Bail d’habitation : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/01078

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Bail d’habitation : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/01078
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 30 MARS 2023

N° 2023/ 252

Rôle N° RG 22/01078 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXWC

[G] [U] [P]

C/

[Y] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Djibril NDIAYE

Me Raphaël MARQUES

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection d’AIX-EN-PROVENCE en date du 30 0ovembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 12-21-000704.

APPELANTE

Madame [G] [U] [P]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/1335 du 25/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 3] 1992 à [Localité 6] (PORTUGAL)

demeurant [Adresse 2]/FRANCE

représentée et assistée par Me Djibril NDIAYE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [Y] [J]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Raphaël MARQUES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 27 avril 2015, M. [Y] [J] a consenti à Mme [G] [U] [P] un bail d’habitation portant sur un appartement situé [Adresse 2], au sein de la résidence Loubassane, bâtiment G, à [Localité 5].

M. [J] a signifié à sa locataire, par acte d’huissier en date du 16 septembre 2020 à effet au 30 avril 2021, un congé pour vendre.

Mme [U] [P] se maintenant dans les lieux, M. [J] l’a, par acte d’huissier en date du 19 mai 2021, assigné devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins d’obtenir son expulsion suite au congé pour vendre délivré le 16 septembre 2020 à effet au 30 avril 2021.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2021, ce magistrat a :

– constaté que le congé délivré à l’intiative du bailleur était valable ;

– dit que Mme [G] [U] [P] était déchue de plein droit de tout titre d’occupation depuis le 30 avril 2021 ;

– accordé à cette dernière un délai de 7 mois avant son expulsion ;

– ordonné, passé ce délai, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l’expulsion de Mme [G] [U] [P] ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

– dit qu’il sera procédé, conformément à l’article L 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et, qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer ;

– rappelé que l’expulsion ne pouvait avoir lieu qu’à l’expiration du délai de 2 mois qui suit la délivrance du commandement d’avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

– rappelé, en outre que, nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés au locataire, il devait être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ;

– condamné Mme [G] [U] [P] à payer à titre provisionnel à M. [Y] [J] les sommes de :

* 2 753,87 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 30 avril 2021 ;

* 4 362,21 euros au titre de l’indemnité d’occupation due depuis le 1er mai 2021 et acquise au jour de l’audience ;

* 40 euros au titre de la clause pénale ;

– débouté Mme [G] [U] [P] de sa demande de délais de paiement ;

– condamné Mme [G] [U] [P] à payer en deniers ou quittance à M. [Y] [J] une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui du loyer et des charges qui auraient été payés en cas de non résiliation, à compter du 20 octobre 2021, et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

– condamné Mme [G] [U] [P] à verser à M. [Y] [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [G] [U] [P] aux dépens, en ce compris la somme de 153,94 euros au titre des frais du commandement de payer.

Suivant déclaration transmise au greffe le 25 janvier 2022, Mme [U] [P] a interjeté appel de l’ordonnance susvisée en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 9 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle :

– infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

– déboute M. [J] de toutes ses demandes ;

– statuant à nouveau ;

– déclare, à titre principal, irrecevable la demande de M. [J] en l’état d’une décision de surendettement ;

– dise et juge, à titre subsidiaire, que M. [J] a procédé à un usage détourné de la procédure de congé pour vente et qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé ;

– lui accorde, à titre infiniment subsidiaire, un délai de deux ans pour lui permettre d’acquitter sa dette locative et un délai de trois ans pour lui permettre de trouver une solution de relogement ;

– en tout état de cause, déboute M. [J] de ses demande et le condamne à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 2 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [J] demande à la cour de :

– déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [U] [P] à titre subsidiaire tendant à dire qu’il a procédé à un usage détourné de la procédure de congé pour vente et qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé ;

– confirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a accordé un délai de 7 mois à Mme [U] [P] pour quitter les lieux et en ce qu’elle l’a condamnée à lui payer en deniers ou quittance une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui du loyer et des charges qui auraient été payés en cas de non résiliation, à compter du 20 octobre 2021, et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

– statuant à nouveau ;

– prendre acte du relogement de l’appelante à compter du 15 décembre 2022 et juge, dès lors, que sa demande de délai pour relogement est devenue sans objet ;

– condamner Mme [U] [P] à lui payer en deniers ou quittance une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui du loyer et des charges qui auraient été payés en cas de non résiliation, à compter du 1er mai 2021, et jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés ;

– la condamner à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 15 127,43 euros au titre de l’indemnité d’occupation due entre le 1er mai 2021 et le 15 décembre 2022 ;

– la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée suivant ordonnance en date du 6 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de prétentions

Il résulte de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

De plus, le dispositif de l’arrêt doit être limité aux strictes prétentions formées par les parties, étant rappelé qu’il n’a pas vocation à contenir les moyens développés par les parties, peu important que ceux-ci figurent dans le dispositif de leurs conclusions.

Enfin, les décisions de ‘donner acte’, de ‘constater’ et de ‘dire et juger’ sont dépourvues de caractère juridictionnel et ne sont pas susceptibles de conférer un droit à la partie qui l’a requis et obtenu, raison pour laquelle la cour n’a pas à répondre aux demandes formées à ce titre par les parties.

En l’espèce, Mme [U] [P] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, à titre subsidiaire, de dire et juger que le bailleur a procédé à un usage détourné de la procédure de congé pour vente et de dire et juger qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé en l’espèce, avant de demander à la cour à deux reprises avant le statuant à nouveau et après le en tout état de cause de débouter M. [J] de ses demandes.

Ce faisant, les ‘dire et juger’ ne sont que des moyens soutenus à l’appui de la demande de Mme [U] [P] de débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes, étant relevé que ces moyens sont développés dans le corps de ses écritures.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] tirée de l’absence de prétentions, la cour n’ayant simplement pas à répondre aux demandes de ‘dire et juger ‘ formulées par l’appelante dans le dispositif de ses conclusions.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la procédure de surendettement

Il résulte des articles L. 722-2 à L. 722-4 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. Les procédures et les cessions de rémunération sont suspendues ou interdites, selon les cas, jusqu’à l’approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1, jusqu’à la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 741-1, jusqu’au jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou jusqu’au jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

En l’espèce, l’ouverture d’une procédure de traitement d’une situation de surendettement ne rend possible que la suspension des procédures civiles d’exécution portant sur les dettes. La décision, en date du 10 juin 2021, de recevabilité de la demande de surendettement de Mme [U] [P] et d’orientation vers des mesures imposées n’a donc aucune incidence sur la recevabilité de la procédure d’expulsion initiée par M. [J].

Par ailleurs, la procédure de surendettement n’interdit pas au créancier de poursuivre son débiteur pour obtenir un titre exécutoire dont seule l’exécution sera soumise à ses effets. La demande de M. [J], tendant à la condamnation de Mme [U] [P] à lui verser une indemnité d’occupation du 1er mai 2021, soit le lendemain de la prise d’effet du congé pour vendre, au 15 décembre 2022, date de reprise des lieux, est donc recevable.

Enfin, la décision de recevabilité de la demande de surendettement n’étant intervenue que le 10 juin 2021, soit postérieurement à l’assignation délivrée le 19 mai 2021, Mme [U] [P] n’avait, jusqu’à cette date, aucune interdiction de régler sa dette locative, telle que déclarée à la commission. De plus, et là encore, la procédure de surendettement n’interdit pas au créancier de poursuivre son débiteur pour obtenir un titre exécutoire dont seule l’exécution sera soumise à ses effets. Il en résulte que la demande de M. [J] de voir condamner l’appelante à lui verser des sommes provisionnelles à valoir sur l’arriéré locatif est également recevable.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Mme [U] [P] tirée de la procédure de surendettement des particuliers dont elle bénéficie.

Sur l’occupation sans droit ni titre de Mme [U] [P] par suite de la délivrance d’un congé pour vendre et sa condamnation à une indemnité d’occupation à compter du 1er mai 2021

Il résulte en premier lieu de l’article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’urgence est caractérisée chaque fois qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur.

En outre, une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin, c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier non seulement l’urgence mais également l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ces moyens.

En second lieu, il résulte de l’article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si l’existence de contestations sérieuses sur le fond du droit n’interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite, l’absence d’évidence de l’illicéité du trouble peut en revanche justifier qu’il refuse d’intervenir. En effet, même lorsque le juge est appelé à faire cesser un trouble manifestement illicite, le trouble illicite doit être évident, comme doit l’être la mesure que le juge des référés prononce en cas d’urgence.

La cour doit apprécier l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l’exécution de l’ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

L’occupation sans droit ni titre d’un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite et, à tout le moins, l’obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

En l’espèce, se prévalant d’une occupation sans droit ni titre de Mme [U] [P], en ce qu’elle s’est maintenue dans les lieux au-delà de l’expiration du délai de préavis du congé pour vendre le logement qui lui a été signifié, sans qu’elle n’ait accepté l’offre de vente, M. [J] entend obtenir son expulsion et sa condamnation à lui verser une indemnité d’occupation.

Mme [U] [P] fait valoir, outre l’absence d’évidence de l’illicéité du trouble, la suspension de la procédure d’expulsion initiée à son encontre.

Concernant la suspension de la procédure d’expulsion initiée à son encontre, il résulte de ce qui précède qu’elle ne peut sérieusement se prévaloir, avec l’évidence requise en référé, de la recevabilité de sa demande de surendettement pour s’opposer aux demandes tendant à son expulsion et au paiement d’une indemnité pour occupation sans droit ni titre.

Concernant la contestation tirée de la validité du congé pour vendre, il résulte de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, celui-ci doit être justifié, notamment par sa décision de vendre le logement. A peine de nullité, ce congé doit indiquer le motif allégué, être délivré six mois avant l’expiration du bail, mentionner le prix de vente et reproduire certaines mentions. Il vaut offre de vente au profit du locataire. A la date d’effet du congé, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués et devient occupant sans droit ni titre.

Il appartient au locataire, qui conteste la réalité du motif du congé pour vendre, de rapporter la preuve de l’absence d’intention de vendre du bailleur. En l’occurrence, c’est par des motifs pertinents que le premier juge a relevé, qu’outre le fait qu’il justifie avoir donné deux mandats de vendre son bien, l’un, à l’agence Era immobilier, le 27 août 2020, et, l’autre, à l’agence Vision Experts, le 30 mars 2021, M. [J] démontre souffrir d’une maladie invalidante à l’origine d’une baisse de ses revenus. En effet, après avoir été placé en congé maladie du 27 octobre 2019 au 26 avril 2021, il justifie avoir fait l’objet d’une réintégration dans son emploi à temps partiel thérapeutique à 50 % du 27 avril 2021 et au 12 janvier 2022, éléments qui caractérisent, à l’évidence, le besoin et l’intention de M. [J] de vendre son bien.

L’absence de publicité et de visite aux fins de vente ne permet pas d’établir l’absence manifeste d’intention de vendre de M. [J]. En effet, en fixant un prix de vente portant sur un logement libre de toute occupation locative, il était parfaitement en droit d’attendre la vacance de son logement pour le faire visiter. Or, le fait pour Mme [U] [P] de s’être maintenue dans les lieux, jusqu’au 15 décembre 2022, l’a empêché d’organiser de telles visites.

Il s’ensuit que le moyen de nullité pour fraude soulevé par Mme [U] [P] ne constitue aucune contestation sérieuse à la procédure d’expulsion engagée par M. [J].

Dans ces conditions, le fait pour Mme [U] [P] de s’être maintenue dans les lieux au-delà de l’expiration du délai de préavis du congé pour vendre, soit à compter du 1er mai 2021, caractérisait, au moment où le premier juge a statué, un trouble manifestement illicite qu’il y avait lieu de faire cesser en ordonnant son expulsion et en la condamnant à verser une indemnité d’occupation.

