Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/ 109
Rôle N° RG 21/13504 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDYN
[S] [D]
C/
[B] [L]
[K] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Constance DAMAMME
Me Julien AYOUN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juridiction de proximité de MARSEILLE en date du 08 Juin 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° RG 21/00382.
APPELANTE
Madame [S] [D]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/009570 du 24/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),
Elisant domicile au cabinet de son avocat, [Adresse 2] à [Localité 1]
représentée par Me Constance DAMAMME de la SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Z’hor BOULAHBAL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [B] [L], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Julien AYOUN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Rachid BENDJEBAR, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Intervenant Volontaire
Monsieur [K] [D]
Adresse postale domiciliée au cabinet de son avocate
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Constance DAMAMME de la SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Z’hor BOULAHBAL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
M. Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 20 mars 2018 à effet à la même date, Monsieur [B] [L] a donné à bail d’habitation à Madame [S] [D] un bien situé [Adresse 4] à [Localité 1] moyennant un loyer mensuel de 500 euros majoré de 30 euros au titre d’une provision sur charges.
Par lettre recommandée du 02 août 2020 réceptionné le 03 août 2020, Monsieur [L] a fait délivrer à sa locataire un congé pour vente à effet au 21 mars 2021.
Par acte d’huissier du 05 novembre 2020, Monsieur [L] a fait délivrer à sa locataire un commandement d’avoir à justifier une assurance locative et un commandement de permettre l’accès aux lieux loués pour l’exécution de travaux.
Par acte d’huissier du 07 janvier 2021, Madame [D] a fait assigner Monsieur [L] aux fins de le voir condamner à effectuer des réparations sous astreinte, à la reloger et à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par jugement du 08 juin 2021, le tribunal de proximité de Marseille a :
– débouté Madame [D] de ses demandes de travaux, de relogement et de dommages et intérêts
– constaté la validité du congé pour vendre délivré le 05 juin 2020 à effet au 19 mars 2021
– dit que Madame [D] était déchue de tout titre d’occupation
– ordonné l’expulsion de Madame [D] ainsi que celle de tout occupant de son chef du logement sis [Adresse 4] à [Localité 1], avec, si besoin est, le concours de la force publique
– statué sur le sort des meubles et rappelé les règles en matière d’expulsion
– dit que Madame [D] est redevable d’une indemnité mensuelle d’occupation à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération des lieux
– condamné Madame [D] à verser à Monsieur [L] la somme de 3691, 37 euros au titre des loyers et charges impayées arrêtées au 08 février 2021
– débouté Monsieur [L] de sa demande indemnitaire au titre d’une procédure abusive
– condamné Madame [D] à verser à Monsieur [L] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté Madame [D] aux dépens
– débouté les parties du surplus de leurs demandes
– rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Le premier juge a relevé que Madame [D] n’avait pas avisé son bailleur des deux dégâts des eaux qui avaient affecté le logement, n’avait pas justifié de la déclaration du sinistre à son assureur et avait refusé à plusieurs reprises l’accès à son logement afin de permettre la réalisation de travaux de remise en état.
Il a estimé qu’aucun manquement ne pouvait être reproché au bailleur et soutenu que la persistance des désordres trouvait son origine dans les manquements contractuels de Madame [D].
Il a estimé valable le congé pour vendre.
Il l’a condamnée à un arriéré locatif.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur [L] pour procédure abusive.
Le 16 septembre 2021, un arrêt de mise en sécurité a été rendu interdisant toute occupation de l’immeuble du [Adresse 4] à [Localité 1].
Le 22 septembre 2021, Madame [D] a relevé appel de la décision du 08 juin 2021 en ce qu’elle a validé le congé, en ce qu’elle a ordonné son expulsion, en ce qu’elle l’a condamnée à une indemnité mensuelle d’occupation, en ce qu’elle l’a condamnée à un arriéré locatif et en ce qu’elle a rejeté sa demande de travaux sous astreinte.
Monsieur [L] a constitué avocat.
Par conclusions notifiées le 23 novembre 2021 auxquelles il convient de se reporter, Madame [D] et Monsieur [K] [D] (intervenant volontaire), demandent à la cour:
– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a
* validé le congé pour vente
* ordonné l’expulsion de Madame [D] et celle de tous occupants de son chef
* condamné Madame [D] à une indemnité d’occupation
* débouté Madame [D] de sa demande de réalisation de travaux sous astreinte.
