Bail d’habitation : 7 octobre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/00361

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Bail d’habitation : 7 octobre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/00361
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ARRÊT N°

MI

R.G : N° RG 21/00361 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FQJ7

[O]

HOARAU

C/

S.C.I. SCI JAMIN

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT-PIERRE en date du 31 DECEMBRE 2020 suivant déclaration d’appel en date du 25 FEVRIER 2021 RG n° 11-19-652

APPELANTS :

Madame [B] [O]

Chez Mr et Mme [O] [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Amel KHLIFI ETHEVE de la SELARL AMEL KHLIFI-ETHEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Monsieur [S] [X] HOARAU

Chez Mr et Mme [O] [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Amel KHLIFI ETHEVE de la SELARL AMEL KHLIFI-ETHEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.C.I. SCI JAMIN

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Emeline K/BIDI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 10 février 2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Juin 2022 devant Madame Magali ISSAD, Conseillère , qui en a fait un rapport, assisté de Madame Alexandra BOCQUILLON, Adjointe administrative, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 07 Octobre 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 07 Octobre 2022.

Greffier lors de la mise à disposition: Véronique FONTAINE

* * *

LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 12 janvier 2016, la SCI JAMIN a donné à bail à M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] un logement à usage d’habitation sis [Adresse 1] pour un loyer mensuel de 715 euros. Une même somme a été versée à la SCI JAMIN à titre de dépôt de garantie.

Par courrier recommandé du 14 mai 2018, la FONCIERE Océan Indien (ci-après la FOI), mandataire de la SCI JAMIN, a délivré congé pour vendre le bien loué, à effet le 19 janvier 2019.

Par courrier recommandé en date du 31 janvier 2019, M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] ont été mis en demeure de payer les loyers impayés.

Par acte d’huissier en date du 1er mars 2019, la SCI JAMIN a fait sommation à M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] de délaisser les lieux.

Suivant acte d’huissier du 24 juillet 2019, la SCI JAMIN a assigné M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] devant le tribunal d’instance de Saint-Pierre de la Réunion aux fins de faire constater la résiliation du bail suite au congé pour vendre, délivré aux locataires ou à titre subsidiaire, la résiliation judiciaire du bail, ainsi que l’expulsion des locataires, le paiement de l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation jusqu’à complète libération des lieux.

Par jugement contradictoire en date du 31 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Pierre a statué en ces termes:

– DECLARE nul et de nul effet le congé pour vente délivré à M. [S] HOARAU et à Mme [B] [O] le 14 mai 2018;

– DIT que la restitution des lieux a eu lieu le 09 décembre 2019;

– CONDAMNE M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] à payer à la SCI JAMIN la somme de 4 918,04 euros au titre de la dette locative arrêtée au 30 septembre 2019, comme expressément réclamé par la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

– REJETTE la demande de délais de paiement de M. [S] HOARAU et Mme [B] [O];

– REJETTE la demande de dommages et intérêts de M. [S] HOARAU et Mme [B] [O];

– DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

– DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile;

– CONDAMNE M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] aux dépens de l’instance;

– ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 25 février 2021, Madame [B] [O] et Monsieur [S] HOARAU ont interjeté appel du jugement précité.

L’affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 25 février 2021.

Madame [B] [O] et Monsieur [S] HOARAU ont notifié par RPVA leurs premières conclusions d’appelants le 6 mai 2021.

La société SCI JAMIN a notifié par RPVA ses conclusions d’intimé et d’appel incident le 7 août 2021.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 octobre 2021, Madame [B] [O] et Monsieur [S] HOARAU demandent à la cour de’:

-CONFIRMER le jugement rendu le 31 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre en ce qu’il a déclaré nul et de nul effet le congé pour vente délivré à Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] le 14 mai 2018

-INFIRMER le jugement rendu le 31 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre pour le reste

-DEBOUTER la SCI JAMIN de son appel incident

Statuant à nouveau

-DECLARER recevables et bien fondées les demandes de Monsieur HOARAU [S] [X] et Madame [O] [B]

