Bail d’habitation : 28 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/05786

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Bail d’habitation : 28 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/05786
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70C

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 MARS 2023

N° RG 21/05786 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UXXE

AFFAIRE :

M. [P] [Y]

C/

Etablissement Public COLOMBES HABITAT PUBLIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2021 par le Tribunal de proximité de COLOMBES

N° RG : 11-19-000588

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 28/03/23

à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [P] [Y]

né le 27 Août 1980 à [Localité 6] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Maître Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 22221 –

Représentant : Maître Caroline COURBRON TCHOULEV, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0827

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/014764 du 25/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

Etablissement Public COLOMBES HABITAT PUBLIC

N° SIRET : 484 201 157 RCS Nanterre

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 25552

Représentant : Maître Manon ROIGNOT Substituant Maître Guillaume BREDON de la SAS BREDON AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1532 –

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe JAVELAS, Président et Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

L’OPH Colombes Habitat Public a embauché M. [P] [Y] en qualité de gardien d’immeuble selon les termes d’un contrat de travail à durée déterminée à compter du 6 mars 2017. Par avenant au contrat de travail du 25 juillet 2017, l’OPH Colombes Habitat Public a mis à disposition de M. [Y] un logement de fonction, à titre gratuit situé [Adresse 2] à [Localité 4] (92).

M. [Y] a été licencié le 4 avril 2018.

Par acte d’huissier de justice délivré le 5 septembre 2019, l’OPH Colombes Habitat Public a assigné M. [Y] devant le tribunal de proximité de Colombes aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– que soit constatée son occupation sans droit ni titre depuis le 4 juillet 2018,

– son expulsion ainsi que tous occupants de son chef des lieux loués, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

– sa condamnation au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation de 23 913.80 euros,

– la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le paiement des dépens et l’exécution provisoire.

Par jugement contradictoire du 9 juillet 2021, le tribunal de proximité de Colombes a :

– débouté M. [Y] de sa demande de sursis à statuer,

– constaté l’occupation sans droit ni titre de M. [Y] depuis le 4 juillet 2018,

– ordonné l’expulsion de M. [Y] ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique, sans astreinte, dans un délai de deux mois après un commandement de quitter les lieux,

– autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant le logement aux conditions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,

– condamné M. [Y] à payer à l’OPH Colombes Habitat Public des indemnités mensuelles d’occupation dues au mois de mars 2021 inclus de 23 582,08 euros et une indemnité mensuelle d’occupation de 778,61 euros jusqu’à la libération des lieux,

– condamné M. [Y] à payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté chacune des parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– rappelé que l’exécution provisoire du jugement était de droit,

– condamné M. [Y] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 21 septembre 2021, M. [Y] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 15 juin 2022, il demande à la cour de :

– le recevoir en son appel et y faire droit,

A titre principal :

– ordonner l’annulation du jugement du 9 juillet 2021 rendu par une juridiction non saisie des demandes et déclarer nuls et non avenus tous les actes en découlant,

Subsidiairement :

– déclarer le tribunal de proximité matériellement incompétent pour statuer sur les demandes de l’OPH Colombes Habitat Public et rendre le jugement entrepris, au profit du juge des contentieux de la protection,

– au visa du principe du double degré de juridiction, ordonner le renvoi de l’instance devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Colombes,

Plus subsidiairement, en cas d’évocation :

– juger qu’il n’est pas occupant sans droit ni titre d’un logement de fonction mais titulaire d’un bail d’habitation en cours depuis le 25 juillet 2017,

– en conséquence, débouter l’OPH Colombes Habitat Public de sa demande d’expulsion, dénuée de fondement,

– subsidiairement, si la qualification de logement de fonction est retenue, ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’obtention d’une décision judiciaire définitive tranchant la contestation relative à la rupture du contrat de travail et à la demande de réintégration,

Plus subsidiairement, si le sursis à statuer n’est pas ordonné :

