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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 27 OCTOBRE 2022
N°2022/694
Rôle N° RG 21/11917 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BH5WW
[L] [M]
C/
[Z] [O] épouse [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Nadège DE CARLO
Me Fabienne MERLIN-LABRE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Juge des contentieux de la protection de Toulon en date du 09 juillet 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00660.
APPELANTE
Madame [L] [M]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/6430 du 06/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le 10 juillet 1977 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nadège DE CARLO, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [Z] [N]
née le 06 septembre 1971 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Fabienne MERLIN-LABRE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère,
et Mme Catherine OUVREL, Conseillère- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon bail sous seing privé du 17 juillet 2018, madame [Z] [N] a donné en location à madame [L] [M], un logement situé [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 540 € outre 40 € de provision sur charges.
En raison de problèmes d’humidité et de condensation dans le logement, la locataire a cessé de payer ses loyers à compter de juillet 2020 affirmant les avoir consigné auprès de la Caisse des dépôts et consignation. Puis, elle a assigné sa bailleresse aux fins de réalisation des travaux de reprise nécessaires, aux fins d’être autorisée à suspendre le paiement de l’intégralité des loyers jusqu’à leur réalisation, et, aux fins d’obtenir l’indemnisation provisionnelle d’un préjudice de jouissance.
Par ordonnance de référé en date du 9 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, pôle de proximité, de Toulon a :
condamné madame [Z] [N] à réaliser les travaux suivants, dans le délai de 6 mois à compter de la signification de l’ordonnance :
– faire procéder à la correction du pont thermique sur le mur intérieur, côté façade conformément aux règles du DTU,
– faire vérifier et mettre aux normes éventuelles par un professionnel l’installation électrique,
– pose de la grille de ventilation dans la porte-fenêtre de la cuisine,
– adaptation de la puissance de chauffe des radiateurs par rapport au volume à chauffer,
dit que, passé le délai, une astreinte de 30 € par jour de retard serait appliquée,
condamné madame [L] [M] à payer à titre provisionnel à madame [Z] [N] en derniers et quittances la somme de 3 610 € au titre de l’arriéré des loyers arrêté à avril 2020,
autorisé, à compter de la signification de l’ordonnance, la mise sous séquestre par madame [L] [M] auprès de la Caisse des dépôts et consignation, de la somme mensuelle de 270 € qui devra être restituée dès les travaux réalisés,
dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus et rejeté les autres demandes,
dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné les parties à la prise en charge des dépens par moitié.
Selon déclaration reçue au greffe le 4 août 2021, madame [L] [M] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant uniquement sur sa condamnation à payer à madame [Z] [N] à titre provisionnel la somme de 3 610 €, sur le rejet des autres demandes notamment au titre d’une provision sur le préjudice subi du fait du trouble de jouissance et de son préjudice moral, ainsi que sur le rejet de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 2 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, madame [L] [M] demande à la cour de :
confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné madame [Z] [N] à la réalisation de certains travaux,
réformer l’ordonnance en ce qu’elle l’a condamnée au paiement à madame [Z] [N] d’une somme de 3 610 €, en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus, en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande provisionnelle sur le préjudice subi, et, en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
l’autoriser à suspendre le paiement de l’intégralité des loyers mensuels jusqu’à la complète réalisation des travaux,
débouter madame [Z] [N] de toutes ses demandes,
condamner madame [Z] [N] à lui verser 5 000 € en réparation de son trouble de jouissance et de son préjudice moral, 540 € au titre de la restitution du dépôt de garantie, 182,46 € au titre du remboursement de l’état des lieux de sortie contradictoire,
liquider l’astreinte ordonnée par le premier juge à la somme de 1 230 €,
condamner madame [Z] [N] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Madame [L] [M] entend que l’ordonnance entreprise soit confirmée en ce qu’il a été fait injonction à la propriétaire de réaliser les travaux préconisés depuis septembre 2020, en application de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, du §4 du bail et du décret du 30 janvier 2002.
