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JPL/SB
Numéro 22/1911
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 12/05/2022
Dossier : N° RG 20/01707 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HTHX
Nature affaire :
Contestation du motif économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[J] [C]
C/
GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 12 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 09 Mars 2022, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
assistés de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [J] [C]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
GIE DES HOTELS SUPER ECONOMIQUES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître BLÜM de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PAU, et Maître CHAPELLE de la SELEURL A2C AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 29 JUIN 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 19/00007
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [J] [C] et son épouse, alors cogérants de la société Esterlia, ont conclu un contrat de gérance mandat avec la société commerciale des hôtels économiques le 2 juillet 1998 visant à exploiter un établissement hôtelier à l’enseigne F1 basé à [Localité 5].
Le 1er octobre 2003, M. [J] [C] a accepté l’offre qui lui avait été faite par le GIE Hôtels Formule 1 – Etap hôtel devenu depuis le GIE des Hôtels super économiques, suite à la requalification par le juge prud’homal des contrats de gérance en contrats de travail et a été nommé directeur, chef d’établissement, statut cadre supérieur, niveau 5, échelon l avec reprise ancienneté au 2 juillet 1998, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.
Le 25 juillet 2017, plusieurs hôtels dont celui dans lequel travaillait M. [J] [C] ont été transférés à la société Adoma.
À compter du 29 septembre 2017, il a été placé en arrêt de travail.
Le 16 janvier 2018, le GIE des Hôtels Ibis budget et hôtel F1, devenu le GIE des Hôtels super économiques, l’a licencié pour motif économique.
Le 11 janvier 2019, il a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 29 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Pau a notamment’:
– dit qu’il n’y a pas lieu de considérer l’existence d’un licenciement de fait,
– dit que le motif économique du licenciement est établi et valable et qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse,
– dit que le statut de cadre dirigeant de M. [J] [C] est parfaitement établi,
– débouté M. [J] [C] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [J] [C] à verser au GIE des Hôtels Ibis budget et hôtel F1 la somme de 800 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Le 30 juillet 2020, M. [J] [C] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 février 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [J] [C] demande à la cour de :
– prononcer la nullité du jugement pour vice de motivation sur le fondement des articles 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme, 455 et 458 du code de procédure civile,
– l’infirmer en toutes ses dispositions,
– statuant à nouveau, sur le fond, sur la totalité des demandes,
– débouter l’intimé de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– rejeter la demande de mise hors de cause de l’intimé, les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail concernant directement le GIE, tout comme celles relatives à la rupture, le licenciement ayant été notifié par ce dernier et, dans l’hypothèse de la reconnaissance du transfert d’entreprise sur le fondement de l’article L.’1224-1 du code du travail, l’appelant ayant fait le choix de diriger ses demandes à l’encontre du GIE,
– appliquer les principes consacrés par les traités de l’Union, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et la Charte sociale européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en écartant, en application du principe de primauté de la norme européenne, tout texte du droit interne et jurisprudence contraires, fut-ce une jurisprudence établie,
– à titre principal, écarter le statut de cadre-dirigeant, à titre principal, en présence du régime du forfait-jours incompatible avec cette qualité, subsidiairement, l’intimé ne prouvant pas qu’étaient remplis les trois critères légaux cumulatifs de l’article L.’3111-2 du code du travail, ni que le salarié participait à la direction effective de l’entreprise, notion de cadre-dirigeant devant être interprétée à la lumière de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation,
– subsidiairement, écarter l’article L 3111-2 du code du travail comme contraire au droit fondamental consacré par l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et au droit constitutionnel à la santé et au repos, interprété à la lumière de l’arrêt de principe de la CJUE le 14 mai 2019,
– encore plus subsidiairement, poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : « L’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la directive 89/391/CE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en ‘uvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs, la directive 2003/88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail et le droit fondamental à la santé et au repos, doivent-ils être interprétés en ce qu’ils s’opposent à l’article L.’3111-2 du code du travail disposant que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III concernant la durée du travail, les repos et congés’»,
– surseoir à statuer uniquement pour les demandes relatives aux heures supplémentaires et à l’indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle,