– fixer la date d’occupation sans droit ni titre au 6 octobre 2018 et débouter l’OPH Colombes Habitat Public de sa demande de paiement d’indemnité d’occupation pour la période du 5 juillet 2018 au 6 octobre 2018 inclus,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public de sa demande d’astreinte,

– lui accorder un délai de 36 mois pour quitter les lieux sur le fondement des articles L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d’exécution,

En tout état de cause, sur les demandes de paiement :

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public de sa demande de paiement de 331,72 euros au titre du [Adresse 3], irrecevable et mal fondée,

– fixer à la somme de 77,70 euros par mois le montant dû pour l’occupation du [Adresse 2] au titre du loyer et subsidiairement au titre de l’indemnité d’occupation s’il était jugé sans droit ni titre,

– en conséquence, limiter sa condamnation au titre de sa dette locative, à la somme de 2 797,20 euros, loyer du mois de décembre 2021 inclus ou subsidiairement une indemnité d’occupation de décembre 2021 incluse s’il était qualifié d’occupant sans droit ni titre,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public du surplus de ses demandes,

– lui octroyer 3 ans de délais de paiement pour s’acquitter de sa dette locative en application des articles 1343-5 du code civil et 24 de la loi du 6 juillet 1989,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public de l’ensemble de ses demandes,

– condamner l’OPH Colombes Habitat Public à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel,

A titre infiniment subsidiaire :

– réformer le jugement en ce que son occupation sans droit ni titre a été constatée depuis le 4 juillet 2018,

– réformer le jugement en ce que son expulsion et celle de tous occupants de son chef a été ordonnée et en ce que le transport et la séquestration des meubles et objets garnissant le logement a été autorisé,

– juger qu’il est titulaire d’un bail d’habitation toujours en cours depuis le 25 juillet 2017, et n’est pas occupant sans droit ni titre et en conséquence,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public de sa demande d’expulsion, pour absence de fondement,

Subsidiairement, si la Cour retient l’existence d’un logement de fonction :

– réformer le jugement en ce qu’il a été débouté de sa demande de sursis à statuer,

– ordonner le sursis à statuer jusqu’à l’obtention d’une décision judiciaire définitive relative à la contestation de la rupture de son contrat de travail et à la demande de réintégration,

Plus subsidiairement, si le sursis à statuer n’est pas ordonné :

– réformer le jugement en ce que son occupation sans droit ni titre a été constatée à compter du 4 juillet 2018,

– statuant à nouveau, fixer la date d’occupation sans droit ni titre au 6 octobre 2018 et débouter l’OPH Colombes Habitat Public de sa demande de paiement d’indemnité d’occupation pour la période du 5 juillet 2018 au 6 octobre 2018 inclus,

– réformer le jugement en ce que des délais pour quitter les lieux ont été refusés,

– lui octroyer les plus larges délais (36 mois) pour quitter les lieux,

En tout état de cause, sur la demande de paiement :

– réformer le jugement en ce qu’il a été condamné à payer à l’OPH Colombes Habitat Public la somme de 23 582,08 euros au titre des indemnités d’occupation dues au mois de mars 2021 inclus et une indemnité d’occupation mensuelle de 778,61 euros jusqu’à libération des lieux,

Statuant à nouveau :

– fixer à la somme de 77,70 euros par mois le montant dû pour l’occupation du [Adresse 2] au titre du loyer et subsidiairement au titre de l’indemnité d’occupation s’il était jugé sans droit ni titre,

– en conséquence, limiter sa condamnation au titre de sa dette locative, à la somme de 2 797,20 euros, loyer du mois de décembre 2021 inclus ou subsidiairement indemnité d’occupation de décembre 2021 incluse s’il était qualifié d’occupant sans droit ni titre,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public du surplus de ses demandes.

– réformer le jugement en ce qu’il a été débouté de sa demande de délais de paiement,

– lui accorder 3 ans de délais de paiement pour s’acquitter de sa dette locative en application des articles 1343-5 du code civil et 24 de la loi du 6 juillet 1989,

– réformer le jugement en ce que l’exécution provisoire a été mentionnée comme étant de droit,

– réformer le jugement en ce qu’il a été condamné à payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à supporter les entiers dépens,

– condamner l’OPH Colombes Habitat Public à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel,

Sur l’appel incident de l’OPH Colombes Habitat Public :

– confirmer le jugement en ce que l’OPH Colombes Habitat Public a été débouté de sa demande de paiement de 331,72 euros pour laquelle il disposait déjà d’un titre exécutoire,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public de son appel incident, lequel revêt un caractère abusif, la dette étant soldée depuis le 2 février 2021,

– débouter l’OPH Colombes Habitat Public de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 7 septembre 2022, l’OPH Colombes Habitat Public demande à la cour de :

A titre liminaire :

– juger irrecevable la demande de M. [Y] relative à la prétendue incompétence du tribunal de proximité de Colombes du 9 juillet 2021, et à titre subsidiaire la juger infondée,

– débouter M. [Y] de sa demande d’annulation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Colombes du 9 juillet 2021,

– débouter M. [Y] de sa demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision judiciaire définitive tranchant la contestation relative à la rupture du contrat de travail,

-A titre principal :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Colombes le 9 juillet 2021 en ce qu’il :

– a débouté M. [Y] de sa demande de sursis à statuer,

– a constaté l’occupation sans droit ni titre de M. [Y] depuis le 4 juillet 2018,

– a ordonné l’expulsion de M. [Y] ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique, sans astreinte, dans un délai de deux mois après un commandement de quitter les lieux,

– a autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant le logement aux conditions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,

– a condamné M. [Y] à lui payer des indemnités mensuelles d’occupation dues au mois de mars 2021 inclus de 23 582,08 euros et une indemnité mensuelle d’occupation de 778,61 euros jusqu’à la libération des lieux,

– en conséquence, débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de condamnation à l’encontre de M. [Y] au paiement de la somme de 331, 72 euros au titre de son précédent logement sis [Adresse 3],

Statuant à nouveau,

– juger que la dette locative de M. [Y] au titre de son ancien logement sis [Adresse 3] a été soldée en cours d’instance,

– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [Y] à lui verser un montant de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] aux entiers dépens, dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction sera prononcée le 20 septembre 2022.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du jugement déféré

M. [Y] soutient qu’au jour des plaidoiries devant le premier juge, le juge des contentieux de la protection était la seule juridiction saisie des demandes et moyens des parties.

Il soutient que les convocations par cette juridiction ont cependant toujours été envoyées sous l’entête du tribunal de proximité de Colombes.

Il fait valoir que le Tribunal de Proximité de Colombes est en outre celui qui a rendu le jugement du 9 juillet 2021 déféré à la Cour.

Il déduit de ces faits que la juridiction qui a rendu le jugement n’était ainsi pas celle initialement saisie des demandes de la société OPH Colombes Habitat Public et conclu à la nullité du jugement intervenu.

La Société Colombes Habitat Public s’oppose à la demande de nullité du jugement au regard de l’historique de la saisine de la juridiction de première instance et de la mise en application d’une réforme de l’organisation judiciaire intervenue en cours de procédure et conclut à son rejet.

Sur ce,

Un jugement rendu par une juridiction non saisie doit être déclaré nul et non avenu et ne peut avoir le moindre effet.

En l’espèce, il est relevé des pièces produites que la société OPH Colombes Habitat Public a assigné le 5 septembre 2019 M. [Y] devant le tribunal d’instance de Colombes.

Il est ensuite établi qu’à compter du 1er janvier 2020, les tribunaux de grande instance et d’instance ont été supprimés pour laisser place au tribunal judiciaire.

Des décrets d’août 2019 ont prévu que ces procédures soient transférées en l’état au juge, à la juridiction ou à la chambre de proximité nouvellement compétente.

A compter du 1er janvier 2020 et en application des nouvelles dispositions de l’article L. 213-4-3 du Code de l’organisation judiciaire, c’est le juge des contentieux de la protection exerçant dans le ressort du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble occupé qui connaît désormais des actions tendant à l’expulsion des personnes installées illégalement aux fins d’habitation dans des immeubles bâtis.

L’article R. 213-9-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose que le juge du contentieux de la protection exerce ses compétences dans le ressort des tribunaux judiciaires ou, le cas échéant des chambres de proximité dont ils relèvent.

Il est établi que suite à plusieurs renvois d’audiences au regard de l’entrée en vigueur de la réforme de l’organisation judiciaire précitée, le présent litige a été transférée par le Greffe au  tribunal de proximité de Colombes.

Le greffe du tribunal de proximité de Colombes a ensuite adressé aux parties une convocation en date du 22 novembre 2019 pour une audience de plaidoiries fixée au 17 avril 2020.

Il se déduit de ce qui précède et de la réforme de l’organisation judiciaire applicable à compter du 1er janvier 2020, que M. [Y] n’est pas fondé à soutenir comme il le prétend que la juridiction ayant rendu le jugement dont appel n’était pas celle qui avait été initialement saisie des demandes de la société Colombes Habitat Public.

M. [Y] sera en conséquence débouté de sa demande de nullité du jugement du 9 juillet 2021 rendu par le tribunal de proximité de Colombes.

Sur l’exception d’incompétence du tribunal de proximité de Colombes

Sur ce,

L’article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions de procédure doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond.

Il se déduit de ce texte que la fin de non recevoir tirée de l’incompétence d’une juridiction de premier degré au stade de l’appel est uniquement possible lorsque le défendeur n’a pas comparu en première instance.

Une exception d’incompétence ne peut en effet être soulevée pour la première fois en appel, dès lors qu’il a déjà été conclu au fond en première instance.

Ainsi, un défendeur représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de la procédure, l’incompétence de la juridiction saisie et qui ne l’a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d’appel.

La société OPH Colombes Habitat Public a assigné le 5 septembre 2019 M. [Y] devant le président du tribunal d’instance de Colombes.

Il est relevé qu’après plusieurs renvois d’audiences et ensuite de l’entrée en vigueur de la réforme de l’organisation judiciaire, le présent litige a été transféré par le greffe au tribunal de proximité de Colombes.

Il est encore relevé que le greffe du tribunal de proximité de Colombes a ensuite adressé aux parties une convocation en date du 22 novembre 2019 pour une audience du 17 avril 2020.

Il est établi par les pièces de la procédure versées aux débats que M. [Y] a communiqué devant le premier juge des conclusions en date du 30 septembre 2020, aux termes desquelles aucune exception d’incompétence n’était soulevée. Le premier juge, aux termes du jugement rendu, n’a dès lors pas eu à statuer sur une exception d’incompétence qui aurait pu être soulevée oralement devant lui avant toute défense au fond.

Il est relevé que le premier juge a seulement eu à se prononcer sur une demande de sursis à statuer formulée devant lui par M. [Y], qu’il a ensuite rejetée.

Il se déduit de ce qui précède que M. [Y] n’a dès lors pas soulevé d’exception d’incompétence avant toute défense au fond, dans le cadre de la procédure de première instance.

Ainsi, M. [Y] représenté en première instance, qui aurait pu invoquer à ce stade de la procédure, l’incompétence de la juridiction saisie et qui ne l’a manifestement pas fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d’appel.

L’exception d’incompétence soulevée par M. [Y] pour la première fois devant la Cour de sera ainsi déclarée irrecevable.

Sur la demande de sursis à statuer

En cause d’appel, M. [Y] sollicite un sursis à statuer dans l’attente de l’obtention d’une décision définitive portant sur sa contestation de la rupture de son contrat de travail et sa demande de réintégration au sein de la société OPH Colombes Habitat Public, son employeur en tant que gardien d’immeuble.

La société OPH Colombes Habitat Public s’oppose à cette demande de sursis à statuer et demande à la Cour de constater que dans le cadre de sa requête en saisine du conseil de prud’hommes, M. [Y] n’a sollicité à aucun moment la nullité de son licenciement qui subordonne la recevabilité de sa demande de réintégration . Elle conclut au rejet de la demande de sursis à statuer qui n’apparaît pas justifiée.

Sur ce,

Il est relevé des pièces de la procédure prud’homale versées aux débats et qui ne sont pas contestées par les parties, que M. [Y] conteste uniquement le bien-fondé de son licenciement pour insuffisance professionnelle et considère que ” la lettre de licenciement est dépourvue de détails concernant les nombres manquements allégués ou l’état des sites ” pour lequel il demande à voir ” dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse “.

Il est ainsi établi que M. [Y] ne sollicite pas la nullité de son licenciement, qui seule ouvre au salarié un droit à réintégration dans l’entreprise.

Aux termes des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail, si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge ne peut dans ce cas que proposer le cas échéant la réintégration du salarié, laquelle ne peut toutefois être imposée à l’employeur.

C’est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu que la réintégration de M. [Y] ne pouvant être imposée à l’employeur, il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer.

La demande de sursis à statuer de M. [Y] sera dès lors rejetée et le jugement confirmé.

Sur la demande d’expulsion du logement de fonction occupé par M. [Y]

M. [Y] appelant, demande à la cour de retenir que l’expulsion du logement de fonction situé au [Adresse 2] à [Localité 4] serait de nature à le mettre en péril et de rejeter la demande de son expulsion du logement.

La société Oph Colombes Habitat Public s’oppose à cette demande au motif qu’il serait occupant sans droit ni titre depuis son licenciement.

Sur ce,

Il est rappelé que toute occupation d’un logement sans droit ni titre peut aboutir à une expulsion de ses occupants y compris à l’occasion d’une absence de restitution d’un logement de fonction.

Le maintien de l’occupant dans le logement au-delà de la fin d’un contrat de travail ne peut modifier le caractère ‘d’accessoire à ce contrat’ qui a été attribué au logement par la commune intention des parties, cette situation n’étant en soi pas créatrice d’un droit au maintien dans les lieux.

Il est établi que le droit d’occuper le logement situé au [Adresse 2] à [Localité 4] par M. [Y] découlait de son contrat de travail.

Ainsi, M. [Y] salarié de la société OPH Colombe Habitat Public avait l’obligation de restituer le logement de fonction mis à sa disposition, lors de la rupture de son contrat de travail.

L’occupation d’un logement à titre d’accessoire à un contrat de travail n’est pas régie par la législation sur les baux d’habitation. M. [Y] n’est dès lors pas fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives aux baux d’habitation et du bénéfice de ses dispositions qui prévoient le droit au maintien dans les lieux ou qui limitent les cas de rupture du bail avant terme.

Il est en outre rappelé que le logement de fonction est l’accessoire du contrat de travail, lequel constitue le support juridique de l’occupation du logement.

Il en résulte qu’une fois le contrat de travail rompu, l’occupation doit cesser.

Il figure mentionné dans l’avenant au contrat de travail de M. [Y] :

” Dans le cadre de vos fonctions de Gardien d’immeuble, il vous est attribué le logement de fonction N°15, de type F3 au [Adresse 2] à [Localité 4], concédé à titre gratuit par nécessité absolue de service à compter du 25 juillet 2017.

En l’état actuel de la réglementation, cette concession comporte la gratuité de la prestation du logement ainsi que la fourniture de l’eau, du chauffage, de l’électricité et du gaz.

La contrepartie de cette gratuité donne lieu à cotisations et sera soumise à impôt au titre d’avantages en nature évalués selon la réglementation en vigueur.

Nous vous rappelons que vous êtes assujetti comme tout locataire, au règlement intérieur et à la réglementation en vigueur. Par conséquent, vous avez l’obligation de le respecter.

Vous devez souscrire obligatoirement, et à vos frais, une police d’assurance habitation couvrant au moins les risques incendie, dégâts des eaux et la responsabilité civile.

En outre, s’agissant d’un logement de fonction, son occupation est liée à votre contrat de travail, mais aussi au site dont vous avez la charge. Ainsi, en cas de mutation ou en cas de rupture, quelle qu’en soit la cause, ce logement devra être libéré. Le délai de préavis étant fixé par rapport au motif de rupture.

Ce courrier valant avenant à votre contrat de travail, celui-ci est établi en deux exemplaires dont l’un devra nous être retourné, complété de la mention ” Lu et approuvé ” et de votre signature. “.

Le logement attribué faisait également l’objet d’une mention sur les bulletins de paie de M. [Y] en tant qu’avantage en nature.

Il résulte d’un procès-verbal de constat du 4 juillet 2018, d’un courrier de la société OPH Colombes Habitat Public du 8 octobre 2018 et d’une lettre en réponse de M. [Y] du 29 octobre 2018, que ce dernier occupait toujours le logement à l’issue d’un préavis lui ayant été donné par son employeur.

La simple tolérance laissée ensuite au salarié de demeurer dans les lieux après la cessation de son contrat de travail, intervenue le 4 juillet 2018, ne peut modifier le caractère d’accessoire au contrat de travail qui a été attribué au logement par la commune intention des parties, peu important que la société intimée ait ainsi toléré la présence de l’intéressé dans le logement de fonction avant de demander son expulsion, dès lors qu’elle pouvait mettre fin à tout moment à une simple tolérance.

Il est relevé que M. [Y] a ensuite refusé une proposition de relogement faite par la société Colombes Habitat au [Adresse 5] à [Localité 4], de type T4 de 72 m², avec un maximum du loyer et charges de 651,47 euros, ascenseur et logement en étage conforme à ses v’ux.

Il convient dès lors d’ordonner l’expulsion de M. [Y] qui ne justifie d’aucun motif légitime ni de droit à son maintien dans le logement situé [Adresse 2] à [Localité 4] à la suite de la rupture de son contrat de travail. En effet, M. [Y] qui occupe un logement de fonction constituant un avantage en nature accessoire à son contrat de travail qui a été rompu, ne dispose d’aucun droit au maintien dans ce logement qu’il est dès lors tenu de libérer.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a ordonné l’expulsion de M. [Y] ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique.

Sur le versement d’une indemnité d’occupation par M. [Y] au titre du logement occupé [Adresse 2] à [Localité 4].

La société Colombes Habitat sollicite au titre de l’année 2018, la condamnation de M. [Y] à lui verser une indemnité d’occupation d’un montant de 25.209,91 euros, correspondant au montant des loyers impayés à compter du 4 juillet 2018, établis sur la base de logements équivalents loués dans un secteur identique avec des caractéristiques identiques, et à la date de la fin de son préavis à l’issue duquel il s’est maintenu dans les locaux, jusqu’au mois de mars 2021, ainsi qu’une indemnité mensuelle d’occupation de 778,61 euros jusqu’à sa libération des lieux.

M. [Y], occupant sans droit ni titre du logement sis [Adresse 2] à [Localité 4] n’ a versé aucune indemnité d’occupation depuis la fin du préavis donné par la société Colombes Habitat.

Sur ce,

Une indemnité d’occupation est due par le salarié à son employeur, lorsqu’il ne quitte pas son logement de fonction après la rupture du contrat de travail.

Il ressort des pièces produites que le prix au mètre carré du logement demandé pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle due par M. [Y] correspond à celui de la convention établie le 27 juin 1995 à la construction du logement, et qui est actualisé tous les ans en fonction de la variation de l’Indice de référence des loyers.

En application de l’article L. 353-2 du Code de la construction et de l’habitation, une telle convention à l’aide personnalisée au logement est signée entre le bailleur social et l’Etat, déterminant le loyer maximal au m2.

Chaque année, le montant revalorisé des loyers fixés pour chaque logement est homologué par la préfecture, qui s’assure de leur conformité réglementaire.

