Bail d’habitation : 6 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02470

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Bail d’habitation : 6 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02470
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AFFAIRE : N° RG 21/02470 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2JD

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN en date du 15 Juillet 2021 RG n° 19-001630

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

APPELANTE :

S.A. CDC HABITAT SOCIAL

N° SIRET : 552 046 484

[Adresse 5]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [J] [P], en son nom propre et en qualité de représentant légal des enfants [C] et [F] [P]

né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 8] (ALGERIE)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [E] [P] en son nom propre et en qualité de représentant légal des enfants [C] et [F] [P]

née le [Date naissance 2] 1990

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés par Me Oumou MINET, avocat au barreau de CAEN,

assistés de Me Manal BEN AMAR, avocat au barreau de VERSAILLES

DEBATS : A l’audience publique du 30 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 06 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Par acte sous seing privé du 20 octobre 2016, la SA CDC HABITAT SOCIAL a donné à bail à M. [J] [P] et Mme [E] [P] un logement à usage d’habitation situé [Adresse 6] à [Localité 9], moyennant un loyer mensuel de 493,52€, outre une provision sur charges.

Par jugement en date du 15 juillet 2021, auquel la cour renvoie pour un exposé plus complet des faits et de la procédure antérieure, le tribunal judiciaire de Caen a :

– Déclaré recevable l’opposition de [E] [P] à l’ordonnance du 14 mars 2019 ;

– Dit que l’opposition formée par [P] [E] a mis à néant l’ordonnance portant

injonction de payer du 14 mars 2019, et lui a substitué le présent jugement ;

– Reçu l’intervention de [P] [J] et de [P] [E] en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [F] et [C] ;

– Fixé à la somme de 1.961,54 euros les sommes dues au titre des loyers et charges au 28 mai 2020,terme de février 2018 inclus,

– Fixé à la somme de 8.500 euros le montant des préjudices dus par la CDC HABITAT

SOCIAL,

Après compensation,

– Condamné la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à [P] [J] et [P] [E] la somme de 6.538,46 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

– Condamné la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à [P] [J] et [P] [E] en qualité de représentant légaux de leurs enfants mineurs [F] et [C], la somme de 2.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– Condamné la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à [P] [J] et [P] [E] la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SA CDC HABITAT SOCIAL au paiement des entiers dépens,

– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 27 août 2021, la SA CDC HABITAT SOCIAL a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 mars 2022, la SA CDC HABITAT SOCIAL demande de :

– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Fixé à la somme de 1.961,54€ le montant de sa créance de loyer

– Fixé à la somme de 8.500€ le montant des préjudices dus

– l’a condamnée au paiement des sommes de 6.538,46€ à titre de dommages-intérêts, 2.000€ à titre de dommages-intérêts et 400€ sur le fondement de l’article 700 du du code de procédure civile

– l’a déboutée de ses demandes

– l’a condamnée aux dépens

En conséquence et statuant de nouveau,

Principalement

– Condamner M. et Mme [P] au paiement de la somme de 2 672,09€ correspondant aux loyers et charges restant dus

– débouter M. et Mme [P] de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles et rejeter leur appel incident.

Subsidiairement

– réformer le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 8500€ aux intimés au titre de leur préjudice.

– Réduire à une indemnisation de principe le préjudice de jouissance de M. et Mme

[P].

– Réformer le jugement en ce qu’il a alloué aux époux [P] un préjudice moral, ainsi

qu’un préjudice de santé, tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants.

En tout état de cause,

– Condamner les époux [P] au paiement de la somme de 1500€ au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– Les condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d’huissier de 1ère instance et ceux engagés pour la présente procédure.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 7 février 2022, M. [J] [P] et Mme [E] [P] agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [C] et [F] demandent de :

– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Fixé à la somme de 1.961,54€ le montant de la créance de loyer de la société CDC HABITATSOCIAL

– Fixé à la somme de 8.500€ le montant des préjudices dus par la société CDC HABITAT SOCIAL

– Condamné la société CDC HABITAT SOCIAL au paiement des sommes de 6.538,46€ à titre de dommages et intérêts au profit des époux [P], 2.000€ à titre de dommages et intérêts au profit des enfants mineurs et 400€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– les a déboutés du surplus de leurs demandes,

En conséquence et statuant de nouveau,

A titre principal,

– Juger que les locaux loués sont indécents

En conséquence,

– Juger qu’ils étaient fondés à suspendre le paiement des loyers et à résilier le bail d’habitation

A titre subsidiaire,

– Juger que les locaux loués sont inhabitables et présentent un caractère dangereux quant à la santé de ses occupants

En conséquence,

– Juger qu’ils étaient fondés à se prévaloir de l’exception d’inexécution quant au paiement des loyers,

En tout état de cause,

– Débouter la SA CDC HABITAT SOCIAL de ses demandes de condamnation en paiement du loyer,

– Condamner la SA CDC HABITAT SOCIAL à leur verser la somme de 6.282 euros au

titre du préjudice de jouissance, celle de 493,52 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie, et celle de 3.000 euros à chacun au titre du préjudice lié à la perte de leur emploi ou changement de situation professionnelle, compte tenu de la résiliation du bail d’habitation aux torts du bailleur, en raison de ses manquements, au titre de l’obligation de délivrance, soit la somme totale de 6.000 euros,

– Condamner la SA CDC HABITAT SOCIAL à leur verser à chacun la somme de 1.000 euros, soit la somme totale de 4.000 euros, au titre du préjudice moral,

– Condamner la SA CDC HABITAT SOCIAL à leur verser à chacun la somme de 1.000 euros, soit la somme totale de 4.000 euros, au titre du préjudice de santé et d’anxiété,

– Condamner la SA CDC HABITAT SOCIAL à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et 3.000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel,

– Condamner la SA CDC HABITAT SOCIAL aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire,

– Ordonner la compensation entre les sommes qui pourraient être le cas échéant mises à la charge des époux [P] au titre du paiement des loyers et les sommes auxquelles le bailleur pourrait être condamné.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Selon l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en ‘uvre échelonnée.

Le bailleur est également obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet d’une clause expresse, d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués.

Le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, dans sa version applicable au litige, dispose en son article 2 que le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation.

2. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

3. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

4. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;

5. Les dispositifs d’ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;

6. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111-1-1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.

En l’espèce, sur la base des pièces du dossier, notamment d’un rapport d’une conseillère médicale du 28 décembre 2016 mentionnant la présence de moisissures dans les chambres et sur un carreau du séjour, d’un chauffage insuffisant dans certaines pièces (16°4 dans le séjour et 17°3 dans la chambre parentale) ainsi qu’une forte humidité, et d’une attestation d’une ancienne voisine, le tribunal a exactement retenu le caractère indécent du logement loué et la responsabilité de la bailleresse à ce titre.

C’est également à juste titre, après avoir constaté que les locataires n’avaient pas engagé de procédure aux fins de mise en conformité et de suspension/réduction des loyers (article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989), que le tribunal a écarté l’exception d’inexécution invoquée par les locataires pour refuser le paiement des loyers en relevant que l’intégralité du logement n’était pas inhabitable.

En effet, il ne résulte pas des constats opérés ci-dessus une impossibilité d’habiter les lieux loués (appartement F5 de 107 m² comportant 4 chambres) malgré une humidité importante, étant observé que seule une chambre était totalement inutilisable et que la famille a continué à occuper le logement pendant un an après la visite de la conseillère médicale, ce malgré les problèmes de santé invoqués concernant Mme [P] et les enfants.

L’inexécution par la SA CDC HABITAT SOCIAL de son obligation de délivrance d’un logement décent n’est donc pas suffisamment grave au sens de l’article 1219 du code civil pour justifier la suspension du paiement du loyer par les locataires.

La SA CDC HABITAT SOCIAL produit un décompte de créance mentionnant un solde restant dû de 2672,09€ au titre des loyers et charges (déduction faite du dépôt de garantie) duquel il convient de déduire les sommes de 382,41€ au titre des frais de contentieux et de 15,24€ au titre des pénalités d’enquête sociale qui ne sont pas justifiés.

Par suite, il convient de condamner M. et Mme [P] au paiement de la somme de 2274,44€.

La cour fait sienne l’analyse du tribunal qui a jugé que les difficultés d’accès au logement relevées ne caractérisaient pas pour autant une obstruction des locataires à la réalisation des travaux commandés par la bailleresse et a accueilli leur demande d’indemnisation au titre des préjudices subis résultant du défaut de délivrance d’un logement décent par la SA CDC HABITAT SOCIAL.

Les pièces nouvelles fournies par l’appelante en cause d’appel, notamment les échanges de mails avec l’huissier de justice, l’architecte et l’entreprise HAMELIN, ne sont pas de nature à infirmer cette analyse.

Les époux [P] ont quitté les lieux le 20 février 2018.

Si les certificats médicaux versés aux débats ne prouvent pas que les désordres affectant le logement sont à l’origine des problèmes de santé rencontrés par Mme [P] et ses enfants, bronchites et rhynopharyngites à répétition pour ces derniers, ils montrent toutefois la nécessité d’un logement sain et que la forte humidité a constitué manifestement une circonstance aggravante pour leur santé.

Ainsi, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation des dommages subis en allouant :

– au titre du préjudice de jouissance, la somme de 4000€ à titre de dommages et intérêts (400€ x 10 mois au regard d’un loyer mensuel de 745,53€ charges incluses) pour la période du 28 décembre 2017 au mois d’octobre 2017, les intimés ayant limité leur demande à cette date ;

– au titre du préjudice moral, la somme de 500€ à chacun des quatre occupants

– au titre du préjudice de santé, la somme de 500€ à Mme [P] et celle de 1000€ à chacun des deux enfants.

Soit au total 8500€.

En l’absence d’élément nouveau de nature à faire la preuve du préjudice professionnel allégué (perte de revenus et absence de reprise d’activité) et de son lien de causalité avec les désordres, le débouté de ce chef est confirmé.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

La SA CDC HABITAT SOCIAL succombant partiellement, est condamnée aux dépens de l’appel, à payer à M. et Mme [P] la somme complémentaire de 800€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et est déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

INFIRME le jugement entrepris des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

CONDAMNE M. [J] [P] et Mme [E] [P] à payer à la SA CDC HABITAT SOCIAL la somme de 2274,44€ à titre de solde de loyers et charges, déduction faite du dépôt de garantie ;

CONDAMNE la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à M. [J] [P] et Mme [E] [P] la somme de 4000€ au titre de leur préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à M. [J] [P] et Mme [E] [P] en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [F] et [C], la somme de 500€ à chacun (500€ x 4) au titre de leur préjudice moral ;

CONDAMNE la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à Mme [E] [P] la somme de 500€ au tittre de son préjudice de santé ;

CONDAMNE la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à M. [J] [P] et Mme [E] [P] en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [F] et [C] la somme de 1000€ à chacun (1000€ x2) au titre de leur préjudice de santé ;

ORDONNE la compensation des créances réciproques ;

CONDAMNE la SA CDC HABITAT SOCIAL à payer à M. [J] [P] et Mme [E] [P] la somme complémentaire de 800€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA CDC HABITAT SOCIAL aux dépens de l’appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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