Statuant à nouveau :
– de déclarer nul et de nul effet le congé notifié le 3 août 2020
– de rejeter la demande d’expulsion
– de rejeter les demandes de Monsieur [L] au titre d’une dette locative et d’indemnité d’occupation
– de condamner Monsieur [L] à verser aux concluants la somme de 10.000 euros en indemnisation pour trouble de jouissance jusqu’à l’arrêté du 16 septembre 2021
– de condamner Monsieur [L] à verser aux concluants la somme de 5.000 euros en indemnisation pour la période postérieure au 16 septembre 2021
– de condamner Monsieur [L] à verser au conseil des époux [D] la somme de 3.000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, étant précisé que dans cette hypothèse le conseil des concluants renoncera expressément à la rétribution de l’Etat.
– de condamner Monsieur [L] aux entiers dépens de premiere instance et d’appel.
Ils exposent avoir été évacués de l’immeuble à la suite de l’arrêté du 16 septembre 2021 et avoir été hébergés par la ville de [Localité 1].
Ils contestent la validité du congé pour vente du 02 août 2020 qu’ils estiment frauduleux, en raison d’un prix manifestement excessif. Ils font état des multiples désordres affectant l’immeuble, comme en témoigne l’arrêté du 16 septembre 2021. Ils relèvent l’insalubrité de leur logement constatée en juin et en juillet 2020. Ils ajoutent que la date de la délivrance de ce congé est postérieure à la lettre qui avait été envoyée par Madame [D] le 05 mars 2020 et qui relevait l’existence de nombreux désordres dans les lieux loués.
Ils indiquent justifier de l’existence d’une assurance locative si bien que le commandement qui leur a été délivré ne peut produire aucun effet.
Ils contestent le montant de l’arriéré locatif ainsi que les charges sollicitées.
Ils estiment qu’aucune indemnité d’occupation ne peut être mise à leur charge.
Ils sollicitent l’indemnisation de leurs préjudices de jouissance.
Par conclusions notifiées le 21 février 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Monsieur [L] demande à la cour :
‘IN LIMINE LITIS
– de déclarer irrecevable l’appel formé le 22 septembre 2021 par Madame [D] en raison de sa tardiveté ;
– de déclarer irrecevable l’intervention volontaire de Monsieur [D] ;
– de déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [D] ;
– de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de Madame [D].
SUR LE FOND
À TITRE PRINCIPAL :
– de confirmer le jugement du 8 juin 2021 sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– de réformer le jugement entrepris sur la demande de dommage et intérêts ;
En conséquence,
– de juger valable le congé notifié le 3 août 2020 ;
– de débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Et statuant à nouveau :
– de condamner Madame [D] à payer à Monsieur [L] toutes sommes dues depuis le 8 février 2021 et jusqu’à la fin du bail, le 21 mars 2021.
– de condamner Madame [D] et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation depuis la résiliation du bail.
En conséquence :
– de condamner Madame [D] et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] la somme de 4.240,00 € du mois de février 2021 jusqu’au mois de septembre 2021.
Par ailleurs :
– de condamner Madame et Monsieur [D] au paiement de la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
SUBSIDIAIREMENT, EN CAS D’INFIRMATION ET STATUANT À NOUVEAU :
– de débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– de juger que le contrat de bail est résilié ;
– d’ordonner l’expulsion de Madame [D] ainsi que de tous occupants de son chef du logement sis [Adresse 4], avec, si besoin est, le concours de la force publique ;
– de juger que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du Code des procédures civiles d’exécution ;
– de juger que Madame et Monsieur [D] sont redevable à l’égard de Monsieur [L] d’une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération des lieux d’un montant actualisé égal au loyer ;
– de condamner Madame et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] une indemnité d’occupation mensuelle fixée à la somme de 530 euros à compter de la date de résiliation.
– de condamner Madame [D] à payer à Monsieur [L] les loyers et charges impayés dus jusqu’à la résiliation du bail.
– de condamner Madame [D] et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation depuis la résiliation du bail.