Il est établi au vu des pièces produites et notamment d’une délibération de revalorisation des loyers du patrimoine de Colombes Habitat Public au 1er janvier 2021, que le logement de fonction de M. [Y] de type A3, avec une surface de 118 m2, faisait ressortir au titre de logements comparables dans le secteur un prix de 55.53 euros annuels par mètre carré en 2018, 56.22 euros annuels par mètre carré en 2019, 57.07 euros annuels par mètre carré en 2020, 57.07 euros par mètre carré en 2021, hors charges.

Les provisions pour charges s’élèvent à un montant mensuel de 217,42 euros, décomposé comme suit : 55 euros à titre de provision de charges générales, 12,42 euros à titre de provision de taxe d’ordures ménagères, 60,24 euros à titre de provision chauffage, 40.50 euros à titre de provision eau froide, 45 euros à titre de provision eau chaude, 2,50 euros à titre de provision entretien robinetterie, 1,76 euros à titre d’entretien TV câble. Soit un montant total de loyer, charges incluses, de 763,47 euros au titre de l’année 2018, de 770,25 euros au titre de l’année 2019 et de 778,61 euros au titre des années 2020 et 2021.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité sur ce point en ce qu’il a condamné M. [Y] à verser à la société OPH Colombes Habitat Public la somme de 23.582,08 euros à titre de remboursement de la dette locative et une indemnité mensuelle d’occupation de 778,61 euros jusqu’à la libération des lieux.

Sur la dette locative afférent à un précédent logement auprès de la société Colombes Habitat Public

La société OPH Colombes Habitat Public soutient que le relevé de compte de M. [Y] pour la période du 13 septembre 2016 au 20 mai 2019, avant la signature de son contrat de travail en qualité de gardien d’immeuble, et pour un logement qu’il occupait [Adresse 3] mentionnerait une dette locative de 331,72 euros.

Elle précise toutefois que cette dette locative de M. [Y] au titre de cet ancien logement, a été soldée en cours d’instance et demande en conséquence à la Cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de Proximité sur ce point en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [Y] à lui verser la somme de 331,73 euros au titre de la dette locative afférent à son précédent logement et de constater que cette dette locative a été régularisée en cours d’instance.

Sur ce,

Il est établi que M. [Y] qui s’est acquitté spontanément en cours de procédure du paiement de la somme de 331, 72 euros auprès de son ancien bailleur correspondant à une dette locative lui étant réclamée par ce dernier pour un logement qu’il occupait [Adresse 3] à [Localité 4], n’en conteste pas ni l’exigibilité, ni le montant.

Il y a dès lors lieu d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de Proximité sur ce point en ce qu’il a débouté la la société OPH Colombes Habitat Public de sa demande de condamnation de M. [Y] à lui verser la somme de 331,73 euros au titre de la dette locative afférente à son précédent logement et de constater que la dette locative ayant été régularisée en cours d’instance, la demande en paiement de la somme de 331, 72 euros est devenue sans objet.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

M. [Y] qui succombe à l’instance sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de le condamner à payer à la société OPH Colombes Habitat Public la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, par mise à disposition au greffe,

Déboute M. [P] [Y] de sa demande de nullité du jugement du 9 juillet 2021 rendu par le tribunal de proximité de Colombes,

Déclare irrecevable l’exception d’incompétence soulevée en cause d’appel par M. [P] [Y],

Infirme partiellement le jugement du 9 juillet 2021 rendu par le tribunal de proximité de Colombes et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

Constate que la dette locative d’un montant 331,73 euros a été soldée volontairement par M. [P] [Y] en cours de procédure et que la demande de condamnation au paiement de cette somme est dès lors devenue sans objet,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant : 

Condamne M. [P] [Y] à payer à la société OPH Colombes Habitat Public la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [P] [Y] de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne M. [P] [Y] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions concernant l’aide juridictionnelle et aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par la société OPH Colombes Habitat Public représentée par Maître Mélina Pedroletti, avocat en ayant fait la demande.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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