Bail d’habitation : 3 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03654

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Bail d’habitation : 3 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03654
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03654 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IT3J

CS

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION D’ALES

24 octobre 2022

RG:22/00321

[E]

C/

S.C.I. COCODY

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section B

ARRÊT DU 03 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge des contentieux de la protection d’ales en date du 24 Octobre 2022, N°22/00321

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [Z] [E] veuve [F]

née le 10 Août 1946 à

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.C.I. COCODY

immatriculée au RCS de LYON sous le n° 350 916 250

représentée par ses co-gérants la SAS ALGOLEX, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 841 522 055, domiciliée [Adresse 5], représentée par son président, et Mme [U] [W], demeurant [Adresse 4] (Nouvelle-Zélande)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Lionel MARZIALS, Postulant, avocat au barreau d’ALES

Représentée par Me François GOGUELAT, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Statuant sur appel d’une ordonnance de référé

Ordonnance de clôture rendue le 30 janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 03 Avril 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par actes successifs d’acquisition en date des 17 avril 1990, 25 mars 1993 et 13 février 2009, la SCI Cocody est devenue propriétaire d’un parc cadastré section BA [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 7] sur la commune de [Localité 10], composé de 55 parcelles sur lesquelles sont implantés des chalets, bungalows et mobiles home.

Ce parc a été loué à l’association Synergie France Asie du 15 novembre 2015 au 20 décembre 2021 qui relouait elle-même des parcelles nues à des propriétaires d’habitations légères de loisir.

Mme [Z] [E] est propriétaire du chalet référencé [Cadastre 8] situé dans ce parc.

Par exploit d’huissier du 28 février 2022, la SCI Cocody a assigné Mme [Z] [E] veuve [F] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Alès afin de voir ordonner son expulsion.

Par décision du 13 mai 2022, l’affaire a été renvoyée compétence devant le juge des contentieux de la protection du même tribunal statuant en référés en l’absence de mobilité des structures revêtant désormais le caractère d’habitation.

Par ordonnance de référé du 24 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Alès a :

– déclaré recevables les demandes de la SCI Cocody ;

– ordonné en conséquence à Mme [Z] [E] veuve [F] de libérer la parcelle de terrain du chalet [Cadastre 8] à ses frais et de tout encombrant, et ce dans le délai de six mois à compter de la signification de la présente décision ;

– dit qu’à défaut pour Mme [Z] [E] veuve [F] d’avoir volontairement libéré les lieux selon les conditions précitées, la SCI Cocody pourra faire procéder, selon les conditions fixées par la loi, à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique et dit que la SCI Cocody aura la libre disposition du chalet et qu’elle pourra, dans les meilleurs délais, faire procéder à son évacuation ainsi que celle de tout encombrant, et aux frais de l’occupante;

– condamné Mme [Z] [E] veuve [F] à payer à titre de provision à la SCI Cocody la somme mensuelle de 250 € pour l’occupation du terrain du chalet à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’à la libération des lieux;

– rejeté l’intégralité des autres demandes ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné Mme [Z] [E] veuve [F] aux dépens de la présente procédure ;

– rappelé que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 16 novembre 2022, Mme [Z] [E] veuve [F] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par des conclusions notifiées le 20 décembre 2022, Mme [Z] [E] veuve [F], appelante, demande à la cour, au visa des dispositions des articles 30, 31 et 122 du code de procédure civile, des dispositions de l’article L.213-4-1 et suivant du code de l’organisation judiciaire, des dispositions des articles 1169 et 1171 du code civil, des dispositions de l’article 24 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989,modifiée par l’article 114 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, de :

– Réformer la décision dont appel,

– Déclarer irrecevable l’assignation délivrée par la SCI Cocody considérant le défaut de qualité à agir du demandeur et la violation des dispositions de l’article 24 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, modifié par l’article 114 de la loi n° 98-657 du 29 Juillet 1998,

– Subsidiairement débouter le demandeur de l’intégralité de ses prétentions, et juger qu’il n’y a pas lieu à référé, considérant le caractère léonin du contrat de location de terrain nu,

– Encore plus subsidiairement, ordonner la consignation des loyers dus entre les mains du bâtonnier sous séquestre jusqu’à ce que le propriétaire du terrain remplisse ses obligations en matière de mise en conformité des réseaux alimentant les parcelles louées et propose un contrat de location équilibré,

– A titre infiniment subsidiaire, s’il était fait droit aux prétentions du demandeur, condamner la SCI Cocody à lui régler une provision sur l’indemnisation de leur préjudice d’un montant de 50 000 €,

– En tout état de cause, condamner SCI Cocody à payer à Mme [Z] [E] une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre liminaire, Mme [Z] [E] explique que la propriété de la SCI Cocody est un parc de loisirs équipé d’un mini-golf, d’un ping-pong, d’une piscine et d’un terrain de tennis tombé en désuétude du fait d’un défaut d’entretien par le propriétaire des lieux.