-ENJOINDRE la SCI JAMIN à produire un décompte des sommes dues détaillés et précis depuis l’entrée dans les lieux des locataires faisant apparaître en débit les loyers et en crédit les sommes versées par les locataires

-DIRE que le congé pour vente délivré le 14 mai 2018 est nul et de nul effet

-DIRE que les locataires, Monsieur HOARAU [S] [X] et Madame [O] Murielle, ne sont redevables d’aucune indemnité d’occupation

-REJETER les demandes au titre des taxes d’enlèvement des ordures ménagères pour 2018 et 2019 car erronées

-DIRE que la date du 31 août 2019 est la date de remise des clés par [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O];

-DIRE que Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] ne sauraient être redevables de plus de la somme de 743,23 € au titre de la dette locative

-CONDAMNER la SCI JAMIN à payer à Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] la somme de 1.573 € à titre de l’absence de restitution du dépôt majoré de 10 % depuis le mois d’août 2019 (715 € x 10% x 22 mois = 1.573,00 €).

-CONDAMNER la SCI JAMIN à payer à Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts

-OCTROYER à Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] un délai de paiement de 36 mois jusqu’à parfait remboursement comme le permettent les dispositions de la loi ALUR

-DEBOUTER la SCI JAMIN de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles que ce soit à titre principal ou à titre subsidiaire

-DEBOUTER la SCI JAMIN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

-DEBOUTER la SCI JAMIN de toutes demandes plus amples ou contraires

-CONDAMNER la SCI JAMIN à payer à Monsieur HOARAU [S] [X] et Madame [O] Murielle la somme 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

-CONDAMNER la SCI JAMIN aux entiers dépens.

Les appelants soutiennent que le congé délivré le 15 mai 2018 est nul et de nul effet aux motifs d’une part que le congé ne comporte ni description précise du bien ni indication sur le nom et la dénomination sociale du bailleur, et d’autre part que la notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire telle que prévue par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée par la loi Alur n’y est pas jointe. Ils invoquent également le caractère frauduleux du congé lequel leur a été délivré dans l’unique volonté de leur faire quitter les lieux.

Monsieur HOARAU et Madame [O] soutiennent que la restitution des lieux était effective au 31 août 2019, date à laquelle ils ont quitté le logement.

Par ailleurs, les appelants contestent le montant de la dette locative arrêtée au 30 septembre 2019 au motif qu’aucun décompte détaillé depuis leur entrée dans les lieux n’était produit.

Enfin, les appelants soutiennent, au visa de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 24 mars 2014, que la SCI JAMIN n’a pas restitué le dépôt de garantie dans le délai d’un mois.

Ils font valoir que le congé étant nul et de nul effet, ils ne peuvent être redevables d’aucune indemnité d’occupation, que la SCI JAMIN revendique dans ses dernières conclusions une créance inférieure à celle arrêtée en première instance, et que la SCI JAMIN sollicite le paiement des taxes d’enlèvement des ordures ménagères pour 2018 et 2019 pour un bien qui n’est pas celui pris à bail par les consorts HOARAU-[O].

En outre, ils sollicitent de la cour, compte tenu de la réalité de leur situation familiale et financière, un délai de paiement de 36 mois jusqu’à parfait remboursement comme le permettent les dispositions de la loi ALUR, ainsi que la condamnation de la SCI JAMIN sur le fondement de l’article 1240 du code civil, au titre du préjudice moral subi caractérisé par le stress permanent de se voir expulser pendant plus d’un an, sans possibilité de relogement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 octobre 2021, la SCI JAMIN demande à la cour de’:

CONFIRMER le jugement du 31 décembre 2020 en ce qu’il a :

-Dit que la restitution des lieux a eu lieu le 09 décembre 2019,

-Rejeté les demandes de délai de paiement et de dommages et intérêts des locataires,

-Condamné M. HOARAU et Mme [O] aux dépens,

-Ordonné l’exécution provisoire du jugement.

INFIRMER le jugement du 31 décembre 2020 en ce qu’il a :

-Déclaré nul et de nul effet le congé pour vente délivré aux locataires le 14 mai 2018,

-Cantonné la dette locative à la somme de 4.918,04 €,

-Rejeté la demande de condamnation des locataires à payer les taxes d’enlèvement des ordures ménagères pour 2018 et 2019,

ET STATUANT A NOUVEAU :

JUGER régulier le congé pour vente délivré aux locataires le 14 mai 2018,

CONDAMNER M. HOARAU et Mme [O] à payer à la SCI JAMIN les sommes suivantes :

-À titre principal : 3.966,96 € à titre au titre de la dette locative arrêtée au 30/09/2019, en ce compris les TEOM 2018 et 2019, déduction faite du dépôt de garantie,

-À titre subsidiaire : 6.111,96 € au titre de la dette locative arrêtée au 30/09/2019, en ce compris les TEOM 2018 et 2019 et l’indemnité de préavis, déduction faite du dépôt de garantie.

DEBOUTER Mme [O] Murielle et M. HOARAU [S] [X] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

CONDAMNER Mme [O] Murielle et M. HOARAU [S] [X] à payer à la SCI JAMIN la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

L’intimée soutient que le congé pour vente est régulier car d’une part la production de la notice d’information n’est pas prescrite à peine de nullité au sens de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, et d’autre part M. HOARAU et Mme [O] ne démontrent aucun grief du fait de cette omission.

L’intimée affirme que la date de restitution des lieux est bien celle du 9 décembre 2019, date à laquelle les clés ont été effectivement remises par le conseil des locataires à l’avocat de la bailleresse, la SCI JAMIN.

La SCI JAMIN fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir exclu de la dette locative arrêtée au 30/09/2019, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour 2018 et 2019 alors qu’en vertu de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret n°87-713 du 26 août 1987 ladite taxe figure au nombre des charges récupérables. Elle fait valoir en outre que la charge de la preuve du paiement des loyers incombe au locataire, et qu’en tout état de cause elle a bien produit un décompte détaillée arrêté au 2 octobre 2019.’La SCI JAMIN soutient enfin que si le congé est nul et de nul effet, les consorts HOARAU-[O] demeurent redevables au titre de la dette locative du paiement de trois mois de loyers supplémentaires pour avoir restitué les lieux le 9 décembre 2019 sans avoir respecté le délai de préavis de 3 mois prévu à l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, à défaut les sommes seront qualifiées d’indemnité d’occupation.

L’intimée fait valoir, au visa de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989, que M. HOARAU et Mme [O] ne peuvent prétendre à la restitution du dépôt de garantie dès lors que des loyers demeuraient impayés.

La SCI JAMIN conteste la demande de délais de paiement des appelants au motif qu’ils ne produisent aucune pièce actualisée sur leurs revenus et leurs charges et ne démontrent pas être en mesure de respecter un échéancier.

Enfin, l’intimée sollicite de la cour le rejet de la demande de dommages et intérêts des locataires indiquant que M. HOARAU et Mme [O] ne produise aucune preuve des intimidations alléguées et qu’ils ont bénéficié d’un délai suffisant pour se reloger, la SCI JAMIN les ayant informés plus de 7 mois à l’avance de sa décision de vendre le bien.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Sur la nullité du congé pour vente

Vu l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986′;

Vu l’arrêté du 13 décembre 2017,

Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié notamment par sa décision de vendre. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.

Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis.

A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.

A compter du 1er janvier 2018, une notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire est jointe au congé délivré par le bailleur.

En l’espèce, le 12 janvier 2016, la SCI JAMIN, d’une part, et Monsieur [S] HOARAU et Madame [B] [O], d’autre part, ont conclu un contrat de bail d’un logement à usage d’habitation sis [Adresse 1], avec effet au 20 janvier 2016, pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 19 janvier 2019 (pièce n°2 intimée).

En date du 14 mai 2018, la SCI JAMIN, par le biais de son mandataire, a donné congé pour vente à la date du 19 janvier 2019 aux consorts HOARAU-[O] (pièce n°3 intimée).

Les consorts HOARAU-[O] font valoir que le congé est nul et de nul effet car le congé n’était pas accompagné de la notice d’information, et ne comportait ni description du bien, ni précision du nom ou de la dénomination sociale du bailleur.

