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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/04017 – N° Portalis DBV3-V-B7F-US7Q
AFFAIRE :
Mme [I] [C]
C/
S.A. IN’LI anciennement dénommée OGF, venant aux droits et obligations de la SCI IMMOCEC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Avril 2021 par le Tribunal de proximité de POISSY
N° RG : 11-20-0504
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 27/09/22
à :
Me François MANCEL
Me Jeanine HALIMI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [I] [C]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître François MANCEL, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 326
Représentant : Maître François-pierre LANI de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0426
APPELANTE
****************
S.A. IN’LI anciennement dénommée OGF, venant aux droits et obligations de la SCI IMMOCEC
N° SIRET : 602 052 359 RCS Nanterre
Ayant son siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 397
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat conclu sous seing privé du 21 novembre 2006, la société civile immobilière Immocec a donné à bail à M. [O] [S] et à Mme [I] [C] un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2] (78), moyennant un loyer mensuel de 876,12 euros et 33 euros de provision sur charges.
Se prévalant de loyers demeurés impayés le bailleur a fait signifier le 12 décembre 2019 un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Par acte d’huissier de justice délivré le 8 juillet 2020, la société In’Li, venant aux droits de la société Immocec, a assigné M. [S] et Mme [C] à comparaître devant le tribunal de proximité de Poissy auquel elle demande, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– de constater la résiliation de plein droit du bail d’habitation,
– d’ordonner l’expulsion de M. [S] et Mme [C] sous astreinte de 8 euros par jour de retard,
– d’ordonner le transport et la séquestration des meubles en tel lieu qu’il lui plaira, aux frais et aux risques des défendeurs,
– de condamner solidairement ceux-ci au paiement de la somme actualisée de 7 911,49 euros avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant équivalent aux loyers et charges courants,
– de condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 330 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Par jugement contradictoire du 29 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy a :
– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 21 novembre 2006 entre la société In’Li et M. [S] et Mme [C] concernant l’appartement à usage d’habitation situé [Adresse 2] étaient réunies à la date du 12 février 2020,
– condamné M. [S] à verser à la société In’Li la somme de 7 263, 54 euros à titre d’arriéré de loyers et charges, selon décompte arrêté au 25 janvier 2021, incluant le loyer du mois de janvier 2021 et le dernier paiement du locataire d’un montant total de 1 0l6,62 euros le 4 janvier 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 08 juillet 2020 sur la somme de 3 870,33 euros et à compter du jugement pour le surplus,
– condamné solidairement M. [S] et Mme [C] à payer cette somme à la société In’Li dans la limite de 4 349,45 euros,
– autorisé M. [S] à payer cette somme, outre le paiement du loyer et des charges courantes, en 3 mensualités de 50 euros chacune, puis 32 mensualités de 215 euros et une 33ème mensualité qui soldera la dette en principal et intérêts,
– précisé que le paiement de chaque mensualité devra intervenir avant le 5 de chaque mois et pour la première fois le 5 du mois suivant la signification du jugement,
– suspendu les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais accordés,
– dit que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise,
– dit qu’en revanche, toute mensualité, qu’elle soit due au titre du loyer et des charges courantes ou de l’arriéré, restée impayée sept jours après l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception justifiera :
* que la clause résolutoire retrouve son plein effet,
* que le solde de la dette devienne immédiatement exigible,
* qu’à défaut pour M. [S] d’avoir volontairement libéré les lieux dans les deux mois de la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, la société In’Li pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous les occupants de son chef, avec le concours d’un serrurier et de la force publique en cas de besoin,
* que M. [S] et Mme [C] soient condamnés à verser à la société In’Li une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire,
– condamné M. [S] à verser à la société In’Li la somme de 330 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [S] aux dépens de l’instance,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 24 juin 2021, Mme [C] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 18 mai 2022, elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il :
* l’a condamnée solidairement avec M. [S] à payer à la société In’Li la somme de 7 263,54 euros dans la limite de 4 349,45 euros,
* dit que toute mensualité, qu’elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, restée impayée sept jours après l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, justifiera qu’elle soit condamnée avec M. [S] à verser à la société In’Li une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire,
statuant à nouveau, à titre principal, de :
– la condamner solidairement avec M. [S] à payer à la société In’Li une somme de 2 759,67 euros correspondant à la somme effectivement due au titre de la dette locative au 9 décembre 2019, date de fin de la solidarité,
à titre subsidiaire :
– la condamner à payer à la société In’Li, solidairement avec M. [S], la somme de 2 759,67 euros correspondant à la somme effectivement due au titre de la dette locative au 10 janvier 2020, date de l’ordonnance de non-conciliation rendue par le tribunal judiciaire de Versailles,
en tout état de cause :
– débouter la société In’Li de sa demande de condamnation à son encontre au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire,
– condamner la société In’Li à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 1er février 2022, la société In’Li demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Poissy en date du 29 avril 2021, sauf en ce qu’il a condamné solidairement Mme [C] avec M. [S] à lui payer la somme de 4 349,45 euros,
– condamner solidairement Mme [C] à lui payer la somme de 7 263,54 euros à titre d’arriéré de loyers et charges, décompte arrêté au 25 janvier 2021, incluant le loyer de janvier 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020 sur la somme de 3 870,33 euros et à compter du jugement pour le surplus,
en tout état de cause :
– condamner Mme [C] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [C] aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Jeanine Halimi en application de l’article 699 du code procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 mai 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur l’appel de Mme [C].
– Sur la solidarité des locataires au paiement de la datte locative.
Au soutien de son appel, Mme [C] reproche au premier juge de l’avoir condamnée solidairement avec M. [S] à payer à la société In’Li à concurrence de la somme de 4 349,45 euros, au titre de l’arriéré locatif selon décompte arrêté au 25 janvier 2021. Invoquant les dispositions de l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989, elle fait valoir qu’ayant délivré congé à la société In’Li qui lui en a accusé réception le 10 mai 2019, la clause de co-titularité du bail et de solidarité devait prendre fin dans un délai de 6 mois à compter de la date d’expiration du congé d’un mois, soit à compter du 9 décembre 2019.
La société In’Li réplique que Mme [C] fait à tort et de mauvaise foi, référence à la solidarité entre les deux co-titulaires du bail qui prend fin au plus tard à l’expiration d’un délai de 6 mois après la date d’effet du congé, qu’en réalité, l’appelante a, par pure opportunité, omis de faire état, dans son congé, de sa situation maritale avec le co-titulaire du bail, qu’en effet, lors de la signature du bail en 2006, Mme [C] et M. [S] n’étaient pas mariés, leur mariage ayant eu lieu en 2009, qu’ainsi la solidarité entre les co-titulaires du bail n’est plus fondée sur le contrat de bail mais sur leur qualité d’époux.
Sur ce,
L’article 1310 du code civil dispose que ‘la solidarité est légale ou conventionnelle, elle ne se présume pas’.
L’article 220 du même code dispose que ‘chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement’.
En l’espèce, M et Mme [C] qui sont entrés dans les lieux alors qu’ils n’étaient pas mariés, étaient tenus solidairement au paiement des loyers en vertu de la clause de solidarité du bail signé le 21 novembre 2006.
Les locataires s’étant mariés en 2009, la solidarité légale s’est substituée à la solidarité conventionnelle. Il s’ensuit que Mme [C] n’est pas fondée à se prévaloir que l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989, qui ne s’applique qu’à la colocation et exclut expressément de son domaine la cotitularité issue d’un Pacs ou d’un mariage.
Il est aujourd’hui constamment admis d’une part, que les époux demeurent co-titulaires du bail jusqu’à la transcription du jugement de divorce en marge des registres de l’état civil et sont, dès lors, tenus solidairement au paiement des loyers, et d’autre part, que le jugement de divorce est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, du jour où les formalités de publicité prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies.
En l’espèce, seule l’ordonnance de non-conciliation rendue le 10 janvier 2020 est produite aux débats. Il n’est donc pas établi que le divorce entre les époux [S] a été prononcé, et en tout état de cause il n’est pas justifié de la publication de la mention du divorce sur l’extrait d’acte de mariage.
Si l’ordonnance de non-conciliation peut mettre fin à la contribution entre époux à certaines dettes, elle ne met pas fin à l’obligation à la dette à l’égard des tiers qui ne prend fin qu’à la transcription du jugement de divorce.
Pour les motifs ci-dessus exposés et également compte tenu du fait que le bail n’a pas été résilié par le premier juge qui a accordé des délais et donc suspendu les effets de la clause résolutoire, Mme [C] est redevable solidairement avec M. [S] de la totalité de la dette locative. Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a limité le montant de la condamnation à paiement solidaire de Mme [C]. Statuant à nouveau, Mme [C] doit être condamnée solidairement avec M. [S] à verser à la société In’Li la somme de 7 263,54 euros à titre d’arriéré de loyers et charges, selon décompte arrêté au 25 janvier 2021, incluant le loyer de janvier 2021 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020 sur la somme de 3 870,33 euros et à compter du jugement pour le surplus.
– Sur la solidarité des locataires relativement au paiement des indemnités d’occupation.
Aux termes du jugement qu’il a rendu le 29 avril 2021, le juge de première instance a suspendu les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais qu’il a accordés, et a dit notamment qu’à défaut de respect desdits délais, la clause résolutoire retrouvera son plein effet et que M. [S] et Mme [C] devront verser à la société In’Li une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail, jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire.
Mme [C] se prévaut d’une jurisprudence de cour d’appel pour soutenir que la solidarité ne s’étend pas au paiement des indemnités d’occupation dues par l’un des époux qui se maintient seul dans les lieux après la résiliation du bail.
La société In’Li réplique que la Cour de cassation rappelle que les juges du fond doivent faire une appréciation in concreto en respectant les critères de solidarité édictés par l’article 220 du code civil, qu’en l’espèce, l’indemnité d’occupation constitue une dette ménagère obligeant les locataires solidairement en application de l’article 220 du code civil.
Sur ce,
L’article 220 du code civil qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s’appliquer à toute dette même non contractuelle ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
En l’espèce, l’appartement, pris à bail le 21 novembre 2016 par M. [S] et Mme [C] qui se sont mariés en 2009 et ont eu leur enfant la même année, constitue le logement familial.
L’ordonnance de non-conciliation a fixé la résidence de l’enfant chez la mère, le père qui est resté dans les lieux, bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement les 2ème, 4ème et 5ème fins de semaine, ainsi que la moitié des vacances scolaires.
Il s’ensuit que l’indemnité d’occupation éventuellement due par M. [S] en cas de non-respect des délais accordés, ne saurait s’analyser en une dette ménagère l’obligeant solidairement avec Mme [C].
La société In’Li doit être déboutée de sa demande de condamnation en paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation formée à l’encontre de Mme [C], en cas de non-respect des délais accordés. Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur les mesures accessoires.
Mme [C] doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.
Il y a lieu de faire droit à la demande de la société In’Li au titre des frais de procédure par elle exposés en cause d’appel en condamnant Mme [C] à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 29 avril 2021 par le tribunal de proximité de Poissy en toutes ses dispositions, sauf sur celle relative à la condamnation de Mme [C] au paiement des loyers et des éventuelles indemnités d’occupation,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne Mme [C] solidairement avec M. [S] à verser à la société In’Li la somme de 7 263,54 euros à titre d’arriéré de loyers et charges, selon décompte arrêté au 25 janvier 2021, incluant le loyer de janvier 2021 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020 sur la somme de 3 870,33 euros et à compter du jugement pour le surplus,
Déboute la société In’Li de sa demande de condamnation solidaire de Mme [C] avec M. [S] en paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation,
Condamne Mme [C] à verser à la société In’Li la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [C] aux dépens d’appel pouvant être recouvrés par la SELARLJeanine Halimi en application de l’article 699 du code procédure civile.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,