Bail d’habitation : 4 octobre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/06269

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Bail d’habitation : 4 octobre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/06269
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1ère Chambre

ARRÊT N°323/2022

N° RG 21/06269 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SC2J

SELARL LAW-RIANT

C/

M. [A] [L] [K] [M]

Mme [G] [P] épouse [M]

Mme [E] [W] [B] [R] [Z] épouse [S]

M. [C] [T] [D] [N] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et Madame Aïchat ASSOUMANI lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Mai 2022

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 04 octobre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 06 septembre 2022 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La société LAW-RIANT, SELARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Sylvie PÉLOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Constance PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [A] [L] [K] [M]

né le 04 Novembre 1966 à [Localité 10] (93)

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représenté par Me Pierre BEAUVOIS de la SELARL BEAUVOIS PIERRE – PICART SÉBASTIEN – BERNARD HÉLÈNE, avocat au barreau de LORIENT

Madame [G] [P] épouse [M]

née le 25 Avril 1979 à [Localité 11] (29)

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Pierre BEAUVOIS de la SELARL BEAUVOIS PIERRE – PICART SÉBASTIEN – BERNARD HÉLÈNE, avocat au barreau de LORIENT

Madame [E] [W] [B] [R] [Z] épouse [S]

née le 16 Mars 1953 à [Localité 10] (93)

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre GUILLON de L’AARPI AXOTIS, avocat au barreau de LORIENT

Monsieur [C] [T] [D] [N] [Z]

né le 18 Décembre 1955 à [Localité 8] (56)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Pierre GUILLON de L’AARPI AXOTIS, avocat au barreau de LORIENT

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 23 juin 2017 établi par maître [O] [I] notaire à [Localité 8], Mme [Z] donnait à bail aux consorts [M]-[P] un immeuble décrit comme suit :

“À [Localité 8] (MORBIHAN), [Adresse 9],

Une maison d’habitation de type 5 comprenant :

– Dégagement et cage d’escalier sur deux étages donnant sur un salon-salle à manger, une cuisine aménagée, trois chambres, une salle de bain, un WC, une cave et un grenier.

Au rez-de-chaussée : un garage donnant sur une cour privée commune.

Figurant ainsi au cadastre :

Section BR, n° [Cadastre 4], lieudit [Adresse 9], surface 0ha 01a 44ca.”

Ce bail était consenti pour une durée de trois ans à compter du 23 juin 2017 et moyennant un loyer annuel de 8.400 €.

À compter du mois de janvier 2018, les loyers n’étaient plus payés régulièrement.

Par exploit en date du 4 décembre 2018, Mme [Z] assignait les consorts [M]-[P] devant le tribunal d’instance de Lorient en résiliation du bail et expulsion, outre une condamnation à paiement de l’arriéré de loyers et de charges de 4448,14 €.

Mme [Z] est décédée le 7 avril 2019 laissant pour lui succéder deux héritiers M. [C] [Z] et Mme [E] [S]-[Z] devenus propriétaires indivis du bien.

L’instance était reprise par les consorts [Z].

Par exploit en date du 9 octobre 2019, ils notifiaient aux consorts [M]-[P] un congé pour le 22 juin 2020 avec offre de vente au prix de 180.000 € outre les frais évalués à 12.600 €.

Par jugement du 7 novembre 2019, le tribunal d’instance de Lorient condamnait les consorts [M]-[P] à payer aux consorts [Z] une somme de 8.289,46 € au titre des loyers et charges arrêtés à la date du 31 août 2019, accordait aux débiteurs des délais de paiement et disait qu’en cas de règlement par ces derniers des échéances courantes et de l’intégralité de la dette de loyers dans les termes ainsi fixés, le bail continuerait de se poursuivre.

Par courrier du 20 novembre 2019 signifié par exploit d’huissier du 25 novembre 2019, les consorts [M]-[P] faisaient connaître leur acceptation de l’offre de vente et leur intention d’acquérir au moyen d’un prêt bancaire, portant ainsi au 25 mars 2020 la date d’expiration du délai de régularisation de la vente.

Les consorts [Z] saisissaient leur notaire, maître [U] de l’étude Law-Riant à [Localité 8], d’une mission de rédaction du compromis de vente sous conditions suspensives, dont le projet était adressé aux consorts [M]-[P] qui, suivant courrier du 29 janvier 2020, en refusaient les termes dès lors que la désignation du bien vendu ne correspondait pas au bien loué comme ne comportant pas le couloir d’entrée et l’escalier desservant les caves et les greniers loués par eux dans le cadre du bail d’habitation.

Aucune vente n’était régularisée faute d’accord sur la désignation des biens objet de la vente.

Par assignation du 25 mars 2020, les consorts [M]-[P] assignaient les consorts [Z] et la selarl Law-Riant notaire rédacteur du projet de compromis devant le tribunal judiciaire de Lorient aux fins de régularisation sous astreinte de la vente projetée, avec division de l’ensemble immobilier entre la maison d’habitation et le local commercial. Ils assignaient également la selarl Law-Riant en opposabilité du jugement à intervenir. Les consorts [Z] sollicitaient la garantie de l’étude notariale en paiement des condamnations prononcées.

Par conclusions d’incident en date du 3 juin 2021, la selarl Law-Riant a sollicité sa mise hors de cause.

Par ordonnance du 1er octobre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lorient a rejeté la demande et condamné la selarl Law-Riant à verser la somme de 1.000 € aux consorts [Z] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 7 octobre 2021, la selarl Law-Riant a interjeté appel de cette ordonnance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La selarl Law-Riant expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 22 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

– réformer la décision dont appel,

– statuant à nouveau,

– déclarer irrecevables les demandes des consorts [Z] à son encontre,

– la mettre hors de cause,

– débouter les consorts [Z] de toutes leurs demandes,

– les condamner ou tout succombant à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes en tous les dépens,

– autoriser la selarl Ab Litis ‘ De Moncuit Saint Hilaire ‘ Pélois ‘ Vicquelin avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [M]-[P] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 8 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de statuer sur le mérite du moyen d’irrecevabilité de la selarl Law-Riant et de condamner la partie succombante aux dépens.

Les consorts [Z] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 29 novembre 2021 auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

– confirmer la décision,

– condamner la selarl Law-Riant au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux dépens.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1) Sur la demande de mise hors de cause de la selarl Law-Riant

La selarl Law-Riant rappelle que les consorts [M]-[P] contestent le fait que le couloir d’entrée et l’escalier puissent constituer des parties communes, donnant accès aux caves et greniers de l’immeuble. Elle soutient qu’elle ne peut faire l’objet d’une action en responsabilité à l’occasion du bail d’habitation reçu par son prédécesseur maître [O] [I], alors notaire associé, que par ailleurs, aucun compromis n’a été signé tandis que le projet a été rédigé sur la base des mentions figurant dans le contrat de bail et des déclarations des parties, qu’enfin, les consorts [Z] indiquent eux-mêmes vouloir retenir une formulation en “appartement”, admettant par-là expressément que la difficulté ne provient pas de la rédaction du projet de compromis mais d’un désaccord entre les vendeurs et les acquéreurs.

Les consorts [M]-[P] soutiennent qu’ils ont toujours souhaité acquérir la maison d’habitation telle qu’ils l’ont occupée dans les termes du bail d’habitation, avec un couloir d’entrée, un escalier desservant les étages et un accès au grenier et à la cave, le tout sans parties communes ni communication avec le magasin d’optique situé en rez-de-chaussée tel que cela est démontré par un constat d’huissier de justice et diverses attestations. Ils soulignent que les consorts [Z] ne se sont pas manifestés pour faire établir un compromis de vente conforme à la désignation du bien loué.

Les consorts [Z] soutiennent que la difficulté ne vient pas de la rédaction du bail d’habitation notarié mais de celle du projet de compromis de vente, que quand bien même la selarl Law-Riant se serait contentée de “copier-coller” les termes du bail notarié de son prédécesseur, elle s’est engagée pour l’acte qu’elle a rédigé, que le devoir de conseil du notaire s’entend de l’ensemble des actes rédigés sous son égide qu’il s’agisse de projets ou d’actes définitifs, qu’elle devait à ce titre attirer l’attention des vendeurs sur les difficultés liées à la désignation du bien, que sa responsabilité est susceptible d’être engagée dans l’éventualité d’une condamnation des consorts [Z] à vendre de manière forcée leur ensemble immobilier en lieu et place de l’appartement donné à bail.

En droit, le notaire est tenu d’assurer la validité des actes qu’il reçoit et de veiller à leur utilité et à leur efficacité.

En l’espèce, il résulte du bail d’habitation signé le 23 juin 2017 entre Mme [Z] et les consorts [M]-[P] qu’ont été loués :

“À [Localité 8] (MORBIHAN), [Adresse 9],

Une maison d’habitation de type 5 comprenant :

– dégagement et cage d’escalier sur deux étages donnant sur un salon-salle à manger, une cuisine aménagée, trois chambres, une salle de bain, un WC, une cave et un grenier.

Au rez-de-chaussée : un garage donnant sur une cour privée commune.

Figurant ainsi au cadastre :

Section BR, n° [Cadastre 4], lieudit [Adresse 9], surface 0ha 01a 44ca.”

Le bail comportait bien notamment la mention d’un dégagement et d’une cage d’escalier.

Le procès-verbal de constat tel qu’il a été établi par Celta Huissiers, huissiers de justice associés à Lorient le 18 février 2020 à la demande des intimés, confirme une utilisation locative par ceux-ci depuis la porte d’entrée située au n° [Adresse 9] jusqu’au grenier, incluant le couloir d’entrée et l’escalier desservant les étages, la cave et le grenier, comprenant les pièces mansardées.

Ce constat mentionne la condamnation définitive du passage qui tenait autrefois lieu de porte communicante avec le magasin du rez-de-chaussée (il est constaté qu’il n’y a aucune porte dans le magasin) et du passage qui tenait lieu d’une porte communicante à la cave (la condamnation est en plaque de médium soutenue par une structure métallique).

Il confirme que chaque pièce a été privativement investie par des effets personnels (piano, cadres, effets divers) des locataires.

De même, le congé pour vendre adressé par les consorts [Z] le 9 octobre 2019 aux consorts [M]-[P] désigne le bien à vendre sous la locution “maison d’habitation”.

Or, le projet de compromis de vente tel qu’il a été établi par la selarl Law-Riant décrit le bien en deux temps ainsi qu’il suit :

IDENTIFICATION DU BIEN

DÉSIGNATION

Dans un immeuble sis à [Adresse 9],

Un ensemble immobilier sis audit lieu comprenant :

– sous-sol : caves ;

– au rez-de-chaussée : local commercial, WC, pièce, garage

– au-dessus un appartement en triplex comprenant :

– au premier étage de l’immeuble : palier, séjour-salon, dégagement, cuisine, buanderie, WC

– au deuxième étage de l’immeuble : palier, dégagement, trois chambre, salle de bains avec WC sanibroyeur

– au dernier étage de l’immeuble : palier, deux pièces mansardées, grenier mansardé

et les 553/10000èmes des droits dans la cour commune cadastrée section BR n° [Cadastre 2]

[‘] (suit le rappel des mentions cadastrales)

Tel que le BIEN existe, avec tous les droits attachés, sans aucune exception ni réserve.

Un extrait de plan cadastral est joint.

IDENTIFICATION DES BIENS VENDUS

Des biens à usage d’habitation comprenant :

– Au 1er étage : entrée, séjour, cuisine, buanderie, wc,

– Au 2ème étage, desservi par l’escalier commun de l’immeuble : entrée, trois chambres, salle de bains, wc,

– Un grenier en face de l’escalier commun de l’immeuble.

Une cave au sous-sol

Un garage donnant sur la cour privée commune.

Il sera relevé que l’identification générale de l’immeuble telle qu’elle rédigée par la selarl Law-Riant ne mentionne ni la présence d’un couloir d’entrée ni celle d’un escalier desservant l’ensemble, de la cave au grenier. Il fait par ailleurs apparaître pour la première fois la notion de “triplex”.

Quant au descriptif des biens vendus, il fait apparaître également pour la première fois la notion d’escalier “commun” et ne mentionne pas deux des trois pièces mansardées à usage de grenier ni tout l’espace à usage de cave mais seulement une pièce.

La selarl Law-Riant n’a pas, contrairement à ce que soutiennent les consorts [Z], “copié-collé” le bail d’habitation, sinon elle n’aurait pas manqué de reprendre la locution “”dégagement et cage d’escalier sur deux étages” figurant audit bail. Elle a, au contraire, rédigé une désignation générale du bien immobilier ne faisant pas apparaître le couloir d’entrée ni un quelconque escalier d’accès, donnant à croire, à la lecture de ce projet, que l’immeuble pourtant construit en étage avec une cave et un grenier, en était totalement dépourvu, ce qui ne peut manquer de surprendre.

En réalité, succédant à leur mère dans la gestion de ce bien, les consorts [Z] n’ont plus souhaité vendre une “maison d’habitation” telle que cela était mentionné dans le congé pour vendre transmis aux consorts [M]-[P], mais un bien dénommé “appartement” dont il apparaissait toutefois à la lecture du projet de compromis de vente rédigé par la selarl Law-Riant que les étages, et spécialement les pièces de vie d’une part, et les chambres à coucher d’autre part, étaient désormais desservies par un escalier dit ‘commun’.

Si la selarl Law-Riant souligne que “le projet de compromis a été rédigé sur la base des mentions figurant dans le contrat de bail et des déclarations des parties”, il serait utile qu’elle précise les informations lui ayant permis de retenir dans son projet de compromis de vente une désignation réduite du bien vendu par rapport au bien loué, réduction à l’égard de laquelle les consorts [Z] n’ont in fine fait part d’aucun désaccord, maintenant au contraire leur projet de vendre “un appartement” et alors qu’il en résulte une impossibilité de l’habiter normalement en présence de chambres séparées par une partie qualifiée de ‘commune’.

Sous le bénéfice de ces observations, c’est à juste titre que le juge de la mise en état a rejeté la demande de mise hors de cause de la selarl Law-Riant dont il convient que la présence au procès soit maintenue pour déterminer les responsabilités respectives éventuelles.

L’ordonnance sera confirmée.

2) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, la selarl Law-Riant supportera la charge des dépens de l’incident en appel.

Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles en appel qui ne sont pas compris dans les dépens. Les demandes au titre des frais irrépétibles d’appel seront rejetées.

L’ordonnance sera confirmée s’agissant des frais irrépétibles d’incident en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lorient du 1er octobre 2021,

Condamne la selarl Law-Riant aux dépens exposés en appel dans la présente procédure incidente,

Rejette le surplus des demandes,

Renvoie l’affaire au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lorient pour la poursuite de la procédure.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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