Force est de constater que si la notice d’information prévue par l’arrêté du 13 décembre 2017 n’était effectivement pas annexée au congé, ledit arrêté ne prévoit pas de sanction à cette omission.

Néanmoins, il convient de relever que le congé délivré par courriers recommandés envoyés respectivement à M. [S] HOARAU et à Mme [B] [O] a’été donné par le mandataire au nom du « propriétaire du logement» sans autre précision.

Il est mentionné sur le dit congés, «le propriétaire du logement envisage de vendre le logement que vous occupez.».

De plus, ledit congé qui mentionne un prix de vente arrêté à la somme de 315 000 euros ne comporte aucune description exacte du bien concerné tels que l’adresse, le type de logement et sa composition.

D’autant que, l’appartement loué par les consorts HOARAU-[O] était situé dans une maison décomposée en deux appartements T4 dont un situé au rez-de-chaussée qui était lui même loué à d’autres locataires.

L’attestation de vente du bien produite par les appelants (pièce appelants n°12) démontre qu’en réalité le bailleur a vendu le 11 octobre 2019 un ensemble immobilier composé de deux appartements pour un prix de 250 000 euros.

Sur ce, la cour constate que le congé pour vente délivré ne respecte pas dispositions prescrites à peine de nullité l’article 15 II de la loi du 06 juillet 1989.

Il y a lieu de constater la nullité du congé délivré le 14 mai 2018.

Le jugement déféré sera confirmé.

Sur le caractère frauduleux du congé

Vu l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989,

Les appelants font valoir que le congé pour vente avait en réalité un caractère frauduleux et était destiné uniquement à leur faire quitter les lieux. A ce titre, ils avancent que le logement aurait été reloué suite à leur départ, et font état de «’stratagèmes » employés par la SCI JAMIN aux fins d’intimidation.

Or, comme le relève à juste titre la juridiction de première instance, les appelants ne rapportent pas la preuve de la fraude alléguée.

Tout au contraire, la cour constate que la SCI JAMIN verse aux débats l’acte de vente immobilière à Mme [I] en date du 11 octobre 2019 (pièce intimé n°12) duquel il ressort que le logement a été effectivement vendu à cette dernière au prix de 250’000 euros.

Sur ce, la cour confirme que cet élément permet de corroborer suffisamment la réalité de l’intention de vendre de la SCI JAMIN.

Monsieur HOARAU [S] [X] et Madame [O] [B] seront déboutés de leur demande.

Sur la date de restitution des lieux

Vu l’article 1353 du code civil,

En l’espèce, M. HOARAU et Mme [O] soutiennent avoir quitté le logement le 31 août 2019 et avoir mis les clés à disposition de la SCI JAMIN par l’intermédiaire de leur conseil à compter du 1er septembre 2019 tandis que le bailleur se prévaut d’une restitution des locaux au 09 décembre 2019, date de restitution des clés.

Le fait que Monsieur HOARAU et Madame [O] aient contracté un nouveau bail d’habitation à compter du 1er septembre 2019 et qu’un courrier ait été adressé par leur conseil le 22 novembre 2019, ne permet pas d’établir la restitution des lieux à la SCI JAMIN au 1er septembre 2019 en l’absence d’un état des lieux dressé contradictoirement et d’une remise effective des clés.

Toutefois, le constat de l’état du logement dressé par huissier à l’initiative du bailleur le 08 octobre 2019 démontre que ce dernier avait la libre disposition des lieux dès le mois d’octobre 2019, ce qui est par ailleurs corroboré par son décompte arrêté au 30/09/2019 et par la vente de l’ensemble immobilier le 11 octobre 2019 à Madame [I].

La date de restitution des lieux sera fixée au 30 septembre 2019.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la restitution du dépôt de garantie

Vu l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989,

En cas d’absence de restitution du dépôt de garantie, il est fait application d’une majoration de 10% du loyer mensuel par période mensuelle de retard, passé les délais légalement prescrits au bailleur pour restituer tout ou partie du dépôt de garantie.

En l’espèce, les parties ont signé un contrat de bail d’habitation le 12 janvier 2016 au titre duquel un dépôt de garantie de 750 euros a été versé à la SCI JAMIN conformément à l’article 1.8 dudit bail.

M. HOARAU et Mme [O] font valoir qu’ils ont quitté le logement le 31 août 2019, et qu’à ce jour, la SCI JAMIN n’a toujours pas restitué le dépôt de garantie.

Ils sollicitent la condamnation de la SCI JAMIN à la somme de 1.573 € au titre de l’absence de restitution du dépôt majoré de 10 % depuis le mois d’août 2019 (715 € x 10% x 22 mois = 1.573,00 €).

Toutefois, il y a lieu de constater que M. HOARAU et Mme [O] restent redevables à l’égard de la SCI JAMIN d’une dette locative excédant le montant du dépôt de garantie.

Ainsi, le dépôt de garantie n’a pas à être restitué aux locataires et vient en déduction des sommes dues par ces derniers au titre de la dette locative.

M. HOARAU et Mme [O] sont déboutés de leur demande.

Sur la dette locative

Vu l’article 1194 du code civil,

Vu l’article 1315 du code civil,

Vu l’article 7 a) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,

Vu l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989,

Vu l’article 3-3-2-2 de l’arrêté du 13 décembre 2017′;

Sur la demande de condamnation des locataires au titre des taxes d’enlèvement des ordures ménagères’:

Le contrat de bail litigieux mentionne à l’article VIII de son annexe «’charges récupérables’» les impositions et redevances, notamment la taxe d’ordures ménagères, auxquelles les consorts HOARAU-[O] sont tenues.

La SCI JAMIN doit ainsi être en mesure de justifier des charges réellement exposées à l’occasion de l’occupation du logement par les consorts HOARAU-[O].

A ce titre, la SCI JAMIN verse aux débats les taxes foncières des années 2018 (pièce n°14 intimée) et 2019 (pièce n°15 intimée) desquelles il ressort effectivement une taxe des ordures ménagères identifiable à l’adresse du [Adresse 1].

Toutefois, la cour rappelle que le logement donné à bail fait partie d’une maison décomposée en deux appartements dont seul le 1er étage est occupé par les appelants. Or, la SCI JAMIN n’en tient pas compte et impute la totalité des TEOM aux consorts HOARAU-[O] sans aucune distinction.

Ainsi, en raison de la carence de la SCI JAMIN dans la production de justificatifs permettant d’identifier clairement la taxe d’enlèvement des ordures ménagères imputable aux appelants, la cour rejette la demande de la SCI JAMIN tendant à voir condamner les locataires à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères 2018 et 2019.

Sur le montant de la dette locative

En l’espèce, la location, objet du bail, concerne un appartement de type duplex T4 de 93,84 m2 pour un loyer mensuel de 715 euros.

Monsieur HOARAU et Madame [O] soutiennent que le décompte des sommes dues doit être arrêté au 31 août 2019 dès lors que la restitution des lieux est intervenue le 31 août 2019 avec remise des clés à leur conseil le 1er septembre 2019 pour mise à disposition du conseil du bailleur, qu’ils ne sauraient être condamné à une indemnité d’occupation dès lors que le congé est nul, que le tribunal a statué ultra-petita en allouant au bailleur des sommes supérieures à celles sollicitées par lui et ce, au titre d’un préavis non respecté qu’il n’avait pas lui-même revendiqué.

Ils font observer que le bailleur se perd dans ses propres comptes et qu’il n’est pas en mesure de produire un décompte précis de la dette locative.

Ils font observer que le bailleur n’est pas en mesure de justifier de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et ils soutiennent qu’ils ne sauraient être condamnés à une somme qui excéderait 743,23 euros.

Ils expliquent que s’ils sont redevables du reliquat du loyer d’avril 2019 ainsi que les loyers de mai à août 2019 soit d’une somme de 3139 euros, il convient de déduire de ladite somme les avances à hauteur de 1680,77 euros et le dépôt de garantie de 715 euros.

