Barème Macron : 19 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/12612

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Barème Macron : 19 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/12612
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2024

N° 2024/015

Rôle N° RG 20/12612 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGU72

S.A.R.L. TEIVA RS AUTO

C/

[U] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

19 JANVIER 2024

à :

Me Ramzi AIDOUDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Ariane COURREGES de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Marseille en date du 26 Novembre 2020 enregistré au répertoire général.

APPELANTE

S.A.R.L. TEIVA RS AUTO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Ramzi AIDOUDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [U] [T]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/002887 du 25/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Ariane COURREGES de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024.

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [T] a été embauché par la société TEIVA RS AUTO, à compter du 21 novembre 2017, en qualité de carrossier peintre, statut ouvrier Echelon 1, dans le cadre d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée du 21 novembre 2017 au 30 juin 2019 moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.036,21 euros pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures.

La Convention Collective applicable a la relation contractuelle est celle du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, IDCC1090.

Le 11 janvier 2018, la société TEIVA RS AUTO a notifié oralement à Monsieur [T] la rupture du contrat de travail et lui a adressé ses documents de fin de contrat.

Par requête du 25 juillet 2018, Monsieur [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins de contester le motif de la rupture de son contrat de travail et de solliciter la condamnation de la société TEIVA RS AUTO à lui verser des indemnités pour rupture abusive et anticipée de son contrat de professionnalisation ainsi que la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement de départage du 26 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

-dit que la rupture anticipée du contrat de professionnalisation à durée déterminée de Monsieur [T] par la SARL TEIVA RS AUTO est abusive,

-condamné la société à verser à Monsieur [T] la somme de 18.228,81euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

-dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement et ce jusqu’a parfait paiement,

-ordonné la capitalisation des intérêts sous réserve qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière,

-condamné la SARL TEIVA RS AUTO à verser a Monsieur [T] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procedure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procedure,

-dit n’y avoir lieu a ordonner l’exécution provisoire des dispositions du jugement

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

La SARL TEIVA RS AUTO a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2021, elle demande à la cour de :

A titre principal,

Infirmer le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille en date du 26 novembre 2020, en ce qu’il ajugé abusive la rupture anticipée du contrat de professionnalisation à durée déterminée de [U] [T] et a ainsi condamné la SARL TEIVA RS AUTO au versement de la somme de 18.228,81 euros au titre de l’indemnité de rupture abusive, outre une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes dirigées contre elle.

A titre subsidiaire,

Si le caractère abusif et sans cause réelle et sérieuse de la rupture anticipée du contrat de professionnalisation signée en date du 11 novembre 2017 était retenu:

DIRE ET JUGER que l’indemnité de licenciement à laquelle Monsieur [T] peut prétendre ne saurait être supérieure à la somme de 1036, 21 euros correspondant à un mois de salaire brut,

DIRE ET JUGER que Monsieur [T] a commis des faits graves susceptibles d’êtreréprimés,

Et en conséquence,

REJETER la demande de versement de Monsieur [T] à la somme de 18.228,81 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive de son contrat de professionnalisation,

PRONONCER une sanction financière en proportion de la gravité des faits commis par Monsieur [T] à l’origine de cette rupture prématurée,

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [T] au versement de la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [T] aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2021, Monsieur [T] demande à la cour de:

CONFIRMER le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Marseille du 26 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

En conséquence :

Reconnaitre le caractère abusif de la rupture du contrat de professiormalisation intervenue le 11 janvier 2018 ;

CONDAMNER la SARL TEIVA RS AUTO à lui payer les sommes de:

-de 18.228,81 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive de son contrat de professionnalisation ;

-l.500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

DIRE que les sommes de nature indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 26 novembre 2020 ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

DEBOUTER la SARL TEIVA RS AUTO de l’ensemble de ses demandes.

Suivant ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 1er avril 2021, une médiation a été ordonnée entre les parties, laquelle n’a pas pu aboutir à un règlement du litige.

La procédure a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 09 novembre 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la rupture anticipée du contrat de professionnalisation:

La société TEIVA RS AUTO critique le jugement déféré faisant valoir qu’il a légitimement rompu le contrat de professionnalisation de Monsieur [T] de manière prématurée, en accord avec ce dernier, car le salarié a commis des fautes graves.

A ce titre, elle invoque le fait que Monsieur [T] était très régulièrement en retard ou absent sans produire le moindre justificatif; qu’il est acquis qu’il a commis des vols à répétition de pièces détachées ou encore d’objets personnels et qu’elle a découvert que le salarié utilisait à des fins personnelles les véhicules des clients et participait à des rodéos sauvages dans le secteur d’Endoume ([Localité 3]). Elle soutient encore que le salarié a emprunté à l’insu de l’employeur, le véhicule d’un client et qu’il a été à l’origine d’un grave accident de la circulation, blessant sérieusement une jeune fille le 10 janvier 2018, ce qui l’a déterminée à mettre définitivement un terme à son contrat, indiquant que toutes les fautes commises par Monsieur [T] sont démontrées par l’attestation de témoins.

Elle ajoute qu’au regard de la gravité des fautes commises, la rupture du contrat de travail ne peut être qualifiée d’abusive.

La société estime que depuis l’entrée en vigueur des ordonnances dites Macron ayant modifié les dispositions de l’article L1235-2 du code du travail, l’irrégularité que constitue l’insuffisance ou l’absence de motivation de la lettre de licenciement, ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’elle est fondée à préciser les motifs du licenciement a posteriori, ce qu’elle fait en l’espèce.

Monsieur [T] fait valoir pour sa part que la société TEIVA RS AUTO a rompu unilatéralement le contrat de professionnalisation sans qu’il n’ai jamais donné son accord; que l’attestation Pôle emploi mentionne d’ailleurs une ‘rupture aux torts de l’employeur’.

Il conteste la réalité des fautes et la force probante des attestations versées aux débats, corroborées par aucun autre élément, et soutient que l’employeur n’a pas respecté la procédure disciplinaire prévue à l’article L1332-1 et suivants du code du travail s’appliquant à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave du salarié (entretien préalable, courrier précisant les fautes reprochées et lui notifiant la rupture anticipée). Il ajoute que les dispositions prévues à l’article L1235-2 du code du travail ne sont pas applicables en l’espèce car elles ne concernent que le licenciement et non la rupture du contrat à durée déterminée.

***

Aux titre des dispositions de l’article L.1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu ‘en cas de faute grave, de force majeure ou d ‘inaptitude constatée par le médecin du travail.

La rupture anticipée par l’employeur du contrat à durée déterminée pour faute grave est soumise à la procédure disciplinaire des articles L.1332-l et suivants du code du travail.

L’employeur doit donc notifier par écrit au salarié les griefs retenus contre lui et le convoquer à un entretien préalable.

Lorsque la rupture anticipée pour faute grave du contrat n’a fait l’objet d’aucun écrit motivé de la part de l’employeur, cette irrégularité rend cette rupture abusive.

En l’espèce, alors que Monsieur [T] dément avoir donné son accord à la rupture de son contrat de travail, la société TEIVA RS AUTO, qui soutient pour la première fois en cause d’appel, que cette rupture serait intervenue avec l’accord du salarié, n’apporte aucun élément susceptible de le démontrer.

Il ressort des conclusions et des pièces communiquées par l’employeur qu’il a entendu mettre un terme au contrat de professionnalisation à durée déterminée de Monsieur [T] en raison des fautes graves que celui-ci auraient commises dans l’exécution du contrat de travail.

Alors que la société TEIVA RS AUTO ne conteste pas avoir rompu oralement le contrat de travail le 11 janvier 2018 à la suite de faits que le salarié aurait commis le 10 janvier précédent, il est constant qu’elle n’a pas convoqué le salarié à un entretien préalable, ni ne lui a notifié de courrier disciplinaire invoquant les fautes commises et la rupture anticipée du contrat prononcée à titre de sanction.