En conséquence :
– de condamner Madame [D] et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] la somme de 3.691,37 euros au titre des loyers et charges impayés au 8 février 2021 et 4.240,00€ du mois de février 2021 jusqu’au mois de septembre 2021
– de condamner Madame et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] de la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
– de condamner Madame [D] et Monsieur [D] à payer à Monsieur [L] la somme de 5.000 euros H.T. par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– de condamner Madame [D] et Monsieur [D] aux entiers dépens. ‘
Il conteste la nullité du congé pour vendre. Il rappelle que Madame [D] a commencé à se plaindre de l’insalubrité affectant le logement quand elle a cessé de payer ses loyers, alors même qu’elle a provoqué des désordres et qu’elle a refusé l’intervention des artisans dans les lieux loués, durant un an. Il soutient que le prix n’est pas manifestement excessif.
Subsidiairement, si le congé n’était pas validé, il sollicite l’acquisition de la clause résolutoire du bail en raison de l’absence d’assurance locative et la résiliation du bail en raison des manquements de sa locataire à ses obligations; il fait état de défaut de paiement, de refus de laisser pénétrer les entreprises dans le logement et d’inertie face aux dégradations au sein du logement.
Il fait état d’un arriéré locatif.
Il sollicite une indemnité d’occupation.
Il conteste tout préjudice subi par Monsieur et Madame [D]. Il relève avoir été diligent. Il déclare que ce sont les manquements contractuels de sa locataire qui sont à l’origine de son trouble de jouissance allégué.
Il conteste également l’existence d’un préjudice postérieur à l’arrêté de mise en sécurité puisque Monsieur et Madame [D] devaient partir à la suite du jugement déféré assorti de l’exécution provisoire.
Il estime abusive la procédure intentée à son encontre et en sollicite réparation.
Par ordonnance du 14 juin 2022, le conseiller de la mise en état a notamment déclaré recevables l’appel de Madame [D], l’intervention volontaire de Monsieur [D], et leurs demandes. Il a rejeté la demande de radiation de Monsieur [L].
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 02 février 2023.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l’appel, sur l’intervention volontaire de Monsieur [D] et sur la recevabilité des demandes de Madame [D] et de Monsieur [D]
Le conseiller de la mise en état a statué sur la recevabilité de l’appel, sur l’intervention volontaire de Monsieur [D] et sur la recevabilité de leurs demandes. Le conseiller a ainsi estimé recevable la demande de Madame [D] relative à la demande de nullité du congé notifié le 03 août 2020.
La cour n’a pas à statuer à nouveau sur ces points.
Sur la validité du congé pour vendre délivré le 05 juin 2020 à effet au 19 mars 2021
Le dispositif du jugement déféré évoque la validité d’un congé délivré le 05 juin 2020 à effet du 19 mars 2021 à 24h.
Aucune partie n’évoque plus ce congé, ni dans le dispositif, ni au sein de leurs conclusions. Les bordereaux de pièces ne mentionne pas ce congé. Monsieur [L] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, la validité du congé notifié le 03 août 2020. Monsieur et Madame [D] en demandent la nullité. La cour, saisie de cet objet, ne statuera que sur ce dernier.
Sur la validité du congé pour vendre délivré le 02 août 2020 et notifié le 03 août 2020
Selon l’article 15 de la loi du 06 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement (…) En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article.(…) Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local(…).
Le logement loué à Madame [D] se trouve au 5ème étage, à droite, dans un immeuble du [Adresse 4] à [Localité 1].
Le 24 juillet 2020, soit antérieurement au congé pour vendre du 02 août 2020 notifié le 03 août 2020, Monsieur et Madame [D] recevaient de la CAF un ‘constat de non-décence’ du logement. Il leur était indiqué que le bailleur avait 18 mois pour procéder à la mise en conformité du logement. Il leur était communiqué un rapport de visite du 05 février 2020 qui faisait état de désordres dans la cage d’escalier (mauvaises odeurs; absence de plusieurs tommettes sur les escaliers et les paliers avec un risque de chute; suspicion d’infiltration d’eau au plafond depuis la toiture et absence d’isolation thermique) et dans l’appartement (nombreuses traces de moisissures avec des peintures dégradées au plafond; risque de chute de faux plafond dans la salle de bain ; absence d’entrée d’air neuf dans les pièces principales; absence de ventilation permanente dans la salle de bain et moisissures dans cette pièce; absence de moyen de chauffage dans chaque pièce; absence de siphon sur l’évier et remontées de mauvaises odeurs; présence d’une petite pièce de 5,5 m² sans ouverture sur l’extérieur servant de chambre à coucher et présence d’une autre chambre de moins de 7 m²). L’organisme à l’origine du rapport a noté que les désordres relevaient de la responsabilité de la copropriété et du bailleur. Il était mentionné qu’un signalement avait été effectué et qu’il existait des suspicion d’insalubrité et de péril.
Ainsi, le bailleur était avisé de l’existence de ces désordres avant même la délivrance du congé pour vendre du 02 août 2020. L’organisme mandaté par la CAF avait indiqué que le bailleur avait expliqué que le syndic connaissait la situation, que le problème viendrait des canalisations de la ville et que des travaux devaient commencer en avril 2020; il était noté par ce même organisme que le bailleur se plaignait de ce que sa locataire n’avait déclaré aucun sinistre à son assureur.
S’il apparaît que Madame [D] n’a pas permis à son bailleur de pouvoir effectuer dans les meilleurs délais les travaux à effectuer dans le logement, il n’en demeure pas moins que les désordres relevant des parties communes étaient connus du bailleur dès le mois de février 2020 et qu’ils ont perduré, tout en s’aggravant, comme en témoigne l’arrêté de mise en sécurité du 16 septembre 2021.
Le congé pour vendre délivré le 02 août 2020 a donc été délivré de mauvaise foi puisque le bailleur savait que les désordres des parties communes n’étaient pas résolus et avaient nécessairement des conséquences sur le bien proposé à la vente. Dans ces conditions, il convient de dire que le congé pour vendre n’est pas valide. Ce congé est nul et de nul effet. Le jugement déféré qui a estimé que Madame [D] était déchue de tout titre d’occupation à l’échéance du bail sera infirmé.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire à la suite du commandement délivré le 05 novembre 2020
Selon l’article 7g de la loi du 06 juillet 1989, le locataire est obligé de s’assurer contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire et d’en justifier lors de la remise des clés puis, chaque année, à la demande du bailleur. La justification de cette assurance résulte de la remise au bailleur d’une attestation de l’assureur ou de son représentant. Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions du présent alinéa (…).
Aux termes de ces dispositions, la clause de résiliation de plein droit du bail ne peut trouver application que pour l’absence de souscription d’une assurance pour les risques locatifs, et non pour l’absence de production d’un justificatif dans les délais d’un commandement d’avoir à le produire.
Le 05 novembre 2020, Monsieur [L] a fait délivrer à Madame [D] un commandement d’avoir à justifier d’une assurance locative et permettre l’accès aux lieux loués pour l’exécution des travaux. Ce commandement visait la clause résolutoire.
Le bail contient la mention d’une clause résolutoire un mois après un commandement demeuré infructueux à défaut d’assurance contre les risques locatifs.
Le commandement reproduit les dispositions de l’article 7 g de la loi du 06 juillet 1989.
Madame [D] justifie (pièce 10) avoir été assurée pour la période du 31 janvier 2020 au 31 janvier 2021, puis du 31 janvier 2021 au 31 janvier 202 auprès d’AG2R la MONDIALE.
En conséquence, il n’y a pas lieu de constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail.
Sur la résiliation judiciaire du bail
En application de l’article 7 de la loi du 06 juillet 1989, le locataire est obligé de payer ses loyers aux termes convenus, de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement, de prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure et de de permettre l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution de travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l’entretien normal des locaux loués.
Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement.
Le 24 juillet 2020 (pièce 8 de l’appelante), Monsieur et Madame [D] étaient destinataires d’une lettre de la CAF qui indiquait que le versement de l’allocation de logement était conditionné au respect des critères de décence, que la CAF avait conclu à la non-conformité du logement et que le bailleur avait 18 mois pour procéder à la mise en conformité du logement. Il était précisé que dans cette attente, l’allocation de logement ne serait plus versée au bailleur mais qu’ils devaient continuer à payer la part du loyer demeurant à leur charge.
Depuis le mois d’août 2020, l’allocation logement n’est plus versée.