– statuer sans attendre sur les autres demandes,
– faire droit à la demande relative aux heures supplémentaires, le salarié, qui ne supporte pas la charge de la preuve et n’a pas à étayer sa demande, présentant des éléments factuels et des pièces, revêtant un minimum de précision, alors que l’employeur est défaillant dans l’administration du mécanisme probatoire propre aux heures supplémentaires en l’absence de contrôle du temps de travail réel depuis 2014, en violation des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L.’3171-2, L.’3171-3 et L.’3171-4 du code du travail,
– faire également droit à la demande relative au travail dissimulé, l’intimé n’ignorant pas la surcharge de travail et ayant intentionnellement « verrouillé », depuis 2014, le logiciel EQUIP de déclaration du temps de travail,
– en conséquence, condamner le GIE à payer :
* 150’000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant une appréciation in concreto du préjudice en écartant le barème Macron sur le fondement des articles 30 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 10 de la convention numéro 158 de l’OIT et 24 de la charte sociale européenne, d’une part, et sur le fondement du droit au procès équitable et du principe de la réparation intégrale du préjudice, d’autre part, ou subsidiairement 73’127 € en application du barème Macron,
* 81’504,33 € de rappel d’heures supplémentaires, outre 8’150 € de congés afférents sur le fondement des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L.’3171-2, L.’3171-3 et L.’3171-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne,
* 26’508,39 € de rappel de contrepartie obligatoire en repos outre 2’650,83 € de congés afférents, sur le fondement des articles L.’3121-30, L.’3121-38, D.’3121-23 et D.’3121-24 du code du travail,
* 36’586,68 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de six mois de salaire, sur le fondement des articles L.’8223-1, L.’3171-2 et L.’3171-3 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,
* 25’000 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale absolue de travail et des règles relatives au repos sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et des articles 6b) de la directive numéro 2003/88 et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne,
* 35’000 € de dommages-intérêts pour le préjudice moral lié à l’exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l’article 1222-1 du code du travail,
* 4’500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud’hommes et faire application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,
– condamner le GIE aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 18 février 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, le GIE des Hôtels super économiques demande à la cour de’:
– rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal-fondées,
– à titre principal,
– confirmer la décision entreprise dans l’intégralité de ses dispositions,
– débouter M. [J] [C] de sa nouvelle demande formée en cause d’appel au titre d’un rappel de contrepartie obligatoire en repos,
– débouter M. [J] [C] de sa nouvelle demande formée en cause d’appel au titre des dommages intérêts pour violation de l’obligation de protection de la santé, de la durée maximale de travail et non-respect des règles relatives au repos,
– débouter M. [J] [C] de sa demande d’écarter l’article L.’3111-2 du code du travail et/ou de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne,
– débouter M. [J] [C] de l’intégralité de ses demandes,
– à titre subsidiaire, et à considérer qu’un transfert de contrat de travail serait intervenu auprès de la société Adoma :
– le mettre hors de cause concernant la demande relative au licenciement de fait,
– débouter M. [J] [C] de sa demande de réparation du préjudice subi au titre du licenciement de fait,
– débouter M. [J] [C] de l’ensemble de ses demandes,
– en tout état de cause,
– condamner M. [J] [C] à lui verser la somme de 3’000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
– condamner M. [J] [C] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de nullité du jugement entrepris.
En application notamment de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
Selon l’article 455 du code de procédure civile’: «’Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.’»
L’appelant sollicite la nullité du jugement dont appel en ce qu’il est affecté d’un défaut de motivation et en ce qu’il en ressort un sentiment général d’arbitraire des premiers juges confinant à la partialité.
Cela étant, la cour considère que les premiers juges s’ils n’ont pas fait droit aux demandes du salarié ont examiné ses moyens en ce qui concerne le transfert du contrat de travail invoqué et répondu à sa critique de la motivation économique du licenciement. Les premiers juges ont également développé une motivation en ce qui concerne les autres chefs de demande s’agissant tant de l’exécution déloyale du contrat de travail qu’il invoque que du statut de cadre dirigeant qu’il conteste.
La motivation retenue par les premiers juges ne permet pas de retenir l’existence d’un doute sur leur objectivité ou leur impartialité et sur le caractère équitable du procès.
La demande de nullité du jugement entrepris sera dès lors rejetée.
Sur le transfert du contrat de travail.
Aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Cet article s’applique, même en l’absence de lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d’une unité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. Cette entité est un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique autonome qui poursuit un objectif propre.
Par ailleurs, une entité économique transférée conserve son autonomie dès lors que les pouvoirs accordés aux responsables de cette entité au sein des structures d’organisation du cédant, demeurent, au sein des structures du cessionnaire, en substance inchangés.
En l’espèce, il est constant que les hôtels (Formule 1 de [Localité 5] et Formule 1 de [Localité 7]-[Localité 6]) dont le salarié était le directeur, ont été cédés à la société anonyme d’économie mixte ADOMA.
Il est établi que cette dernière société a pour objet de faire construire ou assurer la maîtrise d’ouvrage de la construction, acquérir, aménager, entretenir, gérer’: d’une part, des locaux d’habitation ou d’hébergement destinés à des personnes défavorisées ou disposant de revenus modestes : résidences sociales, foyers de travailleurs migrants, foyers de jeunes travailleurs, pensions de famille ; d’autre part des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et des centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA).
Il est également établi que la réglementation impose que tous les sites soient dirigés par des directeurs, titulaires du certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale (CAFDES) ou du certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale (CAFERUIS).
L’établissement de [Localité 5] cédé à la société ADOMA a été soumis au programme PRAHDA (Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile) comportant notamment un accompagnement administratif et social (avec 40% des effectifs d’intervenants sociaux) ainsi qu’une surveillance policière de l’assignation à résidence des demandeurs d’asile hébergés.
Il n’est pas contesté que les hôtels cédés avaient antérieurement à cette cession une activité d’hébergement commercial ouverte au public.
Cette activité ne présente aucune identité avec celle d’un centre d’hébergement de migrants soumis à des obligations réglementaires.
Il en résulte que l’activité exercée antérieurement à la cession n’a pas été maintenue ou poursuivie dans des conditions identiques conservant l’identité initiale.
Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu’il a retenu que les dispositions l’article L1224-1 du code du travail n’avait pas à s’appliquer et que le contrat de travail du salarié n’avait pas été transféré, et en ce que, par conséquent, il a dit que le salarié n’avait pas subi un licenciement de fait.
Sur le licenciement économique.
Aux termes de l’article L. 1233- 3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité; 4° A la cessation d’activité de l’entreprise. La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.
Pour l’application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français. Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. »
En l’espèce, il ressort des pièces produites que le licenciement du salarié est intervenu dans le cadre d’un projet de restructuration du GIE des Hôtels Super Économiques comportant cession de 62 actifs pour permettre de dégager des capacités d’investissement pour un projet de relance à hauteur de 80 millions d’euros, pour rénover 75 hôtels à l’enseigne «’F1’». ce projet prévoyait la suppression d’un maximum de 394 postes.
Le comité d’entreprise du GIE qui a été consulté les 8, 13 et 23 mars 2017, 28 juin 2017 et 12 juillet 2017, et a désigné un expert dont le rapport a été déposé le 28 juin 2017 a rendu un avis favorable sur l’opération projetée et ses modalités d’application. De même, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail également consulté, a désigné un expert qui a présenté son rapport le 22 juin 2017, et a rendu un avis favorable sur l’opération.
Un accord majoritaire portant mesures du PSE pour la restructuration et la relance de la marque «’HotelF1’», intégrant les mesures de reclassement, a été signé par les organisations syndicales représentatives.
Le 21 juillet 2017, la DIRECCTE a validé l’accord collectif majoritaire relatif au projet de licenciement collectif envisagé.
La lettre de notification du licenciement fait en substance état de ce que celui-ci est justifié par la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité du groupe en France, mise en péril en raison de la concurrence et l’inadéquation du produit aux demandes des consommateurs, de dégradation des résultats, et de l’augmentation inéluctable des coûts d’exploitation.
L’appelant fait valoir que’:
– la décision a été prise par le groupe Accor auquel appartient le GIE, non pour sauvegarder sa compétitivité mais afin de réaliser des économies et d’améliorer sa propre rentabilité au détriment de la stabilité de l’emploi’;
– le groupe Accor Hôtels qui domine le secteur de l’hôtellerie en France, ne subit aucune concurrence’;
– la marque «’Hôtel F1’» est gérée par la société commerciale des hôtels économiques (SCHE) qui fait partie du GIE Ibis Budget et Hôtel F1 dont le chiffre d’affaires est reparti à la hausse en 2016,
– les chiffres visés par le GIE sont extraits de documents fabriqués par l’employeur lui-même et sont contredits par les déclarations du dirigeant du GIE et du PDG du groupe Accor,
– aucune tentative de restructuration n’impliquant pas le licenciement de l’intégralité du personnel n’a été envisagée antérieurement au transfert des établissements à la société Adoma.
Cela étant, l’employeur produit outre le projet de restructuration et de relance de la marque «’hotelF1’» soumis aux instances représentatives du personnel, des extraits de ses comptes consolidés des exercices 2015 à 2018 . Aucun élément ne permet d’établir que ces documents ont été fabriqués pour les besoins de la cause, l’intimé précisant sans être contestée que le groupe Accor auquel le GIE appartient est soumis à des contraintes réglementaires et notamment celles de publier le rapport financier annuel, les comptes annuels et les comptes consolidés approuvés, revêtus de l’attestation des commissaires aux comptes.
Il est également constant qu’en application de l’article L. 1233-3 du code du travail telles que modifiées par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le motif économique doit s’apprécier au niveau du secteur d’activité des entreprises filiales du Groupe, implantées en France. En l’occurrence, ce motif doit être apprécié sans prendre en compte les sociétés filiales du groupe Accor implantées à l’étranger ainsi que les hôtels en franchises . Il est dès lors inopérant pour le salarié de se prévaloir des déclarations faites à la presse par le PDG du groupe concernant l’ensemble des activités du groupe au niveau international.
De plus, il est établi que le groupe a plusieurs secteurs d’activité à savoir des activités d’hôtellerie du segment économique, des activités d’hôtellerie du segment moyen de gamme, et des activités d’hôtellerie haut de gamme. Les hôtels Ibis budget et HôtelF1 concernés par le projet de restructuration relèvent des activités du segment économique.
Il ressort des pièces produites que’:
– le chiffre d’affaires de l’ensemble des activités hôtelières du groupe en France, a connu en 2016 un recul de -5% ainsi qu’ une baisse du résultat d’exploitation de -13% qui faisait suite à une baisse de 10% en 2015, et dans un contexte de stagnation du nombre des nuitées d’hôtels,
– la marque «’HôtelF1’» qui se situe en France à la 6ème place dans le classement 2015 des chaînes hôtelières sur le segment de l’hôtellerie économique, a perdu 2 places dans ce classement depuis 2011′; elle est soumise à la concurrence des autres chaînes hôtelières qui ont fait évoluer leur offre mais également de plate-formes d’offres d’hébergement en ligne,
– le niveau de rentabilité opérationnelle a connu une baisse constante depuis 2012,
– un partenariat conclu pour une durée de 12 ans, depuis 2009 avec le fonds Silverstone, propriétaire et bailleur de 157 hôtels devait échoir en octobre 2017 et son renouvellement conduire à une augmentation importante des charges d’exploitation, un non renouvellement conduisant pour sa part à une augmentation plus forte encore.
Au regard de ces éléments, l’employeur justifie que le licenciement du salarié était justifié par la nécessité de maintenir la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [C] était justifié par un motif économique réel et sérieux.
Sur le statut de cadre dirigeant et les heures supplémentaires.
En application de l’article L 3111-2 du code du travail’: «’Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.’»
La cour considère que ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui garantissent le droit à la santé& et au repos des travailleurs, le législateur ayant défini de manière restrictive les salariés exerçant les fonctions de cadre dirigeant et non soumis de ce fait aux règles relatives à la durée du travail en raison de l’autonomie dont ils disposaient dans l’organisation de leur emploi du temps. Il n’y a pas non plus lieu de soumettre une question préjudicielle de ce chef à Cour de justice de l’Union européenne.
En l’espèce, le salarié soutient qu’il n’avait pas la qualité de cadre dirigeant dans la mesure où’:
– il était soumis à convention de forfait en jours qui exclurait le statut de cadre dirigeant,
– il ne percevait pas une rémunération suffisante en lien avec le statut de cadre dirigeant,
– il n’avait pas d’autonomie réelle ni de grande indépendance , n’avait que de simples fonctions d’exécution et agissait sous l’autorité de nombreux dirigeants,
– il ne disposait pas d’un pouvoir de décision, n’ayant pas la signature sur les comptes bancaires, ne siégeant pas aux conseils d’administration, ne présidant pas le comité d’entreprise à la place du dirigeant et ne remplaçant pas ce dernier lorsqu’il était absent.
Cela étant,
Le contrat de travail ne prévoit aucune stipulation prévoyant une convention de forfait en jours . Il est inopérant pour le salarié de se prévaloir de ce que ses bulletins de salaire mentionnaient «’cadre forfait’» au titre de la catégorie professionnelle, alors que par ailleurs, il soutient en sollicitant un rappel d’heures supplémentaires qu’aucune convention de forfait en jours n’a été conclue entre les parties.
De plus le contrat de travail prévoit que le salarié bénéficiera «’d’une autonomie dans l’exercice de ses fonctions’» et qu’il ne dépendra «’que de la direction de la société ou de tout responsable qu’elle mandatera à cet effet’». Il y est stipulé qu’il bénéficiera «’de la qualité de cadre dirigeant au sens de l’article L 212-15-1 du code du travail (exercice de fonctions de responsabilités, indépendance dans l’organisation et la gestion de votre temps de travail et niveau de rémunération)’».
Le salarié ne peut contester qu’il était le plus haut responsable dans son l’établissement hôtelier dont il était le directeur , et déterminait seul l’organisation de son emploi du temps en fonction de ses responsabilités de chef d’établissement sans recevoir aucune directive sur ce point. Il était classé cadre niveau V dans le niveau le plus élevé de classification conventionnelle, et il est inopérant que la grille de classification conventionnelle comporte deux échelons supplémentaires dans ce niveau.
Si la convention collective précise que «’la rémunération moyenne mensuelle sur l’année du cadre dirigeant ne peut être inférieure à 1,5 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale’», il ressort des pièces produites que le salaire brut annuel imposable de 2017 figurant dans le bulletin de janvier 2017, s’est élevé à 59.652,81 € , soit une rémunération moyenne mensuelle de 4.971,07 € soit supérieure au minimum conventionnel qui s’établissait à 4.903,50 € ( le plafond mensuel de la sécurité sociale étant fixé à 3.269 € en 2017) .
Au regard de ces éléments, l’employeur justifie que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé de ce chef et en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que sa demande indemnitaire pour travail dissimulé.
Par ajout au jugement, ses demandes nouvelles en appel au titre d’un rappel de contrepartie en repos obligatoire seront rejetées, ainsi que de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail et des règles relatives au repos.
Sur la demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail.
L’appelant fait valoir que l’annonce du licenciement du couple a été un choc pour lui alors que l’intimé venait de lui refuser son départ volontaire, de sorte qu’il a dû être placé en arrêt de travail du 29 septembre 2017 au 30 février 2018.
Il ne justifie cependant d’aucune manière avoir subi un préjudice distinct en relation directe et certaine avec une exécution déloyale du contrat de travail imputable à l’employeur. Le licenciement qui, aux termes de développements précédents, a été jugé comme justifié par une cause économique réelle et sérieuse , a été opéré dans le cadre d’un PSE à l’issue d’un processus de consultation des institutions représentatives du personnel. Il n’est pas contesté que M. [C] a été dispensé d’activité avec maintien de la rémunération à compter du 25 juillet 2017 et que le 18 septembre 2017, le GIE lui a proposé une affectation sur un poste de directeur de l’Ibis Budget de [Localité 7] qu’il a refusé le 25 septembre 2017. Dans un courrier du 10 novembre 2017 évoquant un « projet personnel » qui lui « tient à c’ur », il a candidaté pour une formation d’anglais de 360 heures du 4 décembre 2017 au 31 mars 2018, tout en reconnaissait qu’il n’avait pas respecté les délais inhérents à la procédure.
Le jugement entrepris doit en conséquence, être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire formée de ce chef.
Sur les demandes accessoires.
M. [C] qui succombe sera condamné aux dépens d’appel ainsi qu’à verser au GIE des Hôtels super économiques une somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée par les premiers juges sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la demande de nullité du jugement dont appel,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Rejette les demandes nouvelles en appel au titre d’un rappel de contrepartie en repos obligatoire, ainsi que de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail et des règles relatives au repos,
Condamne M. [C] aux dépens d’appel ainsi qu’à verser au GIE des Hôtels super économiques une somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,