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N° RG 21/05765 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NXU5
Décision du Tribunal de proximité de VILLEURBANNE
au fond du 10 mai 2021
RG : 11-20-1191
[L]
C/
[P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 03 Mai 2023
APPELANT :
M. [Y] [I] [L]
né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 7] (TUNISIE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/20384 du 01/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Lyon)
Représenté par Me Noureddine MEJAI de la SELARL PHENIX AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2062
INTIMÉE :
Mme [Z] [P]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6] (ALGERIE)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Défaillante
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 09 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Mars 2023
Date de mise à disposition : 03 Mai 2023
Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt par défaut, la déclaration d’appel ayant été signifiée à Mme [Z] [P], intimée non constituée, en l’étude d’huissier le 6 octobre 2021 avec les conclusions d’appelant.
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Le 1er janvier 2011, Madame [Z] [P] et Monsieur [Y] [I] [L] ont conclu un bail d’habitation portant sur un appartement type 3 de 67 m², meublé, pour une durée de trois années, reconductible tacitement, moyennant le paiement d’un loyer mensuel, charges comprises, de 750 €.
Le 19 septembre 2019, Madame [P] a, par ministère d’huissier de justice, fait délivrer un congé pour reprise à son locataire pour le 31 décembre 2019.
Le locataire n’ayant pas quitté les lieux au 31 décembre 2019, Madame [P] lui a fait délivrer une sommation de quitter les lieux, immédiatement et sans délai.
Monsieur [L] se maintenant toujours dans les lieux, Madame [P] l’a fait assigner devant le tribunal de proximité de Villeurbanne aux fins de voir :
Valider la congé pour reprise délivré la 19 septembre 2019 ;
Déclarer [Y] [I] [L] occupant sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 2] (appartement et cave) ;
Ordonner son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, le cas échéant, le concours de la force publique à compter de |’expiration d’un délai de 2 mois suivant la signification d’un| commandement de quitter Ies lieux ;
Condamner [Y] [I] [L] à lui payer une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et charges courants jusqu’à la libération effective des lieux ;
Condamner [Y] [I] [L] à lui payer la somme de 350 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner [Y] [I] [L] aux dépens de l’instance qui comprendront le coût de la sommation de quitter les lieux du 22 janvier 2020 ;
Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
L’assignante a indiqué avoir fait délivrer un congé pour reprendre son local meublé à raison de sa situation d’instance de divorce.
Le défendeur a contesté la qualification de logement meublé revendiquant un délai de 6 mois de préavis et non de 3 mois. Il a excipé de la nullité du congé pour reprise à défaut de respecter les 6 mois de préavis. Il a conclu au débouté des demandes outre sa condamnation à lui payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
La bailleresse a maintenu ses demandes et porté sa demande au titre des frais irrépétibles à 800 euros.
Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal de proximité de Villeurbanne, a’:
Constaté la validité du congé donné au locataire le 19 septembre 2019,
Déclaré Monsieur [L] et tous occupants de son chef, occupants sans droit ni titre,
Ordonné l’expulsion de corps et de biens du locataire, ainsi que de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est,
Condamné le locataire à payer à la requérante la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Condamné le locataire à payer une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et charge jusqu’à complète libération des lieux,
Ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a notamment retenu que, bien que l’inventaire du mobilier produit aux débats ne soit pas signé par les parties, il est néanmoins étayé par une attestation de l’ancien locataire, que l’appartement était meublé et équipé, y compris en ustensiles de cuisine.
Enfin, ce n’est pas parce que le logement est composé de deux chambres qu’il doit être équipé de deux lits. Ainsi si le locataire vit seul comme en l’espèce, la présence d’un lit est suffisante. La deuxième chambre peut parfaitement servir de bureau, débarras ou autre. Retenant la qualification de logement meublé, il a validé le congé pour reprise à raison du motif sérieux invoqué, le délai de 3 mois de préavis en vertu de l’article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989.
Ce jugement a été signifié le 17 juin 2021.
Par déclaration enregistrée le 8 juillet 2021, Monsieur [L] a interjeté appel à l’encontre des entières dispositions du jugement.
Suivant ses dernières conclusions d’appelant notifiées par RPVA le 6 octobre 2021, Monsieur [L] demande à la Cour de’:
Vu l’article 1719 du Code civil, l’article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et l’article 700 du Code de procédure civile
REFORMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau :
DIRE ET JUGER que le bail conclu le 1er janvier 2011, entre Madame [P] et Monsieur [L] lequel a été tacitement reconduit, relève des dispositions de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;
DIRE ET JUGER que le congé pour reprise délivré par ministère d’huissier de justice le 19 septembre 2019 à la demande de Madame [P], pour le 31 décembre 2019, est nul et de nul effet.
En conséquence :
DÉBOUTER Madame [Z] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Y ajoutant :
CONDAMNER Madame [Z] [P] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
CONDAMNER la même aux entiers dépens de l’instance.
L’appelant fait notamment valoir au soutien de son appel qu’il n’était pas possible de qualifier son bail de bail meublé. Partant, ce bail est soumis à la loi de 1989.
L’article 1719 du Code civil dispose que : « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière : 1° de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. »
Sans inventaire annexé au bail, celui-ci ne peut recevoir la qualification de bail meublé soumis au Code civil. L’inventaire doit être signé des deux parties pour avoir force probante. Le bail d’un local ne comprenant pas les éléments essentiels à une vie normale n’est pas une location meublée.
Ainsi, doit être écartée la qualification de location meublée, la présence d’un équipement sommaire, qui ne permet pas au locataire d’user des lieux loués conformément à leur usage d’habitation sans compléter le mobilier fourni, notamment lorsque la literie est absente.
Le bail conclu le 1er janvier 2011 portait sur un appartement meublé de type 3, c’est-à-dire comprenant une pièce principale et deux chambres. Ce contrat de bail précise qu’un inventaire est annexé au contrat.
Or, d’une part, aucun inventaire n’a été remis au locataire le jour de la signature du contrat de bail, et de ce fait annexé audit contrat. En effet, ce n’est qu’à l’occasion de l’engagement de ladite procédure qu’il a eu connaissance de l’inventaire des biens équipant l’appartement. D’autre part, l’inventaire qui aurait dû être annexé au contrat ne comporte ni la signature du bailleur, ni celle du locataire. Ce document n’a aucune valeur probante.
Enfin, dans cet inventaire ne figurent pas les éléments essentiels à une vie normale.
En effet, la liste des équipements mentionne la présence de :
Quatre chaises,
Un canapé,
Une table,
Une commode,
Un placard,
Un lit deux places,
Un matelas,
Un sommier,
Sept assiettes plates,
Un réfrigérateur,
Une cuisinière,
Un four à micro-ondes.
Il n’y a qu’un seul lit équipé d’une literie, alors que l’appartement comprend deux chambres.
Il n’y a pas non plus de vaisselle, ustensiles de cuisine, verrerie et couverts, ce qui l’a contraint à compléter lui-même le mobilier fourni.
Dans ses conclusions en réponse, Madame [P] avait fait valoir qu’il avait régularisé un contrat de location meublée, puisque ledit contrat précise qu’un inventaire des meubles était annexé au contrat de bail, peu importe qu’il n’ait pas été signé par les parties, parce qu’à la date de signature du bail, la loi applicable au contrat n’exigeait pas d’inventaire.
Elle a prétendu qu’il suffisait au bailleur d’établir par tout moyen la présence d’un mobilier suffisant pour assurer une habitation normale. En l’occurrence, le logement était équipé d’un mobilier complet et d’éléments électroménagers nécessaires pour une vie quotidienne.
Elle avait mis en avant son besoin urgent de récupérer ce logement pour y vivre, étant en instance de divorce et contrainte de se loger hors du domicile conjugal.
Or, l’existence d’un inventaire non signé ne saurait, à lui seul, prouver que le logement actuellement occupé comprend un mobilier et des éléments d’équipements en nombre et en qualité suffisants, pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante. En l’espèce, le nombre de lits est insuffisant pour qu’une famille de 4 personnes puisse y vivre convenablement et notamment y dormir.
Rien ne prouve que le mobilier mis à la disposition de l’ancien locataire, qui a fourni une attestation emportant la conviction du tribunal, était toujours présent dans sa totalité lorsqu’il a loué l’appartement. En outre, la suffisance du mobilier dépend du nombre de locataires et de la composition de la famille. Contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, il ne vit pas seul dans cet appartement, mais l’occupe avec son épouse et ses deux enfants. Le juge a commis une erreur d’appréciation.