Madame [D] ne conteste pas avoir été destinataire des lettres de Monsieur [L] des 08 décembre 2019, 14 novembre 2019, 07 juin 2020 et 17 octobre 2020. Dans le courrier du 14 novembre 2019, Monsieur [L] indiquait à sa locataire ne pas comprendre pourquoi les travaux au sein de son logement n’avaient toujours pas été effectués à la suite d’un dégât des eaux d’octobre 2018; il soulignait que l’assureur de la locataire lui avait indiqué que l’expert ne parvenait pas à la joindre. Dans son courrier du 17 octobre 2020, Monsieur [L] indiquait à Madame [D] qu’il avait été mis en demeure de procéder à divers travaux et que ceux-ci auraient pu être terminés si elle ne s’était pas opposée aux interventions des entreprises mandatées depuis le mois de juillet 2020; il lui demandait de lui communiquer des dates pour pouvoir intervenir dans le logement.
L’entreprise BENHAMOUDA a attesté, le 16 octobre 2020, que Madame [D], qu’il avait contactée le 03 septembre 2020, ne l’avait pas laisser entrer dans les lieux loués pour finir des travaux.
Par lettre du 22 octobre 2020, Madame [D] indiquait à son bailleur que les travaux envisagés ne pouvaient être effectués en sa présence et sollicitait de ce dernier un relogement aux frais de ce dernier.
Or, rien dans les textes ne lui permet d’exiger ce relogement. Si le logement ne répond pas aux critères de décence, seuls des travaux de mise en conformité peuvent être exigés du bailleur.
Après l’arrêté du 16 septembre 2021, Monsieur et Madame [D] ont été relogés par la Ville de [Localité 1].
Dès lors, le refus de Madame [D] de laisser entrer les entreprises pour procéder à des travaux est une violation répétée et grave de ses obligations de locataire justifiant la résiliation du bail. Il convient en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du bail. Cette résiliation prendra effet à compter de la présente décision.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Il convient d’ordonner l’expulsion de Madame [D] et tous occupants de son chef selon les modalités de la présente décision.
Monsieur [L] sera débouté de toute demande d’indemnité d’occupation puisqu’il ne justifie pas de la levée de l’arrêté du 16 septembre 2021 qui interdisait tout accès à l’immeuble.
Sur la demande d’arriérés locatifs
Madame [D] a empêché Monsieur [L] de pouvoir intervenir au sein du logement pour effectuer des travaux avant l’arrêté de mise en sécurité.
Monsieur [L] justifie ne pas avoir été payé de l’intégralité du loyer, en raison de l’absence de versement des allocations de la CAF depuis le mois d’août 2020, sauf un versement de mai 2021 (pièce 12 de l’appelante).
L’immeuble ne pouvait plus être occupé à compter du mois de septembre 2021. Dès lors, Monsieur [L] ne peut revendiquer aucun loyer à compter du mois de septembre 2021.
Les parties produisent une photocopie de quittance de loyer de février 2021; celle de Monsieur et Madame [D] (sa pièce 14) mentionne un ‘reste à payer’ de 00.00 euros et celle produite par Monsieur [L] (sa pièce 17), un reste à payer de 3691, 37 euros.
Monsieur et Madame [D] ne démontrent donc pas qu’ils étaient créditeurs de leur bailleur en février 2021 (alors même qu’il est évoqué sur les photocopies de la quittance de février 2021 une consommation d’eau sollicitée de 987, 58 euros).
Il appartient à Monsieur et Madame [D] de justifier des paiements du loyer dont ils sont redevables, en application de l’article 1353 du code civil.
Monsieur [L] ne conteste pas la validité de la quittance (pièce 11 de l’appelante) du mois d’août 2020 qui fait état d’un solde créditeur de 1,21 euros.
Monsieur [L] ne justifie pas des charges locatives, ce à quoi il était tenu par l’article 23 de la loi du 06 juillet 1989, si bien qu’il ne peut solliciter la provision de 30 euros par mois.
Ainsi, du mois de septembre 2020 au mois d’août 2021, Monsieur et Madame [D] étaient redevables d’un loyer mensuel ors charge de 500 euros, soit une somme totale de 6000 euros, de laquelle doit être déduite la somme de 379 euros (correspondant à l’allocation logement versée ponctuellement en mai 2021).
Les consorts [D] justifient, par le biais de relevés de compte, non contestés par Monsieur [L], avoir versé 95 euros par mois du mois de septembre 2020 inclus au mois de septembre 2021 inclus, soit la somme de 1235 euros.
