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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 09 NOVEMBRE 2022
N° 2022/ 484
N° RG 21/00371
N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYIF
[F] [W]
[J] [V] épouse [W]
C/
[N] [W] épouse [T]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Dominique CESARI
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement rendu par le Juge des contentieux de la protection près le Tribunal Judiciaire de NICE en date du 4 Novembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19-001489.
APPELANTS
Monsieur [F] [W]
né le 1er Novembre 1951 à [Localité 4] , demeurant [Adresse 1] [Localité 3] [Localité 3]
Madame [J] [V] épouse [W]
née le 17 Octobre 1957 à [Localité 5] (TUNISIE), demeurant [Adresse 1] [Localité 3] [Localité 3]
représentés par Me Dominique CESARI, avocat au barreau de NICE substitué et plaidant par Me Florian PLEBANI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [N] [W] épouse [T]
née le 08 Novembre 1943 à [Localité 4] (45), demeurant [Adresse 2] – LA REUNION
représentée par Me Paul GUEDJ, membre de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Stéphane GIANQUINTO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 13 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Postérieurement au décès de [Z] [W] survenu le 13 mai 1990, ses deux enfants [N] et [F] ont hérité indivisément de la nue-propriété d’un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 3], tandis que son épouse [K] [B] en recevait l’usufruit.
Par acte du 2 septembre 1994, [F] [W] a cédé ses droits à sa soeur [N] [W] épouse [T].
[K] [B] veuve [W] est décédée le 15 janvier 2016, sa fille acquérant dès lors la pleine propriété du bien immobilier.
Par lettre de son conseil en date du 21 janvier 2019, [N] [T] a mis en demeure son frère [F] [W] ainsi que son épouse [J] [V] de quitter l’appartement qu’ils occupaient selon elle sans droit ni titre.
Puis, par exploits d’huissier du 2 avril 2019, elle les a assignés à comparaître devant le tribunal d’instance de Nice afin d’entendre ordonner leur expulsion et obtenir paiement d’une indemnité d’occupation de 800 euros par mois, rétroactivement à compter du 16 janvier 2016, outre la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts.
Les défendeurs ont conclu au rejet de l’action, en invoquant l’existence d’un bail verbal qui leur aurait été consenti par [K] [B], et que [N] [T] aurait accepté de poursuivre en différant au surplus la perception des loyers jusqu’au règlement de la succession de leur mère.
Ils ont également invoqué l’opposabilité d’un plan de redressement arrêté le 7 novembre 2019 à leur bénéfice par la commission de surendettement des Alpes Maritimes.
Subsidiairement, ils ont sollicité la réduction du montant de l’indemnité d’occupation à hauteur de 550 euros par mois.
Par jugement rendu le 4 novembre 2020 la juridiction saisie, devenue entre-temps le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, a considéré que la preuve de l’existence d’un bail verbal n’était pas rapportée et que les époux [W] étaient dépourvus de titre d’occupation.
En conséquence le premier juge a ordonné leur expulsion et les a condamnés solidairement à payer à la requérante une indemnité d’occupation de 750 euros par mois à compter du 16 janvier 2016 et jusqu’à la libération des lieux, outre les dépens de l’instance et une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [T] a été en revanche déboutée de ses demandes accessoires en paiement de dommages-intérêts et de l’émolument prévu par l’article A 444-32 du code de commerce.
Les défendeurs, qui ont reçu signification de cette décision le 14 décembre 2020, ont interjeté appel par déclaration adressée le 11 janvier 2021 au greffe de la cour.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 26 août 2022, les époux [F] [W] et [J] [V] critiquent le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la preuve de l’existence d’un bail verbal n’était pas établie, alors qu’ils ont produit aux débats une attestation rédigée en ce sens par feue [K] [B], ainsi que les avis de recouvrement de la taxe d’habitation et les justificatifs de paiement des charges se rapportant à l’occupation de l’appartement. Ils précisent que le loyer mensuel convenu était équivalent à 500 euros, toutes charges comprises, afin de tenir compte des soins prodigués par [F] [W] à sa mère.
Ils soutiennent en outre que [N] [T] aurait accepté de poursuivre le bail postérieurement au décès de leur mère, ainsi que de différer la perception des loyers jusqu’au règlement de sa succession, avant de remettre brutalement en cause cet accord par une mise en demeure de son conseil adressée le 21 janvier 2019.