En application de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, « Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. (‘) Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur ».
Ainsi, le congé pour reprise délivré le 19 septembre 2019 à effet 3 mois plus tard, est nul et de nul effet, le délai de préavis de 6 mois n’ayant pas été respecté de sorte que la nullité du congé pour reprise doit être constatée rendant infondées les demandes subséquentes de Madame [P].
Son maintien dans les lieux n’est pas abusif car conscient des difficultés rencontrées par son bailleur, il a pris soin de saisir la Commission Dalo pour se voir attribuer un logement social.
L’appelant a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions le 6 octobre 2021 par remise en l’étude. L’intimée n’ayant pas constitué avocat, le présent arrêt sera rendu par défaut.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du Code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 13 mars 2023 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 3 mai 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la nature meublée du logement et la requalification du contrat de bail d’un local meublé en bail d’un local vide
Un bail meublé ou non est soumis à la loi de 1989 s’agissant des délais de congés pour reprise même si les dispositions sont différentes, l’article 25-8 pour les biens meublés et 15 pour les locations non meublées.
L’inventaire contradictoire d’une location meublée n’est devenu obligatoire comme annexe au contrat que par l’effet de la loi Alur du 26 mars 2014, soit postérieurement à la signature du bail litigieux conclu en 2011.
Ainsi, la requalification du contrat de bail litigieux conclu en 2011 ne peut intervenir à raison de l’absence d’un inventaire annexé et doublement signé par le locataire et par la bailleresse.
En l’espèce, un inventaire a été produit lequel n’a pas été contesté dans la liste des éléments présents. Est contesté le fait qu’il manquait une literie pour la seconde chambre et la vaisselle à l’exception des assiettes.
Un logement est considéré comme meublé dès lors que son propriétaire l’équipe du mobilier et des équipements nécessaires à la vie courante du locataire dans de bonnes conditions. Il faut que ce dernier puisse s’y installer sans apporter ses propres meubles. Les locaux doivent être habitables directement pour y dormir, manger, et vivre.
En l’espèce, Monsieur [L] prétend qu’il ne vivait pas seul mais en famille contrairement à ce qui a retenu par le tribunal et indique qu’il manquait une literie à laquelle il a dû pourvoir.
Or, Monsieur [L] qui a la charge de la preuve ne produit pas en appel le bail dont la nature est contestée de sorte que la Cour ne peut pas savoir si l’objet du bail comportait deux chambres ou une formule plus générique comme deux pièces.
A défaut de produire ce bail, l’intimée n’ayant pas constitué avocat en appel, les deux attestations qu’il fournit émanant de deux personnes qui déclarent l’avoir aidé à déménager son lit conjugal en 2011 ne sauraient à elles-seules établir le bail comportait deux chambres devant recevoir deux lits. L’inventaire lui-même ne fait pas mention de notion de chambre.
De même, il ne produit aucune pièce justifiant qu’il a dû s’acheter de la vaisselle notamment des couverts, casseroles et autres ustensiles basiques pour permettre de faire la cuisine. De ce fait, il ne fournit aucune pièce de nature à combattre le témoignage de l’ancien locataire qui avait indiqué en faveur de la bailleresse que l’appartement était meublé et équipé y compris en ustensiles de cuisine.
Succombant dans la preuve à rapporter, il ne peut pas être fait droit à la demande de l’appelant aux fins de requalification du bail.
Ainsi, la validité du congé pour reprise avec un délai de préavis de trois mois, congé pour reprise à raison de l’urgence de trouver un autre logement que le domicile conjugal à l’occasion d’un divorce est confirmée. La Cour confirme l’entier jugement sur la validité du congé pour reprise et sur ses conséquences juridiques en terme d’expulsion et d’indemnité d’occupation mensuelle.
Dans ces conditions, la Cour déboute Monsieur [L] de son appel.
Sur les demandes accessoires
Monsieur [L], succombant en son appel, doit supporter les entiers dépens d’appel. Le jugement étant confirmé sur le fond, la Cour confirme le juste sort des dépens de première instance. L’équité conduit également à confirmer le juste sort des frais irrépétibles de première instance.
Corrélativement, la Cour déboute [Y] [I] [L].
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ses entières dispositions,
Déboute [Y] [I] [L] de ses entières demandes en appel.
Y ajoutant,
Condamne [Y] [I] [L] aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT