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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 22 Septembre 2022
N° RG 22/00477 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G6DE
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de BONNEVILLE en date du 08 Mars 2022, RG 21/00881
Appelante
Mme [V] [Z]
née le 31 Juillet 1975 à [Localité 3] – MAROC ([Localité 3]), demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Sophie ALONSO, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C73065-2022-001025 du 02/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)
Intimée
S.C.I. B2L, dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL CHRISTINAZ PESSEY-MAGNIFIQUE, avocat au barreau de BONNEVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 05 juillet 2022 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Selon commandement du 23 octobre 2019, une procédure de saisie immobilière a été mise en oeuvre à l’encontre de M. [B] [Z].
Par jugement du 7 janvier 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a adjugé à la société B2L le bien saisi, soit une maison d’habitation située à [Localité 4].
Le 21 juillet 2021, la société B2L a fait signifier à M. [B] [Z], débiteur saisi, un commandement de quitter les lieux.
Par acte du 26 août 2021, Mme [V] [Z], soeur du débiteur saisi, se prévalant d’un bail d’habitation du 1er août 2020, a fait citer la société B2L afin, à titre principal, que la nullité du commandement de quitter les lieux soit prononcée, et subsidiairement que des délais pour libérer les lieux lui soient accordés.
Par jugement du 8 mars 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a :
– déclaré irrecevable la demande de Mme [V] [Z] tendant à obtenir la nullité du commandement de quitter les lieux et l’a rejetée,
– rejeté la demande tendant à ce que l’expulsion de Mme [Z] soit ordonnée,
– rejeté les demandes de délais de Mme [Z],
– rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure d’exécution abusive,
– condamné Mme [Z] aux dépens et à payer à la société B2L la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 mars 2022, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 30 mars 2022, l’affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée le 18 octobre 2022.
Mme [Z] a conclu le 7 avril 2022, en demandant notamment à la cour à titre principal d’infirmer le jugement déféré pour manquement au principe du contradictoire.
La société B2L a conclu le 6 mai 2022.
Mme [Z] a par ailleurs agi en référé afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire.
Par ordonnance du 16 juin 2022, la première présidente de cette cour a :
– rejeté la demande de sursis à exécution présentée par Mme [Z],
– au visa de l’article 917 du code de procédure civile, dit que l’affaire sera appelée par priorité à l’audience du 5 juillet 2022,
– condamné Mme [Z] aux dépens et à payer à la société B2L la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon assignation à jour fixe en date du 27 juin 2022, la société B2L a fait citer Mme [Z] pour le 5 juillet 2022.
Cette assignation a été remise au greffe pour enrôlement le 28 juin 2022.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 30 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [Z] demande à la cour de :
‘ à titre principal, dire et juger que le jugement déféré est nul eu égard au non-respect du contradictoire,
‘ à titre subsidiaire, réformer le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande tendant à ce que son expulsion soit ordonnée et en conséquence,
– déclarer ses demandes recevables et bien-fondées,
– déclarer que la société B2L ne dispose pas d’un titre à son encontre,
– déclarer nul et de nul effet, ainsi qu’inopposable, à son égard, le commandement de quitter les lieux du 21 juillet 2021,
– débouter la société B2L de l’ensemble de ses demandes contraires,
– dire et juger que les droits de la société B2L ne sont pas en péril,
‘ à titre infiniment subsidiaire,
– proroger le délai prévu à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution de trois mois
– lui accorder les plus larges délais, soit trois ans, aux fins d’obtenir un relogement dans des conditions normales,
‘ en tout état de cause,
– dire et juger qu’elle bénéficie d’une aide juridictionnelle totale,
– débouter la société B2L de toutes ses demandes,
– condamner la société B2L :
. à lui régler la somme de 1 000 euros, compte tenu de la procédure d’exécution abusive menée à son encontre,
. aux entiers dépens, y compris ceux relatifs à la première instance.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 22 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la SCI B2L demande à la cour de :
‘ dire n’y avoir lieu d’examiner le grief formulé par Mme [Z] au titre de la prétendue violation du principe du contradictoire par le premier juge et subsidiairement rejeter comme étant irrecevable et en tout cas non fondée la demande de nullité dudit jugement, formulée par l’appelante postérieurement à la notification de ses premières conclusions,
‘ confirmant le jugement entrepris,
– rejeter comme étant irrecevable la demande de Mme [Z] tendant à obtenir la nullité du commandement de quitter les lieux signifié le 21 juillet 2021,
– débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses prétentions,
‘ ajoutant au jugement entrepris,
– préciser que le jugement d’adjudication du 7 janvier 2021 vaut titre d’expulsion à l’égard du saisi et de tous occupants de son chef, dont Mme [Z],
– condamner Mme [Z] :
. aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la Selurl Bollonjeon, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
. à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
Plaidée à l’audience du 5 juillet 2022, l’affaire a été mise en délibéré à ce jour.
Le 18 juillet 2022, Mme [Z] a pris l’initiative d’une note en délibéré que la cour n’avait ni sollicitée, ni autorisée et dont la société B2L a demandé qu’elle soit rejetée par message électronique du 21 juillet 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la note en délibéré produite par Mme [Z]
Aux termes de l’article 445 du code de procédure civile, les parties ne peuvent, après la clôture des débats, déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président.
En application de ce texte, la note en délibéré produite par l’appelante le 18 juillet 2022 est irrecevable.
Sur l’annulation du jugement déféré
L’article 542 du code de procédure civile énonce que l’appel tend à la réformation ou à l’annulation par la cour d’appel d’un jugement rendu par une juridiction du premier degré.
Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, la déclaration d’appel doit mentionner notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement.
Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement.
En l’espèce, dans son unique déclaration d’appel du 20 mars 2022, Mme [Z] a indiqué que son appel était limité aux 5 chefs du jugement déféré :
– ayant déclaré irrecevable sa demande tendant à obtenir la nullité du commandement de quitter les lieux et l’ayant rejetée
– ayant rejeté ses demandes de délais,
– ayant rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure d’exécution abusive,
– l’ayant condamnée à payer à la société B2L la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– l’ayant condamnée aux entiers dépens.
L’effet dévolutif de l’appel étant attaché au seul contenu de la déclaration d’appel et ne pouvant pas être modifié par les conclusions, la cour n’est, en l’espèce, pas saisie d’une demande d’annulation du jugement.
Sur les demandes tendant à l’annulation et à l’inopposabilité du commandement de quitter les lieux
Le commandement de quitter les lieux du 21 juillet 2021 a été délivré à M. [B] [Z], sur le fondement du jugement d’adjudication du 7 janvier 2021 et il vaut à l’égard de M. [Z] lui-même et de toutes personnes occupantes de son chef.
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
‘ En ce qu’elle soutient que ce commandement ne lui est pas opposable car elle n’est pas occupante du chef de son frère, mais occupante en vertu du bail qu’il lui a consenti le 1er août 2020, Mme [V] [Z] justifie tout à la fois de son intérêt et de sa qualité à agir.
Toutefois, le bail dont elle se prévaut étant postérieur au commandement du 23 octobre 2019, il est, en application de l’article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution, inopposable à la société B2L.
A cet égard, il importe peu que l’appelante ait eu, ou non, connaissance de la procédure de saisie immobilière au moment de la signature du bail.
Par ailleurs, le fait que la société B2L ait eu connaissance de l’occupation de la maison par Mme [Z], avant même de s’en porter acquéreur, est sans incidence dès lors qu’il n’est ni soutenu, ni a fortiori démontré, qu’elle savait que cette occupation était fondée sur un bail.
En conséquence, il convient de déclarer Mme [Z] recevable en sa demande d’inopposabilité du commandement de quitter les lieux du 21 juillet 2021 mais de l’en débouter dès lors que du fait de l’inopposabilité de son bail à la société B2L, elle est occupante des lieux du chef de son frère.
‘ En ce qu’elle soutient que le commandement est nul, Mme [Z] dispose d’un intérêt à agir qui n’est pas discuté et dans la mesure où son frère n’est pas dans la même situation qu’elle, elle a seule qualité pour agir pour la défense de ses propres intérêts.
