Bail d’habitation : 27 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04790

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Bail d’habitation : 27 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04790
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/04790 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVIU

AFFAIRE :

Mme [O], [C], [B] [W]

C/

Mme [J] [E] [X] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2021 par le Tribunal de proximité de PUTEAUX

N° RG : 11-20-293

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 27/09/22

à :

Me François AJE

Me Anne-sophie REVERS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [O], [C], [B] [W]

née le 08 Janvier 1976 à [Localité 10] (45)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentant : Maître François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413 –

Représentant : Maître Joseph PANGALLO de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0281

Madame [K], [I], [M] [F] épouse [W]

née le 12 Septembre 1985 à [Localité 6] (77)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentant : Maître François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413 –

Représentant : Maître Joseph PANGALLO de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0281

APPELANTES

****************

Madame [J] [E] [X] [H]

née le 10 Septembre 1993 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Maître Anne-sophie REVERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES –

Représentant : Maître Stéphane ARAUJO PEREIRA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [S] [N]

né le 07 Juillet 1993 à [Localité 7] (972)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Maître Anne-sophie REVERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES –

Représentant : Maître Stéphane ARAUJO PEREIRA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Juin 2022, Madame Gwenael COUGARD, Conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 31 mars 2018, à effet du même jour, Mme [K] [W] née [F] et Mme [O] [W] ont consenti à Mme [J] [H] et M. [S] [N] un bail d’habitation à titre de résidence principale portant sur un appartement situé [Adresse 1], moyennant le paiement d’un loyer mensuel d’un montant de 1 111 euros, outre une provision sur charges de 39 euros et le versement d’un dépôt de garantie de 1 111 euros.

Par acte d’huissier délivré le 21 janvier 2020, un commandement de payer a été délivré à M. [N] et Mme [H] aux fins de paiement de la somme de 1 426,62 euros, au titre des loyers et charges arrêtés au 16 janvier 2020.

Les locataires ont quitté les lieux le 21 juin 2020, date à laquelle un état des lieux de sortie a été établi.

Par acte d’huissier de justice délivré le 9 juin 2020, Mmes [W] ont assigné M. [N] et Mme [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 7 005,14 euros au titre du solde locatif, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’acte d’assignation,

– leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices financiers et moraux résultant de leurs agissements fautifs,

– leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Par jugement contradictoire du 10 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :

– débouté Mmes [W] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamné in solidum Mmes [W] à payer à M. [N] et Mme [H] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [N] et Mme [H] du surplus de leurs demandes ou contraires,

– condamné in solidum Mmes [W] aux entiers dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision était de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 23 juillet 2021, Mmes [W] ont relevé appel de ce jugement. Aux termes de leurs conclusions signifiées le 8 mars 2022, elles demandent à la cour de :

– infirmer le jugement contradictoire et en 1er ressort, rendu le 10 juin 2021, par le tribunal judiciaire de proximité de Puteaux, sous le n° RG 11-20-000293 en ce qu’il :

– les a déboutées de leur demande visant à voir condamner solidairement les consorts [N]-[H], à leur payer la somme de 7 031,13 euros au titre des loyers et charges locatives dus au 20 juin 2020, avec intérêts légaux à compter de la délivrance de l’assignation en date du 8 juin 2020,

– les a déboutées de leur demande visant à voir condamner in solidum les consorts [N]-[H] à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices financiers et moraux résultant de leurs agissements fautifs,

– les a déboutées de leur demande visant à voir condamner in solidum les consorts [N]-[H] à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, comprenant le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 21 janvier 2020,

– les a condamnées à payer aux consorts [N]-[H] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– condamner solidairement les consorts [N]-[H] à leur payer la somme de 7 031,13 euros au titre des loyers et charges locatives dus au 20 juin 2020, avec intérêts légaux à compter de la délivrance de l’assignation en date du 8 juin 2020,

– condamner in solidum les consorts [N]-[H] à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices financiers et moraux résultant de leurs agissements fautifs,

– rejeter toute demande formulée au titre des pénalités de retard visées par l’article 22 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et ordonner la compensation judiciaire de la somme de 1 111 euros représentant le montant du dépôt de garantie, avec les condamnations qui seront prononcées à l’encontre des consorts [N]-[H],

– débouter les consorts [N]-[H] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner in solidum les consorts [N]-[H] à leur payer la somme de 8 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens au titre de la 1ère instance et de l’instance d’appel, comprenant le coût du commandement de payer délivré le 21 janvier 2020.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 9 décembre 2021, les consorts [N]-[H] demandent à la cour de :

