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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06782 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZSH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2020 -Juge des contentieux de la protection de Paris – RG n° 1119011528
APPELANTE
S.A. RIVP- REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 4]- agissant poursuites et diligences en la personne de son Directeur général y domicilié
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Ayant pour avocat plaidant : Me Sandrine BELLIGAUD du Cabinet LEGITIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971 substituée à l’audience par Me Karim Alexandre BOUANANE, même cabinet, même toque
INTIMES
Monsieur [J] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [V], [T] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Ayant pour avocat plaidant : Me Anne Sophie PETIT, avocat au barreau d’Amiens
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
François LEPLAT, président
Anne-Laure MEANO, président assesseur
Aurore DOCQUINCOURT, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 19 juin 2016, prenant effet au 1er mars 2016, la société anonyme Régie Immobilière de la Ville de [Localité 4] (RIVP) a donné à bail à Mme [D] [A] un logement de 66 m² situé [Adresse 2].
Mme [A] avait également pris à bail auprès de la RIVP un emplacement de stationnement sis [Adresse 3], par acte du 19 novembre 2006.
Mme [D] [A] est décédée le 31 décembre 2018.
Par courrier du 18 mars 2019, la RIVP a indiqué aux petit-fils de la locataire, M. [J] [P] et M. [V] [P], qu’ils ne remplissaient pas les conditions de transfert des baux prévues par l’article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, en l’absence de justification d’une année de présence dans le logement à la date du décès.
Le 2 septembre 2019, la société anonyme RIVP a assigné M. [J] [P] et M. [V] [P] en substance pour faire constater la résiliation des baux suite au décès de la locataire, Mme [D] [A], dire qu’ils occupent sans droit ni titre le logement précité, ordonner leur expulsion et les condamner au paiement d’une indemnité d’occupation.
Par jugement contradictoire entrepris du 11 mars 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :
Vu l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989,
Rejette la demande de résiliation du contrat de location présentée par la société anonyme RIVP.
Constate que MM. [J] et [V] [P] ne sont pas des occupants sans droit ni titre.
Dit que les baux ont été transférés à M. [J] [P] et ce à compter du 1er janvier 2019.
Constate le désistement de la société anonyme RIVP quant à sa demande à l’encontre des défendeurs de payer la somme de 455,62 euros au titre des loyers et charges.
Rejette les demandes sollicitées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonne l’exécution provisoire de la décision.
Mets les dépens à la charge de M. [J] [P].
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 3 juin 2020 par la société anonyme RIVP,
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 18 novembre 2020, par lesquelles les demandes de la société anonyme RIVP sont ainsi rédigées:
La cour infirmera le jugement entrepris en date du 11 mars 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation du contrat de location, constaté que MM. [J] et [V] [P] ne sont pas occupants sans droit ni titre, dit que les baux ont été transférés à M. [J] [P] à compter du 1er janvier 2019 et rejeté les demandes sollicitées sur le fondement de I’article 700 du code de procédure civile.
La cour confirmera le jugement entrepris en date du 11 mars 2020 en ce qu’il a mis les dépens à la charge de M. [J] [P].
Statuant de nouveau,
Jugera que M. [J] [P] et M. [V] [P] ne réunissent pas les conditions de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 pour obtenir le transfert des droits sur le bail de l’appartement sis [Adresse 2], à [Localité 4] et sur le bail de l’emplacement de stationnement sis [Adresse 3],
Jugera que le bail en date du 19 juin 2016 et le bail en date du 19 novembre 2006 de Mme [D] [A] ont été résiliés du fait du décès de la locataire.
En conséquence,
Jugera que M. [J] [P] et M. [V] [P] sont occupants sans droit ni titre de I’appartement sis [Adresse 2], à [Localité 4] et de l’emplacement de stationnement sis [Adresse 3], à [Localité 4].
En conséquence de ce qui précède,
Ordonnera l’expulsion immédiate de M. [J] [P] et M. [V] [P], et tous occupants de leur chef, ce avec l’assistance du commissaire de police et de la force publique et d’un serrurier, s’il y a lieu,
Supprimera le bénéfice, au profit de M. [J] [P] et M. [V] [P], du délai de deux mois, prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution,
Ordonnera le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde meubles qu’il désignera ou tel autre lieu au choix du bailleur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, aux frais, risques et périls de M. [J] [P] et M. [V] [P],
Condamnera in solidum M. [J] [P] et M. [V] [P], à compter du décès de Mme [D] [A], à payer à la société anonyme RIVP des indemnités d’occupation dont les montants correspondront aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Mme [D] [A] les réglait au titre de son bail sur le local à usage d’habitation, outre une majoration de cette indemnité de trente pour cent à titre de dommages et intérêts et ce, jusqu’à parfaite libération des locaux par remise des clefs, un procès-verbal d’expulsion ou de reprise,
Condamnera in solidum M. [J] [P] et M. [V] [P], à payer à la société anonyme RIVP la somme de 2.500 euros en application des dispositions de I’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 19 octobre 2020 au terme desquelles M. [J] [P] et M. [V] [P], demandent à la cour de :
Déclarer la société anonyme RIVP particulièrement mal fondée en son appel.
En conséquence,
Confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 11 mars 2020, exception faite des dépens de la procédure de première instance qui devront être, par infirmation, laissés à la charge exclusive de la société anonyme RIVP.
Par suite,
Condamner la société anonyme RIVP aux entiers dépens tant de première instance que de la procédure d’appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de transfert du bail
L’article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que “(…) Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré : (…)aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès”.
Le premier juge a considéré que M. [J] [P] vivait au domicile de Mme [A], qui était très malade, depuis l’année 2017 de sorte que le bail lui a été transféré à compter du 1er janvier 2019 et que les intéressés ne sont donc pas occupants sans droit ni titre.
Cependant, sur les cinq attestations sur l’honneur produites par les appelants, et qui ne concernent en tout état de cause que M. [J] [P], deux ne comportent pas, en annexe, la copie d’un justificatif d’identité, contrairement aux dispositions prévues par l’article 202 alinéa 3 du code de procédure civile ; notamment, celle supposée écrite par la gardienne de l’immeuble, Mme [W], ne comporte pas non plus la mention de ce “qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales” (alinéa 2 de l’article précité).
Elles n’apparaissent donc pas suffisamment probantes.
Sur les trois attestations assorties d’une copie de justificatif d’identité signé, l’une est celle établie par Mme [R], compagne de M. [B] lequel, au vu de l’acte de décès de Mme [A], est le fils de cette dernière, de sorte que le caractère probant de cette attestation doit être relativisé par les relations familiales unissant son auteur et les appelants; cette attestation doit à tout le moins être corroborée par d’autres éléments.
Les attestations de Mme [Y] [U] et de Mme [C] [H], qui au demeurant ne comportent pas toutes les indications prévues aux deux premiers alinéas de l’article précité, se bornent à indiquer :
-la première, que M. [J] [P] “était très souvent présent au domicile de sa grand-mère” lorsqu’elle lui rendait visite depuis 2014 date de son opération du coeur,
-et la seconde, que “ces derniers mois” M. [J] [P] ” venait de manière régulière vivre à ses côtés afin de prendre soin d’elle et qu’elle ne soit pas seule”.
Il ressort de ces attestations tout au plus, ce qui n’est pas contesté, que M. [J] [P] venait très régulièrement voir sa grand-mère, qui était malade et avait besoin d’aide.
La cour observe qu’une carte d’identité de “Mme [E] [M] [L] épouse [F]” se trouve au dossier sans que la cour puisse la rattacher à une quelconque des attestations produites, aucun des auteurs de ces attestations n’indiquant porter ce nom ; contrairement à ce qui est indiqué dans le bordereau de communication de pièces elle n’apparaît pas être l’auteur de l’attestation désignée comme pièce 6, la pièce 6 étant l’attestation sur l’honneur d’une personne se dénommant Mme [S] [N] (ou [N])-[X].
M. [J] [P] produit par ailleurs des documents mentionnant l’adresse litigieuse comme étant la sienne ; toutefois ils sont postérieurs au décès de Mme [D] [A] (notamment: attestation fiscale adressée par Pôle emploi à M. [J] [P] le 11 janvier 2019, courriers de la banque Natixis en date du 9 mai et 3 juin 2019, avis 2019 d’imposition sur les revenus 2018), à l’exception d’une demande d’inscription à pôle emploi du 25 décembre 2017 et d’un contrat de travail à durée déterminée signé avec la société Jordan and Earth en date du 20 janvier 2018.
Cependant, la RIVP produit les bulletins de salaire de l’intéressé pour les mois de février, mai, juin et décembre 2018, qui lui sont adressés à une autre adresse, à [Localité 6], l’avis d’impôt sur le revenu 2017, qui lui a été adressé [Adresse 5], une attestation d’employeur adressé à Pôle emploi le 28 décembre 2018 indiquant adresse de [Localité 6].
Du point de vue des documents administratifs, professionnels ou institutionnels, l’adresse de l’intéressé est donc incertaine sur la période exigée légalement, et à tout le moins insuffisamment établie dans les lieux objets du bail d’habitation.
Enfin, aucune pièce ne mentionne une occupation par M. [V] [P] de l’appartement litigieux si ce n’est un contrat de travail du 4 octobre 2019, postérieur au décès.
Au vu de ces éléments, les appelants n’établissent pas avoir vécu avec la locataire dans l’appartement objet du bail depuis au moins un an à la date du décès, de sorte qu’ils ne peuvent prétendre au transfert du bail, qui a été résilié à la date du décès.
Le jugement sera donc infirmé.
En conséquence, il convient de constater que M. [J] [P] et M. [V] [P] sont occupants sans droit ni titre de I’appartement litigieux et de les condamner au paiement d’une indemnité d’occupation.
Sur le montant de l’indemnité d’occupation
L’indemnité d’occupation trouve son fondement dans la protection des droits du propriétaire et dans l’article 1240 (ancien1382) du code civil, en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux ; ayant pour objet de réparer l’entier préjudice qui résulte pour le propriétaire de la privation de son bien, elle a une double nature, compensatoire et indemnitaire et peut être destinée non seulement à compenser les pertes de loyers subies par le propriétaire mais également à l’indemniser du préjudice subi du fait que le logement est indisponible ; il ne doit en résulter ni perte ni profit.
En l’espèce, la RIVP demande que l’indemnité d’occupation soit fixée aux loyers actualisés, augmentés des charges et majorée de 30% à titre de dommages et intérêts ; toutefois aucun préjudice justifiant cette majoration n’est établi ; en particulier il n’est pas fait état d’une dette de loyers; en outre il ne résulte pas du dossier que les appelants aient abusivement “détourné les règles d’attribution des logements HLM” dès lors qu’ils n’ont fait que se prévaloir par erreur de l’existence d’un droit qui leur a d’ailleurs été reconnu en première instance ; par conséquent la cour considère qu’il est en l’espèce conforme aux principes ci-dessus rappelés de fixer cette indemnité au montant des loyers et des charges qui auraient été dus si les baux s’étaient poursuivis.
Sur le délai d’expulsion
La RIVP demande l’expulsion immédiate des intéressés sans le délai de deux mois, prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Aux termes de l’article L. 412-1 du code précité, si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
En l’espèce, les éléments du dossier ne justifient pas la suppression de ce délai de deux mois, qui est nécessaire aux intéressés pour trouver un autre logement.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il est équitable de ne pas infirmer les chefs de dispositif du jugement concernant l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de la première instance, et de ne pas faire application de l’article 700 s’agissant de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a statué sur les frais de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens de première instance,
Et statuant à nouveau,
Constate que le bail conclu le19 juin 2016 entre la société anonyme Régie Immobilière de la Ville de [Localité 4] (RIVP) et Mme [D] [A] concernant le logement situé [Adresse 2] et le bail conclu le 19 novembre 2006 concernant l’emplacement de stationnement sis [Adresse 3] sont résiliés depuis le 31 décembre 2018, du fait du décès de la locataire ;
Déboute M. [J] [P] et M. [V] [P] de leur demande de transfert de bail ;
Et y ajoutant,
Constate que M. [J] [P] et M. [V] [P] sont occupants sans droit ni titre des lieux ;
Ordonne l’expulsion des lieux de M. [J] [P] et M. [V] [P] et de tous occupants de leur chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 411-1 et suivants, R 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution;
Autorise, le cas échéant, la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde-meubles, aux frais et risques de M. [J] [P] et M. [V] [P] , en garantie des indemnités mensuelles d’occupation et des réparations locatives, conformément aux articles L 433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
Fixe l’indemnité d’occupation due à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés ou par l’expulsion, au montant des loyers et des charges qui auraient été dus si les baux s’étaient poursuivis ;
Condamne M. [J] [P] et M. [V] [P] aux dépens d’appel ;
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.
La Greffière Le Président