En conséquence, elle est également recevable en sa demande tendant à l’annulation du commandement.
Elle soutient que la société B2L ne dispose d’aucun titre à son encontre. Toutefois, il résulte des dispositions des articles L. 322-13 et R. 322-64 du code des procédures civiles d’exécution que le jugement d’adjudication constitue un titre d’expulsion à l’encontre du débiteur saisi et de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit opposable à l’adjudicataire. Or, il a été retenu ci-dessus que le bail dont se prévaut Mme [Z] n’est pas opposable à la société B2L et qu’elle est donc occupante des lieux litigieux du chef de son frère.
Il convient en conséquence de débouter Mme [Z] de sa demande tendant à l’annulation du commandement de quitter les lieux du 21 juillet 2021.
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Cette demande est fondée sur les dispositions des articles L. 412-1 à L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution, qui sont applicables en l’espèce, malgré l’inopposabilité du bail de Mme [Z] à la société B2L.
Mme [Z] justifie être au bénéfice du RSA et avoir encore l’un de ses deux enfants à charge.
Si elle indique vivre seule, il ressort d’un certain nombre de pièces du dossier, notamment du procès-verbal de visite des lieux saisis en date du 28 décembre 2020 que son compagnon, sur la situation duquel elle est muette, occupe également les lieux litigieux.
Par ailleurs, alors que le commandement de quitter les lieux est du 21 juillet 2021 et que Mme [Z] a saisi le premier juge par acte du 26 août 2021, elle ne produit aucun élément permettant de savoir, si et dans quel délai, sa demande de logement social -renouvelée le 9 août 2021 et suivie le 18 août 2021 d’un rendez-vous qu’elle a honoré- peut aboutir. Il ne ressort ainsi d’aucune des pièces du dossier qu’un délai de trois ans sera nécessaire.
Pour sa part, la société B2L justifie que la maison occupée par Mme [Z] a une valeur locative de l’ordre de 1 200 à 1 300 euros, ce qui correspond à l’échéance mensuelle de remboursement du crédit immobilier qu’elle a souscrit pour les besoins de son acquisition. Or, il résulte des pièces produites au dossier que Mme [Z] lui verse spontanément une somme mensuelle de 700 euros qu’elle ne reçoit qu’au titre d’une indemnité d’occupation.
Dans ces circonstances, eu égard notamment aux délais dont Mme [Z] a, de fait, déjà bénéficié, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande.
Sur la demande indemnitaire pour procédure d’exécution abusive
Il résulte de tout ce qui précède que la procédure mise en oeuvre par la société B2L aux fins de libération des lieux qui lui ont été adjugés en janvier 2021 n’est nullement abusive.
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [Z].
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel doivent être mis à la charge de Mme [Z], avec application en cause d’appel de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat postulant de l’intimée.
Ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.
Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile sont réunies en faveur de la société B2L. Dans les circonstances particulières de l’espèce et malgré la situation économique de Mme [Z], elle sera condamnée à payer à l’intimée une somme globale de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS, après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare irrecevable la note en délibéré produite le 18 juillet 2022 par Mme [V] [Z],
Dit que l’appel ne tend pas à l’annulation du jugement rendu le 8 mars 2022 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville,
Réformant partiellement le jugement déféré mais statuant à nouveau sur le tout pour davantage de clarté, et ajoutant,
Déboute Mme [V] [Z] de toutes ses demandes,
Rappelle qu’en vertu des dispositions des articles L. 322-13 et R. 322-64 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication du 7 janvier 2021 constitue un titre d’expulsion à l’encontre de Mme [V] [Z], occupante du chef du débiteur saisi, n’ayant aucun droit opposable à la société B2L,
Condamne Mme [V] [Z] à payer à la SCI B2L la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [V] [Z] aux dépens de première instance et d’appel,
Autorise Maître Audrey Bollonjeon de la Selurl Bollonjeon à recouvrer directement à l’encontre de Mme [Z], les dépens d’appel dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,
Dit que tous les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.
Ainsi prononcé publiquement le 22 septembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller en remplacement de la Présidente légalement empêchée et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La GreffièreP/La Présidente