En revanche, madame [L] [M] sollicite la suspension du paiement des loyers en raison de l’inexécution des termes du bail d’habitation et de l’indécence du logement loué. Elle se fonde sur les dispositions non respectées du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, son fils souffrant d’une pathologie respiratoire due à l’humidité du bien. Elle conteste tout arriéré locatif en avril 2020, ainsi que retenu par le premier juge, soutenant que madame [Z] [N] ne s’est plaint du non-paiement des loyers qu’à compter de juillet 2020. En tout état de cause, elle met en avant la suspension par la caisse d’allocations familiales du versement de l’allocation logement à compter de novembre 2020, et à raison de l’indécence du logement, en déduisant que la locataire ne peut être tenue au paiement de l’intégralité des loyers et que cette retenue constitue à tout le moins une contestation sérieuse. Elle invoque un préjudice de jouissance caractérisant une contestation sérieuse à la demande de paiement des loyers, indiquant n’avoir plus pu occuper la chambre du logement. Elle fait valoir une contradiction dans la décision entreprise qui la condamne à séquestrer la moitié des loyers, tout en la condamnant à régler l’intégralité de l’arriéré locatif.
Madame [L] [M] soutient en outre avoir subi un préjudice, mettant en avant l’impact sur l’état de santé de son fils (syndrome respiratoire), du fait du manquement de madame [Z] [N] à son obligation de délivrance conforme.
Madame [L] [M] conteste s’être opposée à la réalisation des travaux, mais souligne la résistance de madame [Z] [N] qui a réfuté dans un premier temps leur nécessité et qui n’y a toujours pas procédé, en contravention avec les diagnostics posés, notamment quant à la réfaction nécessaire de l’installation électrique. Madame [L] [M] explique avoir quitté les lieux le 25 février 2022, sans que les travaux aient été réalisés, ainsi que constaté dans le procès-verbal d’état des lieux de sortie. Elle estime qu’à son départ, aucune réparation qui lui soit imputable n’est due, de sorte que le montant du dépôt de garantie doit lui être restitué, outre le montant du procès-verbal d’état des lieux de sortie.
Enfin, madame [L] [M] sollicite la liquidation de l’astreinte contre madame [Z] [N] pour non-réalisation dans les délais des travaux imposés par le premier juge.
Par dernières conclusions transmises le 5 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, madame [Z] [N] sollicite de la cour qu’elle :
confirme partiellement l’ordonnance entreprise et la réforme pour le surplus,
constate le comportement d’obstruction du locataire dans la réalisation par le bailleur des travaux d’entretien du logement loué,
constate la réalisation par elle des réparations jugées nécessaires par les compagnons bâtisseurs de Provence mandatés par la caisse d’allocations familiales, rendant le logement loué décent, conformément à l’ordonnance attaquée,
rejette l’exception d’inexécution comme étant irrecevable en cause d’appel,
constate l’absence de paiement des loyers par madame [L] [M],
constate l’absence de consignation de la moitié des loyers par madame [L] [M], tel qu’ordonné par le juge,
constate l’acquisition de la clause résolutoire depuis le 4 mai 2021,
déboute madame [L] [M] de sa demande de ce chef,
confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné madame [L] [M] à lui payer à titre provisionnel la somme de 3 610 € au titre de l’arriéré de loyers arrêté à avril 2020,
ordonne à son profit la déconsignation des sommes consignées par madame [L] [M] moyennant l’exécution des travaux ordonnés par le premier juge et dont il a pu être constaté qu’ils avaient été parfaitement exécutés,
condamne madame [L] [M] à régler l’intégralité des loyers impayés depuis juillet 2020, soit la somme actualisée à 8 288 € arrêtée à février 2022, ce sans délai, en deniers ou quittances,
déboute madame [L] [M] de sa demande d’indemnisation provisionnelle en réparation des prétendus préjudices de jouissance et moral,
constate les manques, salissures, dégradations relevés par le propre huissier de justice de madame [L] [M] dans son constat d’état des lieux de sortie,
juge que le dépôt de garantie reste ainsi acquis au bailleur,
déboute madame [L] [M] de sa demande en restitution du dépôt de garantie et de paiement de la facture de l’huissier de justice,
ordonne à madame [L] [M] de modifier l’adresse de son activité professionnelle, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard,
condamne madame [L] [M] à lui régler la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
condamne madame [L] [M] à lui régler la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Madame [Z] [N] se défend de toute inaction de sa part à la suite du problème d’humidité qui n’a été signalé par la locataire que 16 mois après son entrée dans les lieux et alors que celle-ci a engagé des démarches sans en avertir son bailleur. Ainsi, l’intimée soutient ne pas avoir été avertie de l’intervention des organismes à la demande de la caisse d’allocations familiales et avoir été mise à l’écart. Madame [Z] [N] conteste l’imputabilité qui lui est faite des problèmes de condensation, soutenant que ceux-ci sont dus à la mauvaise aération des lieux et au mauvais usage qui en est fait, mais ne sont pas liés à un manquement du bailleur. Elle se prévaut d’une attestation du groupe Paré qui le démontre. Elle se défend d’avoir remis en cause les préconisations des compagnons bâtisseurs, mais indique avoir demandé des éléments contradictoires. Elle soutient avoir fait réviser l’installation électrique en exécution de l’ordonnance entreprise ainsi qu’en atteste monsieur [C] dont elle affirme la compétence et la qualité, et monsieur [B]. Elle indique avoir été empêchée, tant par la crise sanitaire que par sa locataire de réaliser les travaux.
Madame [Z] [N] soulève l’irrecevabilité de l’exception d’inexécution soulevée pour la première fois en cause d’appel par l’appelante, pour la période des loyers écoulés, et non seulement pour l’avenir. Elle ajoute que cette demande est infondée car c’est madame [L] [M] qui a précisément empêché les diagnostics et travaux.
Madame [Z] [N] sollicite le paiement provisionnel de l’arriéré locatif au titre de l’intégralité du loyer, actualisé selon décompte arrêté à février 2022, soit 8 288 €.
Madame [Z] [N] conteste toute indemnisation provisionnelle d’un préjudice de jouissance de madame [L] [M] qu’elle estime non démontré, et non imputable à raison d’une absence de nécessité de réaliser le changement des radiateurs ou la mise aux normes électriques. Elle souligne la contradiction issue du caractère prétendument inhabitable du logement qui est employé par madame [L] [M] pourtant comme lieu d’exercice de son activité professionnelle de magnétiseuse, donc recevant du public.
Dans la mesure où les travaux ont été réalisés, elle demande la déconsignation des quelques loyers consignés par madame [L] [M]. Elle estime que le dépôt de garantie lui est dû à la lecture même des détériorations issues de l’état des lieux de sortie établi à la demande de la locataire.
Enfin, madame [Z] [N] invoque un préjudice moral justifiant sa demande de dommages et intérêts.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 6 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.
De plus, il convient de relever que l’appel interjeté par madame [L] [M] ne porte pas sur la condamnation de madame [Z] [N] à réaliser certains travaux dans le logement loué, ces dispositions de la décision du premier juge ne faisant pas davantage l’objet d’un appel incident présenté par madame [Z] [N], à la lecture du dispositif de ses conclusions. Ces dispositions ne sont donc pas dévolues à la cour qui ne se prononcera dès lors pas à leur sujet.
Sur le constat de la clause résolutoire
Madame [Z] [N] sollicite au dispositif de ses dernières conclusions le constat de la clause résolutoire au 4 mai 2021, sans toutefois expliciter plus avant une telle demande, non présentée devant le premier juge, donc nouvelle. Certes un commandement de payer visant la clause résolutoire a été adressée à madame [L] [M] le 4 mars 2021 et dénoncée à la caution. Toutefois, jusqu’alors, madame [Z] [N] ne s’en est pas prévalu pour solliciter effectivement que la résiliation du bail soit constatée. Au demeurant, le bail est résilié à la suite du congé délivré le 12 janvier 2022 par madame [L] [M], celle-ci ayant quitté les lieux le 25 février 2022. Il n’y a donc pas lieu à référé sur une telle demande qui a perdu son objet.
Sur la demande en paiement provisionnel de l’arriéré locatif
En l’espèce, le premier juge a condamné madame [L] [M] à payer à madame [Z] [N] la somme de 3 610 € au titre de l’arriéré locatif arrêté en avril 2020. Cette décision est affectée d’une erreur matérielle puisque cet arriéré locatif doit être considéré comme arrêté en avril 2021, les premiers défauts de paiement par la locataire remontant à juillet 2020. Le premier juge, au vu des travaux ordonnés, a cependant autorisé madame [L] [M] à séquestrer la moitié du loyer mensuel à compter de la décision entreprise et jusqu’à réalisation des travaux. Madame [L] [M] a quitté les lieux le 25 février 2022, ce qui est attesté par un procès-verbal de constat par huissier de justice.
Madame [L] [M] entend faire valoir une exception d’inexécution à ce titre et sollicite la suspension de l’intégralité des loyers depuis juillet 2020.
De son côté, madame [Z] [N] s’oppose à toute exception d’inexécution et sollicite la condamnation de madame [L] [M] à lui régler la somme de 8 288 € au titre de l’arriéré locatif arrêté en février 2022, lors du départ de la locataire, outre la déconsignation à son profit des sommes à raison de la réalisation des travaux.
Sur la recevabilité de la demande
Par application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En vertu de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’occurrence, il convient de considérer que madame [L] [M] a sollicité devant le premier juge la suspension des loyers et a donc fait valoir une exception d’inexécution qu’elle a formulé au titre des loyers à venir, faisant valoir une consignation par elle des loyers dus depuis juillet 2020. Indépendamment de l’effectivité réelle d’une telle consignation, force est de retenir que la prétention tirée de l’exception d’inexécution figurait bien au nombre des demandes présentées devant le premier juge. Le fait que le bénéfice d’une telle exception soit sollicité au titre de la période antérieure, soit dès juillet 2020, ne rend pas pour autant la prétention nouvelle et irrecevable en cause d’appel, au sens des articles sus-visés, dès lors que la cause d’une telle demande était bien dans les débats dès la décision du premier juge.
Il ne s’agit donc pas d’une prétention nouvelle et aucune irrecevabilité n’est encourue.
Sur le bien fondé
Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant.
En vertu de l’article 6 de loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation (…) Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués (…).
Par ailleurs, selon le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 les caractéristiques du logement décent sont les suivantes :
« Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros ‘uvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;
2. Il est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ;
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;
4. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
5. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111-1-1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre».
Il est de jurisprudence constante que l’exception d’inexécution n’est admise que si un désordre rend les lieux, non seulement indécents, mais inhabitables.
L’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. (…) Le juge saisi par l’une ou l’autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux. Le juge transmet au représentant de l’Etat dans le département l’ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6.
En l’espèce, l’appelante établit avoir procédé le 23 novembre 2019 à une déclaration de sinistre auprès de son assureur au titre de dommages liés à une humidité ressentie dans le logement, notamment sur les murs de la cuisine et du salon donnant sur la façade extérieure de l’immeuble. Elle justifie avoir alerté le syndic de la copropriété au sein de laquelle se trouve le bien loué. Ainsi, par mail du syndic du 28 novembre 2019, celui-ci a indiqué qu’il n’existait pas d’infiltration mais qu’il s’agissait d’une condensation excessive. Par mail du 6 janvier 2020, le syndic a mis en avant un défaut d’isolation du logement. Le 18 mars 2020, l’expert de la copropriété identifie la cause du sinistre du 25 novembre 2019 de madame [L] [M] comme étant une condensation anormale.
En parallèle, madame [L] [M] a saisi le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne du Var et la caisse d’allocations familiales, en vue d’établir un diagnostic du logement. Le 16 septembre 2020, le diagnostiqueur mandaté, à savoir les compagnons bâtisseurs Provence, a établi un constat de non décence du logement au sujet des équipements électriques et de chauffage, ainsi qu’au titre de l’humidité et de l’aération. Des travaux ont été préconisés : procéder à l’isolation ou à la correction thermique du mur extérieur, réviser le système électrique par un professionnel qualifié, reboucher l’entrée d’air pratiquée dans la porte fenêtre de la cuisine, placer tous les radiateurs sur le mur de façade et s’assurer que la puissance de chauffe est adaptée aux volumes à chauffer. Il est fait état de ce que l’enfant de madame [L] [M], asthmatique, ne peut plus dormir dans la chambre, trop humide. Cet élément est conforté par des certificats médicaux du médecin traitant de l’enfant.
Par courrier du 22 septembre 2020, madame [Z] [N] a contesté le diagnostic posé auprès de la caisse d’allocations familiales et a indiqué avoir mandaté son propre assureur dans le cadre du dégât des eaux déclaré par sa locataire en novembre 2019. Le 4 novembre 2020, la DDTM a adressé un courrier à la mairie lui indiquant que le logement n’était pas insalubre, mais qu’une mise en conformité du logement était nécessaire. Pour autant, aucune mise en demeure n’a été délivrée à madame [Z] [N] par la mairie. Madame [L] [M] a mis en revanche son bailleur en demeure le 10 novembre 2020 de réaliser les travaux et, le 12 novembre 2020, madame [Z] [N] a mis en demeure madame [L] [M] de lui payer les loyers non réglés depuis juillet 2020. A compter de novembre 2020, une mesure de conservation de l’allocation logement a été mise en oeuvre par la caisse d’allocations familiales à raison de l’indécence du logement.
Madame [Z] [N] produit un rapport d’expertise de monsieur [B] du 29 novembre 2021qui exclut toute insalubrité et met en cause principalement l’insuffisance de ventilation de la chambre. Elle produit également un mail de monsieur [C] du 15 septembre 2021, non étayé et donc peu probant.
En tout état de cause, il résulte des diagnostics posés à l’initiative de la DDTM et de la caisse d’allocations familiales que le logement loué par madame [L] [M] n’a jamais été insalubre, de sorte qu’aucune exception d’inexécution avec suspension intégrale du paiement des loyers n’est justifiée.
En revanche, ces mêmes éléments permettent de retenir une indécence du logement du moins à compter de septembre 2020 et jusqu’au 4 novembre 2021. En effet, le 17 décembre 2021, un rapport de la société Soliha, diagnostiqueur de nouveau mandaté par la caisse d’allocations familiales, atteste de la décence du logement, à la suite de la visite de contrôle du 4 novembre 2021, les deux points précédemment mis en cause ayant été résolus. En effet, la société Soliha indique que les travaux demandés ont été vérifiés et rectifiés, si nécessaire. Elle ajoute que la moisissure est due à la condensation.
Dans ces conditions, il convient de rejeter toute demande de suspension du loyer présentée par madame [L] [M], l’ordonnance entreprise étant à ce titre partiellement confirmée.
La décision de séquestre à hauteur de la moitié du loyer prise par le premier juge pendant le temps des travaux s’avère justifiée en ce qu’alors, cette décision fondée sur l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, était opportune et pertinente. Il y a donc lieu à confirmation.
Désormais, au titre de la dette locative provisionnelle et au vu du dernier décompte produit par madame [Z] [N] en pièce 37, il appert que cette dernière détient une créance non sérieusement contestable à l’encontre de sa locataire à hauteur de 6 938 €. En effet, il convient de tenir compte du rappel de paiement de la caisse d’allocations familiales de 1122 € en février 2021 au titre de la période de novembre 2020 à février 2021, à la suite de la mise aux normes du logement, ainsi que cela figure dans le décompte. En revanche, l’allocation logement a depuis lors été suspendue du fait du non paiement du loyer. C’est donc l’intégralité du loyer mensuel, soit 580 € qui doit être mis à la charge de madame [L] [M], et non le reliquat sous déduction de l’allocation logement de 438 € par mois. Il y a lieu également de déduire du décompte établi par madame [Z] [N] les sommes séquestrées par madame [L] [M], soit 1 350 € (270 € justifiés par mois au titre d’août 2021, septembre 2021, novembre 2021, décembre 2021 et janvier 2022).
En définitive, au vu de l’évolution du litige, il convient donc de réformer l’ordonnance entreprise sur le montant de la condamnation provisionnelle mise à la charge de madame [L] [M] et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 6 938 € à valoir sur les loyers impayés arrêtés au 25 février 2022.
Sur la demande de déconsignation des sommes en raison de l’exécution des travaux
Le séquestre de la moitié des loyers a été ordonnée par le premier juge dans l’attente de la réalisation des travaux.
Indépendamment des rapports [C] et [B], partiellement contestés et remis en cause, il convient de retenir le rapport Soliha Provence du 17 décembre 2021, qui intervient à la demande de la caisse d’allocations familiales, en parallèle de la visite initiale ayant justifié la réalisation de travaux. Or, le 17 décembre 2021, il est dressé le constat de la décence du logement avec résolution des problématiques rencontrées.
Dans ces conditions, il doit être considéré que les travaux ont été exécutés, de sorte que la libération des sommes séquestrées entre les mains du bailleur se trouve parfaitement justifiée. Il y sera donc fait droit à hauteur des sommes consignées et pour les seuls mois concernés.
Sur les demandes en paiement provisionnel présentées par madame [L] [M]
Sur la réparation de son préjudice de jouissance
Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’occurrence, l’historique des événements ci-dessus repris établit que pendant deux ans, de novembre 2019 à novembre 2021, madame [L] [M] a subi une humidité importante dans son logement avec moisissures, ayant conduit à considérer les lieux comme indécents. Le fait que des investigations aient été menées hors le contradictoire de madame [Z] [N] n’est pas un obstacle dès lors que la bailleresse a été mise en position de contester les éléments recueillis, ce qu’elle a fait. Certes, madame [Z] [N] n’est pas demeurée totalement inactive, ayant saisi son assureur, mais elle n’a fait procédé aux travaux requis qu’après la condamnation prononcée par le premier juge.
Madame [L] [M] justifie des difficultés de santé de son fils, asthmatique, dans un tel contexte.
La réalité du préjudice de jouissance souffert par madame [L] [M] à raison de l’état des lieux loués est donc établie avec l’évidence requise en référé. Aussi, il appert non sérieusement contestable d’allouer à madame [L] [M] une provision à valoir sur ce préjudice à hauteur de 800 €, l’ordonnance entreprise devant être réformée en ce qu’elle a rejeté cette prétention.
Sur la restitution du dépôt de garantie
Aux termes du bail souscrit entre les parties, madame [L] [M] a versé à madame [Z] [N] un dépôt de garantie de 540 €.
Madame [L] [M] a quitté les lieux le 25 février 2022 et demande le remboursement de celui-ci.
Toutefois, il résulte du procès-verbal de constat d’état des lieux de sortie dressé par huissier de justice, que le bien porte des traces de salissures, que la porte d’entrée présente des éclats, que la peinture est écaillée par endroit, et encore que des convecteurs sont débranchés et abîmés.
Dans ces conditions, il convient de retenir l’existence de contestations sérieuses qui font obstacle à cette demande en remboursement présentée par madame [L] [M].
Sur la remboursement de l’état des lieux de sortie contradictoire
Madame [L] [M] a fait procéder à un état des lieux de sortie par huissier de justice sans justifier que cela soit stipulé dans le cadre du bail liant les parties. De même, elle ne justifie pas d’une opposition de la bailleresse à l’établissement d’un état des lieux de sortie à frais communs.
Dès lors, sa demande en remboursement des frais liés à cet état des lieux se heurte à des contestations sérieuses et ne saurait être satisfaite.
Sur la demande de madame [L] [M] en liquidation de l’astreinte
En l’espèce, force est de constater que le premier juge ne s’est pas expressément réservé la liquidation de l’astreinte qu’il a ordonné pour assurer l’exécution des travaux mis à la charge de la bailleresse. Dès lors, c’est le droit commun qui doit trouver à s’appliquer avec compétence exclusive du juge de l’exécution.
Cette demande ne peut donc qu’être rejetée en ce qu’elle est présentée devant le juge des référés.
Sur la demande de madame [Z] [N] tendant à ordonner à madame [L] [M] de modifier son activité professionnelle
En l’état du départ de madame [L] [M] des lieux loués, cette demande se trouve nécessairement sans objet.
Sur la demande de madame [Z] [N] en réparation de son préjudice moral
Madame [Z] [N] présente une demande non provisionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral sans en expliciter le fondement, ni décrire la réalité du préjudice qu’elle aurait subi.
Aussi, cette demande ne peut qu’être rejetée.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens
L’ordonnance entreprise sera confirmée au titre de la répartition des dépens et des frais irrépétibles.
En revanche, madame [L] [M], qui a pris le risque de l’appel et succombe en grande partie, supportera les dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné madame [L] [M] à payer à titre provisionnel à madame [Z] [N] en derniers et quittances la somme de 3 610 € au titre de l’arriéré des loyers arrêté à avril 2020, et en ce qu’elle a rejeté la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance de madame [L] [M],
Confirme l’ordonnance entreprise en l’ensemble de ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande tendant au constat de la clause résolutoire,
Rejette toute irrecevabilité de la demande de suspension des loyers présentée par madame [L] [M],
Déboute madame [L] [M] de sa demande de suspension du paiement des loyers,
Condamne madame [L] [M] à payer à titre provisionnel à madame [Z] [N] la somme de 6 938 € au titre de l’arriéré des loyers arrêté au 25 février 2022,
Condamne madame [Z] [N] à payer à madame [L] [M] une somme de 800 € à titre de provision à valoir sur son préjudice de jouissance,
Ordonne la déconsignation, au profit de madame [Z] [N], des sommes consignées par madame [L] [M] auprès de la Caisse des dépôts et consignation en exécution de l’ordonnance du 9 juillet 2021,
Dit n’y a voir lieu à référé au titre de la demande de madame [L] [M] en remboursement du montant du dépôt de garantie,
Dit n’y avoir lieu à référé au titre de la prétention de madame [L] [M] tendant au remboursement des frais d’établissement par huissier de justice du procès-verbal d’état des lieux de sortie,
Déboute madame [L] [M] de sa demande tendant à la liquidation de l’astreinte ordonnée par le premier juge,
Dit sans objet la demande de madame [Z] [N] tendant à ordonner à madame [L] [M] de modifier son activité professionnelle,
Déboute madame [Z] [N] de sa demande en réparation de son préjudice moral,
Déboute madame [L] [M] et madame [Z] [N] de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame [L] [M] au paiement des dépens d’appel.
Le Greffier Le Président