Elle déclare occuper son chalet, qui constitue sa résidence principale, afin de bénéficier de la proximité du CHU de Nîmes pour le traitement d’une tumeur et conteste ainsi l’existence d’une location au bénéfice d’un tiers.

Au soutien de son appel, elle soulève en premier lieu l’irrecevabilité de l’assignation délivrée considérant qu’il n’est pas justifié de la tenue d’une assemblée générale régulière pour désigner les nouveaux représentants de la SCI Cocody à la suite du décès de son représentant légal le 21 février 2021. Elle affirme que l’assemblée générale du 10 avril 2021 est un faux grossier, la comparaison des signatures sur les procès-verbaux étant significative et le dépôt des statuts modifiés au greffe du tribunal de commerce n’étant pas justifié. Aujourd’hui dépourvue de représentant légale en exercice, elle n’a aucune capacité à agir en justice.

L’appelante conclut en deuxième lieu en faveur de l’irrecevabilité de l’assignation soutenant qu’il ne s’agit pas de résidences légères de loisir mais de résidences principales pour leurs occupants et qu’aucune notification au préfet n’a été effectuée préalablement à l’audience en violation des dispositions de l’article 24 de la loi 89 – 462 du 6 juillet 1989, modifié par l’article 114 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998. Elle se réfère en ce sens à la décision du tribunal administratif du 31 janvier 2012 qui leur a reconnu le caractère de construction constitutive de propriété bâtie imposable à la taxe foncière relevant ainsi le défaut de mobilité de l’habitation légère, qui n’est pas démontable, la liaison aux différents réseaux d’approvisionnement en eau potable, d’écoulement des eaux usées et en électricité. Elle souligne également que les occupants perçoivent les allocations logements et que Mme [U] [W] leur a délivré également une attestation de domicile.

Subsidiairement, elle soulève l’existence de contestations sérieuses puisque le contrat de location de terrain nu est nul en application des dispositions de l’article 1169 du code civil du fait de son caractère léonin. Selon elle, il existe en effet un déséquilibre significatif dans les obligations respectives des parties, la locataire étant débitrice d’un nombre très important d’obligations alors que le bailleur n’en a quasiment aucune.

Elle dénonce en outre le montant disproportionné des loyers réclamés alors que la SCI Cocody ne respecte pas les obligations mises à sa charge s’agissant des travaux de rénovation, cette dernière s’opposant à l’entretien des différents réseaux ainsi qu’à leur mise en conformité.

En conséquence, elle soulève l’incompétence du juge des référés en présence de contestations sérieuses et en l’absence de troubles manifestement illicites.

A défaut, elle réclame la consignation des loyers dans l’attente que le propriétaire du terrain réponde à ses obligations en matière de mise en conformité des différents réseaux alimentant les parcelles louées et qu’un contrat équilibré soit proposé à la signature des locataires.

Pour finir, elle sollicite le versement d’une provision à titre de dommages et intérêts expliquant que les chalets ne sont pas démontables et il ne peut donc pas être possible pour leur propriétaire de les récupérer alors qu’ils ont une valeur moyenne fixée entre 30 000 à 40 000 €. Elle précise que cet emplacement est occupé à titre de résidence principale et qu’elle règle sa taxe foncière ainsi que sa taxe d’habitation. Elle ajoute que cette procédure lui occasionne un préjudice moral important alors qu’elle est la conséquence de la carence du propriétaire du terrain qui ne fait pas face à ses obligations et qui cherche à faire un maximum de profit sans aucun investissement.

La SCI Cocody, intimée, par conclusions du 13 janvier 2023, sollicite de la cour, au visa des dispositions des articles 528, 544, 547, 551 à 555 et 1240 du code civil, des dispositions de l’article L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution et des dispositions des articles 30, 31, 834 et 835 du code de procédure civile, de :

Confirmer l’ordonnance rendue le 24 octobre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal Judiciaire d’Alès en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a

:

« -Octroyé à Mme [Z] [E] un délai de 6 mois à compter de la signification de l’ordonnance pour libérer les lieux de son chalet et de sa personne,

– Débouté la SCI Cocody de sa demande de condamnation de Mme [Z] [E] à faire déconnecter à sa charge, son chalet du réseau d’adduction, d’évacuation des eaux usées et du réseau électrique par un homme de l’art qualifié et assuré, et en justifier auprès de la SCI Cocody,

– L’a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [Z] [E] à une astreinte de 600 € par jour à compter du 10ème jour suivant la signification de la décision de première instance,

– L’a déboutée de sa demande de condamnation de la défendersse à lui régler la somme de 5000 € de provision de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens de l’instance. »

Y faisant droit et statuant à nouveau,

– Juger recevable l’instance engagée par la SCI Cocody,

– Rejeter l’ensemble des demandes formées par Mme [E] [Z] veuve [F],

– La condamner à évacuer immédiatement la propriété de la SCI Cocody de son chalet référencé [Cadastre 8], et restituer la parcelle de terrain propre libérée de tout encombrant,

– La condamner à faire déconnecter à sa charge, son chalet du réseau d’adduction, d’évacuation des eaux usées et du réseau électrique par un homme de l’art qualifié et assuré, et en justifier auprès de la SCI Cocody,

– Expulser Mme [E] [Z] veuve [F] et tout occupant de son chef,

– La condamner à lui régler à une provision d’ indemnité d’occupation de 250 € mensuellement pour l’occupation du terrain du chalet C 06 du 01 janvier 2022 jusqu’à libération des lieux,

– Assortir la décision à intervenir, d’une astreinte de 600 € par jour à compter du 10ème jour suivant sa signification,

– Prononcer au terme de 40 jours suivant la signification de la décision à intervenir, le transfert de propriété du chalet [Cadastre 8] et de tout objet resté sur la parcelle occupée par Mme [E] [Z] au profit de la SCI Cocody,

– L’autoriser à ce terme à déconnecter et évacuer aux frais de sa propriétaire le chalet [Cadastre 8] et tout encombrant resté sur la parcelle, si besoin avec le concours de la force publique,

– La condamner à lui régler 5 000 € de provision de dommages-intérêts, outre la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les frais et dépens de l’instance.

Sur la question de la recevabilité de la demande, l’intimée indique que la co-gérance de la société est justifiée par un procès-verbal de l’assemblée générale ainsi qu’un K-Bis. Elle conteste par ailleurs la falsification de la signature apposée sur ledit procès-verbal.

Sur l’irrecevabilité de la demande pour défaut de saisine de la CCAPEX, elle rappelle que le respect de cette obligation est requis pour les locaux d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989, ce qui n’est pas le cas en l’espèce du fait de l’occupation sans droit ni titre de la parcelle litigieuse. Elle affirme en effet que l’intéressée est entrée illégalement sur le site en prenant possession des lieux et qu’en conséquence, elle est une occupante sans droit ni titre, bien qu’elle soit propriétaire de son chalet de loisir.

Elle conclut enfin en la compétence du juge des référés du fait de la violation de son droit de propriété consacré par l’article 544 du code civil rappelant que l’occupation du bien d’autrui contre le gré du propriétaire constitue un trouble manifestement illicite au sens des articles 834 et 835 du code de procédure civile justifiant la mesure d’expulsion et la prise en charge par l’appelante des frais de déconnexion du fait de sa qualité de propriétaire du chalet.

Elle s’oppose au caractère léonin du contrat alors que Mme [E] ne dispose d’aucun contrat.

Sur les accusations du mauvais état des infrastructures, l’intimée les conteste exposant au contraire que les occupants sans droit ni titre sont à l’origine des désordres, et qu’elle ne peut plus accéder à leur propriété sous peine de se faire agresser physiquement la privant ainsi de la possibilité d’assurer l’entretien du parc. Elle s’oppose donc à l’octroi d’un délai soulignant l’urgence de la situation et la dangerorité des lieux dégradrés par les occupants recommandant leur explusion immédiate.

Par ailleurs, l’intimée entend souligner que le droit au logement ne lui est pas opposable , ce droit ne pouvant suffire à rendre légale une occupation sans titre d’un logement vacant et qu’il n’autorise pas une atteinte au droit de propriété privée. Au surplus, elle affirme qu’il ne peut y avoir de droit au logement , une habitation légère de loisir ne constituant pas un logement, d’autant que tout habitat permanent est prohibé en zone Nc par le plan local d’urbanisme. Ainsi, une caravane, qui fait office de résidence principale, ne peut constituer un local d’habitation.

Enfin, elle précise que les habitations légères de loisir type mobile home, bungalow et chalet sont de nature mobilière et que l’application d’une taxation au titre du droit fiscal est sans conséquence sur la qualification juridique à adopter et sans incidence sur l’obligation de l’appelante d’évacuer les lieux en application de l’alinéa II de l’article 555 du code civil.

Ensuite, elle expose disposer d’éléments probants pour évaluer l’indemnité d’occupation que doit régler la locataire pour l’occupation du 1er janvier 2022 et jusqu’à libération des lieux sur la base mensuelle de 250 euros. Elle conteste sur ce point la valeur probante de la consultation établie par un cabinet privé et produite aux débats par l’appelante.

Elle sollicite pour finir, au visa de l’article 1240 du code civil, une provision sur dommages et intérêts expliquant que l’occupation sauvage, dont la SCI Cocody est victime, lui fait subir un préjudice considérable ainsi que des pertes de plusieurs centaines de milliers d’euros par saison. Elle dénonce le rôle particulièrement actif de la locataire dans les actes délictuels dont elle est victime se référant ainsi à l’action concertée d’occupation sans droit en bande organisée, à laquelle Mme [E] appartient, occasionnant en effet d’importants préjudices (vols avec effraction agressions, pillage des infrastructures, menaces de mort’).

Enfin, elle demande une condamnation sous astreinte aux fins de limiter les incidents au cours des opérations d’évacuation arguant que le démantèlement des installations sera complexe, et les difficultés d’exécution sérieuses.

Pour conclure et dans l’hypothèse d’une absence d’exécution, elle demande qu’à l’issue d’un délai de 40 jours, elle puisse requérir au visa des articles 551 et 555 du code civil la propriété du chalet pour procéder à son évacuation.

Par message adressé par rpva le 16 janvier 2023, le conseil des intimées sollicite la radiation de l’appel pour défaut d’exécution.

La clôture de la procédure est intervenue le 30 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 6 février 2023, pour être mise en délibéré, par disposition au greffe, le 3 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, et en réponse au message adressé par rpva le 16 janvier 2023 aux termes duquel le conseil de l’ intimée a sollicité la radiation de l’appel pour défaut d’exécution, il sera dit que la cour d’appel ne peut être valablement saisie d’une telle demande en ce qu’elle ne respecte pas les conditions de forme légale, l’article 954 du code de procédure civile imposant en effet que les prétentions et les moyens des parties doivent être reprises dans les conclusions d’appel.

Sur la capacité à ester en justice :

L’article 117 du code de procédure civile dispose que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte le défaut de capacité d’ester en justice.

S’agissant de la SCI Cocody, aux termes d’une assemblée générale ordinaire en date du 10 avril 2021, la co-gérance de la SCI Cocody a été confiée à la société Algolex ayant pour président M. [K] [W]. Cette information est confirmée par l’extrait K-BIS produit aux débats qui fait apparaître effectivement au titre des gérants Mme [U] [W] et la société Algolex. (Pièce 9).

Il est donc justifié qu’à la suite du décès de son représentant légal survenu le 21 février 2021, la société Cocody s’est pourvue de nouveaux représentants qui en leur qualité de gérants peuvent valablement exercées toute action en justice au nom et dans l’intérêt de la SCI.

Si l’appelante conteste la valeur probante de ce procès-verbal d’assemblée le qualifiant de faux, elle n’en apporte aucune preuve alors que la signature critiquée apposée par Mme [U] [W] correspond à celle figurant sur sa carte d’identité en sorte que ce moyen sera écarté.

En conséquence, la SCI Cocody justifie de l’existence de représentants légaux valablement désignés et de leur pouvoir à agir en justice au nom de la société civile ce qui rend les demandes recevables comme l’a justement constaté le premier juge.

Sur la recevabilité de l’assignation :

Selon l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 « le présent titre s’applique aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et qui constituent la résidence principale du preneur ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur ».

L’article 24 III et IV de la loi du 6 juillet 1989 dispose qu’« à peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement prévue à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée’ les II et III sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail lorsqu’elle est motivée par l’existence d’une dette locative du preneur. Ils sont également applicables aux demandes additionnelles et reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de résiliation motivées par l’existence d’une dette locative, la notification au représentant de l’Etat dans le département incombant au bailleur ».

L’intimée a assigné Mme [Z] [E] aux fins d’obtenir son expulsion justifiée par l’occupation sans droit ni titre de la parcelle sur laquelle était installé le chalet dont l’appelante était propriétaire.

Il n’est nullement sollicité la résiliation d’un contrat de bail d’habitation, qui reste seule soumise à l’application des dispositions précitées.

Il s’ensuit que l’intimée n’était nullement contrainte au respect des dispositions découlant de l’article 24 III et IV de la loi du 6 juillet 1989 en sorte que la recevabilité de l’assignation doit être constatée comme l’a justement indiqué le premier juge.

Sur le bien-fondé de la demande :

En application de l’article 835 al 1er du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La SCI Cocody se prévaut d’un trouble manifestement illicite consistant en la violation de son droit de propriété prévu à l’article 544 du code civil par la présence de Mme [E] sur une parcelle lui appartenant sans que cette dernière puisse justifier d’un droit d’occupation ni d’un titre.

Le premier juge a fait droit à cette analyse rappelant la nécessité d’obtenir l’agrément du bailleur lors du changement de locataire en cas de vente par le preneur de son chalet, et sur le constat de l’absence d’accord donné par la propriétaire de la parcelle, il a considéré que Mme [E] est occupante sans droit ni titre du terrain appartenant à la SCI Cocody, qui est donc autorisée à procéder à son expulsion à défaut de départ volontaire.

Le trouble manifestement illicite procède de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Si l’existence d’une contestation sérieuse n’interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues à l’article 835 al 1er du code de procédure civile, le juge doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble invoqué.

En l’espèce, selon le certificat de vente du 30 décembre 2021, Mme [E] a fait l’acquisition auprès de l’association Relais d’un chalet en bois, vide bardé et isolé de 35 m² avec petite terrasse sur rue et grande terrasse bois de 35 m² avec un petit cabanon de 8 m² plus une place de parking au prix de 14.000 euros, étant précisé que ce chalet est situé sur la parcelle [Cadastre 8] zone A d’une surface de 100 m² (pièce 5 – intimée).

Il est précisé dans l’acte que le terrain sur lequel est localisé le chalet appartient à la SCI Cocody et que l’acquéreur s’engage à se mettre en contact avec son représentant.

Il n’est pas justifié sur cette parcelle de l’existence d’un contrat de location ou sous-location conclu entre la SCI Cocody et Mme [E] ni davantage d’un contrat verbal qui suppose la démonstration d’un accord intervenu entre les parties sur la mise à disposition d’un bien et à un prix convenu.

En effet, il est uniquement fait état de la conclusion d’un contrat de sous-location de terrain nu [Cadastre 8] entre l’association Synergie France Asie et Mme [J] [L] en date du 4 décembre 2017, ce contrat portant sur un hébergement d’un module léger (bungalow, chalet..) à vocation de résidence secondaire en saison touristique du 1er avril au 30 septembre avec un loyer annuel de 2972 euros ou 743 euros par trimestre. Il est dit qu’avec l’accord écrit du bailleur, le preneur pourra subroger dans son bail son successeur pour la période restant à courir et restera solidaire du paiement des loyers jusqu’à l’expiration annuelle. Par ailleurs, il est dit que la cession du bail ou la sous-location du terrain nu sont rigoureusement interdits sans accord préalable du bailleur (pièce 7 intimée).

Il s’ensuit que Mme [E] ne justifie pas d’un titre sur la parcelle en cause.

Ceci étant, et en dépit de la rédaction du contrat de sous-location de terrain nu qui spécifie que ‘le terrain loué a pour objet exclusif l’hébergement d’un module léger (chalet, bungalow ou mobile home) à vocation de résidence secondaire en saison touristique du 1er avril au 30 septembre dans la limite de la surface autorisée…’, la configuration des lieux et le type de structure démontrent qu’il s’agit en réalité d’habitations légères pérennes restant à demeure sur le site et que pour une partie de ses occupants, ceux-ci y ont établi leur résidence principale comme en attestent le règlement d’une taxe foncière et/ou d’habitation, l’allocation d’une aide au logement (pièce 3) sans que cette situation ne soit une source de contestation pour l’intimée au regard des attestations de domicile établies par Mme [U] [W] en sa qualité de gérante de la SCI Cocody (Pièce 2 – appelante).

Plus précisément, la lecture croisée de la décision rendue le 31 janvier 2012 par le tribunal administratif de Nîmes (pièce 4- appelante) et le pré-rapport d’expertisé établi le 31 août 2020 par [M] [R], expert évaluateur immobilier, (pièce 6 – appelante) laisse apparaître que l’habitation légère de loisir litigieuse est posée au sol sur des plots en agglomérés de ciment et non à même le sol, ce qui prive cette dernière de tout moyen de mobilité. En outre, il est considéré que cette habitation légère présente toutes les caractéristiques d’une construction constitutive d’une propriété bâtie, celle-ci étant reliée aux différents réseaux d’approvisionnement en eau potable, avec l’écoulement des eaux usées, le raccord au réseau électrique.

Il s’ensuit que rien ne permet de retenir le caractère précaire de l’occupation du logement ni d’ailleurs la nature théoriquement démontable de l’habitation et force est de constater que Mme [E] a pu ainsi y établir sa résidence principale.

Par ailleurs, si à l’origine il a pu être conclu des contrats uniques englobant la vente d’un chalet et la location de terrain nu comme le démontre l’appelante par la production à titre d’exemple d’un contrat signé le 8 avril 2006 entre [P] [W] agissant en qualité de mandataire spécial de la SCI Cocody, propriétaire des terrains nus, et de Mme [V] [G], vendeuse, d’une part et les époux [C], acquéreurs d’autre part, qui emporte à la fois la vente d’un chalet léger situé sur la parcelle 3 ainsi que la location de ce terrain (pièce 1 -appelante) très vite les opérations de vente et de location se sont dissociées malgré l’interdépendance de ces contrats. Il a ainsi été possible de conclure un acte de vente indépendamment de la signature du contrat de location ou sous-location du terrain sur lequel se trouvait malgré tout le chalet.

Mme [E] se trouve dans cette situation puisqu’elle justifie d’un titre de propriété sur le chalet dont elle a fait l’acquisition le 30 décembre 2021 situé sur le terrain [Cadastre 8] sans pour autant démontrer la possession d’un titre relatif à l’occupation de ladite parcelle.

Ainsi, si l’existence d’un trouble illicite est avéré du fait de l’absence de contrat de location entre la SCI Cocody, propriétaire des parcelles, et Mme [Z] [E], propriétaire du chalet, il n’est toutefois pas justifié du caractère manifeste de cette illicéité au regard du titre de propriété dont dispose l’appelante sur le chalet litigieux.

En outre, la demande d’expulsion présentée par la SCI Cocody paraît disproportionnée au regard du droit au respect du domicile de Mme [E], propriétaire du chalet, garanti par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

Pour l’ensemble de ces raisons, et au vu de l’absence de caractérisation d’une voie de fait excluant l’existence d’un trouble manifestement illicite, il sera dit n’y avoir lieu à référé tant sur la demande d’expulsion que les prétentions subséquentes liées à la déconnection du chalet et au prononcé d’une astreinte.

Pour le surplus, en présence d’une occupation du terrain non contestée, il est acquis que Mme [Z] [E] est redevable d’une indemnité d’occupation dont le principe est incontestable.

Ceci étant, le montant de cette indemnité arrêtée par le premier juge à la somme mensuelle de 250 euros à compter du 1er janvier 2022 interroge au regard des griefs adressés par la locataire sur l’état dégradé du parc de loisirs dans lequel se situe la parcelle litigieuse.

En effet, l’appelante souligne que le montant de l’indemnité réclamée n’est pas en adéquation avec l’état du parc et les services afférents qui sont aujourd’hui inexistants ce qu’elle illustre par la production d’un pré-rapport d’expertise établi par M. [M] [R] le 31 août 2020 dont il résulte que:

‘Actuellement la quasi-totalité des prestations initialement prévues ne sont plus assurées:

– absence d’entretien régulier des espaces de circulation et espaces communs;

– portail motorisé hors service;

– court de tennis inexploitable et non entretenu;

– espaces barbecues laissés à l’abandon;

– extincteurs ne pouvant plus garantir un bon fonctionnement en cas de départ d’incendie car ils ont atteint leur date de ‘péremption’ pour certains;

-piscine hors service (plus en eau) suite à de trop nombreuses fuites qui ne sont pas toujours réparées;

– restaurant fermé et travaux nécessaires à la réouverture relativement importants décourageant d’éventuels repreneurs;

– boîtes aux lettres à l’entrée en mauvais état;

– voies de circulation initialement goudronnées, particulièrement abîmées avec de nombreux nids de poules et des secteurs entiers où le bitume se dérobe;

– réseau indépendant d’évacuation des eaux usées ne répondant plus aux normes et semble se jeter de manière sauvage au nord la parcelle [Cadastre 7] entraînant des odeurs dérangeantes…’.

Sur la base de ces éléments, M. [R] propose une première valeur locative pour une parcelle de terrain destinée à l’accueil d’une habitation légère située dans un parc de loisirs à la somme de 243 euros sur laquelle il applique un abattement pour absence de prestations pour retenir in fine une valeur de 121,50 euros. Il suggère une deuxième valeur pour une parcelle équivalente située en-dehors d’un parc de loisirs qu’il arrête à la somme de 98,25 euros. Il en déduit une valeur locative arrondie à la somme de 100 euros par mois.

Si les parties s’opposent sur l’origine des dégradations, chacune tenant l’autre pour responsable de la survenance des désordres relevés, il n’appartient au stade des référés de statuer sur les responsabilités encourues ni apprécier si le bailleur s’est conformé ou non à son obligation d’entretien ou si le locataire a participé ou pas à la dégradation des lieux.

La situation actuelle du parc commande la fixation d’une indemnité d’occupation en adéquation avec les services actuellement présents et l’état des infrastructures.

Il convient en conséquence de réduire le montant de l’indemnité d’occupation à la somme mensuelle, non contestable, de 100 euros et d’infirmer sur ce point la décision déférée.

L’appelante sera donc condamnée à régler à compter du 1er janvier 2022 à payer à la SCI Cocody la somme provisionnelle de 100 euros par mois.

La demande de consignation n’est nullement justifiée en l’état et ne paraît pas être le préalable indispensable à la réfection des lieux.

Pour le surplus, Mme [Z] [E] présente des demandes formées à titre de dommages et intérêts ainsi qu’à titre de provision qui seront rejetées en l’état, la première en l’absence d’élément probant justifiant l’existence d’un préjudice, la seconde du fait du rejet de la demande d’expulsion.

S’agissant de la prétention présentée par les intimées tendant à l’obtention de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros pour le préjudice moral subi du fait de l’occupation ‘sauvage’ du parc, il ne saurait, au stade du référé, être fait droit à cette demande de provision considérant le défaut de preuve d’un quelconque préjudice notamment en l’absence de preuve de l’imputabilité des dégradations à l’appelante.

La décision déférée sera en conséquence confirmée sur ces points.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu d’infirmer l’ordonnance sur le sort des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, il y a lieu de condamner l’intimée, qui succombe principalement, aux entiers dépens. L’équité comman-de de faire droit à la demande de l’appelante qui sera verra accorder une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,

Dit que la cour d’appel n’est pas valablement saisie de la demande de radiation de l’appel,

Infirme l’ordonnance de référé rendue le 24 octobre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Alès sauf en ce qu’il a jugé les demandes présentées par la SCI Cocody recevables et a rejeté les demandes respectives de dommages et intérêts, d’astreinte et de consignation des loyers,

Statuant à nouveau,

Constate l’absence de trouble manifestement illicite,

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande d’expulsion ainsi que les prétentions subséquentes liées à la déconnection du chalet et au prononcé d’une astreinte,

Fixe l’indemnité d’occupation provisionnelle à la somme de 100 euros par mois,

Condamne Mme [Z] [E] à verser à la SCI Cocody une indemnité d’occupation provisionnelle du terrain du chalet à compter du 1er janvier 2022 d’un montant de 100 euros par mois,

Condamne la SCI Cocody à payer à Mme [Z] [E] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Cocody aux entiers dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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