Ils invoquent en outre l’absence de délivrance d’un congé de la part de la requérante.
Ils demandent principalement à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de juger qu’ils sont titulaires d’un bail d’habitation, de débouter en conséquence la partie adverse de l’ensemble de ses prétentions, et de la condamner aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, ils sollicitent la réduction du montant de l’indemnité d’occupation à hauteur de 550 euros par mois.
Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 12 août 2022, Madame [N] [W] épouse [T] conteste l’existence d’un bail verbal, faisant valoir que l’attestation rédigée par sa mère peu avant son décès serait de pure complaisance, que les appelants ne justifient pas du règlement du moindre loyer, et que les justificatifs de charges produits aux débats ne permettent pas de vérifier qu’ils se rapportent à l’appartement en cause.
Elle réfute également l’existence de l’accord allégué par les appelants à compter du décès de [K] [B], et soutient qu’une simple tolérance de sa part ne saurait être créatrice de droits.
Elle fait valoir que le bénéfice de la procédure de surendettement a finalement été refusé à [F] [W] en raison de sa mauvaise foi, aux termes d’un arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour de céans.
Elle poursuit la confirmation du jugement querellé, sauf en ce qu’il a rejeté ses demandes accessoires en paiement de dommages-intérêts et de l’émolument prévu par l’article A 444-32 du code de commerce, qu’elle réitère devant la cour.
Elle réclame en outre paiement de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel et ses entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 30 août 2022.
DISCUSSION
Si l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 impose l’établissement d’un écrit en matière de baux d’habitation, il est néanmoins de jurisprudence constante qu’un bail peut être conclu verbalement et que la preuve peut en être rapportée par tous moyens lorsqu’il a reçu un commencement d’exécution.
Au cas présent [F] [W] produit aux débats un document manuscrit daté du 10 octobre 2015, aux termes duquel sa mère [K] [B] attestait lui avoir donné en location l’appartement du [Adresse 1] moyennant un loyer mensuel de 500 euros, charges comprises, qui lui était versé en espèces.
Il produit également un certificat médical établi à la même période, dont il résulte que sa mère était en capacité d’accomplir des actes juridiques.
[N] [T] ne remet pas en cause cette capacité, mais se borne à soutenir qu’il s’agirait d’une attestation de complaisance, sans toutefois le démontrer.
Les époux [W] établissent d’autre part que les avis de recouvrement de la taxe d’habitation afférente au logement en cause ont été émis à leurs noms au cours des années 2014 à 2019.
Il ressort également d’un décompte établi par le syndic de l’immeuble que, postérieurement au décès de [K] [B], les charges de copropriété de l’appartement ont été acquittées par [F] [W], à tout le moins jusqu’au 10 décembre 2017.
[F] [W] établit enfin avoir été titulaire du contrat d’abonnement à la fourniture d’électricité depuis l’année 2012.
Le premier juge ne pouvait écarter la valeur probante de l’ensemble de ces éléments au motif de l’absence de production de quittances de règlement du loyer, alors que [K] [B] avait attesté que celui-ci lui était versé en espèces. En effet la preuve d’un paiement, qui constitue un fait juridique, ne peut être exigée lorsque le créancier lui-même en a admis l’existence.
Il convient au contraire de considérer que les époux [W] étaient bien titulaires d’un bail d’habitation valablement conclu avec feue [K] [B], alors usufruitière du bien, et que [N] [T] a succédé de plein droit à sa mère dans les droits et obligations découlant de ce contrat à compter du décès de cette dernière, sans qu’il soit nécessaire d’une manifestation de volonté de sa part.
Or, force est de constater qu’aucun congé n’a été délivré aux preneurs jusqu’à ce jour, et que ni le tribunal, ni la cour de céans, n’ont été saisis d’une demande de résiliation du bail pour cause de défaut de paiement du loyer.
La cour ne peut davantage condamner d’office les époux [W] au paiement des loyers échus, alors qu’elle est seulement saisie d’une demande d’indemnité d’occupation.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Juge que les époux [F] [W] et [J] [V] sont titulaires d’un bail d’habitation de l’appartement situé [Adresse 1] à [Localité 3],
Déboute en conséquence Madame [N] [T] née [W] de l’intégralité de ses prétentions,
Condamne l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT