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MINUTE N° 168/23
Copie exécutoire à
– Me Dominique HARNIST
– Me Loïc RENAUD
– Me Joëlle LITOU-WOLFF
Le 29.03.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 29 Mars 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01454 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H2AI
Décision déférée à la Cour : 10 Mars 2022 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de STRASBOURG – 3ème chambre civile
APPELANTE :
S.A.S. FREMAUX DELORME
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me CATOIRE, avocat au barreau de LILLE
INTIMES :
Monsieur [V] [K]
[Adresse 3]
Représenté par Me Loïc RENAUD, avocat à la Cour
Monsieur [T] [K]
[Adresse 2]
Madame [S] [K]
[Adresse 4]
Représentés par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me VANOLI, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Vu l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 mars 2022,
Vu la déclaration d’appel effectuée par la société Fremaux Delorme effectuée le 11 avril 2022 par voie électronique,
Vu la constitution d’intimée de M. [V] [K] effectuée le 11 mai 2022,
Vu la constitution d’intimée de M. [T] [K] et de Mme [S] [K] effectuée le 25 mai 2022,
Vu les conclusions de la société Fremaux Delorme du 7 juillet 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 8 juillet 2022,
Vu les conclusions de M. [V] [K] du 8 août 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,
Vu les conclusions de M. [T] [K] et de Mme [S] [K] du 5 août 2022, et le bordereau de communication de pièces du 24 août 2022 qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique les jours précités,
Vu l’audience du 12 décembre 2022 à laquelle l’affaire a été appelée,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il résulte des pièces et des conclusions des parties que, selon acte authentique du 27 janvier 2000, M. [V] [K] a donné à bail à la SARL Le Miroir des locaux sis à [Localité 5], pour une durée de 15 ans.
Selon acte authentique du 7 octobre 2022, la SARL Le Miroir a cédé son droit au bail à la société Textile de Maison.
Par lettre du 8 décembre 2015 puis acte d’huissier de justice délivré le 23 décembre 2015 à M. [V] [K], la société Textile Maison a demandé le renouvellement du bail, M. [V] [K] donnant son accord, par lettre du 7 février 2016, au renouvellement, toutes les clauses et conditions étant maintenues.
Depuis avril 2018, un litige oppose le preneur et le bailleur sur le principe de la refacturation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et sur le calcul de l’indexation du loyer.
Le 31 décembre 2018, la société Textile de Maison a été absorbée par la SAS Fremaux Delorme.
Le 30 mai 2020, la SAS Fremaux Delorme a assigné M. [V] [K] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg en remboursement de charges et loyers indûment perçus.
M. [T] [K] et Mme [S] [K] sont intervenus volontairement à la procédure.
La SAS Fremaux Delorme a saisi le juge de la mise en état et a, d’une part, soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [T] [K] et Mme [S] [K], au motif qu’ils sont nus-propriétaires des locaux, et, d’autre part, demandé la production de l’acte de démembrement de propriété de l’immeuble.
L’ordonnance n’est pas critiquée en ce qu’elle a fait droit à la demande de communication de l’acte de donation-partage du 25 décembre 2003.
Elle est en revanche critiquée en ce qu’elle a déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [T] [K] et Mme [S] [K].
Sur la recevabilité de l’appel de la SAS Fremaux Delorme :
Cette société est recevable à interjeter appel de la décision du juge de la mise en état, en ce qu’elle a déclaré recevable l’intervention volontaire précitée.
La fin de non-recevoir opposée par M. [T] [K] et Mme [S] [K] sera rejetée.
Sur la fin de non-recevoir opposée à l’intervention volontaire :
Le juge de la mise en état a motivé sa décision par leur qualité de nus-propriétaires et par l’incidence potentielle de la nullité du renouvellement du bail commercial sur leurs droits, et ce, après avoir retenu que tant M. [V] [K], usufruitier des locaux loués, que M. [T] [K] et Mme [S] [K], nus-propriétaires de ces locaux, demandent que soit prononcée la nullité de la demande de renouvellement du bail signifiée le 23 décembre 2015, au motif que le renouvellement n’a pas été signifié à ces deux derniers.
La SAS Fremaux Delorme conclut à l’infirmation de l’ordonnance, en ce qu’elle a déclaré recevable cette intervention volontaire, et demande à la cour de la déclarer irrecevable.
Elle soutient que l’ordonnance a pour conséquence de conférer aux nus-propriétaires la qualité de bailleur, qu’ils ne peuvent avoir, que seul l’usufruitier a cette qualité et par conséquent, est le seul habilité à recevoir et contester une demande de renouvellement, ou appelé à y défendre ou à contester le calcul des charges nées du bail.
Les intervenants volontaires soutiennent que le preneur s’est contredit en première instance en soutenant que le bailleur, usufruitier, qui était seul assigné ne pouvait seul demander la nullité de la demande de renouvellement du bail sans le concours des usufruitiers, tout en soutenant, après l’intervention volontaire, que celle-ci est irrecevable. Ils ajoutent que l’usufruitier n’a pas le pouvoir de renouveler le bail sans le consentement des nus-propriétaires, et que la demande de renouvellement doit être adressée aux usufruitiers et aux nus-propriétaires.
M. [V] [K] fait encore valoir qu’en leurs qualité de nus-propriétaires, ils ont vocation, lors du décès des usufruitiers, à recueillir la pleine propriété du bien et à subir ou bénéficier des clauses et conditions contractuelles du bail, de sorte que la prétention relative à la nullité de la demande de renouvellement leur importe au plus haut chef.
Sur ce,
Il est constant que l’usufruitier, en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, a la qualité de bailleur.
La Cour de cassation a jugé (3ème Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-26.162) qu’il a ainsi le pouvoir de mettre fin au bail commercial et, par suite, de notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement (3e Civ., 29 janvier 1974, pourvoi n° 72-13.968, Bull. 1974, III, n° 48). Ayant, seul, la qualité de bailleur dont il assume toutes les obligations à l’égard du preneur, l’indemnité d’éviction due en application de l’article L. 145-14 du code de commerce, qui a pour objet de compenser le préjudice causé au preneur par le défaut de renouvellement du bail, est à sa charge.
Cependant, elle a précisé dans le même arrêt qu”en cas de démembrement de propriété, l’ usufruitier, qui a la jouissance du bien, ne peut, en application de l’article 595, dernier alinéa, du code civil, consentir un bail commercial ou le renouveler sans le concours du nu-propriétaire (3ème Civ., 24 mars 1999, pourvoi n° 97-16.856, Bull. 1999, III, n° 78) ou, à défaut d’accord de ce dernier, qu’avec une autorisation judiciaire, en raison du droit au renouvellement du bail dont bénéficie le preneur même après l’extinction de l’usufruit.’
En effet, aux termes de l’article 595, alinéa 4, du code civil, l’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte.
Ces dispositions dérogent à l’article 595, alinéa 1er, dudit code, qui s’applique notamment aux baux d’habitation. L’arrêt du 26 janvier 2022 invoqué par le preneur, qui statue d’ailleurs sur la qualité pour agir en validité d’un congé pour reprise, et donc pour mettre fin au bail, de surcroît un bail d’habitation, est donc inopérant en l’espèce.
En outre, il a été jugé qu’est nulle la demande de renouvellement adressée uniquement à l’usufruitière (3e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.843).
En l’espèce, dans leur acte d’intervention volontaire, Mme [S] [K] et M. [T] [K] indiquent intervenir en leur qualité de nus-propriétaires des murs dans lequel le local donné à bail est exploité. D’ailleurs, selon l’acte de donation-partage produit aux débats en date du 25 décembre 2003, ils ont reçu, de manière indivise, la nue-propriété du bien donné à bail, M. [V] [K] et son épouse mariés sous le régime de la communauté universelle, en conservant l’usufruit.
Ainsi, en leur qualité de nus-propriétaires, Mme [S] [K] et M. [T] [K] ont qualité pour demander la nullité de la demande de renouvellement du contrat de bail commercial signifiée le 23 décembre 2015.
Il sera, de surcroît, relevé que, selon leur acte d’intervention volontaire, non critiqué sur ce point, M. [V] [K] avait préalablement à leur intervention volontaire, également formé une telle demande.
Ainsi, leur intervention volontaire est recevable en ce qu’elle tend à demander le constat, et subsidiairement le prononcé, de la nullité de la demande de renouvellement.
En revanche, en leur qualité de nus-propriétaires, ils n’ont pas qualité pour demander la condamnation du preneur à leur payer des arriérés de charges locatives, ni d’ailleurs intérêt, pour la conservation de leurs droits de nus-propriétaire, à soutenir la demande en ce sens de M. [V] [K].
Leur intervention volontaire est ainsi irrecevable en ce qu’elle tend à la condamnation de la SAS Fremaux-Delorme à leur payer la somme de 1225,80 euros au titre de l’arriéré de charges locatives et de 2 441,17 euros au titre de la régularisation de l’indexation du loyer.
Sur les frais et dépens :
Les parties ne demandent pas à la cour d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a statué sur les dépens de l’instance menée devant le juge de la mise en état, de sorte qu’elle sera confirmée de ce chef.
Chacune des parties succombant partiellement dans la présente instance, chaque partie conservera la charge des dépens de la présente instance d’appel qu’elle a engagés, et il convient de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Rejette la fin de non-recevoir opposée par M. [T] [K] et Mme [S] [K], à la déclaration d’appel interjeté par la société Fremaux Delorme contre l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 mars 2022,
Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 mars 2022, en ce qu’elle a déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [T] [K] et Mme [S] [K], mais seulement en ce que cette intervention volontaire tend à la condamnation de la SAS Fremaux Delorme à leur payer la somme de 1225,80 euros au titre de l’arriéré de charges locatives et de 2 441,17 euros au titre de la régularisation de l’indexation du loyer,
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Déclare irrecevable l’intervention volontaire de M. [T] [K] et Mme [S] [K] en ce qu’elle tend à la condamnation de la SAS Fremaux Delorme à leur payer la somme de 1225,80 euros au titre de l’arriéré de charges locatives et de 2 441,17 euros au titre de la régularisation de l’indexation du loyer,
Y ajoutant :
Dit que chacune des partie conservera la charge des dépens de la présente instance d’appel qu’elle a engagés,
Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière : la Présidente :