La SCI JAMIN se prévaut d’une dette locative de 4681,96 euros se décomposant comme suit:

-3854 euros indemnité d’occupation d’avril 2019 au 30 septembre 2019;

-462 € de TEOM 2018

-365,96 € de TEOM 2019

Elle rappelle que les avances étaient en réalité des versements ponctuels destinés à combler les retards de paiement, qu’ils ont été pris en compte dans un décompte précis des loyers qu’elle produit et qu’il appartient aux preneurs de rapporter la preuve du paiement des loyers et non l’inverse.

Dans la mesure où le congé délivré par le bailleur a été déclaré nul, le bail est alors reconduit.

Dès lors, le bailleur ne saurait prétendre à une indemnité d’occupation mais au paiement des loyers au titre jusqu’à la restitution des locaux.

La cour ayant rejeté la demande de condamnation des preneurs au paiement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, ces sommes seront écartées.

La date de restitution des lieux ayant été fixée 30 septembre 2019, les preneurs restent redevables des loyers jusqu’à cette date.

Monsieur HOARAU et Madame [O] devront être condamnés au paiement du solde du loyer du mois d’avril 2019 ainsi que des loyers de mai 2019 au 30 septembre 2019 soit à la somme de 2886 euros dont il conviendra de déduire le montant de la caution.

C’est à tort que le premier juge a condamné Monsieur HOARAU et Madame [O] au paiement d’une somme de 2145 euros au titre d’un préavis de trois mois non respecté, dans la mesure où comme ont pu le faire observer Monsieur HOARAU et Madame [O] sans pour autant en tirer les conséquences juridiques, ce dernier avait statué ultra petita.

Dès lors, Monsieur HOARAU et Madame [O] seront condamnés au paiement de somme de 2773′,04 euros.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré Monsieur HOARAU et Madame [O] redevable d’une dette locative mais infirmé s’agissant de son montant.

Sur la demande de délais de paiement

Vu l’article 1343-5 du code civil,

En l’espèce, les appelants sollicitent de la cour un délai de paiement de 36 mois jusqu’à parfait remboursement en raison d’une part de leur situation précaire et d’autre part de la qualité de la SCI JAMIN en tant que professionnelle.

Toutefois, ils ne produisent au soutien de leur demande aucun élément relatif à l’actualisation de leur rémunération ou à la réalité de leur situation professionnelle et personnelle. Par ailleurs, ils ne fournissent aucun élément susceptible de déterminer leur situation patrimoniale.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la cour déboute les consorts HORAU-[O] de leur demande de délai de paiement de 36 mois.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en dommages et intérêts

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu l’article 3-3-2-1 de l’arrêté du 13 décembre 2017;

Le congé délivré par le bailleur étant déclaré nul et tenant le préjudice moral invoqué par Monsieur HOARAU et Madame [O], il convient pour compenser le préjudice causé par les frais et les perturbations diverses causées par la recherche d’un logement, le déménagement et la peur de se voir expulser à tout moment la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et aux dépens:

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile mais infirmé s’agissant des dépens mis à la charge de Monsieur HOARAU et Madame [O].

La SCI JAMIN qui succombe sera déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur HOARAU et de Madame [O] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI JAMIN sera condamnée à payer Monsieur HOARAU et à Madame [O] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Pierre le 31 décembre 2020 SAUF en ce qu’il a:

-condamné Monsieur. [S] HOARAU et Madame [B] [O] à payer à la SCI JAMIN la somme de 4 918,04 euros au titre de la dette locative arrêtée au 30 septembre 2019,

-fixé la date de restitution des locaux au 09 décembre 2019;

-débouté Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral;

-condamné Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] aux dépens de première instance;

STATUANT A NOUVEAU

ET Y AJOUTANT,

FIXE la date de restitution des locaux au 30 septembre 2019;

CONDAMNE M. [S] HOARAU et Mme [B] [O] à payer à la SCI JAMIN la somme de 2773,04 euros au titre de la dette locative arrêtée au 30 septembre 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

CONDAMNE la SCI JAMIN au paiement à Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] de la somme de 2000 euros en préparation du préjudice moral;

CONDAMNE la SCI JAMIN à payer à Monsieur [S] [X] HOARAU et Madame [B] [O] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SCI JAMIN aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

 


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