’a pas disposé de 11 heures de repos quotidien au cours de sa carrière au sein de la SA GTT et réclame à ce titre une somme de 15’000 euros à titre de dommages et intérêts ; l’employeur le conteste en affirmant au contraire qu’elle justifie des temps de repos quotidien du salarié par sa pièce 20 versée aux débats.
En effet, la cour relève que le salarié n’apporte aucune critique sur cette pièce dont les mentions ne sont pas contestées par lui et ne verse nullement les éléments permettant de retenir un non-respect comme prétendu, ne donnant connaissance à la cour d’aucune date ou d’aucun jour où ses repos n’auraient pas été respectés. Il convient de le débouter de cette demande et le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable :
M. [V] indique que sa demande «’s’évince de ses conditions d’embauche’» ; aussi, il sollicite la condamnation de la SA GTT à lui verser la somme de 6’175 euros au titre du rappel de rémunération variable pour l’année 2018, outre les congés payés afférents.
La SA GTT expose que le contrat de travail du salarié ne prévoit aucune rémunération variable et que compte tenu des insuffisances professionnelles reprochées, il convient de le débouter de cette demande
La cour constate que l’article 8.3 du dit contrat mentionne une rémunération supplémentaire pour les «’inventions brevetables’» réalisées par le salarié spécialement rétribuées de sorte que le salarié, qui ne justifie pas y avoir procédé, ne présente aucun moyen de preuve au soutien de sa demande. La prime exceptionnelle dont il a fait l’objet le 16 mars 2018 ne repose sur aucune obligation contractuelle, conventionnelle ou légale dont serait redevable la SA GTT pour l’avenir de sorte qu’il convient de le débouter de sa demande non justifiée. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur la violation de l’obligation de sécurité de prévention :
M. [V] invoque sa situation au titre de l’obligation de prévention des risques professionnels par l’entreprise qui doit mettre à jour un document unique de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et reproche à la SA GTT de n’avoir pas mis en place de réelles mesures de sorte qu’il a été victime d’agissements relatifs à sa charge de travail et au stress alors que le CHSCT avait fait des constatations et des recommandations qui n’ont pas été suivies d’effet par l’employeur. Il verse en pièce 146 le document émanant du CHSCT datant de mai 2018 et reproche à son employeur de l’avoir laissé sciemment devenir victime de harcèlement moral.
La SA Gaztransport et Technigaz conclut à l’absence de dénonciation, par le salarié, durant le temps de l’exercice professionnel, d’une situation de harcèlement et expose qu’il était, en sa qualité de responsable du développement informatique, le responsable hiérarchique de l’équipe auprès de laquelle l’enquête du CHSCT a été menée et qui a relevé les carences de ce manager telles qu’elles sont reprises dans la lettre de licenciement et en dernière page de ce rapport a dressé les pistes d’amélioration des conditions de travail et des recommandations du CHSCT.
Il ressort de l’article L. 4121-1 du code du travail que «’L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent’:
1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail’;
2° des actions d’information et de formation’;
3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’».
Alors que la cour a débouté M. [V] de sa demande au titre du harcèlement moral qui, dès lors, n’est pas établi et que le salarié n’invoque aucun fait de son employeur qui permettrait de mettre en cause l’obligation de sécurité, sachant qu’il était le responsable du service qui a fait l’objet de l’audit du CHSCT en mai 2018 et qu’il ne répond pas de ses propres carences relevées dans ce rapport, il n’apparaît pas la violation reprochée à ce titre. Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de ce chef de demande, alors que le salarié ne justifie pas qu’il a informé, avant son licenciement, son employeur d’être victime d’une dépression réactionnelle et d’une souffrance au travail suivant la déclaration de son médecin traitant après la rupture en reprenant les dires de son patient, sans contrôle de sa part, le médecin du travail n’ayant pas été saisi par M. [V] de ses préoccupations. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail’:
Par lettre du 27 novembre 2018, la SA Gaztransport et Technigaz a licencié M. [V] pour cause réelle et sérieuse au motifs :
En premier lieu, nous notons d’importantes carences dans le reporting de votre activité vers votre management, se traduisant par des reportings sommaires, en très faible quantité et de mauvaise qualité. Votre mode de fonctionnement étant majoritairement oral, très peu de comptes rendus écrits de votre activité existent et leur suivi n’est pas formalise. Cette absence de suivi s’avère très pénalisante pour votre hiérarchie, comme 1’a relevé l’audit ISO 9001 récemment réalisé. L’audit mené par la société Enioka souligne également le manque de suivi des temps passés par les équipes de développement, ce qui rend impossible la détermination du coût et de l’efficacité de votre équipe sur un projet.
En second lieu, nous déplorons une organisation désastreuse de votre équipe, dont les membres sont «’en roue libre » pour reprendre les termes de l’auditeur. I1 est ainsi mis en évidence votre incapacité à organiser le travail de vos collaborateurs, notamment pour assurer la continuité de l’activité par exemple en cas de départ on d’absence de l’un d’entre eux, ce qui peut s’avérer particulièrement préjudiciable pour GTT.
D’un point de vue plus technique, aucun suivi rigoureux des anomalies techniques et/ou fonctionnelles n’est réalisé, ce qui nous empêche de garantir à nos clients la qualité de service requise. Il en est de même pour la gestion des demandes et le pilotage des développements qui étaient à l’origine structurés dans 1’outil Microsoft TFS, abandonné depuis plus d’un an, ce qui rend inexistante la traçabilité des demandes des clients internes ou externes.
Par ailleurs lors de l’audit ISO 9001, l’auditeur (en présence de témoins de la cellule qualité de GTT n’a trouvé aucun processus défini ou documenté par vous-même pour votre activité contrairement à l’activité Support dont l’organisation a été saluée par l’auditeur). Le seul document que vous avez été en mesure de présenter est un questionnaire de satisfaction des «’ clients internes » que vous avez admis ne pas avoir suivi et pour lequel aucun plan d’actions correctives n’a été mis en place.
En outre, le non-respect des règles basiques du développement informatique relevé par la société Enioka est le reflet de votre insuffisance professionnelle. En effet, les différentes versions livrées aux clients ne sont pas rigoureusement identifiées et tracées, ce qui génère un travail supplémentaire en cas d’éventuel problème en production. Toujours dans ce registre, nous constatons que les mécanismes de développement ne sont pas conformes à 1’état de l’art et que la couverture de test du code produit est estimée inférieure à 1% par votre propre équipe, ce qui est très loin des standards de qualité de 1’industrie du logiciel. Nous vous reprochons également votre manque de professionnalisme et votre comportement négligent dans l’exécution de vos fonctions, se traduisant notamment par des retards dans les actions à mener et par1’absence de réponse à certaines demandes de votre hiérarchie.
Enfin, nous avons découvert que vous n’hésitiez pas à transférer certains emails professionnels sur votre messagerie personnelle, ce qui constitue une violation des règles de sécurité et de confidentialité de GTT.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L’insuffisance professionnelle se caractérise par le fait qu’un salarié, de manière non délibérée, n’exécute pas de manière satisfaisante son travail et les missions qui lui sont confiées, et peut fonder un licenciement lorsque l’employeur sanctionne des faits objectifs, précis et vérifiables. Dans ce cas le licenciement échappe au droit disciplinaire de sorte que le salarié ne peut invoquer la règle tenant à la prescription des faits fautifs découverts plus de deux mois avant l’engagement de la procédure. Aussi, les critiques portées par M. [V] sur la prescription des griefs doivent être écartées.
En premier lieu, en ce qui concerne les carences dans ses reportings, la SA GTT reproche à M. [V] d’avoir mis en place un mode de fonctionnement essentiellement oral et de s’être abstenu d’établir des comptes-rendus écrits de ses activités et de celle de son équipe et verse l’attestation de M. [T] (pièce 18), son supérieur hiérarchique, en qualité de directeur du digital systèmes d’information, qui affirme que sa prise de fonction a été rendue difficile par de tels manquements écrits de la part de M. [V], Néanmoins, il n’apparaît d’aucune pièce que la SA GTT ait réclamé à M. [V] des reportings écrits et les critiques postérieures portées à son encontre à ce sujet ne sont pas sérieuses.
En deuxième lieu, en ce qui concerne l’organisation désastreuse de son équipe, la SA Gaztransport et Technigaz verse le rapport d’audit réalisé par la société Enioka (pièce 11), en août 2018, qui a noté ses carences entraînant des difficultés en cas de reprise ou de départ/absence et une absence de direction dans le développement du produit. Ses équipes «’laissées en roue libre’» et ses explications de son «’tout juste retour d’arrêt de travail après son absence en juillet 2018’» ainsi que 8 jours en août ne sont pas contestées par l’employeur de sorte que les autres équipes faisaient également l’objet de recommandations, ce grief ne peut être invoquées contre le seul [D] [V], tandis que le rapport d’audit interne déposé en octobre 2018 (pièce 12) vise des carences des autres équipes également, sans que l’employeur n’ait tenté d’y remédier. Ce grief ne peut être reproché au salarié en l’absence de réclamation précise de la part de ses supérieurs.
En troisième lieu, la SA Gaztransport et Technigaz ne verse aucune pièce pour justifier du grief relatif au transfert de certains emails professionnels sur sa messagerie personnelle.
Enfin, le «’profond manque de professionnalisme’» invoqué ne ressort d’aucune pièce en justifiant alors que la cour relève que lors de son entretien annuel d’évaluation, le supérieur hiérarchique de M. [V] notait au 8/02/2018 que son bilan de l’objectif 1 des réalisations par rapport aux objectifs fixés pour l’année 2017 était «’supérieur à l’objectif’» le bilan de l’objectif 2 avait été «’annulé’» tandis que le bilan de l’objectif 3 était «’partiellement atteint’» de sorte qu’en l’absence de tout plan de soutien ou d’accompagnement mis en place au cours de l’année 2018 pour répondre aux éventuelles carences managériales ou professionnelles qui se seraient manifestées, la cour confirme le jugement en ce que le licenciement ait été dit sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de ce licenciement
La cour considère que le salaire mensuel moyen de M. [V] est d’un montant de 5’819,06 euros de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement. Le jugement sera confirmé à ce titre.
Compte tenu de son salaire et de son affirmation qu’il lui est dû une indemnité compensatrice de préavis d’un mois, la cour déboute le salarié du rappel de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le salarié conteste l’application du barème issu des ordonnances du 22/09/2017, article L. 1235-3 du code du travail portant cette indemnité, pour un salarié ayant une ancienneté compris entre un an et deux ans, à un montant minimum de 1 mois et maximum de 2 mois. Il sollicite dès lors une indemnité adéquate à son préjudice qu’il évalue à la somme de 58’725,81 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 52’362,54 euros au motif que ces ordonnances sont contraires à l’article 24 de la charte Européenne des droits sociaux et de l’article 10 de la convention n°18 de l’Organisation internationale du travail et à titre infiniment subsidiaire en cas d’application du barème Macron, à la somme de 13’250,18 euros ou subsidiairement celle de 11’638,12 euros
Néanmoins, l’article L. 1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance précitée prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n’est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de M. [V], une indemnité minimale de 1 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 2 mois de salaire brut.
Si l’article 24 de la charte européenne révisée ratifiée par la France le 7 mai 1999 n’a pas d’effet direct comme laissant une marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre de litige devant les juridictions judiciaires nationales, en revanche l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT s’impose aux juridictions françaises en étant d’application directe en droit interne qui affirme qu’en cas de licenciement injustifié, il appartient au tribunal d’«’ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée’», ce qui permet une marge d’appréciation sur l’indemnisation adéquate, de sorte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail qui fixent un barème applicable à la détermination, par le juge, du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en usant de la marge d’appréciation laissée à chaque Etat, est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT ;
Compte tenu de ces éléments et des autres connus, son salaire mensuel, son âge lors de la rupture et alors qu’il ne donne à la cour aucun élément sur sa situation personnelle et professionnelle à la suite de la rupture, la cour confirme l’évaluation faite par le conseil de prud’hommes comme indemnisant M. [V] de son préjudice matériel et moral à la suite de son licenciement.
Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités ;
Sur la remise des documents de fin de contrat :
Il convient de débouter de M. [V] de sa demande de rectification des bulletins de paye, du certificat de travail, du solde de tout compte et de l’attestation Pôle emploi conformes aux condamnations rendues sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, la cour le déboutant de ses réclamations.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation. S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées’;
Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la SA Gaztransport et Technigaz ‘;
La demande formée par M. [V] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris’
Et y ajoutant
Ordonne le remboursement par la société, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. [V] dans la limite de 6 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail’;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision l’ayant ordonné’;
Ordonne la capitalisation des intérêts
Condamne la SA Gaztransport et Technigaz aux dépens d’appel’;
Condamne la SA Gaztransport et Technigaz à payer à M. [V] la somme de 2’000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT