Barème Macron : 1 février 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/05114

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Barème Macron : 1 février 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/05114
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 01 FEVRIER 2024

N° 2024/

SM/FP-D

Rôle N° RG 20/05114 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3XJ

S.A.S. [4]

C/

[T] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

01 FEVRIER 2024

à :

Me Marielle WALICKI, avocat au barreau de NICE

Me Valérie FOATA, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 02 Avril 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F19/00166.

APPELANTE

S.A.S. [4], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Marielle WALICKI, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [T] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Valérie FOATA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat à durée indéterminée du 1er août 2018 prenant effet le jour même, la S.A.S.U. [4] (l’employeur) a engagé M. [T] [O] (le salarié) en qualité de responsable, catégorie employés, la durée de travail mensuelle étant fixée à 39 heures et le salaire mensuel brut à la somme de 647,07 euros.

Aux termes d’un avenant en date du 1er décembre 2018, les parties ont convenu de porter la durée de travail de M. [O] à 78 heures par mois, et le montant de sa rémunération mensuelle à la somme brute de 1 316,90 euros outre avantage nature nourriture.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 février 2019, la société a convoqué le salarié le 16 février 2019 en vue d’un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 février 2019, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘Monsieur,

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable de licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 février 2019 afin d’évoquer avec vous l’éventuelle résiliation de votre contrat de travail.

Cet entretien préalable s’est tenu le 16 février 2019 à 11h00, au sein de l’établissement secondaire de la Société situé [Adresse 2], en présence de M. [S] [M] agissant en qualité de président de la societe [4] SAS.

Vous vous êtes présenté à cet entretien accompagné de M. [B] [U], Conseiller du Salarié.

A l’occasion d’un audit interne de la gestion de l’établissement situé sur la plage de [Localité 6], il a été constaté que :

– Monsieur [V] [D] a procédé, le ler aout 2018, à votre embauche, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de « responsable », en contrepartie d’une rémunération brute mensuelle égale à 647.07 Euros pour 39 heures en usurpant la signature de M. [S] [M] ;

– Monsieur [V] [D] a de nouveau usurpé la signature de M. [S] [M], et a, par avenant en date du ler décembre 2018, augmentée votre durée de travail à 78 heures en contrepartie d’une rémunération brute mensuelle égale à 1.316,90 euros.

Suite à la découverte de ces graves agissements, contre lequel nous avons été contraints d’engager une procédure judiciaire, nous avons collecté les informations relatives aux salariés embauchés par la société [4], à notre insu.

Durant cet entretien préalable, nous vous avons fait part des manquements que nous avions à vous reprocher :

Selon les dispositions du contrat de travail qui nous a été remis très récemment, vos fonctions consistent à accomplir les missions suivantes :

– Mise en place et organisation du service

– Répartition des tâches

– Planning

– Suivi et respect des règles d’hygiène et de la méthode HACCP.

L’établissement au sein duquel vous exercez vos fonctions a été fermé à compter du 26 décembre 2018 jusqu’au 15 janvier 2019, période de fermeture annuelle. L’ensemble des salariés a été avisé de cette période de fermeture le 16 décembre 2018.

Le 16 janvier dernier, l’établissement de [Localité 5] a rouvert et accueille de nouveau des clients depuis lors.

Toutefois, depuis cette date vous ne vous êtes pas présenté à votre poste afin d’accomplir vos fonctions et n’avez nullement justifié de votre absence.

Un tel comportement met gravement en péril les intérêts de notre société

En agissant ainsi, vous avez gravement porté atteinte aux obligations contractuelles qui sont les vôtres et avez créé un trouble caractérisé au sein de la société Artbeach SAS, ce qui ne peut être admis.

Les arguments présentés lors de votre entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, l’importance des manquements constatés et leur impact sur notre Société et le trouble qu’ils génèrent, nous amènent à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

La décision étant prise dans un contexte de faute grave, le licenciement vous prive d’indemnité de licenciement et prend effet à la date d’envoi du présent courrier.

Vous pouvez formuler une demande de précision des motifs de licenciement énoncés dans la présente lettre dans le 15 jours suivant sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception. Nous aurons alors la faculté d’y répondre dans un délai de 15 jours après réception de votre demande par lettre recommandée avec accusé de réception. Nous pouvons également le cas échéant et dans les mêmes formes prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification de votre licenciement.

Les manquants éventuels, constatés après inventaire contradictoire et évalués vétusté déduite, vous seront facturés et retenus sur les sommes vous demeurant dues en application des dispositions du code du travail.

Vous êtes donc délié de toute obligation à notre endroit, tout en demeurant tenu de respecter une obligation de discrétion à l’égard des éléments confidentiels dont vous auriez pu avoir connaissance à l’occasion de votre contrat de travail.

Votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi vous seront adressés prochainement.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.’

Par requête enregistrée au greffe le 14 mars 2019, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes de Grasse à l’encontre de la S.A.S. [4] pour voir requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Suivant jugement du 2 avril 2020, le conseil des prud’hommes de Grasse a :

– dit le licenciement de M. [O] [T] requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société [4] à régler à M. [O] [T] les sommes suivantes :

– 1 356,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 135,17 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 300 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 733,43 euros pour rappel de salaires pour la période de novembre 2018 à février 2019,

– 473,34 euros pour l’indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires pour la période de novembre 2018 à février 2019,

– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise des bulletins de salaire de janvier et février 2019, de l’attestation pôle emploi rectifié et du certificat de travail rectifié en conformité avec les décisions du présent jugement et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à partir du 31ème jour suivant la notification de la présente décision et limitée à 30 jours, le Conseil de céans se réservant la liquidation de l’astreinte,

– débouté M. [O] [T] de ses autres demandes,

– débouté la société [4] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société [4] de ses autres demandes,

– condamné la société [4] aux entiers dépens.

****

La cour est saisie de l’appel formé le 3 juin 2020 par l’employeur.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 2 février 2021 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la S.A.S. [4], représentée, demande à la cour de :

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de GRASSE le 2 avril 2020 ;

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de M. [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

DEBOUTER M. [O] de l’ensemble des demandes indemnitaires formulées à l’encontre de la Société [4] ;

CONDAMNER M. [O] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER M. [O] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 10 novembre 2020 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [T] [O] demande à la cour de :

– accueillir la constitution de M. [O] en sa qualité d’intimé et la dire bienfondé,

– accueillir l’appel incident formulé par l’intimé et le dire bienfondé,

– réformer le jugement du Conseil de prud’hommes de Grasse rendu le en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

– dire et juger que le licenciement de M. [O] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– confirmer la condamnation de la société [4] au montant de 1 356,17 € au titre du préavis outre une somme de 135,17 € au titre des congés payés y afférents,

– dire et juger qu’il y a lieu de faire application de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et/ou de l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996,

En conséquence,

– condamner la société [4] à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dire et juger que le licenciement est intervenu dans des circonstances particulièrement vexatoires,

En conséquence,

– condamner la société [4] à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– dire et juger que M. [O] n’a perçu aucun salaire depuis le mois de novembre 2018 jusqu’au mois de février 2019,

En conséquence,

– confirmer la condamnation de la société [4] à payer à M. [O] la somme de 4 733,43 € outre la somme de 473,34 € au titre des congés payés y afférents,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– ordonner la remise des fiches de paie de M. [O] pour les mois de janvier et février 2019 sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– ordonner la rectification de l’attestation pôle emploi et du certificat de travail sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– confirmer la décision du conseil de prud’hommes de Grasse en ce qu’elle a condamné la société [4] à payer à M. [O] une somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– y ajoutant la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles liés à la défense de M. [O] en cause d’appel,

– la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 13 novembre 2023.

MOTIFS :

1. Sur la rupture du contrat de travail :

L’employeur souligne en premier lieu que M. [D], actionnaire de la société, a procédé à l’embauche et à l’augmentation du temps de travail de M. [O] alors qu’il n’était pas mandataire de la société et qu’il ne disposait d’aucune délégation de pouvoir ou de signature.

Il précise qu’une plainte a été déposée à son encontre pour faux et usage de faux en écritures privées et explique qu’il n’était pas informé de cette embauche avant l’audit interne de décembre 2018.

Il soutient que M. [O] et M. [D] ont continué d’exploiter l’établissement durant la période du 17 au 26 décembre 2018 alors que celui-ci était censé être fermé.

Il explique que dans le cadre du conflit l’opposant à M. [D] et afin d’assurer la protection des biens de son établissement, il s’est trouvé contraint de procéder au changement des serrures et d’engager un agent de sécurité, et exclut dès lors toute intention d’évincer M. [O] ou de l’empêcher de se rendre sur son lieu de travail.

Il observe à ce titre que le salarié avait été préalablement averti de la fermeture de l’établissement pour congés annuels à compter du 26 décembre 2018, et ce dès le 16 décembre 2018.

L’employeur s’interroge sur la force probante de l’attestation établie par M. [X], qui présente un lien de parenté direct avec M. [O] et a également été embauché par M. [D]. Il en conclut que M. [O] ne démontre pas avoir été réellement empêché d’accéder au restaurant le 16 janvier 2019 et prétend établir, au contraire, la volonté du salarié de ne plus se présenter sur son lieu de travail à compter de cette date.

Il fait valoir que l’absence du salarié à compter du 16 janvier 2019 n’est pas contestée, une telle absence étant de nature à provoquer une désorganisation au sein de la société eu égard aux fonctions exercées.

Il affirme enfin que la régularité du licenciement pour faute grave fondé sur un abandon de poste n’est pas subordonnée à l’envoi préalable d’une mise en demeure adressée par l’employeur.

En réponse, le salarié soutient avoir été tenu dans l’ignorance de la fermeture de l’établissement et souligne à ce propos que l’employeur ne produit aucun justificatif de son information, à l’exception de deux attestations qu’il qualifie de complaisance.

Il précise avoir envoyé un courrier à l’employeur le 11 janvier 2019 pour indiquer qu’il ne percevait plus de rémunération depuis le mois de novembre 2018, et s’être présenté le 16 janvier 2019 avec un collègue pour prendre son poste, mais s’être vu interdire l’accès par deux vigiles.

Il fait valoir à ce propos que l’employeur ne démontre aucunement l’existence d’un lien de parenté avec M. [X].

Surtout, il observe que l’employeur ne lui a jamais écrit pour lui demander de justifier son absence et affirme qu’en réalité, l’employeur a souhaité évincer les salariés dont il n’aurait appris l’existence que peu de temps avant la rupture en leur interdisant l’accès à leur lieu de travail.

Le salarié fait valoir à ce propos que la Cour de cassation exige une mise en demeure préalable au licenciement pour faute grave fondé sur un abandon de poste.

Il rappelle qu’il travaillait 79 heures par mois depuis le 1er décembre 2018 et en déduit que son absence n’a pu générer un dysfonctionnement dans l’activité de l’établissement.

Il fait valoir qu’au regard des circonstances de l’espèce, il a pu croire légitimement aux pouvoirs apparents de M. [D].

Il souligne par ailleurs que M. [N] [T], qui n’a pas davantage pu accéder à son poste de travail le 16 janvier 2019, n’a fait l’objet d’aucune procédure disciplinaire.

A titre liminaire, la cour observe que si M. [O] sollicite, aux termes de ses conclusions, la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, il résulte de la décision rendue le 2 avril 2020 par le conseil des prud’hommes de Grasse que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié une absence injustifiée de son poste de travail depuis le 16 janvier 2019, tandis que M. [O] soutient que son absence trouve son origine dans l’impossibilité d’accéder à son lieu de travail du fait de l’opposition de l’agent de sécurité embauché par l’employeur.

La cour rappelle que si les absences non autorisées ou non justifiées par des motifs légitimes constituent des manquements du salarié à ses obligations contractuelles que l’employeur est fondé à sanctionner en vertu de son pouvoir disciplinaire, l’abandon de poste qui trouve son origine dans un manquement de l’employeur à ses obligations ne saurait caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En premier lieu, il convient de relever que malgré les différents développements des parties à ce propos, le débat ne porte aucunement sur la régularité de l’embauche de M. [O] puisque sa qualité de salarié de la S.A.S. [4] n’est pas remise en cause aux termes de la présente procédure.

Par ailleurs, la cour rappelle que la preuve étant libre en matière prud’homale, rien ne s’oppose à ce que le juge prud’homal retienne des attestations établies par des salariés de l’entreprise et en apprécie librement la valeur et la portée pour établir la faute grave fondant un licenciement sans méconnaître le principe de l’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que ces attestations, versées au débat, sont soumises à la discussion contradictoire des parties.

En l’espèce, le salarié conteste les attestations produites par l’employeur par une observation d’ordre général tenant à l’existence d’un lien de subordination, sans toutefois démontrer que les témoins auraient pu être influencés par leur hiérarchie.

Dans ces conditions, la cour examinera les différentes attestations versées au débat.

Mme [A] [P], employée au restaurant [4], précise ainsi que le 16 décembre 2018, M. [M] a informé le personnel de la fermeture de l’établissement pour congés annuels le soir même.

Elle ajoute que ‘Dès lors où monsieur [T] [O] est arrivé au restaurant, il s’est opposé à la fermeture du restaurant malgré les directives de Monsieur [M], et en l’informant que nous viendrions tous travailler le lendemain.’

M. [G] [Z], cuisinier, confirme l’intégralité de ces propos, même s’il désigne M. [O] sous le nom de ‘Mr [T]’.

Il est donc établi que M. [O] a été informé de la fermeture du restaurant pour congés annuels à compter du 16 décembre 2018, et qu’il a manifesté son opposition à cette décision.

La cour observe en revanche que les témoins n’évoquent nullement la date de reprise qui aurait été communiquée par M. [M] lors de cette annonce.

Cette situation de fermeture du restaurant -au demeurant non contestée- est confortée par le procès-verbal de constat dressé le 26 décembre 2018 par M. [R], huissier de justice, mandaté par M. [D] et agissant en présence de M. [O] et M. [X], qui mentionne une affichette apposée sur la porte en ces termes : ‘Chère clientèle le restaurant est fermé passez de bonne fêtes [4]’.

Aucune date de réouverture n’est toutefois précisée.

Dans ces conditions, M. [O] ne peut valablement arguer de l’impossibilité d’accéder à son lieu de travail le 26 décembre 2018 pour démontrer un manquement de l’employeur à ses obligations: le restaurant étant fermé pour congés annuels, le salarié ne justifiait d’aucun motif pour se rendre sur son lieu de travail, surveillé par un agent de sécurité.

Les pièces de procédure pénale et de référé versées au débat permettent par ailleurs d’expliquer la présence d’un tel agent de sécurité avec un chien et le changement des serrures par le conflit opposant M. [D] et M. [M] et la disparition de matériel appartenant à la société.

Il ressort des pièces versées au débat que M. [O] a ensuite fait parvenir un courrier recommandé daté du 11 janvier 2019 à son employeur afin de réclamer le paiement de son salaire du mois de décembre 2018 en l’invitant à le lui adresser directement au regard de la fermeture du restaurant.

Ce courrier n’a pas été réclamé par l’employeur.

M. [O] produit ensuite une attestation établie par M. [X] pour démontrer qu’il s’est présenté sur son lieu de travail le 16 janvier 2019 mais qu’il s’en est vu interdire l’accès par des agents de sécurité.

La S.A.S. [4], qui remet en question l’impartialité de cette attestation, ne produit, en tout état de cause, aucun élément permettant d’établir l’existence d’un lien de parenté entre les deux salariés ou l’existence d’une collusion entre ces derniers du seul fait de leur embauche par M. [D] : sa valeur probante ne peut dès lors être remise en cause.

La cour relève toutefois que l’attestation de M. [X] est imprécise puisque le témoin se contente d’indiquer ‘on s’est présenté le 26-12-2018 Devant le Restaurant pour y Pratiquer l’activité on s’est fait Refouler par les Vigiles mandatés par Mr [M] [S]. Pareil pour la date du 16-01-19″.

Le procès-verbal de constat du 26 décembre 2018 permet néanmoins d’établir qu’à cette date, le pronom personnel ‘on’ désignait M. [X] et M. [O], de sorte que l’emploi du terme ‘pareil’ permet de démontrer que les deux mêmes personnes se sont présentées le 16 janvier 2019 et se sont vu interdire l’accès à leur lieu de travail.

La cour relève en outre que si l’employeur ne démontre pas avoir avisé son salarié de la date de reprise après la fermeture pour congés annuels, M. [O] reconnaît implicitement en avoir été avisé puisqu’il s’est présenté sur son lieu de travail le 16 janvier 2019.

Il ressort également du courrier recommandé envoyé le 26 février 2019 par M. [O] -soit postérieurement à l’entretien préalable mais antérieurement au licenciement- que ce dernier a réaffirmé sa volonté d’honorer son contrat de travail et a interrogé son employeur sur la date et l’heure de sa reprise.

Si ce courrier n’a pas été réclamé par l’employeur, il confirme que le salarié souhaitait reprendre son poste d’une part, et qu’il était tenu dans l’ignorance de sa date de reprise d’autre part.

La cour souligne à ce propos que l’employeur n’a jamais envoyé au salarié de courrier l’invitant à justifier des motifs de son absence depuis le 16 janvier 2019 et le mettant en demeure de reprendre son poste, de sorte qu’il ne peut valablement reprocher à M. [O] ladite absence, après lui avoir interdit l’accès à son lieu de travail le jour de réouverture, .

Le compte-rendu de l’entretien préalable n’est pas davantage produit au débat alors que le courrier du 7 février 2019 ne fait état d’aucun motif justifiant la convocation à entretien préalable (‘Nous devons vous informer que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement’) pouvant alerter le salarié, qui s’était vu refuser l’accès à son lieu de travail par un agent de sécurité, sur le fait qu’il se trouvait en absence injustifiée.

Au regard des circonstances de l’espèce, l’employeur ne démontre pas que l’absence de M. [O] de son poste de travail à compter du 16 janvier 2019 constitue une violation de ses obligations contractuelles justifiant son licenciement.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 – Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

2.1 – Sur la demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis :

La cour relève que malgré la demande d’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, l’employeur n’a sollicité le rejet des demandes indemnitaires du salarié que dans le cadre de la reconnaissance d’un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Il n’a pas présenté de demande subsidiaire aux fins de rejet desdites demandes dans l’hypothèse où le licenciement sans cause réelle et sérieuse serait confirmé et a par ailleurs articulé ses moyens uniquement dans le cadre d’un licenciement pour faute grave.

En l’état de la demande de confirmation présentée par le salarié, il y a donc lieu de confirmer le jugement sur en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement des sommes de 1 356,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 135,17 euros au titre des congés payés afférents.

2.2 – Sur la demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le salarié précise qu’il ne pourrait obtenir aucune indemnité sur le fondement du barème Macron. Il estime néanmoins que le contexte particulier et sa situation critique justifient l’octroi de dommages et intérêts et soulève l’inconventionnalité des dispositions instituant le barème visé.

Ainsi qu’il a été vu précédemment, l’employeur ne présente aucune demande subsidiaire tendant au rejet de la demande d’indemnisation dans l’hypothèse où le licenciement ne reposerait sur aucune cause réelle et sérieuse.

Les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié.

La cour rappelle que le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail, de sorte que le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale.

En outre, la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

En l’espèce, M. [O], âgé de 58 ans au moment du licenciement, bénéficie d’une ancienneté de moins d’une année pour avoir été embauché le 1er août 2018 et licencié le 27 février 2019.

Il ressort ensuite du registre du personnel versé au débat que la S.A.S. [4] emploie habituellement plus de onze salariés.

En considération notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute versée au salarié rappelée ci-dessus, de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il convient de réparer le préjudice par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi en lui allouant la somme de 300 euros réclamée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

2.3 – Sur le préjudice distinct :

Le salarié fait valoir que les absences qui lui sont reprochées sont mensongères car seul l’employeur serait à l’origine de la rupture.

Il ajoute que le non-respect des délais d’information de fermeture pour départ en congés et le fait de s’être vu interdire l’accès à son lieu de travail par un agent de sécurité contribuent au caractère vexatoire de son licenciement.

En application des articles 1231-1 et L.1222-1 du code du travail, le salarié est en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant du comportement fautif de l’employeur dans les circonstances entourant la rupture, distinct de celui résultant de la perte de son emploi.

Pour obtenir une indemnisation, il appartient au salarié d’établir :

‘ le comportement fautif de son employeur, caractérisé par des circonstances particulières ‘ brusques, humiliantes ou vexatoires ‘ dans lesquelles s’est déroulé son licenciement ;

‘ et que ce comportement lui a causé un préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi.

En l’espèce, la cour relève qu’en tout état de cause, M. [O] n’allègue aucun préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi et ne produit aucun justificatif à ce titre.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande sur ce fondement.

2.4 – Sur la demande de rappel de salaires :

Le salarié affirme ne plus avoir perçu son salaire à compter du mois de novembre 2018 ; il ajoute avoir fait parvenir deux courriers en ce sens à l’employeur les 11 janvier et 26 février 2019.

Il estime que l’employeur ne peut se retrancher derrière le fait qu’il n’aurait pas fourni de travail, alors l’obligation de travail du salarié doit s’articuler avec celle pesant sur l’employeur de fournir du travail au salarié qui se tient à sa disposition.

En réponse, l’employeur admet ne pas avoir versé les salaires correspondant aux mois de novembre et décembre 2018.

Il justifie cette carence par le fait que le comptable de M. [D] a refusé de lui donner accès à la comptabilité, et notamment aux bulletins de paie.

Il ajoute que M. [O] se montrait très peu présent sur son lieu de travail et que, compte tenu de l’embauche de complaisance par M. [D], il peut légitimement douter de la réalisation de ses heures de travail mensuelles.

Il souligne à ce titre que le salarié n’apporte aucun élément démontrant qu’il effectuait les heures de travail et les tâches prévues dans son contrat de travail.

Il rappelle que l’établissement a été fermé pour congés annuels du 1er au 16 janvier 2019 et que M. [O] n’a jamais repris son poste.

La cour rappelle que le contrat de travail est un contrat synallagmatique aux termes duquel le salaire versé par l’employeur vient rémunérer le travail effectué par le salarié.

Le salarié qui refuse d’exécuter son travail ou qui ne se tient pas à la disposition de son employeur n’a pas droit au paiement de salaires.

Il appartient à l’employeur qui s’est abstenu de payer les salaires d’établir que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou ne s’est pas tenu à sa disposition.

En l’espèce, il convient de rappeler que M. [O] a été employé à hauteur de 39 heures par mois entre le 1er août et le 1er décembre 2018, avant de voir passer son temps de travail à 78 heures mensuelles à compter de cette date.

Si l’employeur entend se prévaloir de l’attestation de Mme [P], restauratrice, pour démontrer que M. [O] n’a pas réalisé sa prestation de travail, la cour rappelle que ce dernier travaillait à temps partiel.

Par suite, le fait que Mme [P] précise que ‘Les jours où je travaillais Monsieur [T] passait peu de temps au restaurant et venait occasionnellement’, n’est pas suffisant pour démontrer que M. [O] ne respectait pas les horaires de son temps partiel.

La cour relève par ailleurs qu’il résulte des deux attestations produites au débat par l’employeur que M. [O] était présent au restaurant le 16 décembre 2018, jour de l’annonce de la fermeture annuelle pour congés.

La S.A.S. [4] ne démontre donc pas que M. [O] n’a pas respecté les obligations découlant de son contrat de travail au cours des mois de novembre et décembre 2018.

En outre, il a été vu ci-dessus qu’à compter de la réouverture du restaurant, le 16 janvier 2019, M. [O] s’est vu interdire l’accès à son lieu de travail par un agent de sécurité mandaté par l’employeur ; il a par ailleurs interrogé ce dernier sur sa date de reprise aux termes d’un courrier du 26 février 2019.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’inexécution par le salarié de sa prestation de travail trouve son origine dans un manquement de l’employeur à ses obligations.

Il s’ensuit que l’employeur ne justifie pas que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition, ce dont il résulte qu’il se trouve redevable des salaires jusqu’au licenciement.

L’employeur n’élevant aucune contestation sur le montant de la condamnation prononcée par le conseil des prud’hommes, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme 4 733,43 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de novembre 2018 à février 2019 inclus, outre la somme de 473,34 euros au titre des congés payés afférents.

4 – Sur la remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés :

Si l’employeur sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, il ne demande pas à la cour, statuant à nouveau, de rejeter la demande de communication sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés.

En l’état de la demande de confirmation présentée par M. [O], la cour ne peut dès lors que confirmer le chef du jugement entrepris sur ce point.

5 – Sur les autres demandes :

La S.A.S. [4], qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.

Par ailleurs, il est inéquitable de laisser à M. [O] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; la S.A.S. [4] sera donc condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la S.A.S. [4] sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME la décision entreprise en toutes les dispositions qui lui sont soumises,

Y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S. [4] au paiement des dépens,

CONDAMNE la S.A.S. [4] à payer à M. [T] [O] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la S.A.S. [4] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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