S’il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a constaté que Mme [U] [P] était déchue de plein droit de tout titre d’occupation depuis le 30 avril 2021 et a ordonné son expulsion, il y a lieu de l’infirmer, compte tenu de l’appel incident formé de ce chef, en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’occupation à laquelle elle a été condamnée.

En effet, dès lors que Mme [U] [P] a quitté les lieux le 15 décembre 2022, le montant non sérieusement contestable de l’indemnité due depuis le 1er mai 2021 s’établit à la somme sollicitée de 19 489,64 euros (soit 4 362,21 euros pour la période allant du 1er mai 2021 au 19 octobre 2021 + 15 127,43 euros pour la période allant du 20 octobre 2021 au 15 décembre 2022).

Sur la demande de provision au titre de l’arriété locatif arrêté au 30 avril 2021 et de la clause pénale

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que la procédure de surendettement dont bénéficie Mme [U] [P] ne constitue aucune contestation sérieuse à la demande de M. [J] de la voir condamner à lui verser diverses sommes à titre provisionnel au titre de l’arriéré locatif.

Or, Mme [U] [P] ne conteste pas devoir la somme provisionnelle de 2 753,87 euros à laquelle elle a été condamnée par le premier juge au titre de l’arriéré locatif arrêté au 30 avril 2021, pas plus que la somme de 40 euros au titre de la clause pénale.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée de ces chefs.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

L’article L 412-1 du code des procédure civile d’exécution dispose que si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

Ce délai ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.

L’article L 412-2 du même code dispose que lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l’année considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai prévu à l’article L. 412-1 peut être prorogé par le juge pour une durée n’excédant pas trois mois.

L’article L 412-3 du même code énonce que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

L’article L 412-4 dispose que la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

L’article L 412-6 du même code dispose que nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait.

En l’espèce, compte tenu du départ de Mme [U] [P] des lieux le 15 décembre 2022, sa demande de délai supplémentaire, en plus des 7 mois accordés par le premier juge, pour quitter les lieux, est devenue sans objet.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise sur ce point, Mme [U] [P] ayant, de fait, bénéficié des délais accordés par le premier juge pour quitter les lieux.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que Mme [U] [P] est redevable de la somme provisionnelle totale de 22 283,51 euros (soit 2 753,87 euros + 19 489,64 euros + 40 euros).

Cette dernière ayant quitté les lieux le 15 décembre 2022, elle ne peut prétendre à des délais de paiement que dans la limite de deux ans, ce qui suppose pour elle de démontrer ses capacités financières à régler la somme de près de 930 euros par mois pour apurer sa dette.

Cette preuve n’est aucunement rapportée, les ressources mensuelles de Mme [U] [P] étant de l’ordre de 1 055 euros en 2021.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté Mme [U] [P] de sa demande de délais de paiement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme [U] [P], succombant en appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance, en ce compris le coût du commandement de payer de 153,94 euros, ainsi qu’à la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle sera également condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

L’équité commande en outre de la condamner à verser à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.

Elle sera, en revanche, déboutée de sa demande formulée sur le même fondement en tant que partie perdante.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [Y] [J] tirée de l’absence de prétentions ;

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme [G] [U] [P] tirée de la procédure de surendettement des particuliers dont elle bénéficie ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre de l’indemnité d’occupation mensuelle ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne Mme [G] [U] [P] à verser à M. [Y] [J] la somme provisionnelle de 19 489,64 euros au titre de l’indemnité d’occupation due pour la période allant du 1er mai 2021 au 15 décembre 2022 ;

Condamne Mme [G] [U] [P] à verser à M. [Y] [J] la somme 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Déboute Mme [G] [U] [P] de sa demande formulée sur le même fondement ;

Condamne Mme [G] [U] [P] aux dépens de la procédure d’appel.

La greffière Le président

 


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