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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2022 DU 07 NOVEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01914 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E2EH
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,
R.G.n° 18/01090, en date du 31 mai 2021,
APPELANTS :
Monsieur [D] [M]
né le 22 avril 1967 à [Localité 4] (25)
domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Michaël DECORNY de la SCP MOUKHA DECORNY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Rebecca GUETJ, substituant Me Diane DELUME, avocats au barreau de PARIS
S.C.I. [B], prise en la personne de son représentant lagal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]
Représentée par Me Michaël DECORNY de la SCP MOUKHA DECORNY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Rebecca GUETJ, substituant Me Diane DELUME, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [B] [K]
née le 21 septembre 1977 à [Localité 4] (25)
domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Elyane POLESE-PERSON, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d’audience, chargé du rapport et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 23 août 2022
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2022, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 07 Novembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur MARTIN, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 30 août 1993, la SCI [S] a été constituée entre Monsieur [D] [M] [ci-dessous ‘Monsieur [M]’] et Madame [S] [C], son ancienne conjointe, laquelle a cédé ses parts à Monsieur [E] [M], père de Monsieur [D] [M].
Par acte notarié du 31 juillet 2006, la SCI [S] a acquis un bien immobilier situé [Adresse 2].
Selon acte notarié du 21 décembre 2006, Monsieur [E] [M] a cédé ses parts à Madame [B] [K], compagne de Monsieur [M] et la SCI [S] a changé de dénomination pour devenir la SCI [B]. Monsieur [M] détenait 80 % des parts de la SCI [B] et Madame [K] 20 %.
En vue de leur mariage le 28 juin 2008, Monsieur [M] et Madame [K] ont adopté le régime de la séparation de biens par acte notarié du 6 mai 2008.
Le divorce a été prononcé par jugement du tribunal de grande instance d’Épinal le 18 décembre 2014 et Monsieur [M] a notamment été condamné à régler à Madame [K] la somme de 20000 euros à titre de prestation compensatoire.
Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Nancy le 9 mai 2016.
Par acte du 19 mai 2018, Madame [K] a fait assigner la SCI [B] et Monsieur [M] devant le tribunal de grande instance d’Épinal, aux fins notamment de retrait de la SCI [B] et de condamnation de Monsieur [M] à lui verser des dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire d’Épinal a :
– reçu Madame [K] en ses demandes,
– autorisé le retrait de Madame [K] en sa qualité d’associée de la SCI [B],
– condamné la SCI [B] à payer à Madame [K] la somme de 82776 euros au titre du remboursement de son compte courant d’associée,
– annulé la quatrième résolution de l’assemblée générale de la SCI [B] du 22 décembre 2017,
– dit que Monsieur [M] est redevable d’une indemnité d’occupation à la SCI [B] pour la période du 1er septembre 2012 au 31 mars 2019,
– condamné Monsieur [M] à payer à Madame [K] la somme de 24133 euros à titre de dommages et intérêts,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné Monsieur [M] aux entiers dépens de l’instance et à payer à Madame [K] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour autoriser Madame [K] à se retirer de la SCI [B] pour justes motifs, après avoir rappelé les dispositions des articles 1832, 1869, 1844-7 du code civil et les stipulations de l’article 13 des statuts de la SCI [B], les premiers juges ont retenu une mésentente entre les deux uniques associés, et l’inexécution de ses obligations par le gérant. Ils ont considéré que leur séparation, restant conflictuelle malgré leur divorce, entraînait la disparition de l’affectio societatis puisque l’objet de la société était l’acquisition d’un bien immobilier tenant lieu de domicile conjugal, les ex-époux ne concourant plus à son administration et à sa gestion, n’ayant plus la volonté de participer à une entreprise commune. Ils ont précisé que les assemblées générales annuelles ne se tenaient pas en raison de la mésentente entre associés sur la contribution aux dépenses, ce qui entraînait la paralysie de la société, et que le gérant de la société n’avait pas rendu compte annuellement de sa gestion, contrairement aux prescriptions de l’article 1856 du code civil.
Rappelant que les sommes figurant au crédit du compte courant d’associé sont considérées comme un prêt consenti à la société, les premiers juges ont condamné la SCI [B] à rembourser à Madame [K] la somme de 82776 euros, au vu de la balance des comptes généraux au 31 décembre 2016.
Concernant la demande de Madame [K] d’annulation de la résolution rejetant sa demande de fixation d’une indemnité d’occupation, le tribunal a jugé qu’elle était recevable en raison de la qualité de Madame [K] d’associée opposante à la résolution adoptée.
Il a par ailleurs relevé que cette demande n’était pas prescrite, le délai de cinq ans de l’article 2224 du code civil n’étant pas écoulé le 19 mai 2018 lorsque Madame [K] a assigné la SCI [B] et Monsieur [M] en nullité de la quatrième résolution de l’assemblée générale du 22 décembre 2017.
Pour annuler cette quatrième résolution et dire fondé le principe d’une indemnité d’occupation à la charge de Monsieur [M] au bénéfice de la SCI [B], les premiers juges ont indiqué qu’aucun article des statuts ne prévoyait l’occupation gratuite d’un immeuble de la société, qu’elle était contraire à l’objet social prévoyant la mise en location et que le rejet de la résolution mettant à la charge de l’occupant cette indemnité était constitutif d’un abus de majorité.
S’agissant du montant de l’indemnisation, le tribunal a indiqué que l’abus de majorité avait causé à Madame [K] un préjudice tenant au fait qu’en l’absence d’indemnité d’occupation, la SCI [B] n’avait pas pu régler la part du prêt de l’associée minoritaire et que l’indemnisation devait être allouée à hauteur de ses parts sociales, soit 20 % du montant de l’indemnité d’occupation. Il a considéré que Monsieur [M] avait occupé l’immeuble du 1er septembre 2012, date des effets du divorce, au 31 mars 2019, date après laquelle un bail d’habitation avait été consenti par la SCI. Ayant relevé que ce bail avait été consenti pour un montant mensuel de 2000 euros, les premiers juges ont retenu le montant mensuel proposé par Madame [K] de 1800 euros. Ils ont toutefois considéré qu’en application de l’article 2224 du code civil, la demande était prescrite pour la période antérieure au 19 mai 2013, soit une période retenue allant du 20 mai 2013 au 31 mars 2019 correspondant à 5 ans, 7 mois et 11 jours, soit 120166 euros et des dommages et intérêts de 24133 euros.
Les premiers juges ont enfin débouté Monsieur [M] de sa demande de dommages et intérêts dès lors que Madame [K] était déclarée bien fondée en ses prétentions.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 26 juillet 2021, Monsieur [M] et la SCI [B] ont relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 6 janvier 2022, la demande de la SCI [B] et de Monsieur [M] tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement a été rejetée.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 15 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI [B] et Monsieur [M] demandent à la cour, au visa des articles 1353, 1869, 2224 et 2236 du code civil, de :
– juger leur action recevable et bien fondée,
– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Epinal le 31 mai 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a retenu la prescription partielle de la demande de fixation d’indemnité d’occupation formée par Madame [K],
Statuant à nouveau,
– juger que le retrait de Madame [K] de la SCI [B] est exclusivement motivé par des considérations de pure convenance personnelle et est contraire à l’intérêt social,
– juger que le remboursement de la somme de 82776 euros au titre du compte courant d’associée de Madame [K] est contraire à l’intérêt social,
– juger que Monsieur [M] n’a commis aucun abus de majorité sur le vote de la quatrième résolution de l’assemblée générale du 22 décembre 2017,
– juger que Madame [K] ne rapporte pas la preuve de l’occupation par Monsieur [M] du bien à la suite de la séparation des parties en septembre 2012,
En conséquence :
– refuser le retrait de Madame [K] de la SCI [B],
– rejeter la demande de Madame [K] tendant au paiement par la SCI [B] de la somme de 82776 euros au titre du remboursement de son compte courant d’associé,
– rejeter la demande d’annulation de la quatrième résolution de l’assemblée générale du 22 décembre 2017, portant rejet de l’indemnité d’occupation à l’encontre de Monsieur [M] sur le bien sis à [Localité 5],
– rejeter la demande de Madame [K] visant le paiement par Monsieur [M] de la somme de 24133 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
– débouter Madame [K] de son appel incident et de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
– condamner Madame [K] à leur payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner Madame [K] à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 20 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [K] demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Epinal du 31 mai 2021 en tout point, sauf en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts à la somme de 24133 euros,
Statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [M] à lui verser la somme de 33120 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation desdits intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
– condamner solidairement Monsieur [M] et la SCI [B] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [M] et la SCI [B] aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 17 mai 2022.
L’audience de plaidoirie a été fixée le 5 septembre 2022 et le délibéré au 7 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
Sur la demande de retrait de Madame [K]
En vertu du premier alinéa de l’article 1869 du code civil, ‘Sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice’.
L’article 13 des statuts de la SCI [B] mentionne également cette possibilité de retrait d’un associé de la société par décision de justice pour justes motifs.
En l’espèce, les premiers juges ont retenu à juste titre une mésentente entre les deux uniques associés, et l’inexécution de ses obligations par le gérant.
L’objet de la société était l’acquisition d’un bien immobilier tenant lieu de domicile conjugal. En raison d’une séparation demeurant conflictuelle après leur divorce, les ex-époux n’avaient plus la volonté de participer à une entreprise commune, ce qui a entraîné la disparition de l’affectio societatis. Ainsi, les assemblées générales annuelles ne se tenaient pas, la seule assemblée générale du 22 décembre 2017 étant insuffisante à cet égard. En outre, Monsieur [M], gérant, n’a pas rendu compte annuellement de sa gestion, ne respectant pas les prescriptions de l’article 1856 du code civil.
Contrairement à ce que prétendent les appelants, les premiers juges ont suffisamment précisé les circonstances factuelles caractérisant la disparition de l’affectio societatis.
L’affirmation des appelants selon laquelle la demande de retrait de Madame [K] reposerait sur des considérations de pure convenance personnelle contraires à l’intérêt social n’est pas démontrée. Ainsi, Madame [K] explique s’être opposée à l’autorisation de mise en vente du bien car cette résolution aurait donné au gérant, Monsieur [M], tous les pouvoirs lui permettant de disposer du prix de vente. En outre, elle a fait constituer une hypothèque judiciaire conservatoire sur l’immeuble pour préserver ses droits.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a autorisé le retrait de Madame [K] en sa qualité d’associée de la SCI [B].
Sur la demande de Madame [K] de remboursement de son compte courant d’associé
Les sommes figurant au crédit du compte courant d’associé sont considérées comme un prêt consenti à la société et, sauf stipulation contraire des statuts ou de la convention de compte courant, un associé est en droit d’exiger le remboursement de son compte courant à tout moment.
Monsieur [M] et la SCI [B] exposent qu’une société peut s’y opposer lorsque l’associé commet un abus de droit en sollicitant ce remboursement dans l’intention de nuire aux intérêts de la société. Ils prétendent que Madame [K] ne justifie pas cette demande qui a pour seul objectif de nuire à la société. Ils ajoutent que la SCI [B] ne dispose pas d’une trésorerie suffisante pour ce remboursement, qui pourrait à terme porter atteinte à sa pérennité.
Cependant, cette demande de remboursement de Madame [K] n’est que la conséquence logique de son retrait de la société et aucune intention de nuire de sa part n’est établie.
En outre, le seul fait que la la société se trouve dans une mauvaise conjoncture ne saurait suffire à y faire obstacle.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SCI [B] à rembourser à Madame [K] la somme de 82776 euros, au vu de la balance des comptes généraux au 31 décembre 2016.
Concernant la demande de Madame [K] d’annulation de la résolution ayant rejeté sa demande de fixation d’une indemnité d’occupation
La recevabilité de cette demande au regard du délai de prescription et de la qualité d’associée opposante de Madame [K] n’est pas contestée.
Pour annuler cette quatrième résolution et dire fondé le principe d’une indemnité d’occupation à la charge de Monsieur [M] au bénéfice de la SCI [B], les premiers juges ont indiqué qu’aucun article des statuts ne prévoyait l’occupation gratuite d’un immeuble de la société, qu’elle était contraire à l’objet social prévoyant la mise en location et que le rejet de la résolution mettant à la charge de l’occupant cette indemnité était constitutif d’un abus de majorité.
Pour s’opposer à l’annulation de cette résolution, les appelants exposent qu’un abus de majorité suppose que la résolution soit contraire à l’intérêt social et favorise les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires. Ils soutiennent que Monsieur [M] a établi sa résidence dès l’année 2015 au domicile de sa compagne de l’époque et que Madame [K] ne démontre pas son occupation à titre gratuit depuis le 1er septembre 2012. Ils en concluent qu’en s’opposant à la fixation d’une indemnité d’occupation, Monsieur [M] n’a commis aucun abus de majorité.
Ils ajoutent que depuis la séparation, Monsieur [M] a pourvu seul à la bonne administration du bien en procédant au remboursement des emprunts immobiliers et en assurant l’entretien lors de ses visites dominicales.
Pour établir qu’il n’occupait pas les lieux et qu’il n’est donc pas tenu d’une indemnité d’occupation, Monsieur [M] fournit une attestation émanant de son ancienne compagne, Madame [I] [F], en date du 1er décembre 2018, selon laquelle il ‘habite et demeure chez [elle] depuis plus de 3 ans’.
Cependant, en raison du lien qui unissait l’auteur de l’attestation à Monsieur [M] à la date à laquelle cette attestation été rédigée, la valeur probante de cette pièce n’est que relative.
Quant à la feuille de présence de l’assemblée générale ordinaire du 22 décembre 2017 sur laquelle il est indiqué, concernant l’adresse de Monsieur [M], celle de Madame [F], il s’agit d’un document établi par Monsieur [M] lui-même alors qu’il avait connaissance du souhait de Madame [K] de voir fixer une indemnité d’occupation à sa charge. Cette pièce ne présente donc aucune valeur probante.
En revanche, les pièces produites par Madame [K] démontrent suffisamment l’occupation exclusive des lieux par Monsieur [M]. C’est en effet le [Adresse 2] qui figure en tant qu’adresse de Monsieur [M] sur :
– son bulletin de paie du mois de septembre 2016,
– le jugement du tribunal d’instance d’Épinal du 31 août 2017 rendu sur requête de Madame [K] du 27 avril 2017, procédure lors de laquelle Monsieur [M] était représenté par avocat,
– le certificat Infogreffe faisant état du redressement judiciaire prononcé le 6 février 2018 relatif à la société Bombaron développement dont Monsieur [M] est le représentant légal,
– son profil Linkedin qu’il a mis à jour en novembre 2017, puis en septembre 2018,
– son avis d’imposition de 2018 sur les revenus de l’année 2017.
En outre, selon rapport du 16 mars 2018 établi par un détective privé s’étant rendu dans les lieux le 20 février 2018, l’agent immobilier alors présent a expliqué que Monsieur [M] résidait à Luxembourg en semaine et qu’il vivait et s’occupait de la maison le week-end, son chien étant présent dans le jardin, un jardinier ayant pour mission de s’en occuper durant la semaine. Le détective privé a constaté la présence des meubles, d’aliments dans la cuisine, de vêtements rangés dans les chambres, ainsi que de serviettes dans la salle de bains.
Madame [K] établit en outre par les pièces qu’elle produit que les meubles qui étaient présents à cette occasion sont différents de ceux présents au mois d’avril 2019 lors de la location de la maison.
Elle prouve enfin au moyen du compte Facebook de Madame [F] la présence de cette dernière et de Monsieur [M] dans la maison à différentes reprises aux mois de mai, juin et juillet 2017, ainsi que janvier et février 2019.
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que Monsieur [M] a joui du bien immobilier de façon exclusive de la séparation du couple jusqu’à la location de ce bien avec effet au mois d’avril 2019.
La société ayant pour objet l’acquisition, l’administration et la location de biens et droits immobiliers, l’occupation gratuite de l’immeuble de la société par un seul associé était contraire à l’intérêt social.
Le fait que depuis la séparation, Monsieur [M] ait procédé seul au remboursement des emprunts immobiliers ne saurait justifier cette occupation gratuite dès lors que ce remboursement sera pris en considération dans les comptes qui seront établis avec Madame [K].
C’est donc à bon droit que le tribunal a déclaré fondée dans son principe la fixation d’une indemnité d’occupation à la charge de Monsieur [M] au bénéfice de la SCI [B].
Il en résulte qu’en s’opposant à la fixation d’une indemnité d’occupation au bénéfice de la SCI [B], Monsieur [M] a favorisé ses intérêts d’associé majoritaire au détriment de ceux de Madame [K], associée minoritaire, commettant de ce fait un abus de majorité.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il annulé la quatrième résolution de l’assemblée générale de la SCI [B] du 22 décembre 2017.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Madame [K]
Comme l’a exposé le tribunal, l’abus de majorité commis par Monsieur [M] a causé à Madame [K] un préjudice tenant au fait qu’en l’absence de règlement d’une indemnité d’occupation, la SCI [B] n’a pas pu régler la part du prêt incombant à l’associée minoritaire. Une indemnisation doit donc être allouée à Madame [K] à hauteur de ses parts sociales, soit 20 % du montant de l’indemnité d’occupation due.
Cette indemnité d’occupation est due dans son principe du 1er septembre 2012, date des effets du divorce, au 31 mars 2019, un bail d’habitation ayant été consenti par la SCI [B] à effet au 1er avril 2019.
S’agissant du montant mensuel de l’indemnité d’occupation, le loyer fixé au contrat de bail étant de 2000 euros, les premiers juges ont à bon droit retenu le montant proposé par Madame [K] de 1800 euros.
L’assignation ayant été signifiée le 19 mai 2018, le tribunal a toutefois considéré qu’en application de l’article 2224 du code civil, la demande était prescrite pour la période antérieure au 19 mai 2013.
Madame [K] soutient qu’en application des dispositions de l’article 2236 du code civil, la prescription ne court pas entre époux.
Cependant, les appelants rétorquent à juste titre que les effets du divorce ont été fixés au 1er septembre 2012 et que l’article 2236 du code civil n’avait donc plus à s’appliquer à compter de cette date. En conséquence, la demande de Madame [K] est effectivement prescrite pour la période antérieure au 19 mai 2013.
La période à prendre en compte débute de ce fait le 20 mai 2013 et s’achève le 31 mars 2019, ce qui correspond à 5 ans, 10 mois (et non 7 mois comme retenu par le tribunal) et 11 jours, soit une indemnité d’occupation de 126660 euros (et non 120166 euros comme retenu par les premiers juges) et des dommages et intérêts de 25332 euros (non de 24133 euros comme retenu par le tribunal).
S’agissant de l’appel incident de Madame [K] concernant le montant de l’indemnisation, les appelants rétorquent à juste titre que la résistance abusive alléguée par cette dernière, ‘qui ne peut disposer de ses droits comme elle le souhaiterait’, se rapporte au même préjudice que celui relatif à l’absence de règlement d’une indemnité d’occupation.
Ce moyen ne sera donc pas retenu et le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [M] à payer à Madame [K] la somme de 24133 euros à titre de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau, Monsieur [M] sera condamné à lui payer la somme de 25332 euros à titre de dommages et intérêts.
S’agissant d’une condamnation à verser une indemnisation, et non à un paiement, les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent arrêt.
Conformément à la demande et aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [M] et la SCI [B]
Madame [K] étant déclarée bien fondée pour la majeure partie de ses prétentions, il y a lieu de rejeter la demande de Monsieur [M] et de la SCI [B] de dommages et intérêts pour procédure abusive, étant précisé que les premiers juges n’ont statué sur cette demande que dans les motifs du jugement, ce débouté n’étant pas mentionné au dispositif.
Enfin, il n’appartient pas à la cour de statuer sur les demandes tendant à ce qu’il soit ‘dit’, ‘jugé’, ‘constaté’ ou ‘donné acte’ qui ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
SUR LES DÉPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Eu égard aux développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [M] aux entiers dépens de l’instance et à payer à Madame [K] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, Monsieur [M] sera condamné aux dépens d’appel et à verser à Madame [K] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
Les autres demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Épinal le 31 mai 2021, sauf en ce qu’il a condamné Monsieur [D] [M] à payer à Madame [B] [K] la somme de 24133 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne Monsieur [D] [M] à payer à Madame [B] [K] la somme de 25332 euros (vingt-cinq mille trois cent trente-deux euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Déboute Monsieur [D] [M] et la SCI [B] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne Monsieur [D] [M] à payer à Madame [B] [K] la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Rejette les autres demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [D] [M] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur MARTIN, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.-Signé : F. MARTIN.-
Minute en onze pages.