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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 23/03/2023
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N° de MINUTE : 23/303
N° RG 21/04917 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T26R
Jugement (N° 21-000107) rendu le 28 Juin 2021 par le tribunal de proximité de Lille
APPELANT
Monsieur [W] [P]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par Me Hélène Cappelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021008926 du 14/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉ
Monsieur [D] [M]
né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 7] ([Localité 7])
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Morgane Kukulski, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 17 janvier 2023 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 décembre 2022
****
Par acte sous seing privé du 9 janvier 2014 à effet du 1er mai 2012, M. [D] [M] a donné à bail à M. [W] [P] un appartement situé [Adresse 6], pour une durée de trois ans, moyennant un loyer mensuel révisable de 660 euros et une provision sur charges de 50 euros.
Se prévalant de loyers et charges impayés, par acte d’huissier du 21 juin 2019, M. [D] [M] a fait délivrer un commandement de payer à M. [W] [P].
Par acte d’huissier du 21 juin 2019, M. [D] [M] a également fait délivrer à M. [W] [P] un congé pour motifs sérieux et légitimes.
Par acte d’huissier du 24 octobre 2019, M. [D] [M] a attrait M. [W] [P] devant le tribunal d’instance de Lille afin de constater la résiliation du bail, d’ordonner son expulsion et de le condamner à une indemnité d’occupation ainsi qu’au paiement de la somme de 1 103,25 euros au titre des loyers et charges impayés, de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts et de la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant jugement réputé contradictoire en date du 28 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille :
– déclaré recevable l’action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail du 9 janvier 2014 souscrit entre M. [D] [M] et M. [W] [P] portant sur un appartement situé [Adresse 6] mais mal fondée,
– validé le congé pour motifs sérieux et légitimes délivré le 21 juin 2019,
– dit que le bail conclu entre les parties le 9 janvier 2014 a expiré le 30 janvier 2020 et que, depuis cette date, M. [W] [P] est déchu de tout titre d’occupation sur le locataire,
– dit qu’à défaut d’avoir libéré les lieux de sa personne, de ses biens, de tous occupants de son chef, deux mois après la notification d’un commandement d’huissier de quitter les lieux, il sera procédé à l’expulsion de M. [W] [P] et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique,
– fixé à la somme de 713,55 euros l’indemnité d’occupation mensuelle,
– condamné M. [W] [P] payer à M. [D] [M] la somme de 713,55 euros par mois au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 30 janvier 2020 et jusqu’à la libération
effective et définitive des lieux,
– débouté les parties pour toutes les autres demandes,
– condamné M. [W] [P] à payer à M. [D] [M] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [W] [P] aux entiers dépens, en ce compris les frais du congé donné pour motifs sérieux et légitimes,
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
M. [W] [P] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 20 septembre 2021, déclaration d’appel critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise.
M. [P] a fait signifier à M. [M] sa déclaration d’appel par acte d’huissier du 9 novembre 2021.
M. [D] [M] a constitué avocat en date du 15 novembre 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2022, M. [P] demande la cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 18 octobre 2021 en ce qu’il a déclaré recevable l’action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail du 9 janvier 2014 souscrit entre M. [M] et M. [P] portant sur un appartement situé [Adresse 6] mais mal fondée, validé le congé pour motifs sérieux et légitimes délivré le 21 juin 2019, dit que le bail conclu entre les parties le 9 janvier 2014 a expiré le 30 janvier 2020 et que, depuis cette date, M. [P] est déchu de tout titre d’occupation sur le local loué, dit qu’à défaut d’avoir libéré les lieux de sa personne, de ses biens, de tous occupants de son chef, deux mois après la notification d’un commandement d’huissier de quitter les lieux, il sera procédé à l’expulsion de M. [P] et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique, fixé à la somme de 713,55 euros l’indemnité d’occupation mensuelle, condamné M. [P] à payer à M. [M] la somme de 713,55 euros par mois au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 30 janvier 2020 et jusqu’à la délibération effective et définitive des lieux, débouté les parties pour toutes les autres demandes, condamné M. [P] à payer à M. [M] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné M. [P] aux entiers dépens, en ce compris les frais du congé donné pour motifs sérieux et légitimes,
Statuant à nouveau :
– condamner M. [M] à payer la somme de 433,91 euros à M. [P] au titre de la régularisation de charges avec intérêts au taux légal,
– condamner M. [M] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros pour trouble de jouissance,
– débouter M. [M] de sa demande de résiliation du bail et d’expulsion ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [M] à transmettre les quittances de loyers depuis la signature du bail sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard,
– condamner M. [M] à payer à M. [P] 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure téméraire et abusive et 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2022, M. [D] [M] demande à la cour de :
– confirmer le jugement intervenu devant le juge des contentieux de
la protection du tribunal judiciaire de Lille en date du 28 juin 2021 notamment en ce qu’il a validé le congé pour motifs sérieux et légitimes délivré le 21 juin 2019, dit que le bail conclu entre les parties le 9 janvier 2014 a expiré le 30 janvier 2020 et que, depuis cette date M. [P] est déchu de tout titre d’occupation sur le local loué, dit qu’à défaut d’avoir libéré les lieux de sa personne, de ses biens, de tous occupants de son chef, deux mois après la notification d’un commandement d’huissier de quitter les lieux, il sera procédé à l’expulsion de M. [P] et à celle de tous occupants de son chefs avec l’assistance de la force publique, fixé à la somme de 713,55 euros l’indemnité d’occupation mensuelle, condamné M. [P] à payer à M. [D] [M] la somme de 713,55 euros par mois au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 30 janvier 2020 et jusqu’à la libération effective et définitive des lieux, condamné M. [P] aux entiers dépens, en ce comprises frais du congé donné pour motifs sérieux et légitimes,
– recevoir M. [M] en son appel incident et le déclarer bien fondé,
– réformer le jugement intervenu le 28 juin 2021 en ce qu’il a débouté les parties pour toutes les autres demandes, limité la condamnation de M. [W] [P] à la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
– débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre principal,
– constater la résiliation du bail d’habitation par l’effet du jeu de la clause résolutoire du commandement de payer du 21 juin 2019,
A titre subsidiaire,
– valider le congé pour motifs sérieux et légitimes délivré le 21 juin 2019,
En tout état de cause,
– ordonner l’expulsion de M. [P] ainsi que celle de toute personne dans les lieux de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu,
– dire que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L433-1 et R433-2 du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner M. [P] paiement de la somme de 1 190,60 euros correspondant aux sommes dues au titre de l’arriéré locatif échu au 1er décembre 2019 outre les intérêts au taux légal au visa de l’article 1231-6 du code civil,
– le condamner au paiement de la somme de 99 euros au titre de l’entretien de la chaudière,
– le condamner au paiement de la somme de 55,05 euros au titre de la régularisation de charges de l’année 2019,
– le condamner au paiement de la somme de 179,50 euros au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères de l’année 2020,
– condamner M. [P] au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au visa de l’article 1231-3 du code civil avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir au visa de l’article 1231-6 du même code,
– le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers frais et dépens de l’instance.
Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Les sommes réclamées doivent être réellement dues et suffisamment détaillées.
En l’espèce, alors que le contrat de bail régularisé par les parties comportent une clause résolutoire pour défaut de paiement du loyer et des charges, M. [M] a fait signifier à M. [P], par acte d’huissier de justice en date du 21 juin 2019, un commandement de payer les loyers pour un montant de 985,81 euros.
Le décompte annexé à cet acte fait mention d’impayés au titre du paiement de la taxe d’ordures ménagères pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 ainsi qu’au titre de provisions sur charges pour un montant mensuel de 3,55 euros.
M. [M] soutient que cette somme de 3,55 euros correspond en réalité aux augmentations de loyer par le jeu de la variation indiciaire pour les années 2015 à 2017 qui n’ont jamais été réglées par le locataire.
Il résulte de la clause d’indexation insérée au contrat de bail que ‘le loyer sera révisé chaque année au 1er du mois d’entrée dans les lieux en fonction de la variation de l’Irl publié par l’Insee. La révision s’effectuera sans préavis en appliquant au loyer en cours, le rapport existant entre l’Irl du 3ème trimestre qui s’est élevé à 124,66 et l’Irl du même trimestre de l’année de révision’.
En outre, le contrat de bail prévoit au titre des charges:
‘ Accessoirement au loyer, le locataire remboursera au bailleur sa quote-part dans les charges locatives qu’il avance pour son compte et récupérables sur les locataires (exemple les ordures ménagères).
Une provision de 50,00€ (cinquante euros) pour la participation aux charges d’électricité et d’eau sera versée par le locataire au propriétaire ou à son mandataire tous les mois et lors de chaque paiement de terme de loyer et un décompte sera établi en fin d’année.’
Toutefois, il convient de relever que la seule mention figurant sur le décompte annexé au commandement de payer indiquant: ‘provisions charges’ ainsi que le mois concerné ne permet pas au locataire de vérifier tant la réalité que le quantum de la créance concernée alors même que le bailleur ne conteste pas que le libellé figurant sur le décompte correspond à une erreur informatique, de nature à induire le locataire en erreur, et qu’aucun détail n’est fourni quant aux modalités de calcul, notamment sur l’indice applicable.
De la même manière, si M. [M] soutient que M. [P] ne peut se prévaloir de l’incompréhension du décompte du commandement de payer alors qu’il a été destinataire d’un courrier en date du 12 décembre 2018 établi par le cabinet Dupond, en charge de la gestion locative, force est de constater que ce courrier fait état d’une créance d’un montant de 1 011,46 euros ‘pour des soldes loyers (augmentation)’ mais comporte en annexe un décompte détaillé comprenant la même erreur dans le libellé des sommes réclamées à ce titre, soit ‘provisions charges’ sans qu’aucune précision ne soit fournie sur la nature exacte des sommes réclamées à ce titre.
Dès lors, compte tenu de l’absence de précision suffisante quant à la nature et au montant des sommes réclamées au titre des provisions sur charges, le commandement de payer délivré par acte d’huissier de justice en date du 21 juin 2019 n’est pas valable.
Par ailleurs, en l’absence de justificatifs suffisants produits aux débats, il y a lieu de rejeter la demande de M. [M] tendant au règlement de l’arriéré locatif.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la demande de validité du congé pour motifs sérieux et légitimes
Aux termes des dispositions de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Il résulte des dispositions de l’article 15-I de la moi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire, depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur. (…) En cas de contestation, le juge peut même d’office, vérifier la réalité du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieuxet légitimes.
Enfin, l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire est obligé:
a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire;
b) D’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement;
d) De prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. (…)
En l’espèce, par acte d’huissier de justice en date du 21 juin 2019, M. [M] a fait délivrer à M. [P] un congé pour motifs sérieux et légitimes pour le 30 janvier 2020, visant les éléments suivants:
– impayés de charges,
– défaut de communication des justificatifs d’entretien de la chaudière depuis 2015,
– non entretien des espaces verts et dépôts d’objets dénaturant le site,
– utilisation de parties privatives du voisinage (emplacement du stationnement, garage, 2ème garage encombré).
Alors qu’il y a lieu de vérifier si les motifs invoqués par le bailleur aux termes du congé constituent des motifs sérieux et légitimes justifiant la validation du congé et la résiliation du bail, c’est à juste titre que le premier juge a retenu concernant l’impayé de charges invoqué que M. [P] justifie s’être acquitté du paiement de la provision sur charges stipulée au contrat de bail et que le bailleur ne justifie pas avoir adressé une mise en demeure préalable à la délivrance du congé et concernant le défaut de communication des justificatifs d’entretien de la chaudière, que M. [P] justifie avoir procédé à l’entretien de la chaudière pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019 en produisant aux débats les factures acquittées, ces griefs ne constituant pas des motifs sérieux et légitimes justifiant le prononcé de la résiliation du bail.
Concernant les deux autres motifs invoqués concernant le non entretien des espaces verts et dépôts d’objets dénaturant le site et utilisation de parties privatives du voisinage, il résulte des termes du contrat de bail que celui-ci a pour objet: ‘un appartement de plain pied à usage d’habitation d’une superficie d’environ 70m² sis dans l’immeuble [Adresse 6] comprenant couloir avec placard – cuisine équipée (détails sur état des lieux) ouverte sur salon avec cheminée feu de bois – salle de bains – wc – 2 chambres – cave – chauffage gaz. Garage + dépendances dont la jouissance est au 2 locations’.
En outre, le contrat précise aussi en page 8 que ‘Accord entre le propriétaire et le locataire: le propriétaire donne son accord suite à la demande de M. [P], que le locataire ait la jouissance d’une place de parking et l’intégralité de la partie ‘stockage’ du garage en échange de quoi M. [P] entretiendra en bon état l’intégralité des espaces verts (tonte de la pelouse, échenillage des arbres…).’
M. [P] soutient qu’à la suite du départ des locataires du 1er étage, il était seul dans l’immeuble et pouvait donc jouir de tout l’espace de stationnement et que le bailleur ne pouvait pas entreposer des objets et effets personnels dans le garage de ses locataires.
Il résulte du procès-verbal de constat établi par acte d’huissier de justice en date du 27 novembre 2019 que de nombreux objets étaient entreposés dans le garage autour du véhicule appartenant à M. [M] présent sur la partie gauche et qu’un sèche-linge est placé derrière le véhicule l’empêchant de sortir du garage. En outre, l’huissier de justice constate la présence de deux véhicules stationnés sur l’emplacement loué par M. [P], à savoir un camping-car de marque Fiat et un véhicule Peugeot 406 ainsi que la présence dans le jardin de plusieurs brouettes et matériaux, celle d’un mont de pneus, une trentaine de pneus étant entreposée dans le jardin ainsi que des enjoliveurs et diverses pièces automobiles ainsi que celle d’une remorque.
Aux termes d’un autre procès-verbal de constat établi le 15 septembre 2020, l’huissier de justice a noté notamment la présence à l’extérieur de plusieurs piles de pneumatiques et de parties déchirées de mobilier en résine et a relevé que la haie n’est pas taillée et que le jardin n’est pas entretenu.
Si M. [P] produit aux débats des photographies en date du 15 mars 2021 sur lesquelles apparaissent que les espaces verts ont été entretenus, le bailleur produit aux débats un procès-verbal de constat établi le 11 février 2022 aux termes duquel l’huissier de justice note la présence dans le garage d’un scooter stationné derrière le véhicule appartenant à M. [M] ainsi que la présence autour du véhicule de housses, de morceaux de bois et de caisses en pvc ainsi que celle dans le jardi,n de deux brouettes dont les pneus sont dégonflés et de nombreux matériels de construction. En outre, il est noté que le sentier est partiellement recouvert de branchages et d’herbe, que le lierre se propage sur le bâtiment et que le jardin n’est pas entretenu, la haie n’étaient pas taillée.
Le premier juge a justement relevé que si le bail met à disposition de M. [P] une place de parking et l’intégralité de la partie ‘stockage’ du garage, il doit nécessairement s’agir d’une jouissance paisible de ces espaces alors même que l’accumulation d’objets et la présence d’une machine à laver puis d’un scooter derrière le véhicule appartenant à M. [M] en empêche tout usage.
De la même manière, la présence de nombreux mobiliers et engins hétéroclites dans le jardin ne constitue pas un usage paisible des lieux loués, les photographies et attestations produites par M. [P] en cause d’appel étant insuffisantes à en rapporter la preuve contraire.
Ainsi, alors que les procès-verbaux de constat produits aux débats relèvent la présence de divers objets de taille importante entreposés dans le garage, notamment de deux brouettes, d’une pile de pneus et d’une remorque ainsi que le défaut d’entretien des espaces verts, contrepartie prévue au contrat à la jouissance paisible de la moitié du garage et de l’espace de stockage, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que ces manquements sont suffisamment graves et renouvelés pour constituer un motif sérieux et légitime justifiant la validation du congé délivré le 21 juin 2019, M. [P] étant dès lors occupant sans droit ni titre depuis le 30 janvier 2020.
La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Elle sera en outre confirmée en ce qu’elle a prononcé l’expulsion de M. [P] ainsi que de celle de tout occupant de son chef avec, au besoin, le concours de la force publique, ainsi que sa condamnation au paiement de la somme d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 30 janvier 2020 et jusqu’à la libération complète des lieux loués.
Sur les demandes en paiement formées par M. [M]
– Sur la somme de 55 euros au titre de la régularisation des charges pour l’année 2019
M. [M] soutient qu’alors que l’immeuble lui appartenant comprend deux logements dont le rez-de-chaussée est loué à M. [P], il a choisi une clé de répartition des factures Edf de 30% dans la mesure où l’appartement à l’étage est chauffé électriquement et celui occupé par M. [P] est chauffé au gaz.
C’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’alors qu’il n’est pas justifié de la surface des deux logements ni du nombre de personnes occupant ces logements, le mode de calcul des charges exposé par M. [M] ne permet pas de déterminer si les charges retenues correspondent à la consommation réelle du locataire qui a fait installer son propre compteur individuel.
Ainsi, en l’absence de preuve de la réalité de la créance alléguée et de son montant, il y a lieu de rejeter la demande de M. [M] de ce chef, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
– Sur la demande en paiement de la somme de 99 euros au titre de l’entretien de la chaudière
Si M. [P] produit aux débats les factures relatives à l’entretien de la chaudière pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019, force est de constater qu’il ne justifie pas avoir réalisé cet entretien au titre de l’année 2020, M. [M] produisant quant à lui une facture acquittée à ce titre en date du 28 février 2020.
Dès lors, il y a lieu de condamner M. [P] à payer à M. [M] la somme de 99 euros au titre de la facture d’entretien de la chaudière pour l’année 2020, la décision entreprise étant infirmée sur ce point.
– Sur la demande en paiement de la somme de 179,50 euros au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2020
En l’espèce, le contrat de bail prévoit au titre des charges:
‘ Accessoirement au loyer, le locataire remboursera au bailleur sa quote-part dans les charges locatives qu’il avance pour son compte et récupérables sur les locataires (exemple les ordures ménagères).
Une provision de 50,00€ (cinquante euros) pour la participation aux charges d’électricité et d’eau sera versée par le locataire au propriétaire ou à son mandataire tous les mois et lors de chaque paiement de terme de loyer et un décompte sera établi en fin d’année.’
Il résulte des pièces justificatifs produites aux débats par M. [M] que M. [P] reste redevable de la somme de 179,50 euros au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2020 dont le règlement a été sollicité le 12 octobre 2020.
Alors que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’est pas comprise dans la provision sur charges dont s’acquitte mensuellement le locataire et que M. [P] ne rapporte pas la preuve de sa libération, il y a lieu de le condamner à payer cette somme à M. [M], le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
Sur la demande de M. [P] tendant à la condamnation de M. [M] au titre de la régularisation des charges
Force est de constater que M. [P] ne justifie pas de la réalité de sa créance, ayant installé un compteur individuel à partir duquel il déclare de manière péremptoire ses consommations ainsi que l’a justement relevé le premier juge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de ce chef.
Sur la demande de M. [P] tendant à la communication des quittances de loyer
Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
L’article 566 du même code dispose que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.
En cause d’appel, M. [P] sollicite la condamnation du bailleur à transmettre les quittances de loyers depuis la signature du bail sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il convient de relever que cette demande constitue l’accessoire des demandes présentées par M. [P] dans le cadre du présent litige, s’agissant de la délivrance de quittances de loyer, et sera donc déclarée recevable.
En outre, alors que la délivrance de quittances de loyer ne s’analyse pas en une action dérivant du contrat de bail à laquelle s’applique la prescription prévue par l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et que le locataire justifie avoir effectué une demande auprès du bailleur, restée sans réponse depuis le mois de mai 2022, il y a lieu de faire droit à sa demande en condamnant M. [M] à délivrer les quittances de loyer depuis la signature du bail sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification du présent arrêt.
Le jugement entrepris sera donc complété sur ce point.
Sur les demandes indemnitaires
Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l’espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de l’intiméayant dégénéré en abus, et le jugement du tribunal sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre à l’encontre de M. [M].
En outre, si M. [P] invoque l’existence d’un préjudice de jouissance résultant de l’inconfort du logement dont il fait valoir qu’il est mal isolé tant phoniquement que thermiquement, force est de constater que les seules attestations produites aux débats sont insuffisantes à démontrer la réalité de ces désordres, en l’absence de tout élément objectif produit aux débats.
M. [P] sera donc débouté de sa demande à ce titre, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
De la même manière, M. [M] ne justifie pas d’un comportement de l’appelant ayant dégénéré en abus de sorte qu’il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts, la décision déférée étant complétée sur ce point.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [P], partie perdante, sera condamné à supporter les dépens d’appel.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celle déboutant les parties pour toutes les autres demandes,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Condamne M. [W] [P] à payer à M. [D] [M] la somme de 99 euros au titre de la facture d’entretien de la chaudière pour l’année 2020,
Condamne M. [W] [P] à payer à M. [D] [M] la somme de 179,50 euros au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2020,
Condamne M. [D] [M] à communiquer les quittances de loyer à M. [W] [P] depuis la signature du bail et ce sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, cette astreinte courant pendant un délai de trois mois ;
Déboute M. [W] [P] de ses autres demandes,
Déboute M. [D] [M] de ses autres demandes,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
Condamne M. [W] [P] aux dépens d’appel.
Le Greffier
Harmony Poyteau
Le Président
Véronique Dellelis