Elle invoque les dispositions de l’article L1235-2 du code du travail modifiées par l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 applicables à compter du 1er janvier 2018 relatives aux motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1236-6, L1233-16 et L1233-42 du code du travail, lesquels peuvent désormais être précisés ultérieurement.

Or d’une part ces dispositions ne sont pas applicables à la rupture d’un contrat de travail à durée déterminée mais uniquement aux licenciements dans le cadre de contrats à durée indéterminée et d’autre part, le fait de préciser ultérieurement la nature des fautes reprochées à Monsieur [T] dans le cadre du présent litige, n’aurait en tout état de cause, pas permis de régulariser le défaut de respect de la procédure disciplinaire.

Il s’ensuit que la rupture anticipée notifiée unilatéralement à Monsieur [T] le 11 janvier 2018, sans notification écrite des motifs précis de celle-ci respect de la procédure disciplinaire, doit être déclarée abusive.

La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture abusive du contrat de professionnalisation:

Monsieur [T] sollicite la condamnation de la société TEIVA RS AUTO au paiement de la somme de 18 228,81 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive de son contrat de professionnalisation, cette somme correspondant au montant total des salaires qui lui auraient été versés jusqu’au terme de son contrat fixé au 30 juin 2019.Il soutient que cette rupture lui a causé un préjudice financier important car il n’a pas retrouvé d’employeur, n’a pas pu percevoir d’allocations chômage et n’a eu aucune ressource du 12 janvier 2018 au 15 novembre 2018.

La société TEIVA RS AUTO soutient que l’indemnité de licenciement prévue à l’article L1235-2 du code du travail doit être réduite dans la mesure où Monsieur [T] n’avait que 2 mois d’ancienneté et où le barème Macron prévoit dans ce cas un plafonnement de l’indemnité à 1 mois de salaire, soit 1036,21 euros.

Elle indique en outre que Monsieur [T] ayant commis des faits graves et répétés, et lui ayant déjà causé un lourd préjudice en l’obligeant à rembourser la valeur du véhicule endommagé lors de l’accident qu’il a causé, ne devait pas pouvoir être indemnisé de manière excessive. Elle ajoute en outre qu’il ne démontre aucun préjudice.

***

Lorsque le salarié démontre être engagé en vertu d’un contrat à durée déterminée, rompu de manière anticipée, il peut uniquement solliciter l’allocation de dommages et intérêts correspondants au salaire à courir entre la date de fin de contrat et la date de rupture, conformément aux dispositions de l’article L1243-4 du code du travail, sans pouvoir prétendre à l’allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont peuvent uniquement être bénéficiaires les titulaires d’un contrat à durée indéterminée.

Aux termes des dispositions de l’article L.1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d ‘inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu ‘au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code.

Cette indemnité constitue une réparation forfaitaire minimale incompressible et independante du préjudice subi qui ne peut subir aucune réduction.

En l’espèce, s’agissant de la rupture abusive d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée, il est rappelé que les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail ne sont pas applicables, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner un éventuel plafonnement d’une indemnité de licenciement, seul applicable à la rupture abusive par l’employeur d’un contrat à durée indéterminée.

Dès lors, la cour constate que c’est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société TEIVA RS AUTO à payer à Monsieur [T] la somme de 18.228,81 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive de son contrat de professionnalisation, correspondant au montant total des salaires qui lui auraient été versés jusqu’au terme de son contrat fixé au 30 juin 2019.

La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée de ce chef.

Sur les intérêts

Les créances allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement dans la limite des montants prononcés par les premiers juges, et pour le surplus, à compter du présent arrêt.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts, due lorsqu’elle est demandée et ce à condition qu’il soient dus pour une année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance ayant condamné la société TEIVA RS AUTO aux dépens de première instance et à payer à Monsieur [U] [T] une indemnité de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens d’appel et à payer à Monsieur [U] [T] une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Dit que les créances allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement dans la limite des montants prononcés par les premiers juges et, pour le surplus, à compter du présent arrêt.

Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu’il soit dûs pour une année entière.

Condamne la société TEIVA RS AUTO à payer à Monsieur [U] [T] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

Condamne la société TEIVA RS AUTO aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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