Dès lors, ils sont redevables de la somme de 4386 euros.
Monsieur et Madame [D] ne justifient pas de l’inhabitabilité du logement avant l’arrêté de mise en sécurité qui vise les parties communes. Ils ne peuvent en conséquence soulever une exception d’inexécution et ce d’autant moins que Madame [D] a empêché l’intervention des entreprises dans le logement.
Monsieur et Madame [D] seront en conséquence condamnés au versement de cette somme.
Sur la demande de dommages au titre du trouble de jouissance
Selon l’article 6 de la loi du 06 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation (…)
Le bailleur est obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (…)et d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle (…).
Il est établi que dès le mois de février 2020, des désordres affectaient les parties communes de l’immeuble dans lequel se trouve le logement loué par Madame [D]. Certains de ces désordres ont d’ailleurs été la cause de l’arrêté de mise en sécurité du 16 septembre 2021 (forte dégradation de la cage d’escalier et des bois apparents dans le hall).
Au delà des désordres existant dans le logement loué pour lesquels Monsieur et Madame [D] ne peuvent solliciter aucune indemnisation en raison du refus de Madame [D] de permettre l’accès au logement aux entreprises mandatées par son bailleur et à son propre expert d’assurance, refus qui a empêché toute résolution des problèmes, les locataires ont subi un trouble de jouissance lié à la dégradation importante des parties communes, dont la cage d’escalier, alors même que le logement se trouve au 5ème étage. Monsieur [L] ne démontre pas l’existence d’un cas de force majeure l’exonérant de sa responsabilité et il doit indemniser ses locataires, quitte à se tourner ensuite vers le syndicat des copropriétaires.
Ce trouble de jouissance, qui a cessé au départ de Madame [D] et des occupants de son chef en septembre 2021, sera intégralement réparé par la somme de 4000 euros.
Par ailleurs, le relogement en urgence de Madame [D] et des occupants de son chef, lié à l’arrêté de mise en péril, sans que ces derniers aient pu prendre l’intégralité de leurs affaires, leur a également créé un préjudice qu’il convient de réparer par la somme de 2000 euros.
Monsieur [L] sera en conséquence condamné à verser à Madame et Monsieur [D] la somme de 6000 euros en réparation de leur trouble de jouissance.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Monsieur [L]
La procédure intentée par Madame [D], à laquelle est intervenu volontairement Monsieur [D], n’a pas dégénéré en abus de droit. Il convient de rejeter la demande de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Monsieur [L]. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile
Chaque partie est en partie succombante. Il convient en conséquence de faire masse des dépens de première instance et d’appel et de les partager par moitié entre Monsieur [L] d’une part et Monsieur et Madame [D] d’autre part.
Les parties seront déboutées de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré qui a condamné Madame [D] aux dépens et à verser à Monsieur [L] la somme de 1000 euros sera infirmé.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
DIT que le conseiller de la mise en état a statué sur la recevabilité de l’intervention volontaire de Monsieur [K] [D] et sur la recevabilité des demandes de Monsieur et Madame [D]
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur [B] [L] pour procédure abusive,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DIT que le congé pour vendre du 02 août 2020 notifié le 03 août 2020 est nul et de nul effet
REJETTE la demande d’acquisition de la clause résolutoire formée par Monsieur [B] [L] à la suite de la délivrance du commandement délivré le 05 novembre 2020 d’avoir à justifier d’une assurance locative
PRONONCE la résiliation judiciaire du bail liant Monsieur [B] [L] d’une part et Madame [S] [D] et Monsieur [K] [D] d’autre part,
ORDONNE l’expulsion de Madame [S] [D], de Monsieur [K] [D] et de tous occupants de leur chef, avec si besoin est le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’avoir à libérer les lieux conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 411-1 et suivants, R412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
REJETTE la demande d’indemnité d’occupation formée par Monsieur [B] [L],
CONDAMNE Monsieur [K] [D] et Madame [S] [D] au versement de la somme de 4386 euros au titre de l’arriéré locatif,
CONDAMNE Monsieur [B] [L] à verser à Monsieur [K] [D] et Madame [S] [D] la somme de 6000 euros au titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice de jouissance,
REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
FAIT MASSE des dépens de première instance et d’appel,
PARTAGE par moitié entre les parties les dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,