– à titre principal :

– confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux et de la protection de Puteaux du 10 juin 2021 en ce qu’il a débouté Mmes [W] de toutes leurs demandes,

– débouter en conséquence Mmes [W] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– à titre subsidiaire :

– constater l’existence de troubles de jouissance dans les espaces privatifs,

– constater l’existence de troubles de jouissance dans les espaces communs,

– prononcer en conséquence une réduction de 90 % du montant des loyers, soit de 6 304,63 euros,

– à titre additionnel :

– condamner in solidum Mmes [W] à rembourser à Mme [H] le dépôt de garantie augmenté des pénalités de retard équivalent à 16 mois de retard et s’élevant au total à la somme de 2 887 euros, à actualiser au jour du rendu de la décision,

– prononcer une astreinte d’un montant de 100 euros par jour de retard à l’encontre de Mmes [W] à compter de la signification de la décision à intervenir,

– en toute hypothèse :

– condamner in solidum Mmes [W] à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum Mmes [W] aux frais irrépétibles,

– condamner in solidum Mmes [W] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 mai 2022.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

‘ sur la demande de condamnation au paiement des loyers :

Mmes [W] font valoir qu’il était prévu, avant la conclusion du bail, qu’une surélévation de l’immeuble intervienne à l’initiative d’un copropriétaire, M. [D], à une date non déterminée, pour être porté à la hauteur de l’immeuble voisin, et que les locataires en ont été informés préalablement à la signature du bail. Elles affirment que les locataires avaient connaissance que M. [D] s’était engagé à régler les loyers à leur place tant que les travaux projetés causaient des troubles de jouissance, et que pendant la période où ce voisin réglerait les loyers, les locataires seraient eux-mêmes consécutivement exonérés de leur obligation de paiement. Elles leur font grief de n’avoir pas repris le paiement des loyers et charges à compter du 1er janvier 2020, alors même qu’aucun trouble de jouissance ne subsiste. Elles font grief au premier juge d’avoir estimé que la mention du bail interdirait tout recours en paiement contre les locataires et que ceux-ci seraient exonérés d’avoir à rapporter la preuve d’avoir subi l’existence de troubles de jouissance dans l’occupation de l’appartement. Elles réfutent cette analyse, affirmant au contraire que l’obligation de M. [D] est conditionnée à l’existence d’un trouble de jouissance, et l’exonération de paiement du loyer est la conséquence des paiements effectués par ce même M. [D]. Elles affirment n’avoir aucunement abandonné tout recours contre leur locataire si M. [D] venait à cesser de payer les loyers en leur lieu et place, ni déroger à l’article 1725 du code civil, pour endosser la responsabilité de travaux effectués par un tiers auxquels elles sont totalement étrangères, faisant observer que raisonner autrement aboutirait à une situation d’enrichissement sans cause.

Elles affirment ensuite que, si l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 oblige le bailleur à assurer la jouissance paisible à son locataire, le bailleur n’a pas à assurer sa garantie en cas de trouble de fait provenant d’un tiers, le preneur devant alors agir en son nom personnel contre ledit tiers. Elles ajoutent que pour le cas où le contrat dérogerait à ce texte, une telle dérogation devrait être non équivoque. Elles contestent toute idée de novation, l’opération de substitution d’un débiteur par un autre supposant une manifestation explicite des parties et sans équivoque.

Elles prétendent également que, dans le cas où l’absence d’application de l’article 1725 du code civil serait retenue, la justification d’une exonération partielle ou totale des loyers ne pourrait se concevoir qu’en raison de l’existence d’un préjudice, qu’il appartiendrait donc aux locataires de démontrer l’existence d’un trouble de jouissance à compter du 1er janvier 2020 et d’établir que les troubles n’auraient pas été indemnisés dans leur étendue par l’octroi de la somme de 4 756,24 euros et justifiaient au surplus un non-paiement des loyers et des charges, ce qu’ils ne font pas ; que la demande tendant à l’exonération des loyers n’est pas justifiée.

En réponse, les consorts [N] [H] répliquent que le bail a prévu une clause claire et précise, qu’elle doit être appliquée, qu’elle prévoit que M. [D] prendra en charge le paiement intégral du loyer et charges pendant toute la durée des travaux et que les locataires sont exonérés du paiement de ces sommes pendant la durée des travaux, peu important qu’il arrête le paiement. Ils exposent que l’article 1725 n’est pas d’ordre public, de sorte qu’il peut y être dérogé comme il a été prévu dans cette clause. Ils soulignent que cette franchise de loyers a été librement consentie par les bailleresses, même si M. [D] cesse de payer lesdits loyers.

Ils relèvent que l’argumentation tenue en première instance par les bailleresses, selon laquelle M. [D] était un tiers au contrat et qu’il appartenait aux locataires d’agir contre lui a été abandonnée. Ils mentionnent que le jugement ne dit pas que la mention au bail interdirait tout recours en paiement à l’encontre des locataires, que la clause prévoit que les bailleresses les exonèrent de toute action relative à l’action de la clause à l’encontre du tiers et leur garantissent une exonération des loyers durant l’exécution des travaux.

Ils font observer que désormais les appelantes prétendent que la clause litigieuse prévoit un mécanisme de délégation, que M. [D] est étranger au bail alors qu’une telle clause suppose un accord tripartite. Ils relèvent que l’acceptation par les bailleresses d’un paiement des loyers par M. [D] en lieu et place est établie et que s’il était estimé par la cour qu’il s’agit d’un cas de délégation, il conviendrait de retenir qu’il s’agit bien d’une situation de délégation parfaite ou novatoire ; ajoutant qu’en cas de délégation simple, il existe un principe de subsidiarité au bénéfice du délégant, ils mentionnent que les bailleresses ne justifient pas avoir actionné d’abord le délégué avant de réclamer le paiement au délégant.

Ils affirment que seule une déclaration d’achèvement des travaux est de nature à faire foi de la fin effective de la réalisation des travaux, preuve qui n’est pas rapportée à la date de sortie des locataires intervenue en juin 2020. Ils affirment que les travaux de gros oeuvre ne sont pas terminés, le fait que les murs soient bâtis étant insuffisants à dire l’achèvement des travaux. Ils observent que la durée de 2 à 3 mois de travaux n’était pas réaliste, qu’il s’agit d’une simple estimation, que de surcroît la clause ne prévoyait la création que d’un étage, alors que la réalité a consisté à une surélévation de deux étages, ce dont ils n’étaient pas informés. Ils constatent que M. [D] a tout intérêt à l’interprétation de la clause telle que faite par les bailleresses.

Sur ce,

Il est inséré au contrat de bail signé entre Mmes [W] d’une part, M. [N] et Mme [H] d’autre part, la clause suivante : ‘M. [G] [D], propriétaire des combles dans la résidence, a pour projet de surélever d’un étage le bâtiment afin d’y créer quatre logements et a obtenu un permis de construire auprès de la Mairie de [Localité 9] à cette fin. En raison des nuisances à venir pour les locataires en raison de ces travaux, il a été convenu entre M. [D] et les propriétaires qu’il prendrait en charge le paiement intégral du loyer et des charges pendant toute la durée des travaux (estimée entre 2 et 3 mois, au prorata). Il en résultera ainsi pour les locataires d’une exonération du paiement des loyers pendant la durée des travaux. Aucune date de début desdits travaux n’est encore connue.’

L’article 1725 du code civil, en dérogation duquel cette clause a été insérée au bail, énonce que ‘le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.’

Il n’est pas discuté que cette disposition n’est pas d’ordre public de sorte que les parties peuvent convenir de modalités différentes à la situation définie par ce texte.

Cette clause est strictement insérée au contrat de bail. Il ne s’agit pas d’une délégation, en l’absence d’un accord pris entre le tiers, M. [D], et les locataires, ces derniers ayant simplement accepté le principe de la prise en charge de plusieurs loyers par M. [D], conformément à l’accord pris entre celui-ci et Mmes [W]. Les conditions de la délégation, peu importe qu’elle soit parfaite ou imparfaite, telle que prévue aux articles 1336 et suivants du code civil, ne sont pas réunies.

Il ne peut se déduire de cette clause que l’exonération de paiement des loyers portait sur la totalité des travaux, mais seulement sur les travaux, notamment de surélévation, qui provoqueraient des nuisances. D’ailleurs la stricte mention de la durée estimée de 2 à 3 mois excluait sans aucun doute que les travaux dont il s’agissait portait sur l’intégralité du chantier. Le fait qu’à la date du 27 février 2020, selon le constat d’huissier de justice versé aux débats, l’échafaudage soit toujours installé, n’est en aucun cas un élément susceptible de confirmer la thèse soutenue par les locataires, cet échafaudage étant la conséquence des travaux de mise en peinture et autres travaux sur la façade restant nécessaires, sans pour autant qu’il s’agisse de la poursuite du chantier de surélévation.

Il convient d’observer par ailleurs que cette clause, qui organise une période d’exonération de paiement des loyers au profit des locataires, compte tenu de l’engagement pris par l’autre propriétaire de l’immeuble vis-à-vis de Mmes [W] d’assurer le paiement des loyers en lieu et place des locataires, pour cette durée strictement définie, n’exclut pas la possibilité pour les locataires d’agir contre le tiers à l’origine des travaux sur le fondement de l’article 1725 du code civil. Cependant, ce n’est pas ainsi qu’ils ont entendu diriger leur action, se contentant d’interpréter largement la clause contractuelle à leur avantage.

Or, il est suffisamment établi que la surélévation de l’immeuble a été achevée avant la fin de l’année 2019, justifiant que M. [D] cesse de payer les loyers à compter de fin décembre 2019, compte tenu de l’accord pris entre lui-même et les bailleresses.

Cette clause a été prévue au bail dans le but d’informer les locataires que les loyers dus pour la période de travaux d’importance, de gros oeuvre en particulier, liés au projet de surélever l’immeuble, seraient pris en charge par le tiers à l’initiative de ce projet, sans pour autant exonérer lesdits locataires des autres loyers.

De plus, et surtout, M. [N] et Mme [H], qui se plaignent de la poursuite des travaux après cette date, et motivent par la continuation du chantier au-delà de la fin 2019 leur refus de reprendre le paiement des loyers, n’établissent pas en quoi ce chantier a provoqué des nuisances à la jouissance paisible du bien loué. L’aménagement intérieur des quatre appartements créés aux étages au-dessus de celui qu’ils occupaient a pu générer du bruit, sans pour autant qu’ils ne démontrent le trouble créé par cette situation, les nuisances ne pouvant s’entendre par l’exécution de tout chantier, seuls les travaux de gros oeuvre étant susceptibles d’être considérés comme des nuisances. Or, ils ne versent aucune pièce au soutien de leurs allégations, le constat qu’ils produisent devant la cour rédigé le 27 février 2020, s’il établit en effet la poursuite du chantier, ne démontre pas l’existence de nuisances causées aux locataires, sauf à dire que tout chantier constitue des nuisances. Il est en particulier décrit au constat que ‘les étages supérieurs ne sont ni hors d’eau ni hors d’air, les fenêtres sur rue ne sont pas posées. Un échafaudage couvre toute la façade.’ Or, aucun élément complémentaire ne permet d’établir que cette situation a causé des troubles de chauffage de bâtiment, contraignant par exemple les locataires à chauffer de façon plus importante leur appartement pour obtenir une température de confort pendant les mois d’hiver, ni que la présence de l’échafaudage a occasionné un trouble particulier, la seule diminution de l’ensoleillement alléguée n’étant pas plus établie, ni qu’elle serait à l’origine de nuisances, qui ne peuvent consister en une simple gêne.

Il est à observer de plus que les locataires ont envisagé un temps avec M. [D] directement que celui-ci les reloge le temps des travaux, sans toutefois que ce projet ne se concrétise. Ils n’établissent pas que le logement proposé par M. [D] ne leur convenait pas ou n’était pas adapté à leur situation, se contentant de l’alléguer, et ne démontrent ainsi pas la réalité du trouble qu’ils ont subi. S’il est évident que l’existence d’un chantier peut provoquer un trouble, toutes les nuisances d’un chantier ne peuvent justifier l’exonération des locataires de leur obligation de payer le loyer, dont il convient de rappeler qu’elle est l’une des obligations essentielles nées du bail.

En conséquence, Mmes [W] sont fondées à réclamer le paiement des loyers à M. [N] et Mme [H] en exécution du bail, sans préjudice du droits de ces derniers à agir en leur nom personnel contre le tiers, M. [D], en réparation du préjudice qu’ils disent avoir subi.

Le jugement est en conséquence infirmé et M. [N] et Mme [H] solidairement condamnés à payer à Mmes [W] la somme de 7 031,13 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2020, date de l’assignation.

‘ sur la demande subsidiaire de réduction du prix

Les locataires invoquent que, dans le cas où il serait considéré que le paiement des loyers est dû, il conviendrait de prononcer la réduction du prix, en considérant les troubles subis dans les espaces privatifs et dans les parties communes, justifiant une réduction de loyer importante, pour tenir compte de la mauvaise foi des bailleresses.

En réponse, les bailleresses affirment que la demande de réduction de loyer n’est pas justifiée.

Sur ce,

M. [N] et Mme [H] ne sont pas fondés à solliciter la réduction du loyer, dès lors que la clause a été exécutée de bonne foi, et qu’ils ne démontrent pas une faute des bailleresses, ni un préjudice subi du fait d’une telle faute. En particulier, les bailleresses ne sont pas responsables de l’inachèvement complet des travaux dans l’immeuble, et ne peuvent être tenues d’indemniser les locataires du trouble dans la jouissance du bien loué, compte tenu de la durée et de la nature des travaux accomplis. De la même façon, le fait que la surélévation soit finalement d’un étage supplémentaire par rapport au projet initial, à supposer cette situation réelle, ne peut être imputé à faute à Mmes [W], qui n’ont aucune initiative dans ce projet de construction. En toute hypothèse, la durée de la surélévation, qu’elle soit d’un ou de deux étages était prévue pour 2 à 3 mois, et il n’est pas en débat que M. [D] a payé les loyers en lieu et place des locataires pour 4 mois, ce en application de l’accord pris avec les propriétaires de l’appartement donné à bail.

‘ sur la demande de restitution du dépôt de garantie

L’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 énonce, à propos du dépôt de garantie, qu”il est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l’adresse de son nouveau domicile.

Il est restitué dans un délai maximal d’un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées.

(…) A défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n’est pas due lorsque l’origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l’absence de transmission par le locataire de l’adresse de son nouveau domicile. (…)’

Les bailleresses étaient fondées à conserver le montant du dépôt de garantie, compte tenu de la dette locative, et n’ont commis aucune faute en ne restituant pas ladite somme.

Les locataires ne sont pas fondés à réclamer la restitution du dépôt de garantie augmenté de la pénalité due en cas de retard de restitution.

La demande est rejetée, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande d’astreinte, et le jugement infirmé de ce chef.

Le montant du dépôt de garantie versé à l’entrée dans les lieux vient en déduction des sommes dues au titre de la dette locative, pour un montant de 1 111 euros et Mmes [W] sont condamnées solidairement à restituer ce montant à M. [N] et Mme [H].

En conséquence, il y a lieu d’ordonner la compensation entre les deux sommes dues conformément à la demande, de sorte que M. [N] et Mme [H] sont condamnés solidairement à payer à Mmes [W] la somme de 5 920,13 euros au titre des loyers impayés, ce après déduction du dépôt de garantie versé à l’entrée dans les lieux.

‘ sur la demande de dommages-intérêts présentée par Mmes [W]

Mmes [W] sollicitent l’octroi de dommages-intérêts au motif que les locataires ont été de mauvaise foi, en arguant que la franchise de loyers prévue au bail pour une durée de 2,5 mois fondait l’application d’une franchise totale de loyers de 10 mois, les contraignant à introduire cette action. Elles affirment qu’aucune disposition n’autorisait M. [N] et Mme [H] à cesser de payer tout loyer, le fait de suspendre le paiement des loyers sans autorisation judiciaire préalable étant fautif. Elles disent avoir subi un préjudice financier et moral, d’autant qu’elles ont dû fermer leur restaurant du fait de la crise sanitaire.

En réponse, M. [N] et Mme [H] répliquent qu’elles ne justifient pas d’un préjudice en lien avec l’absence de paiement des loyers.

Sur ce,

Il est certain que l’obstination des locataires dans leur refus à payer tout loyer jusqu’à leur départ des lieux, motivé par la poursuite des travaux dans l’immeuble, a pu être source de tracasseries et de difficultés financières pour Mmes [W], sans toutefois que cette situation puisse justifier l’octroi de dommages-intérêts à la charge des locataires, qui, de bonne foi, ont pu se méprendre sur la portée de la clause, sans que leur refus de payer soit le signe d’un comportement déloyal de leur part.

La demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

‘ sur les autres demandes

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure sont infirmées.

M. [N] et Mme [H] sont condamnés in solidum à payer à Mmes [W] la somme de 2 000 euros d’indemnité procédurale.

Ils sont condamnés également in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [N] et Mme [H] à payer à Mme [W] la somme de 5 920,13 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2020, au titre de la dette locative, ce après déduction du dépôt de garantie versé à l’entrée dans les lieux,

Rejette le surplus des demandes,

Y ajoutant

Condamne in solidum M. [N] et Mme [H] à payer à Mmes [W] la somme de 2 000 euros d’indemnité de procédure,

Condamne in solidum M. [N] et Mme [H] aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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