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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 27 OCTOBRE 2022
N° 2022/ 697
Rôle N° RG 21/13365 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDH3
[H] [K]
C/
[R] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Juge des contentieux de la protection de Grasse en date du 02 Septembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01333.
APPELANTE
Madame [H] [K],
née le 13 Janvier 1977 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Ludovic LETELLIER de la SELARL LUDOVIC LETELLIER, avocat au barreau de NICE,
INTIME
Monsieur [R] [N],
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
assigné et non représenté
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente rapporteur
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline BURON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022,
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline BURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 15 avril 2017, Mme [H] [K] a consenti à M. [R] [N] un bail d’habitation meublé portant sur un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 2] moyennant un loyer mensuel initial de 600 euros, outre 100 euros de provisions pour charges.
Par exploit d’huissier en date du 4 mai 2020, Mme [K] a délivré à M. [N] un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail.
Se prévalant d’un commandement demeuré infructueux, Mme [K] a, par acte d’huissier en date du 24 juillet 2020, assigné M. [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Grasse statuant en référé aux fins d’obtenir la résiliation du bail, son expulsion et sa condamnation au paiement de diverses sommes.
Par ordonnance contradictoire en date du 2 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse, retenant, d’une part, des contestations sérieuses sur la somme réclamée par Mme [K] en l’absence de décompte et de justificatifs portant sur les charges et estimant, d’autre part, ne pouvoir statuer sur l’existence du préjudice de jouissance allégué par M. [N], a :
– dit n’y avoir lieu à référé ;
– débouté en conséquence Madame [H] [K] de toutes ses demandes ;
– débouté Monsieur [R] [N] de sa demande reconventionnelle ;
– condamné Madame [H] [K] aux dépens.
Selon déclaration reçue au greffe le 17 septembre 2021, Mme [K] a interjeté appel de cette décision, l’appel visant à la critiquer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté M. [N] de sa demande reconventionnelle.
Par dernières conclusions transmises le 17 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [K] sollicite de la cour qu’elle :
– réforme l’ordonnance de référé en date du 2 septembre 2021 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;
– constate l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail en date du 15 avril 2017 pour non-paiement des loyers et, dès lors, prononce la résolution du bail ;
– ordonne l’expulsion de Monsieur [N] ainsi que de tous occupants de son chef de l’appartement meublé situé [Adresse 1] à [Localité 2] , avec si besoin est, le concours de la force publique et d’un serrurier, et permettre, le cas échéant, que soient entreposés les effets personnels appartenant à M. [N] entre les mains d’un garde-meubles à ses frais ;
– dise et juge qu’à défaut de départ volontaire dans la semaine qui suivra la signification de la décision à intervenir, M. [N] devra payer une astreinte de 250 euros par jour de retard ;
– condamne M. [N] à lui payer à Mme [K] la somme provisionnelle de 14 000 euros, somme à parfaire au jour du départ et hors dépens ;
– le condamne à lui payer la somme de 2 000 euros, et ce conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamne aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 5 octobre 2020 (137,28 euros).
Bien que régulièrement intimé par la signification de la déclaration d’appel le 28 octobre 2021 et des conclusions le 24 novembre 2021, M. [N] n’a pas constitué avocat.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 5 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise en ‘uvre de la clause résolutoire
En application des articles 1728, 1741 du code civil et 15 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire a pour obligation principale le paiement du loyer. Un manquement grave et répété à cette obligation justifie la résiliation du contrat ou la délivrance d’un congé pour ce motif à l’initiative du bailleur.
Aux termes de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
L’article 24 alinéa 1 de la même loi applicable aux logements meublés conformément à l’article 25-3 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour le non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Le commandement de payer contient, à peine de nullité, la mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette, le montant mensuel du loyer et des charges, le décompte de la dette, l’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion et la mention de la possibilité pour ce dernier de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département ainsi que la juridiction compétente afin de demander un délai de grâce.
En l’espèce, le contrat de bail, signé par les parties à effet au 15 avril 2014, stipule dans un paragraphe IX intitulé clause résolutoire-pénale qu’à défaut de paiement de tout ou partie d’un seul terme de loyer, de tout ou partie des charges, ou en cas d’inexécution de l’une des clauses du présent bail et un mois après un commandement demeuré infructueux, le contrat sera résilié immédiatement et de plein droit s’il plait au bailleur.
Le 4 mai 2020, Mme [K] a fait délivrer à M. [N] un commandement de payer la somme principale de 1 400 euros et visant la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail.
S’il résulte du décompte annexé à l’acte que la somme de 1 400 euros réclamée correspond aux loyers des mois de mars et avril 2020, soit 700 euros X 2 mois, aucune précision n’est apportée sur le montant mensuel du loyer et des charges.
En effet, contrairement à ce qu’affirme Mme [K], ce détail ne ressort pas du décompte annexé à l’action, pas plus que du commandement de payer lui-même, lequel se contente dans le paragraphe intitulé causes de la créance de renvoyer au décompte établi par la bailleresse.
Or, le fait pour la bailleresse d’établir, par d’autres pièces, et en particulier le contrat de bail et ses décomptes mentionnant les indemnités d’occupation, la ventilation de la somme de 700 euros entre le loyer mensuel (600 euros) et la provision pour charges (100 euros) n’est pas de nature à pallier l’absence des mentions prescrites à peine de nullité du commandement de payer.
S’il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité d’un commandement de payer, le fait pour ce dernier de ne pas contenir l’ensemble des mentions prescrites, à peine de nullité, constitue une contestation sérieuse privant le juge des référés de la possibilité de faire produire le moindre effet à cet acte.
Dans ces conditions, il y a lieu, par substitution de motifs, de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [K] de constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que sur ses demandes subséquentes portant sur l’expulsion de M. [N] et sa condamnation à lui verser une indemnité d’occupation.
Sur la demande de provision formée par la bailleresse
Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
Il résulte de l’article 25-10 de la loi du 6 juillet 1989 que les charges locatives accessoires au loyer principal sont récupérées par le bailleur au choix des parties et tel que prévu par le contrat de bail soit dans les conditions prévues à l’article 23 lorsqu’il s’agit de provisions pour charges, soit sous la forme d’un forfait versé simultanément au loyer qui ne peut donner lieu à complément ou à régularisation ultérieure. Le montant du forfait de charges est fixé en fonction des montants exigibles par le bailleur en application de l’article 23 et peut être révisé chaque année aux mêmes conditions que le loyer principal. Ce montant ne peut pas être manifestement disproportionné au regard des charges dont le locataire ou, le cas échéant, le précédent locataire se serait acquitté.
L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie.
1° Des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée ;
2° Des dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables à ce titre les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d’un contrat d’entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l’article L. 125-2-2 du code de la construction et de l’habitation, qui concernent les opérations et les vérifications périodiques minimales et la réparation et le remplacement de petites pièces présentant des signes d’usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal des appareils ;
3° Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.
La liste de ces charges est fixée par décret en Conseil d’Etat. Il peut y être dérogé par accords collectifs locaux portant sur l’amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable, conclus conformément à l’article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée.
Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.
Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs. Durant six mois à compter de l’envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues, dans des conditions normales, à la disposition des locataires.
A compter du 1er septembre 2015, le bailleur transmet également, à la demande du locataire, le récapitulatif des charges du logement par voie dématérialisée ou par voie postale.
Lorsque la régularisation des charges n’a pas été effectuée avant le terme de l’année civile suivant l’année de leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douzième, s’il en fait la demande.
Pour l’application du présent article, le coût des services assurés dans le cadre d’un contrat d’entreprise ou d’un contrat d’achat d’électricité, d’énergie calorifique ou de gaz naturel combustible, distribués par réseaux correspond à la dépense, toutes taxes comprises, acquittée par le bailleur.
Il est constant que le défaut de production par le bailleur du décompte dans le délai d’un mois avant régularisation annuelle n’est pas assorti de sanction et que le bailleur, sous réserve de l’application de la prescription triennale, peut produire ce décompte postérieurement, de même qu’il peut, également postérieurement au délai de six mois prévu à cet égard, tenir ou faire tenir les pièces justificatives de ce décompte à son locataire.
En l’espèce, les décomptes établis par la bailleresse démontrent que M. [N] a cessé de régler ses loyers et charges depuis le mois de mars 2020.
M. [N], qui n’a pas constitué avocat à hauteur d’appel, n’apporte pas la preuve du moindre paiement conformément à l’article 1353 alinéa 2 du code civil.
La part correspondant au montant du loyer mensuel, à savoir 600 euros, n’est pas sérieusement contestable dès lors qu’il s’agit du loyer initial fixé par les parties qui n’a fait l’objet d’aucune révision annuelle.
La part réclamée au titre de la provision pour charges à hauteur de 100 euros par mois correspond également au montant des charges qui a été convenu lors de la signature du bail.
Dès lors que cette provision pour charges n’a jamais fait l’objet de la moindre régularisation, depuis l’occupation des lieux par M. [N] à compter du 15 avril 2014, et que le contrat de bail porte sur un logement meublé, la somme mensuelle de 100 euros peut s’analyser, avec l’évidence requise en référé, comme un forfait de charges devant être versé simultanément au loyer, et non comme une provision pour charges soumise aux conditions prévues à l’article 23 susvisé.
Le montant du forfait de charges fixé à la somme mensuelle de 100 euros n’est donc pas sérieusement contestable.
En conséquence, le montant de la provision non sérieusement contestable auquel peut prétendre Mme [K] est de 21 000 euros correspondant aux loyers et charges dus pour la période allant du mois de mars 2020 au mois d’août 2022 inclus.
Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté Mme [K] de sa demande de provision et de condamner M. [N] à lui verser la somme provisionnelle de 21 000 euros.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
En l’état de la provision allouée à Mme [K], il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens et l’a déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [N] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, lesquels ne comprendront pas le coût du commandement de payer en date du 4 mai 2020 compte tenu des contestations sérieuses portant sur sa validité.
En outre, l’équité commande de le condamner à verser à Mme [K] la somme de 1 500 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– débouté Mme [H] [K] de sa demande de provision ;
– débouté Mme [H] [K] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [H] [K] aux dépens ;
La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne M. [R] [N] à verser à Mme [H] [K] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;
Condamne M. [R] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels ne comprendront pas le coût du commandement de payer en date du 4 mai 2020.
La greffière La présidente